Aborigènes : A la rencontre du Temps du Rêve avec Vanessa Escalante
Qu'est-ce que le Temps du Rêve chez les Aborigènes d'Australie ? Quelle est la vraie nature des songlines ? Pourquoi ce peuple attache-t-il tant d'importance à la peinture ? Peut-on s'inspirer de leur système de parenté avec tout le Vivant pour rééquilibrer nos vies ? Dans cette interview, Vanessa Escalante, documentariste, écrivain et peintre, évoque ses longues années de vie auprès des clans aborigènes, et les bouleversements que leur contact a provoqué dans sa manière de voir le monde.
Qu'est-ce que le Temps du Rêve chez les Aborigènes d'Australie ? Quelle est la vraie nature des songlines, ces chants qui leur permettent de se déplacer dans leur immense territoire sans jamais se perdre ? Pourquoi ce peuple attache-t-il tant d'importance à la peinture ? Peut-on s'inspirer de leur système de parenté avec tout le Vivant pour rééquilibrer nos vies ?
Dans cette interview, Vanessa Escalante, documentariste, écrivain et peintre, évoque ses longues années de vie auprès des clans aborigènes, et les bouleversements que leur contact a provoqué dans sa manière de voir le monde. Écoute profonde, immersion totale dans l'instant présent, éveil de facultés artistiques insoupçonnées... Grâce à sa patience et à sa ténacité, les Aborigènes ont accepté de partager des enseignements et des rites très peu connus avec cette aventurière, qu'elle transmet aujourd'hui à son tour dans son dernier livre, Les Messagers du Rêve.
Entre partage de vécu intime, exploration dense de certains concepts clés des traditions aborigènes et philosophie anti-capitaliste, notre discussion nous amène à redéfinir ce qui nous relie à l'ensemble du Vivant, pour qui nous ne sommes en définitive qu'une brève mélodie, au cœur d'une symphonie infinie...
Les thèmes abordés avec Vanessa Escalante
Est-ce indispensable d’aller à la rencontre des Aborigènes sur leurs terres pour vraiment pénétrer leurs enseignements ?
L’Australie, était-ce un rêve depuis toujours ?
Créer des documentaires et écrire des livres au sujet des Aborigènes, est-ce une manière de sauvegarder leur savoir, de tenter de les sauver, ou bien de nous sauver, nous, Occidentaux ?
Être au contact des Aborigènes éveille-t-il en nous la dimension poétique de la connaissance ?
Dadirri, l’écoute profonde.
Comment ramener le Dadirri dans le mode de vie occidental ?
La vraie nature de l’énergie créatrice.
Le Temps du Rêve.
Kinship, le système de parenté aborigène.
La Loi aborigène et ses nombreux codes de conduite est-elle étouffante pour la communauté ?
La fascination occidentale envers les peuples racines.
Le Serpent chez les Aborigènes.
Et si chaque être vivant était une petite mélodie de la grande symphonie de la Vie ?
Peindre revient-il à devenir à son tour créateur de la réalité, à l’image des êtres mythiques du Temps du Rêve ?
L’Art sacré.
Ayahuasca et Plantes Maîtresses : Le Top des articles du blog !
Que vous soyez en quête d’informations pratiques pour comprendre la médecine des plantes chamaniques, d’une façon globale ou au contraire ultra précise, intrigué par les récits d’expérience personnelle de diète de plantes, voire friand d’œuvres fictionnelles inspirées par l’Ayahuasca, avide d’idées de lecture sur le chamanisme ou à la recherche de vidéos sérieuses sur le sujet, ce Dossier Complet Ayahuasca & Plantes Maîtresses devraient combler toutes vos attentes…
Un dossier complet sur l’Ayahuasca et les Plantes Maîtresses, regroupant les articles phare du site, régulièrement enrichi de nouveau contenu et facile à consulter en un clic, ça vous tente ?
A l’heure où j’écris ces lignes, ça fait 5 ans que je tiens ce blog. Fidèle reflet de mon parcours auprès des plantes sacrées, de mes passions, de mes expériences, de mes recherches et de mes découvertes, ses archives commencent à déborder… et je me rends compte que ça doit être duraille de mettre la main rapidement sur les infos les plus pertinentes pour vous, de dénicher l’article qui répondra sans détour à vos questions brûlantes sur les aspects les plus spécifiques du chamanisme, ou encore de retrouver celui que vous aviez tant apprécié il y a longtemps, sans vous souvenir de son titre…
Comment remédier à ce problème ? Avec un TOP où les articles les plus emblématiques de la section chamanisme sont présentés en quelques mots, histoire d’aller à l’essentiel.
Que vous soyez en quête d’informations pratiques pour comprendre la médecine des plantes chamaniques, d’une façon globale ou au contraire ultra précise, intrigué par les récits d’expérience personnelle de diète de plantes, voire friand d’œuvres fictionnelles inspirées par l’Ayahuasca, avide d’idées de lecture sur le chamanisme ou à la recherche de vidéos sérieuses sur le sujet, ce Dossier Complet Ayahuasca & Plantes Maîtresses devraient combler toutes vos attentes…
DANS CE TOP SPÉCIAL CHAMANISME, VOUS TROUVEREZ :
Des articles de fond pour comprendre le chamanisme péruvien
Un répertoire des Plantes Maîtresses d’Amazonie
Une FAQ Ayahuasca
Des vidéos et des conférences
Des tas d’idées de lecture
Des œuvres imaginaires inspirées par l’univers des plantes sacrées
Des récits d’expériences vécues dans la selva
A la découverte des esprits de la forêt amazonienne
La santé et la maladie dans le paradigme shipibo
La médecine physique, énergétique et spirituelle des plantes sacrées d’Amazonie
Les 4 types de plantes et leurs usages : plantes de purification, plantes visionnaires, plantes maîtresses et plantes de contention
Les 3 étapes clés du protocole thérapeutique avec les plantes
Restaurer le principe vital de l’être humain
Le rôle central du Tabac au cœur du chamanisme amazonien
Le mariri et les fléchettes de sorcellerie
Les 3 procédés thérapeutiques majeurs des Shipibo : chupada, soplada, arcanas
Comprendre la vraie nature des icaros
Les kené et Ronin, l’Anaconda mythique des Shipibo
L’éclosion intérieure du jardin cosmique
S’hybrider avec une plante maîtresse
Reconnaître la manifestation de l’esprit d’une plante
La diète de guérison et ses 3 phases : nettoyage, apprentissage, intégration
La diète initiatique
Qu’est-ce qu’une diète tordue ou croisée ?
La sorcellerie
Les règles alimentaires d’une diète de plantes
Les règles comportementales d’une diète de plantes
Bienvenue dans l’univers fascinant des Plantes Maîtresses d’Amazonie ! Régulièrement étoffé et mis à jour suite à l’approfondissement de mon apprentissage et mes nouvelles découvertes, cet index présente chaque plante enseignante avec :
sa photo
son nom latin
sa posologie
son usage médicinal
ses effets physiques et psycho-émotionnels
ses vertus en tant que plante maîtresse
les leçons spirituelles dont elle a le secret
L’Ayahuasca fascine. Et elle fait peur aussi. On entend beaucoup de choses à son sujet, et c’est loin d’être évident de démêler le vrai du faux quand soi-même on ne l’a jamais rencontrée.
Entre les gros titres scandaleux et putaclic d’internet et les illuminés d’Instagram en mode secte, comment faire la différence entre info et intox ?
Cette Foire aux Questions sur l’Ayahuasca répond aux 23 préoccupations les plus fréquentes sur la Plante. Avec un ton libre et décomplexé, les réponses vont à l’essentiel.
Que vous ayez besoin d’une thérapie psychédélique ou que vous soyez en quête de réalisation personnelle, la médecine traditionnelle péruvienne où l’Ayahuasca et les plantes maîtresses tiennent le rôle de docteurs et d’enseignants constitue sans conteste une voie initiatique privilégiée pour vous offrir d’atteindre vos souhaits.
Mais il se peut aussi que vous ayez déjà connu ces expériences, et que vous ressentiez la nécessité d’une écoute authentique, attentive, et d’un soutien éclairé qui vous permettront de comprendre pleinement et donc d’intégrer véritablement ce que vous avez vécu…
Vous recherchez des lieux de médecine authentiques et sécures au Pérou ?
Vous éprouvez le besoin de faire le point sur vos intentions avant de partir ?
Vous souhaitez disposer de certaines clés de compréhension essentielles pour pouvoir travailler en symbiose avec les plantes ?
Vous avez besoin de soutien pour votre intégration post-diète ?
N’hésitez pas à faire appel à moi.
Besoin d’être nourri, inspiré, soutenu, aiguillé dans le travail que vous faites avec les Plantes Maîtresses et l’Ayahuasca ?
Désir d’agir en profondeur sur vos croyances, d’accélérer l’alchimie intérieure opérée depuis votre tambo solitaire ?
Envie de pouvoir dialoguer avec votre inconscient et de vous exercer à la pratique du rêve lucide ?
Volonté d’apprendre à gérer votre mental et votre ego, de savoir écouter votre cœur et vos émotions ?
Curieux de toucher à la magie, à la psychomagie, et à la vraie méditation ?
Ou peut-être souhaitez-vous simplement prendre le temps de vous nettoyer avec les éléments naturels et de vous imprégner de philosophie et de poésie…
Voici ma Sélection Spéciale de 20 Livres à prendre avec soi dans la selva, chacun présenté avec :
son résumé
un extrait long qui vous permettra de ressentir son énergie
les raisons pour lesquelles il vous sera d’une grande aide en diète de plantes
Le Voyage du Héros schématise les 12 étapes clés de l’accomplissement de soi. Depuis L’APPEL DE L’AVENTURE jusqu’au RETOUR AVEC L’ÉLIXIR, toute personne qui s’embarque dans le monde de l’Ayahuasca se lance dans une véritable quête qui n’a rien à envier aux récits mythiques des temps anciens…
Dans un monde où les rites de passage ont disparu de nos vies, et si vous envisagiez de créer votre propre parcours initiatique ?
Cet article à l’humour mordant et au style joyeusement libertaire retrace les 12 phases qui vous attendent si vous décidez de pénétrer dans le monde de la Medicina, et présente la terrible et splendide aventure intérieure qui va vous tomber sur la tronche…
Et si vous demandiez à l’Ayahuasca : Montre-moi comment UNIVERS et ESPRIT sont reliés... ?
Voilà le point de départ de cette cérémonie fictive, voyage mystique envoûtant constellé de visions et d’intuitions philosophiques.
Entre imagination et reviviscences de vécus chamaniques, ce récit utilise le langage poétique propre à l’Ayahuasca pour délivrer aux lecteurs les enseignements tirés du livre de Jocelin Morisson et Romuald Letterier, Tout est relié.
Interviews, reportages, conférences, films d’animation, documents d’archives, ce Top 20 part dans tous les sens ! Vous trouverez ici des heures et des heures de contenu qui extasiera vos neurones avides de savoir scientifique, votre curiosité affamée de découvertes, et votre âme en quête de sens…
L’idée maîtresse de ce Top ? Proposer une sélection de vidéos de qualité, afin de garantir que les explorateurs de la conscience, novices ou confirmés, bénéficient des bonnes clés pour découvrir cet univers, creuser leurs thèmes favoris à la fois dans le passé, dans le présent et dans le futur, aller plus loin dans leurs recherches grâce à des informations rares et authentiques, mais aussi se marrer avec deux ou trois divertissements bien perchés qui sont en eux-mêmes des expériences de conscience modifiée...
Si vous êtes à ce point passionnés par l’Ayahuasca et les Plantes Maîtresses, alors vous aller adorer lire Borderline…
Borderline est une série littéraire en 6 volets, où l’on s’immerge, à la première personne, dans la quête effrénée d’un jeune homme épris de liberté. Son chemin le mènera des Andes péruviennes jusqu’à la jungle amazonienne, où il s’engagera dans une diète de plantes intensive, drivé par un jeune chaman shipibo.
Borderline est, à ce jour, la seule saga au monde sur l’Ayahuasca et les Plantes Maîtresses.
Bien que pas mal d’éléments soient inspirés de faits réels, et qu’une immense partie de ces livres ait été rédigée en diète de plantes, Borderline est une œuvre d’imagination, un récit initiatique qu’on pourrait rapprocher de Hermann Hesse ou de Castaneda (en plus trash). Ce qui en fait le digne rejeton de la littérature psychédélique, légèrement en berne depuis la fin de la période beat.
Vanter les mérites de cette saga auprès de vous aurait l’effet inverse du but recherché. Ce n’est pas à l’auteur de proclamer que son œuvre vaut le détour. En revanche, il est de mon devoir de vous avertir que plonger dans ces livres n’est pas sans conséquences, surtout lorsqu’on connait soi-même la Medicina : rêves étranges, flashbacks de cérémonie, message de la Plante qui s’insinue sans crier gare, sensations et réactions bizarres (vertige, nausée, diarrhée, tachycardie).
Mes lecteurs considèrent que Borderline est une lecture chamanique.
Pas dans le sens où elle relate des expériences chamaniques.
Dans le sens où elle les provoque.
Vous voilà prévenus.
Rencontre avec le Gardien du Seuil (autrement dit l’ego, symbolisé par le dragon gardant jalousement en otage notre trésor intérieur)
Éveil du Feu secret des Sages
Transmutation des ombres en lumière à travers l’exploration systématique de nos traumatismes
Responsabilité totale face à nos vies, nous amenant à assumer et honorer pleinement notre liberté
Dépassement des peurs et des limites
Volonté d’individuation et quête du Soi…
Il est stupéfiant de constater à quel point Alchimie & Chamanisme fusionnent ensemble lorsqu’on étudie de près l’entraînement qu’ils proposent à l’Homme, pour lui offrir de renouer avec sa partie immortelle.
Et si prendre conscience que la diète de plantes constitue une pratique pleinement alchimique était la clé de sa réussite ?
C’est le thème de cette tournée de conférences, données en Europe en 2024.
Un grand-père shipibo, son petit fils, une partie de pêche infructueuse qui devient prétexte à la narration… d’une initiation chamanique haute en couleurs !
Cette nouvelle vous emporte dans l’univers magique et terrifiant de la Medicina indigène, tout en distillant des clés de compréhension précieuses pour toucher au cœur de ce qu’est une vie dédiée au soin de l’autre par l’usage des plantes…
Ce qui plaît le plus aux lecteurs ? Le rôle central que tient le Chullachaki dans l’histoire, ce fameux esprit de la selva aux intentions ambigües, capable du meilleur comme du pire…
Simuler une cérémonie d’Ayahuasca ? C’est l’idée folle de Jan Kounen, ce cinéaste ayahuasquero ! Son but ? Ramener et partager de l’info autour de cette médecine, parce que la VR permet de manière beaucoup plus précise de retranscrire la nature de l’expérience, à savoir d'être plongé dans un monde de manière vertigineuse.
Et il semble bel et bien que c’est ce qu'a ressenti Benoît, en faisant l’expérience d’Ayahuasca Kosmik Journey avec son casque sur le tête. Quand il m’a contactée pour me mettre au courant de sa découverte, les mots semblaient buter sur sa langue, tant ce qu’il avait vécu l’avait bouleversé. J’ai donc eu l’idée de l’interviewer en podcast pour creuser avec lui au sein de son expérience. Mais ce n’est pas n’importe quel podcast…
Vous allez VIVRE Ayahuasca Kosmik Journey en même temps que nous, grâce à la vidéo complète du film diffusée ici, en suivant les impressions d’un novice pénétrant dans l’univers de l’Ayahuasca, accompagné d’une initiée qui va l’aider à comprendre ses visions et explorer la profondeur de ses impressions…
La douleur dans mon crâne et mon visage se déplaçait en pulsant d’ondes corrosives - quelque chose capable de dissoudre, de bouffer du métal – et descendait à présent dans les os de ma mâchoire. Mais le pire, c’est que le Tabac avait aussi commencé à s’attaquer à mes reins et au bas de mon épine dorsale. Aucune position n’était tenable. Les tentacules de la douleur irradiaient jusque dans mes jambes, dans les os de mes bras. C’est mon squelette entier qu’était dévoré par la fièvre, et tous les os de mon visage...
Et si je vous disais qu’une diète de Tabac a failli me tuer ?
Ceci est le récit sans filtre de mon expérience avec cette plante.
Des livres sur le chamanisme, il y en a de plus en plus, ce qui ne rend que plus difficile l’élection de ceux qui nous apporteront vraiment des informations pertinentes.
Les 15 ouvrages présentés ici sont des valeurs sûres ; ce ne sont pas les plus récents, mais cela joue en leur faveur… En effet, aucun n’a été rédigé par une IA (ce qui est malheureusement le cas pour pléthore de nouveaux livres sur le marché), et ils n’ont pas pour but de vous transformer en chaman en 10 leçons !
Cette liste constitue donc une base solide pour commencer à explorer le chamanisme, les plantes sacrées et les états modifiés de conscience. Elle regroupe les ouvrages que je lis encore régulièrement, car ils sont si riches qu’une seule lecture n’est jamais suffisante…
Bref, régalez-vous !
Écrire des articles sérieux sur le chamanisme, c’est bien. Mais proposer à ses lecteurs un entretien vivant dont un chaman shipibo est la star, c’est mieux !
Mais soyons clair : l’interview proposée ici est fictive, et n’a eu lieu que dans mon imagination. Cependant, le curandero auquel je m’adresse a vraiment existé, et les informations qu’il transmet ici sont basées sur de vraies discussions que j’ai eues avec lui…
Ça vous semble compliqué ?
Alors oubliez tout ça, et laissez-vous porter par le flow de cette rencontre, qui vous communiquera des enseignements rares et fascinants sur la nature du chamanisme amazonien.
Diéter l’Ayahuma, cet arbre que beaucoup de chamans considèrent comme dangereux pour un novice, de par la grande part d’ombre qu’il recèle au cœur de son écorce, a changé ma vie. Il y a un avant et un après cette diète.
Il faut dire que l’Ayahuma n’a pas été le seul à m’enseigner… Un hôte inattendu s’est pointé au début de mon initiation, pour y prendre le rôle de maître.
Ceci est le récit complet de ce mois passé à Iquitos.
Le témoignage d’une métamorphose intérieure dont je récolte encore les fruits aujourd’hui.
Ce dossier spécial Ayahuasca & Plantes Maîtresses ne serait pas complet si je ne partageais pas la page qui recense l’ensemble de mes interventions médiatiques.
Au fil du temps, j’ai eu la chance d’être reçue en interview pour témoigner de mon apprentissage auprès des plantes, et ces rencontres avec certains grands acteurs de l’exploration de la Conscience contribuent largement à véhiculer l’énergie que les plantes et les chamans m’ont transmise.
Ici, vous trouverez donc des heures de visionnage qui devraient vous passionner…
Être un Chaman ayahuasquero occidental : Frédéric Calendini
Il y a peu de chamans ayahuasqueros occidentaux auxquels je crois, mais le cas de Frédéric Calendini est particulier. C’est d’abord par ses écrits que je l’ai découvert. Son livre m’a tellement plu que j’ai décidé d’entrer en contact avec lui. Plus tard, j’ai eu l’occasion de faire une cérémonie d’Ayahuasca en sa compagnie, et dès ses premiers icaros, j’ai su que j’avais affaire à un vrai de vrai… J’avais envie de le faire témoigner de son parcours d’Occidental soudain appelé à travailler avec la Plante en tant que guérisseur, car le sérieux de Fred, son engagement envers la Medicina et envers les gens dont il prend soin, mais aussi son humilité sont pour moi admirables, et suffisamment rares dans le monde occidental qui gravite autour du chamanisme pour être remarqués.
Il y a peu de chamans ayahuasqueros occidentaux auxquels je crois, mais le cas de Frédéric Calendini est particulier.
C’est d’abord par ses écrits que je l’ai découvert (bien qu’on ait failli se croiser dans les Andes péruviennes puisqu’on y était la même année et qu’on a bu la Plante auprès du même curandero !). Son livre, Un loup en liberté, m’a tellement plu que j’ai décidé d’entrer en contact avec lui. Plus tard, j’ai eu l’occasion de faire une cérémonie d’Ayahuasca en sa compagnie, et dès ses premiers icaros, j’ai su que j’avais affaire à un vrai de vrai…
J’avais envie de le faire témoigner de son parcours d’Occidental soudain appelé à travailler avec la Plante en tant que guérisseur, car le sérieux de Fred, son engagement envers la Medicina et envers les gens dont il prend soin, mais aussi son humilité sont pour moi admirables, et suffisamment rares dans le monde occidental qui gravite autour du chamanisme pour être remarqués.
Comment a-t-il été appelé à devenir chaman ? Quelle a été sa réaction devant cette révélation ? De quoi son chemin vers la voie du curanderismo a-t-il été fait ? Mais aussi, quelles remarques adresser à ceux qui se reconnaîtraient dans son expérience ?
C’est ce que nous allons explorer dans la première vidéo.
Dans la deuxième vidéo, on explore son initiation auprès des plantes maîtresses et de l'Ayahuasca dans la jungle, avec les Shipibo. Entre apprentissage des techniques chamaniques, transmission des icaros, éveil de l'intuition et développement de l'alliance avec les plantes en tant qu'entités pourvues d'un véritable libre-arbitre, son témoignage clair et authentique apporte un éclairage nouveau sur ce que peut être la vocation de chaman et l'amitié entre êtres humains et végétaux.
Comment un Occidental parvient-il à trouver sa place dans un paradigme amazonien si différent du sien ? Quelle est la véritable nature de la relation aux plantes enseignantes, comment se manifeste-t-elle, que peut-elle offrir à celui qui se dédie à apprendre leur médecine ? Et qu'en est-il des autres esprits de la selva qui viennent prêter main forte au curandero lors de ses soins ?
Frédéric nous invite à découvrir l'apprentissage chamanique vécu depuis l'intérieur... et c'est fascinant !
Dans la troisième vidéo, on va s'interroger en profondeur sur la question de l'Ayahuasca en Occident et des potentiels bénéfices et dangers qu'elle représente...
Depuis maintenant plusieurs années, le revival du chamanisme en Occident connait une frénésie sans bornes, qui amène l'être humain face à de nouvelles problématiques ; risque de dénaturation de l'essence de ces pratiques traditionnelles, mutation des plantes et des soins en produits de consommation, appropriation culturelle, addiction à la thérapie, périls physiques et psychologiques dus à la prise de substances psychotropes dans un cadre inadéquat...
Au fond, que peut-on espérer de l’incorporation de l'Ayahuasca à notre culture ? Comment trouver un chaman fiable ? Est-il possible d'assimiler les plantes dans notre mode de vie d'une manière juste, à la fois pour soi et pour les peuples qui sont leurs gardiens ? Peut-on diéter des plantes européennes, utiliser des analogues de l'Ayahuasca, et ramener en soi l'énergie de la médecine amazonienne sans être tout le temps au contact de la jungle ?
Vastes sujets infiniment complexes et délicats que Fred et moi avons tenté de traiter au mieux...
Être un Chaman ayahuasquero occidental
Les thèmes abordés avec Frédéric Calendini
Comment as-tu été appelé à devenir chaman ?
As-tu dû passer un cap dans ta tête pour admettre tes dons ?
Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui ont le sentiment de pouvoir soigner les autres en cérémonie ?
Quels étaient tes freins et tes envies par rapport au fait d’être chaman ?
Est-ce que le fait d’être chaman a fondamentalement changé ton rapport au monde et aux autres ?
Ta philosophie a-t-elle influencé ta pratique de guérisseur ou bien est-ce ta pratique qui a modifié ta philosophie ?
As-tu dû guérir ton passé avant de pouvoir guérir les autres ?
Quelle est la leçon la plus fondamentale que l’Ayahuasca t’a appris sur la guérison ?
L’initiation chamanique vécue par un Occidental
Les thèmes abordés avec Frédéric Calendini
Comment s’est passé ton apprentissage dans la jungle ?
Est-ce difficile d’incorporer un nouveau paradigme ?
La découverte de la diète
Être VRAIMENT allié à une plante maîtresse
Le test des plantes, l’obscurité et la sorcellerie
Un chaman doit-il régulièrement se réaligner et se nettoyer ?
Est-ce uniquement l’Ayahuasca et les plantes maîtresses qui t’enseignent des techniques chamaniques, ou bien la vie quotidienne est-elle aussi porteuse de savoir ?
La technicité des icaros, de la chacapa, etc
Comment tes icaros t-ont-ils été transmis ?
Quelques mots sur la culture shipibo et son système symbolique, et le libre-arbitre des plantes maîtresses
Comment les plantes maîtresses se présentent-elles pour travailler avec toi et tes patients ?
Et comment ça marche avec les autres esprits tels que les sirènes, les yacurunas, la yacumama, l’ayaymama… ? Comment convoquer ces esprits-là ?
De quelle manière se présentent les informations que tu reçois sur tes patients ?
Quel est le fonctionnement de la manifestation des plantes dans les visions ?
Faut-il savoir maîtriser la puissance de l’Ayahuasca ?
Selon toi, en quoi consiste la véritable guérison d’une personne ?
La transe et les plantes sont-elles indispensables pour aller vers le bien-être ?
L’Ayahuasca en Occident
Les thèmes abordés avec Frédéric Calendini
Comment expliques-tu le revival du chamanisme en Occident ?
La question de l’authenticité du chamanisme contemporain
Est-ce qu’une expérience chamanique ponctuelle peut être profondément transformatrice ?
Y a-t-il un risque de devenir addict au processus d’exploration intérieure ?
Vivre l’expansion de conscience dans la réalité ordinaire
Comment savoir si l’intégration avec les plantes maîtresses a été bien faite ?
La question de l’appropriation culturelle de l’Ayahuasca et des peuples racines
L’entre-soi des buveurs d’Ayahuasca en Europe
Comment savoir si on a affaire à un bon chaman ?
La diète de plantes maîtresses européennes !!!
De quelle façon entrer en contact préliminaire avec une plante afin de savoir comment la diéter ?
Comment se connecter à sa plante durant sa diète ?
Que penses-tu de la diète sociale ?
Anahuasca et pharmahuasca, Jurema
La Jurema serait-elle une alternative écologiquement éthique à l’Ayahuasca ?
L’expression artistique serait-elle la plus belle façon possible de communiquer aux autres l’énergie des plantes ? Les Oracles de Fred !
Plantes chamaniques et Initiation alchimique avec Pascal Bouchet
Saviez-vous que Pascal Bouchet, cet alchimiste fascinant qu’on a la chance d’avoir en France, a connu un long parcours chamanique en parallèle de son initiation à l’Art des Transmutations ? Pour moi qui ai découvert l’Alchimie justement grâce à lui, quelques semaines avant de retourner dans la jungle pour une longue diète de plantes, et qui ai trouvé dans ses livres et ses interviews des clés de compréhension essentielles au travail que je faisais en Amazonie, c’est carrément surréaliste de le recevoir sur ma chaîne pour qu’il nous parle de son chemin sur la Voie de Médecine Universelle…
Saviez-vous que Pascal Bouchet, cet alchimiste fascinant qu’on a la chance d’avoir en France, a connu un long parcours chamanique en parallèle de son initiation à l’Art des Transmutations ?
Pour moi qui ai découvert l’Alchimie justement grâce à lui, quelques semaines avant de retourner dans la jungle pour une longue diète de plantes, et qui ai trouvé dans ses livres et ses interviews des clés de compréhension essentielles au travail que je faisais en Amazonie, c’est carrément surréaliste de le recevoir sur ma chaîne pour qu’il nous parle de son chemin sur la Voie de Médecine Universelle…
Pascal Bouchet donne des conférences flamboyantes sur Youtube, qui sont d’une richesse folle, mais ce n’est pas si souvent qu’il prend le temps d’évoquer son parcours personnel avec tant de liberté et d’authenticité, c’est pourquoi je suis très honorée de pouvoir aujourd'hui vous offrir ce partage intime auquel il s’est livré avec moi.
C’est passionnant, drôle, mais surtout, dense et profond, comme toujours avec lui…
Ayahuasca, Bufo, Kambo, San Pedro... Quel rôle peuvent avoir les substances chamaniques pour celui qui chemine sur la Voie de l’Alchimie ? C’est le thème de cette interview !
Les thèmes abordés avec Pascal Bouchet
Le parcours initiatique personnel de Pascal Bouchet et sa découverte du lien entre chamanisme et alchimie
L’épreuve fatale de l’alcool et des clopes !
La question des entités néfastes dans l’Ayahuasca et de la maîtrise supposée des chamans
Le voyage au Pérou avec Gerardo Pizzaro
La Voie brève du point de vue chamanique et alchimique
L’application de l’alchimie dans la diète de plantes maîtresses en Amazonie
La question de l’intégration
Le Kambo
Intégrer la médecine universelle en soi
La rencontre avec la lumière
Le Bufo
Le besoin de réitération pour supporter la lumière
Le danger de l’œuvre au noir
Renoncer à l’idéal fantasmé de soi-même
L’ego spirituel
La Voie du Cœur
Lâcher le mental
La difficulté d’accepter l’initiation et le facteur temps
Médecine du Tambour VS Médecine des Plantes Sacrées - feat Laetitia Merli
Cette série de vidéos inaugure un cycle de rencontres qui me tenait à cœur depuis longtemps… celui de confronter la pratique de l’Ayahuasca version shipibo à d’autres chamanismes et traditions spirituelles à travers le monde ! L’idée maîtresse de ces rencontres ? Offrir un regard croisé sur des pratiques ancestrales qui visent à rallier l’Homme au Transcendant, explorer leurs différences et leurs similitudes, comprendre leurs racines et leurs ramifications, dans le but d’en extraire… la quintessence. Ici, Laetitia Merli, anthropologue et reporter-documentariste, explique en détail ce qui fait l’essence du chamanisme mongol, depuis l’initiation du jeune chaman à guimbarde jusqu’au fameux chevauchement du Tambour ! Les informations qu’elle distille sont rares et précieuses, et carrément fascinantes…
Cette série de deux vidéos inaugure un cycle de rencontres qui me tenait à cœur depuis longtemps… celui de confronter la pratique de l’Ayahuasca version shipibo à d’autres chamanismes et traditions spirituelles à travers le monde !
L’idée maîtresse de ces rencontres ? Offrir un regard croisé sur des pratiques ancestrales qui visent à rallier l’Homme au Transcendant, explorer leurs différences et leurs similitudes, comprendre leurs racines et leurs ramifications, dans le but d’en extraire… la quintessence.
Dans la première interview, Laetitia Merli, anthropologue, reporter-documentariste et praticienne en thérapie psycho-corporelle, explique en détail ce qui fait l’essence du chamanisme mongol, depuis l’initiation du jeune chaman à guimbarde jusqu’au fameux chevauchement du Tambour ! Les informations qu’elle distille sont rares et précieuses, et carrément fascinantes…
Comment devient-on chaman en Mongolie ? Que représente véritablement le Tambour et pourquoi ses vibrations ont-elles un tel effet sur l’être humain ? Pourquoi les chamans mongols disposent-ils de tant d’artefacts et que signifient-ils ? La transe est-elle finalement un état de conscience accessible à tout le monde et que peut-elle nous apporter ?
Voici quelques-unes des questions auxquelles cette spécialiste va répondre…
Dans sa deuxième interview, c’est parti pour l’exploration du chamanisme occidental contemporain ! En découvrant que la transe était finalement accessible à quasiment tout le monde, elle s’est dirigée vers une pratique plus moderne du Tambour, alliée à d’autres thérapies psycho-corporelles telle que l’hypnose.
Son regard franc et ses connaissances empiriques du chamanisme contemporain sont un régal pour les âmes en quête de sens qui se sentiraient un peu perdues face à l’étendue de l’offre proposée aujourd’hui dans le domaine des retraites et autres stages spirituels…
Un guide est-il nécessaire pour vivre la transe dans toute son ampleur ? Quelle est la différence entre une expérience du domaine de l’imaginaire et un vécu pleinement visionnaire ? Quel rôle tiennent le corps et les émotions dans les enseignements reçus lors d’un état de conscience élargi ? Et enfin… qu’en est-il de cette fameuse quête de l’animal de pouvoir ?
Les réponses dans ces vidéos…
Chamanisme Mongol VS Chamanisme Péruvien
Les thèmes abordés avec Laetitia Merli
Comment devient-on chaman en Mongolie ?
L’initiation d’un jeune chaman.
Apprendre à maîtriser la manifestation des esprits.
La transe comme outil universel de connexion au monde spirituel.
L’importance du territoire natal, des 7 directions et des éléments naturels dans le chamanisme mongol.
Quel est le rôle traditionnel du chaman en Mongolie ?
Comment les chamans mongols réagissent aux requêtes des occidentaux ? Le point sur la question du lien de l’individu à… tout le reste !
Chevaucher le Tambour.
Les artefacts du chaman et leurs multiples significations.
Le point sur l’enseignement des esprits.
Les effets du Tambour sur l’être humain
Le participant d’une cérémonie chamanique mongol est-il censé partir en transe lui aussi ?
Médecine du Tambour VS Médecine des Plantes Sacrées
Les thèmes abordés avec Laetitia Merli
La transition de Laetitia Merli entre chamanisme mongol traditionnel et pratique moderne du Tambour : son rôle auprès de Corinne Sombrun.
Les limites de l’anthropologie face au phénomène de la transe.
Retrouver le chamanisme des origines grâce à la technologie de la conscience.
La transe a-t-elle des vertus guérissantes juste par elle-même ?
Un guide est-il nécessaire pour vivre la transe dans toute son ampleur ?
La quête de l’animal de pouvoir !
Passer de la visualisation imaginaire à la pleine expérience visionnaire.
Le corps, les sensations et les émotions comme véritables enseignements du voyage chamanique.
Les dangers du New Age.
Comment donner du sens à une expérience d’état élargi de conscience dans une culture qui ne la comprend pas ?
Le Clan de l’Ours.
Est-ce une bonne chose pour un Occidental d’avoir la démarche d’aller VRAIMENT à la rencontre des traditions natives, dans leur pays d’origine ?
Diète de Plantes #3 : Accueillir en Soi l’Esprit d’une Plante
Que signifie fondamentalement recevoir en soi la mère d’une plante ? Quelle posture interne adopter face à une aussi improbable rencontre ? Comment faire en sorte d’être le mieux disposé et le plus réceptif aux messages et aux actes de l’intelligence végétale ? Que veut dire croiser ou tordre sa diète, à quels risques sommes-nous confrontés si par mégarde nous bravons l’un des interdits dont regorge la phytothérapie shipibo ? Qu’est-ce que l’obscurité des plantes et comment s’en prémunir ? Nous allons faire le point sur les aspects pratiques essentiels à la réussite d’une diète, en gardant en tête cette métaphore de la graine semée en nous, et des différents niveaux dont il faut prendre soin pour qu’elle puisse monter vers la lumière de la pure Medicina…
Au commencement de la diète, notre plante maîtresse est une graine semée en nous.
Pour que cette graine pousse, elle a besoin d’un terrain favorable. Ce terrain, ce sont nos différents corps : physique, émotionnel, mental et spirituel. La plante doit passer par tous ces niveaux pour s’élever et s’épanouir harmonieusement à travers eux, trouvant à chaque étape les nutriments essentiels à sa croissance et sa santé. Qualité de la terre, eau de pluie saine et régulière, engrais organique, air pur, espace suffisant pour se développer, voire même musique et amour… et, bien sûr, lumière du soleil.
Dans la jungle, on est assurément dans l’environnement le plus propice à cette germination, loin de l’agitation et du brouhaha social, préservé de toute pollution, à ceci près qu’une immense partie des réponses aux besoins de notre plante dépendent de nous et sont sous notre entière responsabilité.
Accueillir en soi l’esprit d’une plante maîtresse ne se résume pas à boire une décoction de racines, éliminer le sel de son alimentation et faire des cérémonies d’Ayahuasca une nuit sur deux. Dépasser l’aspect purement médicinal du rapport au végétal pour entrer dans sa dimension spirituelle implique de se plier au protocole extrêmement stricte établi par les indigènes, et notamment les Shipibo, qui sont considérés comme les docteurs ès diètes de plantes par tout le bassin amazonien.
Les règles alimentaires et comportementales de la diète sont connues par bon nombre d’Occidentaux qui se rendent dans la jungle, mais la plupart ignorent les raisons et les effets réels de ces restrictions, et s’y livrent avec plus ou moins de sérieux sans en comprendre le sens intrinsèque, ce qui explique pourquoi beaucoup en négligent certains aspects en les traitant comme des détails insignifiants… et s’exposent de ce fait à des ingérences potentiellement graves.
Que signifie fondamentalement recevoir en soi la mère d’une plante ? Quelle posture interne adopter face à une aussi improbable rencontre ? Comment faire en sorte d’être le mieux disposé et le plus réceptif aux messages et aux actes de l’intelligence végétale ? Que veut dire croiser ou tordre sa diète, à quels risques sommes-nous confrontés si par mégarde nous bravons l’un des interdits dont regorge la phytothérapie shipibo ? Qu’est-ce que l’obscurité des plantes et comment s’en prémunir ?
Dans ce troisième article du Dossier Spécial Diète de Plantes, nous allons faire le point sur les aspects pratiques essentiels à la réussite d’une diète, en gardant en tête cette métaphore de la graine semée en nous, et des différents niveaux dont il faut prendre soin pour qu’elle puisse monter vers la lumière de la pure Medicina…
Ainsi, la terre qui accueille cette graine devient notre corps physique, épuré de ses toxines, de sa chimie, de ses déchets, rendu réceptif à la vie en train de naître en lui par son absence d’exposition au magma d’informations sensorielles.
L’eau qui l’abreuve devient la pluie de nos émotions, de plus en plus douces et équilibrées, apaisées, car elles ne sont plus la proie de relations humaines perturbantes, des vampires et des parasites énergétiques, et peuvent ainsi se régénérer en embrassant ce qui, en elles, avait été renié ou refoulé.
L’air qui balaye les feuilles de la jeune pousse et caresse son tronc devient le souffle de notre mental, libéré du stress, soulagé des enquêtes labyrinthiques à mener, retrouvant sa fonction d’origine, celle d’inspirer des pensées alignées sur la vibration de la vie elle-même, rayonnante, confiante, pleine de clarté.
Et le feu qui nourrit sa sève, cette lumière d’or que son alchimie interne va transmuter en énergie, ce feu devient le royaume de la Conscience que nous osons enfin contempler, auquel nous sommes enfin reliés, gardien de la sagesse qui seule peut nous offrir d’atteindre ce pour quoi nous avons tant sacrifié : la liberté.
Mais cette petite plante en train de se créer en nous, dont la tête se tend dans l’effort de quitter les ténèbres, guidée par la lumière de la Medicina qui l’appelle et l’attire depuis le ciel, cette petite plante est fragile, et il suffit d’un choc infime pour qu’elle s’écroule ou ne pousse plus droit… Présence d’un nuisible, terre polluée, tempête soudaine, vent qui frappe, soleil trop vif. Elle a besoin d’engrais, de protection, et d’un tuteur : fonctions que le chaman, avec ses icaros, ses arcanas, ses conseils et sa bienveillance, doit remplir.
En définitive, respecter les règles de la diète, c’est s’assurer d’être connecté à la Medicina de notre plante. Sa lumière, et non ses mondes obscurs… Car c’est uniquement grâce à la lumière que s’opère la vraie magie. Sans cette force d’amour qui guide, enseigne et guérit, aucune vie n’est possible.
Ce Dossier se présente en 7 parties :
#1 : Comprendre la medicina des plantes - Cartographie d’une médecine multidimensionnelle
#3 : Accueillir en soi l’esprit d’une plante - Les règles fondamentales d’une diète de plante maîtresse
#4 : L’Alliance cœur-esprit-volonté - Clarifier et densifier ses intentions lors d’une retraite
#5 : L’Art de rêver dans la selva - Travailler dans le monde onirique des plantes
#6 : L’Alchimie dans la rencontre avec les plantes - Apprendre à lire le Grand livre de la Nature
#7 : Idées magiques et conseils surprenants pour optimiser sa diète - Pratiques de magie et de psychomagie
Les règles fondamentales d’une diète de plante maîtresse
S’HYBRIDER AVEC UNE PLANTE
Accueillir en soi l’esprit d’une plante, c’est accepter d’utiliser son propre corps comme interface de rencontre entre deux consciences. Dans le contexte d’une diète, ingérer une plante maîtresse signifie inviter dans sa chair une intelligence étrangère qui va agir et s’exprimer en nous, et qui restera ensuite dans notre sang.
Pour offrir un lieu d’expression à cette intelligence et parvenir à capter ses messages, il faut être ouvert, poreux énergétiquement, afin que la plante diétée puisse pénétrer profondément en nous. L’idée maîtresse d’une diète est de revenir à un état originel de perception, tel celui d’un nouveau-né, hyper sensible à l'imprégnation de nouveaux savoirs et vierge de toute préconception.
Accepter cette fragilité passagère, sorte de défragmentation totale parfois chaotique, signifie accepter de se lancer dans un réapprentissage du corps et de ses sensations, tout en apprivoisant une partie de nous-mêmes que nous avons peu l’habitude d’utiliser : notre yoshin, instance spirituelle inconsciente, qu’il s’agira de révéler, de développer et d’intégrer peu à peu à notre conscience ordinaire tout au long du processus de diète. C’est cette dimension de notre être qui va entrer en contact avec la dimension invisible de notre plante, et enclencher un dialogue avec elle.
Pour atteindre cet état bien particulier, la diète comporte un ensemble de règles qui visent à activer cette grande réceptivité et cette sorte de mutation intérieure qui nous fera passer au double statut humain/yoshin.
Le principe premier d’une diète est de se relier à l’ibo de sa plante — son maître, sa mère, qui est à la fois la matrice invisible et l’instance spirituelle qui gouverne son espèce — afin qu’il nous soigne et nous enseigne.
La mère des plantes étant par nature incorporelle, c’est en passant par nos divers filtres biologiques, nos croyances, les archétypes inscrits dans notre psyché, les valeurs culturelles et les structures symboliques qui sont les nôtres, qu’elle va trouver comment nous communiquer ses messages, se laissant appréhender, percevoir, sentir et écouter selon des modalités adaptées à nous. La rencontre entre humain et végétal peut donc s’envisager comme un acte de co-création ; celui d’une interface intime où deux intelligences donnent naissance ensemble à un langage, et peut-être même à un monde, n’appartenant qu’à elles…
Bien sûr, il existe un certain consensus sur l’aspect spirituel des plantes maîtresses, que les Shipibo partagent, mais ça ne signifie pas pour autant que les Gringos qui ne perçoivent pas les esprits végétaux selon les traits anthropomorphiques ou zoomorphiques décrits par les Shipibo n’aient pas accès à eux. Puisque le cadre symbolique de chaque individu joue un rôle déterminant dans la perception du monde invisible, il est assez naturel que chaque Gringo qui entre en contact avec la mère des plantes le fasse d’une façon personnelle.
Dans tous les cas, cette alliance inter-espèces ne s’improvise pas. Boire la sève d’un arbre maître ou la décoction des feuilles et des racines d’une plante maîtresse n’est pas suffisant pour convoquer son esprit. C’est le rite encadrant la récolte, la préparation et la prise du végétal qui va le faire passer du statut de substance médicinale à celui d’esprit enseignant. Bien loin d’une superstition, ce rite est comparable à un protocole scientifique certifié. C’est à ça qu’on fait référence lorsqu’on parle de “technologie du sacré”.
En Occident, la science réduit les plantes à une matière inerte dont le mode d’admission est passif, ce qui limite drastiquement leurs qualités thérapeutiques et laisse complètement de côté leurs capacités d’enseignement. Les plantes sont broyées, leurs principes actifs isolés et imités artificiellement, et on les prescrit à des malades sans exiger d’eux un quelconque investissement personnel.
Pour les Shipibo, cette approche laborantine est un pur non-sens. Elle transforme les plantes en clones sans âme, vulgaire marchandise complètement dénaturée d’où l’essence des plantes est absente, alors que c’est précisément elle qui est thérapeutique.
Leur usage holistique de la phytothérapie, notamment dans le cadre de la diète de plantes, se place à contre-courant total de cette approche. Dans leur pratique, la récolte est toujours faite dans le respect, et des chants et des sopladas de Tabac sont réalisés afin de canaliser l’esprit de la plante, seul moyen pour que le remède agisse sur les plans psycho-émotionnel et spirituel du malade.
Et ajouté à ça, les Shipibo demandent au malade de s’engager auprès de sa plante, et d’interagir avec elle, sans quoi il n’obtiendra aucune amélioration de son état…
Voilà qui redéfinit totalement notre rapport au monde des plantes, mais également au monde médical. En dévoilant des possibilités d’échange inter-espèces et en réhabilitant la responsabilité du malade dans sa guérison, la Medicina shipibo révèle un paradigme tout à fait inédit pour la pensée occidentale.
Mais comment accepter de se laisser envahir, dans sa plus profonde intimité, par une entité inconnue dont la conscience semble si différente de la nôtre ? Pour un Gringo, cette fusion avec une intelligence végétale qui va nous pénétrer et venir s’hybrider à nous, et avec laquelle il va falloir créer un langage spécifique, peut apparaitre comme une expérience intrusive, à la fois mystique et très déstabilisante, qu’on ignore comment aborder.
Ça tombe bien. La diète est un protocole strictement encadré par de solides piliers que les Shipibo vont nous transmettre, gage de sécurité mais aussi clé de communication, qui vont nous permettre de vivre cette expérience de l’alliance avec un végétal dans toute son ampleur.
Et l’axe fondamental d’une diète de plante réussie, avant même d’aborder la question du régime alimentaire et des restrictions comportementales, c’est celui de la posture intérieure du diéteur, engagé corps et âme dans sa phytothérapie participative…
LE CORPS-MAISON SYMBOLIQUE ET LES PLANTES-INVITÉES
NETTOYAGE ET PURIFICATION DU CORPS
Comme on l’a vu dans le premier article de ce dossier, dans le paradigme shipibo, le corps est la structure fondamentale qui reçoit en elle les dimensions supérieures, qu’elles soient humaines comme l’esprit, les émotions, la volonté, ou non-humaines comme les mères des plantes. L’objectif d’une diète est d’apprendre à incorporer, assimiler, incarner les enseignements transcendants de notre plante pour leur donner vie dans la matière de notre existence. Logiquement, on va donc commencer par préparer le corps pour cette entreprise.
La métaphore la plus employée par les Shipibo pour décrire l’attitude juste à adopter avec les plantes maîtresses lors d’une diète, c’est celle du corps-maison et des plantes-invitées. Et elle est on ne peut plus parlante ! Quand on s’apprête à recevoir des invités chez soi — et d’autant plus les invités de marque que sont les mères des plantes —, il serait irrespectueux de les accueillir dans une maison sale et en désordre.
Les esprits ont la réputation d'être capricieux (certains diraient même précieux !), ils apprécient qu’on leur montre une certaine déférence. Or, les recevoir dans un endroit chaotique risquerait de les contrarier et de les pousser à s’enfuir, il n’y aura donc aucune chance d’en faire des amis. C’est pourquoi il nous faut avant tout ranger et nettoyer l’espace d’accueil, notre corps, en éliminant tout ce qui l’encrasse, comme par exemple l’alcool, la graisse, le sucre, afin d’en faire un lieu confortable, agréable, harmonieux, dans lequel ils seront à l’aise et auront envie de s’attarder.
Dans ce contexte, le régime alimentaire et les pratiques qui le soutiennent servent donc à purifier le corps pour le préparer à la rencontre avec les esprits. La nourriture est contrôlée, des plantes purgatives et vomitives sont prises, des bains et des saunas de végétaux sont réalisés, dans le but de faire du corps-maison un lieu accueillant, c’est-à-dire réceptif, au royaume végétal.
C’est ainsi qu’on crée un espace de soin intérieur consacré à l’introspection et à l’initiation, où l’esprit des plantes aura plaisir à rester.
RÉCEPTIVITÉ ET DISPONIBILITÉ DE L’ESPRIT
Mais nettoyer sa maison n’est pas suffisant pour accueillir convenablement ses invités ; il faut aussi se rendre disponible pour eux. Quand on reçoit quelqu’un, on doit avoir du temps et de l’énergie à lui consacrer, être pleinement présent, satisfaire ses besoins et ses requêtes, et lui offrir toute notre attention.
Parfois aussi, on doit savoir laisser le silence s’installer entre nous, pour s'imprégner mutuellement de nos émotions. La communication entre Hommes et Végétaux passe majoritairement par un langage non-verbal, bien sûr, qui se tisse en subtilité. De même qu’il faut du temps pour apprendre à connaître une personne, s’habituer à sa façon de parler, à l’énergie qu’elle dégage, mais également sentir ce qu’elle sent, voir le monde à travers ses yeux, être en confiance à ses côtés pour accepter de se livrer, apprendre à connaître une plante ne se fait pas du jour au lendemain.
Une relation solide, franche et durable, se bâtit pas à pas, et celle qu’on va nourrir avec la plante qu’on diète suivra les étapes d’une rencontre réelle : nettoyer et ranger sa maison pour lui offrir un lieu de séjour agréable, attendre son arrivée, l’accueillir avec respect, être 100% disponible pour elle, écouter ses paroles, s’ouvrir à sa vision du monde, commencer à partager des choses intimes sur soi, et pour finir nouer une vraie amitié.
C’est là qu’entre en scène la nécessité de l’isolement, cette solitude en pleine jungle qui nous rend véritablement ouvert, attentif et disponible à la rencontre. Si les Shipibo insistent tant sur l’importance de la concentration lors d’une diète, sur le fait d’avoir son intention bien claire en soi et de ne pas se laisser distraire par les parasites du mental, c’est pour répondre à cette posture interne. Sans concentration, inutile d’espérer attirer les esprits.
Dans la réalité de la diète, la métaphore déborde son cadre pour prendre vie dans le réel.
Notre tambo, ce petit abri précaire réduit à l’essentiel, dépouillé de tout superflu, devient notre corps-esprit. Tendu dans l’attente de l’arrivée de notre plante, notre attention tout entière se concentre sur la porte s’ouvrant vers l’univers de la selva, entrée symbolique qui crée le passage entre deux royaumes, celui des Hommes, et celui des plantes.
L’allégorie et le réel se confondent et commencent à fusionner, une communication entre esprit et matière s’installe, invitant les mères à se condenser dans notre réalité…
Sachant que l’ibo se manifeste par des signes subtils, tels que les rêves, les émotions, les visions, les insights, ou encore les synchronicités, il faut savoir lui prêter une oreille constante, et ceci ne peut se faire que loin du brouhaha incessant de la vie sociale, dans le silence intérieur. Il s’agit d’apprendre à écouter des éléments auxquels on est d’ordinaire peu attentif.
C’est ainsi que, petit à petit, la voix de notre plante se fait plus claire, plus précise, plus forte. Des souvenirs enfouis rejaillissent, portant en eux un message essentiel au sujet de notre présent. Les rêves deviennent de plus en plus lucides, changent de nature, passant de vague bataille avec son inconscient à lieu privilégié de transmission. En cérémonie d’Ayahuasca, les visions nous entrainent vers des dimensions du savoir inconnues. Les synchronicités émergent.
Les informations transmises par l’ibo de notre plante trouvent leur chemin en nous, un début d’alliance commence à naître, accompagné du sentiment d’un travail important accompli main dans la main.
Selon les scientifiques, rester pendant de longues périodes dans le silence et cesser d’utiliser le langage verbal réduit l'activation de certains circuits du cortex cérébral qui, dans un état de conscience ordinaire, rendent les fonctionnalités rationnelles prédominantes. En limitant partiellement la pensée logique, la sphère intuitive et instinctive — généralement refoulée dans notre vie quotidienne d'Occidental — s’éveille, et nous lui portons naturellement plus d’attention, ce qui favorise l’entrée en contact avec l’autre monde.
D’autre part, il faut noter que cette pensée métaphorique à laquelle nous invitent les Shipibo nous incite à une certaine visualisation, à une personnification mentale de notre plante, ce qui à son tour va éveiller dans notre inconscient des réponses dans nos rêves et nos visions. Offrir un cadre symbolique et structurel à l’ibo lui fournit ainsi un cadre “matériel” pour se manifester.
Reste à savoir faire la différence entre ce qui vient réellement de la plante qu’on diète, et ce qui vient de nous…
RECONNAÎTRE LA MANIFESTATION DE L’ESPRIT D’UNE PLANTE
Notre plante peut utiliser tous nos sens pour communiquer avec nous : sensations physiques, odeurs, voix, sentiment de présence, que ce soit dans la réalité ordinaire du tambo, au cours d’une marche dans la selva, ou bien dans le monde onirique ou celui, visionnaire, de l’Ayahuasca. Mais elle se manifeste également en utilisant notre psychisme, nos pensées, nos émotions, ou via des mouvements internes encore plus subtils, que nous devons apprendre à reconnaître.
Si l’on en croit les Shipibo, ce sont les plantes elles-mêmes, en des temps immémoriaux, qui leur ont appris à les diéter, afin de pouvoir leur transmettre leurs enseignements. Peu à peu, des pratiques rituelles ont été élaborées afin de renforcer toujours davantage la qualité du contact entre consciences humaine et végétale. La diète est donc un protocole assurant la pureté de la communication avec le monde des esprits.
Apprendre à se laisser guider par les messages de notre plante, suivre ses instructions, adopter les nouvelles façons de travailler qu’elle nous suggère, c’est ça qui va nous permettre d’avancer dans la connaissance, qu’il s’agisse de la connaissance de soi en diète de guérison, ou bien de la connaissance de la médecine en diète initiatique. Toute la subtilité est de savoir faire la distinction entre les transmissions qui viennent de l’ibo et celles provenant de l’ego. Un piège complexe à éviter.
Il existe des gardes-fou établis par les Shipibo pour contrecarrer cette méprise, qui nous entraînerait immanquablement vers le côté obscur des plantes, thème que nous aborderons plus loin dans cet article.
Ces trois mesures de sécurité sont les suivantes :
Nous préparer en nettoyant notre corps et en purifiant notre psychisme avant l’entrée en diète, mettre en place un cadre rituel.
S’assurer de la sincérité de notre démarche, de notre détermination et de notre attitude respectueuse envers le monde spirituel.
Nous inciter à l’intégration de l’expérience.
On a déjà parlé de la préparation, et nous évoqueront l’intégration un peu plus loin, alors ici on va se concentrer sur le deuxième point, c’est-à-dire notre disposition intérieure face à la diète. Pour tout dire, c’est un aspect si fondamental dans la réussite d’une diète de plantes que l’article suivant de ce dossier lui sera entièrement consacré.
Pour le moment, concentrons-nous sur l’importance majeure de notre engagement dans le travail thérapeutique qui s’annonce.
L’IMPORTANCE DE L’ENGAGEMENT PERSONNEL : UN CONTRAT SIGNÉ AVEC LE MONDE INVISIBLE
Entrer en diète signifie établir un contrat entre trois intervenants : nous, le chaman, et la plante. Seul le respect de ce contrat pourra garantir le succès de la diète.
Le temps passé dans la jungle, avec une date de début et une date de fin, encadré par les rituels d’ouverture et de fermeture de diète, est inclus dans le contrat. Cette durée précise, établie dès le départ, doit absolument être respectée, peu importe les doutes qui surgissent en chemin, car c’est cette durée qui fournit aux plantes et aux Hommes un cadre au sein duquel accomplir leur tâche commune.
Pour le chaman, honorer sa part du marché veut dire prendre soin de nous avec bienveillance et dévouement, et faire de son mieux pour nous connecter avec l’ibo de notre plante, par ses chants, par les pratiques thérapeutiques qu’il va réaliser sur nous, par les remèdes qu’il va nous proposer en cours de route afin de nous ouvrir toujours davantage, mais aussi en “redressant” notre diète régulièrement, tout en respectant certaines règles de son côté, comme par exemple, ne pas avoir de rapports sexuels durant toute la durée de notre diète, ce qui nous exposerait à une interaction énergétique dangereuse.
Pour la plante, le contrat stipule qu’elle devra répondre à notre intention dans le temps imparti à la diète, sous réserve que, de notre côté, on se dédie tout entier à l’initiation, en se rendant indisponible à tout le reste.
C’est un geste très fort, de tourner le dos à tout ce qui n’entre pas dans le cadre de sa croissance… De choisir volontairement d’investir tout son temps et toute son énergie à guérir, à apprendre, à évoluer. Naturellement, les enseignements reçus seront à la mesure de notre investissement — on pourrait dire du sacrifice consenti —, même si l’on ne s’en rend pas forcément compte tout de suite.
Il faut parfois des années pour réaliser que notre plante a bel et bien accompli sa part du marché, car ses transmissions sont telles des graines qui germeront quand le terrain leur sera favorable, mais qui pourront aussi rester en sommeil si on ne fait pas l’effort de l’intégration une fois de retour à la maison...
Comme on le verra dans le chapitre sur l’Alchimie, l’apprentissage est souvent hiérarchisé : il commence par s’enraciner dans le corps, avant de monter vers le niveau émotionnel, puis psychique, pour enfin s’épanouir vraiment dans notre dimension spirituelle. L’inverse arrive également : on vit des expériences mystiques très élevées dont on comprend profondément le sens, mais il faudra des années avant de faire “descendre”, d’incorporer ce savoir et de l’incarner dans la vie quotidienne…
Dans un sens ou dans l’autre, il faut avoir confiance dans le fait que les transmissions de notre plante sont enregistrées et stockées quelque part en nous, et nous seront accessibles lorsqu’elles pourront être véritablement intégrées. Un peu comme des pièces de puzzle éparses qu’il nous faudra réassembler pour enfin accéder à l’image finale.
Cependant, il arrive aussi que les révélations soient données dans un ordre quasi linéaire, dans les rêves qui se suivent, les cérémonies qui reprennent là où les précédentes avaient terminé, et qu’on se sente évoluer rapidement, avec logique, vers toujours plus de connaissance de soi.
Quoi qu’il en soit, il faut avoir foi dans le contrat signé et être persuadé que l’objectif qui préside à notre diète sera accompli à la fin du processus enclenché.
Enfin, pour nous, le contrat stipule de respecter l’ensemble des règles dont on va voir la liste plus loin, mais aussi d’adopter une posture interne sur laquelle il est important de s’arrêter ici, car elle est déterminante dans l’expérience qu’on va vivre.
C’est là qu’intervient la nécessité de poser une intention.
A notre arrivée dans la jungle, le guérisseur va nous demander nos raisons de solliciter l’autre monde, afin de s’assurer de notre sérieux et de notre sincère volonté de guérir, mais aussi d’estimer notre attitude vis-à-vis des plantes et le respect que nous sommes prêt à leur témoigner.
Bien que les Shipibo tolèrent que l’on soit simplement curieux envers le monde invisible, ce n’est pas non plus une démarche qu’ils encouragent. Pour eux, soit on veut guérir, soit on veut devenir chaman, il n’y a pas vraiment d’entre-deux.
Cependant, par la force des choses, ils ont dû apprendre à s’adapter aux requêtes des Occidentaux, dont beaucoup se rendent en diète dans une intention d’accomplissement personnel ou d’exploration mystique. Traditionnellement, les gens avaient peur de l’Ayahuasca et jamais ils ne l’auraient bue par simple curiosité. Pareil pour la diète de plantes : le retrait hors du monde qu’elle impose, avec son régime alimentaire stricte et son abstinence sexuelle, n’est pas une chose dans laquelle ils s’engageaient volontiers, car cela implique une longue période sans pouvoir travailler et prendre soin de sa famille. De plus, ceux qui s’y livraient ne le faisaient que pour se soigner, pas dans un but d’évolution.
Le chaman était celui qui intercédait pour eux auprès des esprits, et il n’était pas question de les rencontrer soi-même.
A présent, la déferlante du tourisme chamanique a changé la donne, les Shipibo se sont donc mis à offrir des retraites dédiées à la réalisation spirituelle, et même leur langage s’en est trouvé modifié, incluant désormais des termes propres au courant New Age… Pour autant, ils n’apprécient vraiment pas la désinvolture et la paresse, et s’ils acceptent de s’engager avec nous, alors nous devrons travailler pour de vrai.
Lors d’une de mes diètes, il y avait un participant présent pour un problème d’addiction à la ganja et à l’alcool. Après quasiment deux mois de diète, il n’avait pour ainsi dire pas avancé, manquant de concentration, faisant des entorses au régime alimentaire en allant voler des fruits à la cuisine dans la nuit… Il était bientôt temps pour lui de quitter le centre, et il n’avait qu’une idée en tête : boire un coup à peine sorti.
La veille de son départ, les chamans lui ont appris que la plante qu’il avait diétée ne tolérerait pas qu’il boive à nouveau. S’il s’y risquait, il s’exposerait à des risques extrêmement graves de réactions physiques pouvant entrainer sa mort. En apprenant ça, il l’a pris comme un sale tour joué par les guérisseurs, et dans un sens, c’était en effet le cas. Ils avaient fait en sorte qu’il respecte la promesse qu’il s’était faite à lui-même, qu’il le veuille ou non.
Quand je parle du sérieux de notre démarche, voilà ce que je veux dire ; les chamans ne sont pas là pour rigoler et s’ils sentent que nous nous moquons de la Medicina, ils n’hésiteront pas à nous le faire payer…
Mais pire encore qu’une curiosité mal placée ou une volonté défaillante, l’intention de se servir des plantes pour apprendre la sorcellerie et gagner un pouvoir de manipulation n’est pas bien accueillie, du moins par les vrais curanderos qui nous refuseront leurs services, ou bien au contraire, décideront d’entrer dans notre jeu pour nous confronter à notre noirceur et nous livrer pieds et poings liés aux plantes, qui, selon leurs propres termes, nous puniront !
Et je peux vous garantir qu’ils en riront ensemble ensuite, en se tapant dans le dos du mauvais coup qu’ils nous auront fait !
Un chaman voit clair dans nos intentions, peu importe comment nous tentons de les camoufler. Raison de plus pour se montrer honnête au sujet des raisons qui nous ont conduit face à lui.
Poser une intention forte et sincère est donc de mise, peu importe sa nature du moment qu’elle est authentique, portée à la fois par le cœur, l’esprit et la volonté.
SAVOIR ÊTRE HUMBLE
Plus que tout, sans doute, l’humilité est la vertu la plus importante à nourrir en diète de plantes, car c’est la seule posture adéquate lorsqu’il est question de se lancer dans l’inconnu, et à fortiori, dans la rencontre avec une intelligence dont on ignore tout.
L’humilité est la seule attitude qui reflète une véritable ouverture.
Oublier un peu son paradigme habituel, savoir mettre sur pause ses certitudes, ses croyances, ses attentes, ses projections, mais aussi son besoin de tout comprendre et de tout expliquer tout de suite en surmentalisant nos expériences, s’en remettre à des puissances supérieures avec confiance, s'abandonner entièrement à ce qui advient le moment venu, embrasser la complexité de ce qu’on vit sans user des béquilles à penser réconfortantes du rationalisme, mais aussi prêter l’oreille sans jugement au mode de pensée différent du nôtre qu’est celui des Shipibo, sans doute est-ce là l’ouverture la plus grande dont on puisse faire preuve le temps d’une diète de plantes, et elle s’articule autour du sentiment d’humilité, à l’encontre totale de l’arrogance de l’ego et de sa volonté de pouvoir.
Si l’on cherche sans cesse à apposer ses grilles de lecture ordinaires, ses catégories mentales et ses méthodes basiques de classification et d’analyse sur ce qu’on est en train de vivre, alors il est fatal qu’on passera complètement à côté de l’expérience profondément unique qui nous est offerte.
Être humble en diète, c’est refuser de laisser notre ego s’emparer des messages des plantes pour se les approprier comme s’ils émanaient de sa propre “sagesse”. Cette tendance à l'inflation de l’ego — si commune dans le monde spirituel d’aujourd’hui, qui nous fait croire que, parce que nous avons reçu une transmission ou vécu une expérience transcendante, nous sommes des élus des plantes — doit être détectée et déracinée le plus vite possible, au risque de chavirer dans le monde obscur des végétaux où tout est question de pouvoir et de manipulation.
Heureusement, les chamans shipibos sont très doués pour ça, et savent comment remettre l’ego à sa place. Mais de notre côté, seule l’humilité la plus pure pourra nous permettre, à nous, de faire preuve de discernement et d’écarter d’emblée toute mentalisation de l’ego qui cherche à s’alimenter.
Identifier les voix trompeuses qui nous gouvernent n’est pas toujours aisé, mais c’est seulement après l’avoir fait qu’on peut considérer qu’on est vraiment en contact avec la mère de notre plante, et que c’est bien sa voix à elle qu’on écoute…
L’INTELLIGENCE ET LA SAGESSE DES PLANTES
Et en définitive, établir la différence entre nos multiples voix intérieures et la voix de notre plante n’est pas si difficile, car l’intelligence de l’ibo ne peut pas se comparer à la nôtre, tant elle est extraordinaire ! Elle est très nettement supérieure à celle dont on peut faire preuve dans notre conscience ordinaire, et suscite chaque fois la surprise.
La façon dont elle élabore une stratégie unique pour nous aider, surpassant de loin les prétentions et capacités des chamans eux-mêmes, les formes qu’elle emploie pour communiquer avec nous, le matériel psychique et émotionnel qu’elle va exhumer pour mettre son message à notre portée, ne peuvent qu’amener à penser que l’on fait face à une intelligence cosmique… dont les chamans ne sont que les agents, dont le rôle est d’établir les conditions favorables à ce qu’elle puisse agir, s’exprimer, et surtout être reçue, dans toute son ampleur.
Ici, j’aimerais citer un long texte trouvé sur le site de Takiwasi, car il s’agit à mes yeux du plus bel hommage jamais rendu à la sagesse végétale :
Cette intelligence ne juge pas, elle n'a pas un ton de reproche, elle est pleine de bienveillance mais sans complaisance, généreuse mais exigeante, pleine de sagesse et orientée vers le bien, le bon, le vrai. Elle peut être sévère sans méchanceté et pleine d'humour sans moquerie, droite sans raideur et souriante sans sarcasme. Elle minimise notre tragédie intérieure sans la banaliser. Elle se présente comme une bonne conseillère dont le ton, la manière et les instructions sont parfaitement adaptés à chaque individu selon ses capacités cognitives, son intelligence émotionnelle, son parcours de vie, son caractère, ses besoins du moment et les demandes ou intentions qu'il a formulées.
Elle montre un respect absolu pour la liberté du patient, sans aucune intrusion dans son monde intérieur où elle n'entre pas sans permission. Ses interventions peuvent surprendre, vaincre les préjugés et dépasser les attentes de ses auditeurs, parfois de manière inattendue et, en ce sens, ne peuvent pas être attribuées à une expression de la psyché ou de l'inconscient du patient. Elle peut fournir des données ou des révélations sur le passé du patient ou de ses ancêtres qu'il ne connaît pas, mais ces données peuvent éventuellement être vérifiées. Elle permet même parfois d'accéder à des éléments d'anciennes traditions, symboles, mythologies, sans aucun rapport avec l'histoire du sujet ou ses références culturelles d'origine.
Elle n'ordonne ni n'adopte un ton autoritaire, mais elle invite, demande, conseille avec une gentillesse qui n'exclut pas la fermeté.
Elle peut également adopter la stratégie du silence pour encourager une écoute plus attentive et inviter le patient à revoir l'adéquation de sa position : les engagements précédents ont-ils été respectés ? Y a-t-il du respect dans la rencontre ? La sincérité est-elle présente ? Les conseils ou réponses déjà fournis ont-ils été pris en compte ? C'est toujours une question de vérité et d'authenticité qui conditionne la poursuite des « rencontres ».
Elle fait preuve d'autonomie, de volonté personnelle et de liberté et ne peut être manipulée ou convoquée à volonté. Elle est toujours perçue comme venant d'un au-delà du patient et non des instances internes du sujet, même profondément enfouies dans l'inconscient.
Elle n'est pas une bavarde impénitente et ses interventions sont généralement brèves, condensées, sobres et concises. Ses réponses ont la force de la simplicité sans être simplistes. Elle humilie l'arrogance sans méchanceté et sans humiliation gratuite. Elle attire sans subjuguer.
Ses paroles sont accompagnées d'une autorité naturelle qui les rend claires comme la lumière du jour, pleines de sagesse. Elle n'entre pas dans les discours intellectuels, rhétoriques, dans les débats stériles, mais se concentre sur des réponses implacables dans leur évidence et leur bon sens. Il ne lui est pas nécessaire de discuter et d'argumenter sans fin pour emporter la conviction du sujet qui reste libre d'ignorer ou refuser d'écouter, même face à l'exposition d'une logique imparable qui affecte non seulement la sphère cognitive mais s’accompagne de la mise en évidence des mécanismes de résistance de l’auditeur à sa parole. Cette extrême cohérence se maintient lors d'interventions successives, à des moments différents et sans jamais se contredire.
Enfin, elle peut utiliser un langage très direct mais aussi s'exprimer métaphoriquement, parler en paraboles, illustrer son enseignement avec des exemples, des analogies, des comparaisons, des images, utiliser des proverbes, des dictons, des strophes de poèmes ou des chansons.
LA DIÈTE DE GUÉRISON
Chacun d’entre nous a des raisons intimes de s’engager dans une diète de guérison, des plus physiques aux plus spirituelles. Plus ces raisons sont pressantes, plus l’intention qui les soutient sera impérieuse, et donc, plus la détermination sera puissante, ce qui est bien évidemment un atout dans ce long processus thérapeutique qu’est la diète.
Dans le silence et la solitude, sans distractions et sans divertissements, sans aliments réconfortants et sans agitation inutile, loin des conditions qui déterminent habituellement notre existence, la diète nous fait plonger dans une dimension de nous-mêmes jusqu’alors inconnue, parfois prison, parfois refuge, où nous seront contraint de séjourner.
Confronté à ce que nous sommes sans possibilité de fuite, dans cette zone où notre nature profonde se révèle dans ses plus hautes qualités comme dans ses plus bas défauts, notre être va commencer à observer, puis à faire le tri. Peu à peu, nos pensées et le regard qu’on porte sur nous-mêmes vont se modifier, on va pouvoir faire le point, commencer à s’explorer sous un nouveau prisme, et éveiller des émotions et des réflexions inédites, mais également des capacités, qui sont du domaine de la pure action (que le monde occidental qualifierait de “symbolique”), qui nous sont ordinairement inaccessibles, grâce à cette contrepartie inconsciente spirituelle dont j’ai parlée plus haut, notre yoshin.
La diète vise à dévoiler et déployer nos potentialités latentes, désirs et talents qui n’ont pas été reconnus, exploités, incarnés. Elle va venir déterrer nos fragilités reniées, nos souffrances enfouies, nos colères non écoutées, et les soutenir dans leur expression, afin de nous offrir de les comprendre, de les accepter, et peut-être, de nous en libérer...
Mais cette éclosion, cette maturation des forces cachées en nous (peu importe qu’on les juge favorables ou nocives, car toutes sont légitimes et toutes ont besoin de s’épancher), ne peut se réaliser sans se purger des schémas délétères et des conditionnements qui interdisent leur manifestation. Peur, valeurs parentales prohibitives, manque d’estime de soi, absence de foi, tout ce qui constitue un frein à leur libre expression.
Les dessins nuisibles qui nous parasitent et esquissent les barreaux de la cellule dans laquelle notre être est circonscrit doivent être arrachés et détruits, avant de pouvoir être remplacés par les dessins harmonieux que notre plante va graver en nous, rétablissant notre lien à la nature et à toute chose. La vitalité de notre plante de diète qui va faire pression en nous pour faire sortir tout ce qui est métaux et virus, tout ce qui est maladie et mort, pour nous rendre notre santé, notre joie, autrement dit, notre puissance d’Homme.
En définitive, l’objectif de toute diète de guérison est de se réaligner sur la juste vibration, celle de notre être profond, pure énergie vitale dont est friand notre kaya, notre âme, notre principe de vie.
Mais pour atteindre cette résurrection, il faut avoir pleinement conscience que la diète constitue un engagement moral, physique, psychologique, émotionnel et spirituel très fort, qui requiert impérativement une participation globale à notre propre traitement, sans laquelle aucune guérison n’aura lieu.
Car si la diète de guérison nous met en contact avec la mère d’une plante afin qu’elle agisse en profondeur sur notre organisme et notre psychisme et nous partage sa sagesse, cette mère doit avant tout être abordée comme une aide, une guide qui va nous accompagner dans notre quête de réalisation, mais qui ne fera jamais le boulot à notre place. Ses messages, ses instructions, son énergie sont là pour nous aider à nous comprendre nous-mêmes, à nous libérer et à assumer ce que nous sommes, dans le but final de nous faire découvrir notre propre maître intérieur.
Être libre, sans être assujetti à sa puissance, ni à celle du chaman, qui n’accepteront jamais qu’on remette passivement notre guérison entre leurs mains. Car la liberté, ce n’est pas sauver quelqu’un malgré lui. La liberté, c’est lui apprendre à se sauver par lui-même.
Bien sûr, on peut tout de même considérer les plantes maîtresses comme des psychologues spécialisés, tant chacune est savante dans un domaine particulier.
Certaines sont des pros dans le traitement du stress post-traumatique, d’autres de la dépression, d’autres encore de l’addiction. Les plantes possèdent bel et bien des fonctions psychothérapeutiques spécifiques, mais il n’en demeure pas moins que ce ne sont pas vraiment elles qui nous guérissent, pas plus que le chaman. Leur rôle se borne à stimuler et amplifier nos propres forces curatives, les capacités d’automédication de notre conscience, sa résilience. Les plantes éveillent les qualités uniques de notre maître intérieur, et rétablissent notre connexion à lui. Elles nous relient directement à la source qui abreuve notre kaya.
LES 3 PHASES D’UNE DIÈTE DE GUÉRISON
PHASE DE NETTOYAGE
Dans la première phase de la diète, notre plante va commencer par “faire sortir le mal” afin de se créer de l’espace pour déployer son énergie. Elle va jeter dehors tout ce qui ne résonne pas avec son essence. Sachant que chaque plante travaille sur une problématique spécifique, et qu’elle est prescrite dans le but de nous rééquilibrer, son premier mouvement sera naturellement de nous nettoyer de tout ce qui va à l’inverse de sa médecine.
Le souci, c’est que tout ce qu’elle fait sortir, on va le sentir passer. Et pas d’une façon agréable ; cette phase de nettoyage se vit parfois comme une véritable exacerbation de tout ce qui cloche.
On peut voir ça comme une crise de manque de junkie. Les toxines quittent notre corps, entrainant mal-être, fièvre, douleurs généralisées ou localisées, nausée, diarrhée, irritabilité, apparitions de furoncles ou de marques sur la peau... Tout notre organisme est détraqué et notre psychisme est dans le même cas. Cependant, ces maux sont tout à fait normaux et ne constituent pas une excuse pour interrompre la diète. Il s’agit simplement de manifestations transitoires de dépuration globale de l’organisme, liées aux contenus psycho-émotionnel qui surgissent.
La force de notre plante draine, accroche le mauvais, les déchets, ce qui encombre, ce qui entrave, ce qui n’a plus lieu d’être, et les emporte par nos voies d’évacuation. En diète, on nettoie et on ne salit plus.
Prenons l’exemple du Tabac. Puisque sa médecine vise la force physique, la droiture et la clarté mentale, alors durant la première phase de la diète, il va nous débarrasser de tout ce qui ne correspond pas à ces vertus. Résultat ? On est la proie d’une faiblesse incommensurable, si bien qu’on n’arrive même pas à se tenir droit, et le mental devient loco, sautant d’une pensée à l’autre tel un ouistiti victime d’hyperactivité.
La diète du Chiric Sanango est aussi emblématique. Étant donné que ses qualités sont celles du courage, de la chaleur humaine et de l’affirmation de soi, la phase de nettoyage amplifiera d’une façon violente ce dont on cherche à se libérer. Sensation de froid intense avec tremblements et anesthésie des extrémités, peur irrationnelle, timidité maladive…
Et on peut continuer comme ça avec toutes les plantes ! Au début, on connaitra exactement l’inverse de ce que la plante est censée nous apporter, et on sera donc la proie d’effets physiques et psychologiques très marqués, à la mesure de la force et de l’ampleur des troubles dont on cherche à se soigner.
Si les Occidentaux auraient tendance à traduire ce processus par le fait de “prendre conscience” de ses troubles et de ses blocages, qui se font enfin connaître d’une manière impossible à nier vu la violence des symptômes, pour les Shipibo, il s’agit davantage d’un travail corporel et énergique pur, comme une sorte d’exorcisme, disons, où les forces malades qui nous parasitent se font chasser par la médecine des plantes. Ils disent aussi que les “mauvais dessins” se dissolvent…
Une autre lecture alchimique est possible ; considérer que la lumière de notre plante vient dévoiler, mettre en éveil les ombres tapies en nous. Leur obscurité n’est pas à juger comme négative, puisqu’il s’agit simplement de forces secrètes, de qualités non révélées, que la lumière de la conscience n’a pas encore touchées. Nous reviendront en détail sur cette lecture dans le chapitre consacré à l’Alchimie.
Durant cette phase de la diète, nos rêves et nos cérémonies d’Ayahuasca seront également impactés par le processus d’épuration : confusion, violence, peur, manque d’intelligibilité... Inutile de préciser que notre humeur s’en ressentira et qu’elle sera sans doute en dents de scie, alternant entre espoir hystérique et désespoir abyssal. Le mental, lui aussi, s’en donnera à cœur joie, rendant toute concentration et toute vigilance envers ses propres pensées quasiment impossible…
Mais cette sorte de chaos primordial est inévitable et nécessaire, et ce pour deux raisons : on ne peut pas atteindre la racine de la maladie sans se salir les mains dans le marécage qui est son antre, et on ne peut pas recevoir de nouveaux savoirs sans s’être d’abord rendu vierge de toutes les fausses croyances qui nous encombrent.
Cette phase est indéniablement celle de la déconstruction, de la défragmentation.
Accepter de vivre dans une vertigineuse incertitude, arraché aux mensonges réconfortants et aux illusions qui nous maintenaient debout, brutalement extrait de sa petite narration intérieure et des définitions derrière lesquelles on se planquait, n’est pas chose facile, mais plus on tentera de s’accrocher à l’image obsolète de soi, plus l’ego engagera de résistance pour se protéger, plus cette phase de la diète sera longue et éprouvante.
Si la plante que nous diétons est une graine semée en nous, alors pour accepter de naitre, elle doit percer la gangue qui la sépare du monde et traverser la terre noire avant de rencontrer la lumière.
Il n’y a pas d’autres voies possibles.
PHASE D’APPRENTISSAGE
Si on était un junkie, c’est le moment où on comprendrait les causes de notre comportement addictif, et les raisons pour lesquelles on a choisi cette drogue — autrement dit cette façon de penser, de souffrir, cette attitude et ces croyances — pour tenter de se soigner (ou du moins minimiser les symptômes de la maladie).
Être capable de regarder d’un œil lucide et dépassionné ce que notre plante est en train de mettre en lumière signifie qu’on est prêt à entrer dans la phase d’enseignement de la diète.
C’est ici que l’humilité revient en force. Si notre ego refuse de lâcher prise, oscillant entre sentiment de toute puissance et victimisation, il y a de fortes chances qu’on stagne. Se confronter à ses problèmes n’implique pas de s’identifier à eux ; au contraire, l’idée est de parvenir à les voir sous un angle nouveau.
Sans parler nécessairement d’objectivité neutre et impartiale, puisque dans la diète, la subjectivité est à la première place et que les émotions sont la voie menant à la compréhension de soi, l’idée est d’arriver à se considérer avec amour, comme l’Ayahuasca le fait par exemple, sans se mépriser, s’énerver ou culpabiliser pour ses faiblesses, ses bassesses, ses défauts. Toutes ces choses qu’on estime indignes.
Parvenir à épouser le regard dénué de jugement de notre plante autorise nos maladies à s’exprimer pleinement et c’est en les laissant se déployer qu’on parvient à remonter jusqu’à leurs racines. C’est ainsi qu’on va éveiller les pouvoirs curatifs de notre propre conscience, en accédant à la sphère de guérison de notre plante, l’essence de la pure Medicina, au sein de laquelle va avoir lieu le traitement en tant que tel.
Nos rêves vont se clarifier, devenir plus lucides, plus enseignants. Changer de nature et devenir porteurs de messages vraiment médicinaux.
Puisqu’on autorise chaque jour davantage son inconscient à s’exprimer, la barrière qui le séparait de la conscience se dissout peu à peu, faisant transiter davantage d’informations vers elle : les souvenirs enfouis se libèrent, nos archétypes émergent, la figure métaphorisée de notre plante se manifeste. Du moins, selon la vision occidentale de la chose.
Pour les Shipibo, le domaine des songes est également celui des plantes, leur canal privilégié de communication, aussi sont-ils particulièrement attentifs à ce que nous vivons dans le monde onirique, et peuvent même nous féliciter quand ils considèrent qu’on a accompli quelque chose d’important dans un rêve, ou au contraire nous fustiger quand ils estiment qu’on a fait quelque chose de mal !
Cet aspect de la Medicina sera abordé en détail dans le chapitre consacré au rêve.
Durant les cérémonies d’Ayahuasca, la même mécanique est à l’œuvre. Chaque nuit, notre ouverture est plus franche, nos intentions plus ancrées, plus véridiques, davantage reliées au cœur qu’au cerveau, notre volonté de nous libérer de ce qui nous entrave s’affirme. Cette nouvelle posture nous fait accéder à un nouveau stade de l’Ayahuasca, d’autant plus que la graine de notre plante est en train de pousser, de monter, de coloniser notre organisme et notre psychisme.
A présent, nous savons ce que nous voulons nourrir, la force d’amour de cette plante qui croit en nous vers la lumière, et nous savons aussi ce dont nous voulons nous débarrasser. Nous avons identifié la racine de notre maladie, logée sous le marécage des symptômes, et nous sommes prêt à l’arracher de terre et trancher ses extensions malignes.
Cette phase de la diète est celle où nous sommes prêt à passer du savoir à la connaissance. Illusions, fausses croyances et formatage conditionné ont été éliminés. Il est temps maintenant de vivre l’apprentissage depuis l’intérieur, enseigné par des êtres spirituels nous prêtant leur regard omniscient pour nous voir nous-mêmes, et surtout voir le monde, comme nous ne les avions jamais vus.
Au fond, c’est ce changement de focal qui est thérapeutique. En dépassant le carcan égotique et ses œillères, notre univers s’expand. Notre plante nous relie à la beauté de la vie et nos aspirations limitées à l’ego s’éclipsent. Elle commence à graver d’autres dessins en nous, qui ne tracent plus les barreaux d’une prison comme le faisaient nos anciens schémas, mais au contraire, nous reconnectent au réseau du Vivant.
C’est ce que, personnellement, je nomme la transcendance.
Cette redécouverte de l’intelligence de la nature, en nous, tout autour de nous, fait sauter le dernier blocage… Le sens de la vie et la nature de la réalité s’en trouvent à jamais métamorphosés. Nous ne sommes plus seuls, isolés, perdus au sein d’un monde cruel.
Nous sommes l’expression unique d’une parcelle de conscience unifiée.
Bien sûr, face à ce genre de révélations, le mental s’apaise et un espace de paix intérieur s’ouvre, rayonnant dans notre poitrine. Un fort désir de changement jaillit et une direction nouvelle s’ébauche : celle de trouver son projet-sens et de tout faire pour l’incarner.
PHASE D’INTÉGRATION
Ici, j’aimerais faire une petite parenthèse car pour beaucoup d’Occidentaux, la phase d’intégration est comprise comme celle qui a lieu de retour à la maison, or ce n’est pas exactement ainsi qu’elle est proposée par les Shipibo.
Voilà comment se déroule une diète faite dans les règles de l’art, sur une durée de 30 jours :
Les 10 premiers jours, on boit notre plante, on sème la graine.
Les 10 suivants, on cesse de la boire, et c’est là qu’elle commence à “entrer” dans notre corps énergétique, à s’enraciner, à pousser, et à délivrer ses enseignements.
Les 10 derniers jours, on intègre ce qu’on a reçu. Notre plante est haute et épanouie, et l’on est supposé se voir à son sommet, en rêve ou en cérémonie, et être couronné par son esprit. Les icaros du chaman ont pour but d’encastrer sa médecine en nous, afin qu’elle y reste, notamment avec l’armure de kené et les arcanas, comme on l’a vu dans l’article précédent. Ainsi, en quittant le centre de Medicina, le plus gros du travail a été accompli et il n’y a plus besoin de travailler dessus.
Naturellement, ce n’est pas pour autant qu’il n’y aura aucun effort à faire dans le futur pour modifier sa vie selon les nouvelles perspectives acquises, mais de leur point de vue, la diète d’un mois est un processus complet en tant que tel, qu’il faut investir dans tous ses tenants et aboutissants au moment même où on l’accomplit.
Cependant, l’écart immense existant entre nos deux cultures m’incite à penser qu’ils ne réalisent pas tout à fait l’ampleur du challenge que représente le fait d’incarner les enseignements des plantes de diète dans la vie quotidienne occidentale. Je ne dis pas qu’un Shipibo traité pour son alcoolisme n’aura pas lui aussi des difficultés à honorer la nouvelle version abstinente de lui-même une fois de retour au village. Simplement, le fossé entre la vie dans la selva et la vie en Occident étant phénoménale, on peut facilement être amener à croire que ce qui s’est passé en diète n’était rien de plus qu’un très, très joli rêve…
Pour terminer la métaphore du junkie, cette phase où l’on est nouvellement abstinent implique de réapprendre à vivre sans dope… et de mettre à l’épreuve du réel toutes les promesses qu’on s’est faites à soi-même dans l’espace protégé, non soumis à la tentation, du centre de desintox. Plus facile à dire qu’à faire.
Une chose est sûre : si l’intégration a été bien faite, peu importe à quel moment on la place, la mue est opérée et les anciennes peaux tombent toutes seules, sans avoir besoin de les arracher. En revanche, comme je le disais en évoquant la question du contrat, cela peut mettre un peu de temps pour arriver… Le temps qu’on soit prêt, tout simplement, même si notre détermination est bien sûr un facteur clé dans la rapidité du processus.
Je peux personnellement en témoigner. Dans le passé, j’ai connu des phases aiguës d’autodestruction à l’alcool. Parfois, pendant plusieurs mois, je picolais seule, dès 10h du matin, jusqu’à plus tenir en l’air. A présent, ceci a complètement disparu de ma vie.
Autre chose qui peut paraitre sans importance : toute mon adolescence et jusqu’à mes 30 ans (quand j’ai commencé à faire des diètes chaque année), j’ai été migraineuse. Un jour, j’ai simplement réalisé que ça faisait longtemps que je n’avais pas eu de crise. Et ce n’est jamais revenu depuis, sept ans plus tard.
Pourquoi mon alcoolisme et ma migraine ont quitté ma vie ? Probablement parce que j’en ai soigné la racine spirituelle, dont ils n’étaient que des émanations…
La phase d’intégration est celle de la reconstruction, et de l’épanouissement de la vitalité que notre plante nous a insufflée. L’énergie acquise doit à la fois s’incarner dans la chair et s’élancer vers la lumière, c’est-à-dire se manifester en plein jour, dans notre existence quotidienne, dans notre rapport au monde. Il s’agira donc de se rebâtir sur de nouvelles valeurs, des croyances plus positives, de la confiance, défait des regrets du passé et de l’anxiété du futur, afin d’exploiter ses réelles ambitions, ses talents révélés, ses désirs, sa vocation, son Soi, pour honorer la forme spécifique de cette petite étincelle de conscience que nous sommes, dans l’authenticité et la liberté la plus pure possible.
C’est ainsi que, pour finir, la connaissance transmute en sagesse, qui signifie utiliser le savoir avec éthique.
Pour l’exprimer d’une façon alchimique, on reconstruit son identité sur une terre plus saine (vitalité biologique) qui nourrira les bonnes racines, on s’abreuve d’eau pure (émotions équilibrées), on inhale un air vif (bonnes pensées), et on s’enflamme de passions véridiques (aspirations spirituelles élevées).
Mais gardons en tête que donner vie aux enseignements et modifier sa vie peut prendre du temps, souvent plusieurs années, parce que le message des plantes éclot seulement quand notre laboratoire intérieur (notre corps-esprit) est prêt à l’accueillir, à le faire s’enraciner et mûrir.
Il arrive qu’on comprenne à postériori ce qui s’est passé durant la diète, et on continue à récolter ses perles de sagesse bien longtemps après qu’elle soit finie…
Au fond, ce qui se passe en diète est un travail d’architecte : on construit les plans de sa maison (corps-esprit), on en structure chaque partie, chaque pièce, pour que l’édifice soit capable de résister aux moments tempétueux de l’existence, mais aussi qu’il soit assez ouvert pour recevoir les présents et les opportunités que la vie nous propose…
Les plantes nous donnent les indications pour construire cette maison de la meilleure manière qui soit.
LA DIÈTE INITIATIQUE
Chez les Shipibo, savoir guérir avec les plantes maîtresses et l’Ayahuasca ne s’apprend pas en lisant des livres, en devenant le disciple d’un maître ou en allant en fac de médecine. La Medicina n’est pas un savoir académique dont il suffirait d’avoir étudié les principes pour pouvoir être appliqué.
En Amazonie, apprendre la médecine des plantes passe par une série d’initiations personnelles qui se pratiquent sur plusieurs années. Les Shipibo disent qu’il faut un minimum de dix ans pour devenir un bon curandero et dans ce contexte chamanique, les diètes constituent le pilier central de l’apprentissage.
L’acquisition du savoir indigène n’existe que dans la relation intime que l’apprenti chaman entretient avec les plantes. Comme on l’a vu précédemment, les Shipibo ont coutume d’expérimenter le monde par le biais de différentes modalités sensorielles et par l’intermédiaire de plusieurs états de conscience. Ainsi, appréhender un phénomène peut avoir lieu par la vue, mais aussi l’odorat, le toucher, le goût, le ressenti émotionnel, et ils utilisent les états de conscience modifiés induit par les plantes visionnaires pour connaître de l’intérieur ce qu’ils étudient.
Être chaman est un art qui consiste à savoir sentir, reconnaître, appeler, dompter et canaliser les forces du monde invisible.
Les seuls professeurs de cet art sont les plantes qui, en enseignant l’humilité, la confiance, la patience, apprennent au curandero à se mettre au service de l’énergie vitale afin qu’elle transmette la paix, la joie, la santé et l’amour à ses patients.
Tout comme la diète de guérison, la diète d’apprentissage comporte une importante dimension morale : elle interroge l’apprenti chaman au cœur même de ses motivations, en le soumettant à des épreuves, à des tests, afin d’éprouver sa volonté et sa capacité à se maintenir hors de toute forme d’attachement égotique.
Celui qui résiste aux épreuves sera chaman ; celui qui succombe à la tentation sera sorcier.
La diète initiatique confronte donc le jeune chaman à sa dimension émotionnelle, morale et éthique de façon brutale. Isolé en pleine jungle au cœur d’états modifiés de conscience extrêmes, ses émotions deviennent perceptions, et semblent dotées d’une conscience propre avec laquelle il doit interagir. Ses peurs deviennent des présences, des entités autonomes capables d’interférer avec ses motivations et susceptibles d’entraver son initiation.
Il ne peut pas se mentir à lui-même, ni cacher ses intentions réelles aux esprits des plantes. Et son unique moyen de saisir et de transfigurer ce qu’il expérimente, c’est d’avoir intégré ses peurs et ses parts d’ombres, en accédant à la pleine conscience et à l’individuation.
Même dans un rêve, sa diète peut être tordue s’il se livre à des relations sexuelles ou mange un aliment prohibé. Pour les Shipibo, il n’y a pas de différence ontologique entre les divers modes de conscience. Les actions “symboliques” d’un rêve ou d’une vision ont autant de réalité que ce qui est accompli dans la vie diurne. Aussi, quand le chaman se fait tester, séduire, dans un songe ou en cérémonie d’Ayahuasca, il doit savoir se contrôler, autrement il devra redresser sa diète et la recommencer depuis le début en en doublant le temps.
Apprendre à maîtriser ce qu’il voit est l’objectif primordial de l’apprentissage, comme on l’a vu au chapitre précédent avec les icaros ; si “dire, c’est faire”, alors influer sur le monde onirique en accédant au rêve lucide et prendre le contrôle de l’espace visionnaire (pour, par exemple, réussir à dompter un animal sauvage ou devenir allié avec les esprits rencontrés), est l’art majeur du chaman.
Bien sûr, il doit aussi apprendre à vaincre la peur provoquée par les visions parfois violentes et résister aux épreuves données par les yoshin. C’est l’être du chaman dans sa totalité, consciente-inconsciente, vigile-onirique, qui est mis à l’épreuve lors de l’apprentissage.
Voilà pourquoi devenir guérisseur est un parcours du combattant. Dans l’initiation chamanique, les valeurs éthiques d’un être humain deviennent des entités vivantes, loin des abstractions de la sagesse. Pour maitriser l’expérience, le chaman doit donc se maitriser afin de conserver sa stabilité psychique et émotionnelle, et sa pureté spirituelle.
Et c’est ici que les icaros interviennent, car ces chants sont des outils pour contrôler les états modifiés de conscience, à la fois ceux du chaman et ceux du patient qu’il veut guérir. La diète d’apprentissage passe par une longue période d’incorporation des icaros, où le curandero doit apprivoiser les mélodies reçues des plantes.
Ces chants sont des outils complexes : à la fois système de communication qui permet d’appeler les esprits des plantes, de créer une interface de dialogue avec eux et de véhiculer leur médecine, et moyen de navigation à l’intérieur des visions.
Leur nature mélodique empreinte d’une forte sensibilité affective permet de guider la conscience dans un état de stabilité émotionnelle. L’icaro est à la fois un chemin qui parcourt l’univers des visions, la cordée qui relie les patients au chaman, et la rampe d’escalier à laquelle chacun se tient pour gravir les différents étages du monde visionnaire.
Ce fil d’Ariane musical est donc indispensable pour ne pas se perdre ou se sentir écrasé par le magma des visions.
Sachant qu’un icaro contient l’essence codée spécifique de chaque plante diétée, savoir chanter un icaro signifie comprendre le maniement énergétique d’une plante. Et plus un chaman diète de plantes, plus il connait d’icaros, plus il dispose d’outils de guérison en lui pour soigner tout un panel de maux. La puissance d’un chaman se reconnait donc au nombre d’icaros qu’il chante.
Plus on diète, plus on apprend. Apprendre, c’est apprendre à diéter. Être un bon guérisseur est donc avant tout une vocation, un sacerdoce. Une destinée.
Comme on le voit, apprendre à travailler avec les plantes au niveau énergétique et spirituel demande du temps et une immense abnégation. La diète initiatique est encore plus stricte que celle de guérison, et pour cause ; nourrir son mariri (son énergie chamanique) et acquérir la force et l’enracinement nécessaires à l’assimilation des énergies négatives absorbées chez les patients implique d’avoir travaillé sur soi de longues années.
En définitive, il s’agit d’acquérir une capacité perceptive hors du commun, celle de savoir embrasser la perspective des plantes maîtresses dont le regard est si vaste et si sage, en passant par une longue période de connexion à la nature afin d’optimiser sa sensibilité et sa reliance.
Le chaman doit s’entrainer jusqu’à ce que le tissage entre lui et les plantes soit si étroit qu’il devienne à même de recevoir, de communiquer, d’interagir, d’intégrer et de devenir porteur de ces énergies, pour les diffuser ensuite en cérémonie, par le souffle, le chant, les gestes, par l’intention et l’attention, et dans l’ivresse de l’Ayahuasca qui amplifie l’accès à ces outils.
QU’EST-CE QU’UNE DIÈTE TORDUE OU CROISÉE ?
Être en diète de plante signifie être en relation exclusive avec l’esprit d’une plante. C’est l’exclusivité qui rend possible toute transmission et engendre cette hybridation dont j’ai parlée plus haut.
En ouvrant une porte intérieure qui nous permet d’entrer en contact avec l’essence profonde de toute chose, nous nous mettons également en situation de vulnérabilité, les règles de la diète sont donc en réalité des mesures de protections énergétiques rigoureuses tant pour nous que pour ceux qui sont en contact avec nous et notre nourriture.
La sensibilité extrême qui est la nôtre durant la diète nous expose dangereusement aux interférences nuisibles ; c’est donc une opération délicate qui nécessite un maestro hautement qualifié et un apprenti très motivé.
Lorsqu’on ne respecte pas les restrictions alimentaires et comportementales, il se produit des perturbations physiques, énergétiques et psychologiques appelées “cruzadas” en espagnol (croisement), dont les conséquences peuvent être graves, voire irrémédiables. Elles peuvent apparaître à cause d’aliments nocifs, de mauvaises pensées, d'odeurs fortes, du contact avec une personne ayant une énergie toxique (une femme enceinte ou menstruée, une personne droguée, ivre ou malade, une personne qui ne s’est pas lavée après un rapport sexuel), de grandes variations de température ou encore à cause d'un sorcier…
Lors d’un croisement de diète, on va redescendre brutalement à un niveau inférieur à celui duquel on est parti, et se retrouver dans un état de confusion psycho-émotionelle et de désordre physique. Il faudra d’abord remonter au niveau de départ avant d’espérer pouvoir aller plus loin.
LA CRUZADA DES KANOBO
Pour comprendre ce qu’est une diète tordue ou croisée, il faut revenir sur la notion de kanobo vus au chapitre précédent, ces chants-chemins qui véhiculent l’énergie des plantes, placés en nous par le chaman. Lorsqu’on diète une plante, on est porteur de sa médecine via ces lignes vivantes d’icaros qui deviennent comme des veines pour notre corps énergétique, et dont le “sang” doit circuler librement.
Or, si les règles de la diète sont transgressées — volontairement ou pas, ça ne change rien —, il y a interférences et perturbations énergétiques, les kanobo sont obstrués par un “air” qui parasite la voie d’entrée de la medicina et sa circulation, déplaçant, déviant les chants engrammés en nous qui ne s’ajustent plus correctement.
Donc s’il y a un croisement de diète, il y a un décalage entre la forme-énergie du chant et notre corps énergétique.
Lorsque nos chants ne sont plus alignés, il y a croisement (ramita) des chemins (kanobo) par lesquels la vitalité de notre plante nous est transmise. Celle-ci est perturbée, gênée, empêchée dans son action, et c’est douloureux pour nous, à la fois physiquement et psychiquement. On va voir plus loin les réactions qu’une cruzada peut provoquer.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les chemins vecteurs des airs de la plante qu’on diète et ceux des entités prohibées, hostiles les uns aux autres, se mélangent et entrent en conflit. C’est ce que l’on nomme communément la “jalousie” des plantes. Avec nous au milieu, à la croisée des chemins, écartelé au cœur d’une accumulation d’énergies négatives…
Revenir à la métaphore de la graine peut être éclairant pour la compréhension de la nature d’une torsion de diète.
Au début du processus, notre plante est une petite pousse fragile. Elle s’enracine doucement en nous, commence à grandir. Les règles de la diète visent à la protéger des insectes, des coups de chaud, des moisissures, afin qu’elle grandisse et s’épanouisse tranquillement.
Les chants du chaman sont comme un tuteur pour elle, qui l’incite à pousser droit vers la lumière.
Manger du sel serait pour cette petite plante l’équivalent de recevoir une averse de grêle ; manger du sucre créerait de la rouille empêchant sa croissance ; croiser une personne toxique serait vécu comme une invasion de pucerons ; s’exposer au soleil reviendrait à connaitre la sécheresse…
En bref, tordre sa diète revient à détruire cette petite plante ou bien la faire tourner, c’est-à-dire l’entrainer à pousser dans le mauvais sens ; au lieu de se développer harmonieusement en une belle plante vigoureuse pleine de fleurs et de fruits qu’on pourra récolter, elle va devenir une plante porteuse de poison.
Notre chaman doit donc s’assurer régulièrement que notre diète s’inscrit bien dans la connexion avec la médecine de la plante, sa lumière, car chaque plante possède aussi une dimension obscure, dans laquelle on peut chuter sans s’en apercevoir. En diète, il est fréquent par exemple qu’en faisant resurgir des souvenirs enfouis ou occultés, des émotions comme la rancœur, la colère, le jugement, fasse irruption en nous et qu’on s’en saisisse par la pensée, nous entrainant dans un magma nocif d’où l’on n’arrive plus à sortir. Inutile de préciser que dans ce cas-là, on se sera complètement désaxé.
Eh bien, ça aussi c’est une torsion de diète, et le guérisseur devra intervenir pour la rectifier, l’harmoniser à nouveau en corrigeant cette distorsion.
LES SYMPTÔMES D’UN CROISEMENT DE DIÈTE
La gravité des symptômes dépend de la plante prise (certaines sont plus sensibles ou “jalouses” que d’autres), et du type de transgression auquel on s’est livré, ou auquel on a sans le vouloir été confronté.
Généralement, l’effet adverse se manifeste par un renforcement des symptômes qui devaient être corrigés et peut déclencher :
des malaises physiques : diarrhées, vomissements, migraines, coups de chaud, désordres dermatologiques, déséquilibres du système immunitaire ouvrant la porte aux maladies, désorientation, étourdissements, vertiges, bourdonnements d'oreilles, douleurs générales dans le corps, troubles du sommeil, lourdeur pour se réveiller et difficulté à être actif pendant la journée...
des malaises psycho-affectifs : irritabilité, agressivité, dépression, peur, anxiété, colère débordante…
des malaises énergético-spirituels : hallucinations et délires, confusion, cauchemars, troubles de la perception sensorielle, pensées obsessionnelles négatives…
des effets au niveau neurologique et psychique dans les cas les plus graves.
Voici quelques effets possibles d’un croisement de diète : manger du sucre avec la Camalonga peut engendrer des mydriases dans l'œil et une photophobie, des yeux qui pleurent, un trouble de la vision. Utiliser du shampooing et du déodorant avec l’Ajo Sacha peut déclencher de forts vomissements et des douleurs abdominales… Certaines cruzadas sont irrémédiables. Par exemple, il est connu que la Zarza produit un vitiligo irréversible si l’on ne respecte pas sa diète, et que l’Ojé peut donner des insuffisances rénales graves.
J’ai personnellement croisé ma diète de Lupuna il y a quelques années, et quand on connait la puissance de cet arbre, le plus haut de toute l’Amazonie, vénéré dans tous les pays latinos, on mesure à quel point la torsion de sa diète peut être grave… Les circonstances de cette diète étaient très particulières, et je ne vais pas les exposer ici. Je dirais simplement que tout le bas de mon corps, depuis mon ventre jusqu’à mes orteils, s’est mis à gonfler d’une façon vraiment effrayante, et que ça a duré deux semaines.
Les choses ont fini par se tasser toutes seules, mais les Shipibo chez qui j’ai fait ma diète suivante, quelques mois plus tard, ont dû redresser ma diète de Lupuna et ils m’ont dit que j’avais eu de la chance, que j’aurais pu gonfler jusqu’au visage…
A présent, si je veux diéter à nouveau cet arbre, je devrais doubler le temps de diète, c’est-à-dire m’engager avec lui pour deux mois.
REDRESSER LA DIÈTE
Si, pour une raison ou une autre, nous croisons notre diète, alors le chaman devra nous “redresser” avec ses chants et des mesures pratiques le plus rapidement possible, afin de nous “corriger” au niveau énergétique.
Voici la liste de ces mesures :
les bains de plantes (se baigner avec les mêmes plantes que l’on a ingérées lors de la diète)
les bains de parfum
le jeûne
les sopladas de Tabac et de jus de cannelle sauvage mâchée (la cannelle peut aussi être utilisée en décoction avec un peu de tabac comme régulateur énergétique)
les icaros
les massages
l’ingestion de plantes purgatives ou vomitives
se baigner dans la rivière
refaire une diète en ingérant la même plante en en doublant le temps
Redresser une diète tordue est le seul moyen de s'assurer que les enseignements de notre plante maîtresse sont adéquats et sains pour nous, et qu’ils auront des effets positifs tant pour nous que pour nos proches.
Si la cruzada est maintenue, consciemment ou inconsciemment, les enseignements de notre plante renforceront nos aspects négatifs, augmentant même ceux que l'on a voulu changer, aggravant notre état, jusqu'à remonter plus loin que là où nos problèmes ont commencé…
Comme on le mesure ici, la diète de plantes maîtresses est très bénéfique si elle est bien faite et qu’elle laisse un changement structurel pérenne dans nos vies, mais inutile, voire dangereuse, si elle est mal faite ou si ses règles ne sont pas respectées.
LA FACE OBSCURE DES PLANTES
LA SORCELLERIE CHEZ LES SHIPIBO
Aborder le thème de la sorcellerie indigène implique de se confronter au fossé entre deux paradigmes : le nôtre et celui des Shipibo.
Disons d’emblée que la plupart des chamans amazoniens réalisent aussi bien des actes de guérison que de sorcellerie. Considérés comme mineurs, ils justifient ces actes comme moyen de se défendre des brujos (sorciers) ou des maleros (malfaiteurs) qui s’en sont pris à eux, à leurs proches, ou à leurs patients.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le guérisseur d’un village a toutes les chances d’être perçu comme un sorcier pour le village voisin. Chaque guérisseur défend ses ouailles et les guérit des sorts jetés par le brujo voisin en lui revoyant ses méfaits, et inversement, dans un cycle sans fin. Celui qui a le pouvoir de guérir a donc également le pouvoir de nuire, parce qu’il faut maîtriser la sorcellerie pour pouvoir la retirer, et selon l’endroit où l’on se place, on est toujours le sorcier de quelqu’un...
De plus, n’oublions pas qu’en vertu de cette fameuse loi du talion, rétablir la justice en renvoyant un sort est considéré comme nécessaire au maintien de l’équilibre spirituel, sans compter que faire retour à l’envoyeur est souvent décrit comme l’unique moyen d’ôter une chonta (fléchette) de sorcellerie.
Ajouté à ça, il y a des guerres incessantes entre chamans au sein même de toutes les communautés shipibos, voire entre membres d’une même famille, souvent causées par la jalousie de voir l’un d’entre eux réussir mieux que les autres dans le domaine de l’Ayahuasca, qui, comme on le sait, est devenue une manne alimentant l’avidité de pouvoir et le désir d’enrichissement financier.
Cette sorcellerie dite mineure comprend également la pratique traditionnelle des puzangas, ces filtres d’amour qui font partie du jeu social quotidien et s’inscrit dans une démarche normale de séduction entre hommes et femmes. Chez les Shipibo, la polygamie est par ailleurs tacitement acceptée.
Pour les Occidentaux, les sorts d’amour sont bel et bien de la sorcellerie, car ils impliquent de contraindre quelqu’un à faire quelque chose qui n’a pas été décidé par lui. En l'occurrence, tomber amoureux d’une personne. Or, les charmes d’amour sont l’une des techniques que les chamans apprennent en premier auprès des plantes, et c’est aussi l’une des plus simples. Il est tout à fait habituel pour eux qu’on vienne les trouver pour leur demander d’en réaliser un.
Ainsi, bon nombre de pratiques que nous, Occidentaux, qualifions de sorcellerie puisqu’il est question de nuire, d’obtenir du pouvoir, de punir, d’alimenter son ego, de manipuler et de contraindre des personnes à faire des choses qu’elles n’ont pas choisies librement, sont monnaie courante pour les Shipibo et perçues comme incluses dans le travail d’un guérisseur. Elles ne sont donc pas jugées négatives.
Il n’en demeure pas moins que pour les Shipibo, le Bien et le Mal existent. Dans le monde invisible, les entités ne sont pas toutes favorables, positives et bénéfiques, bien au contraire. Recevoir des armes en cérémonie ou en rêve comme cadeaux des plantes, par exemple, indique au chaman que nous sommes partis du côté obscur de notre plante, et qu’il va devoir nous redresser.
En clair, contrairement au discours New Age que beaucoup d’Occidentaux partagent, les bonnes intentions ne suffisent pas. S’embarquer dans le chamanisme requiert de faire preuve de discernement. L’Ayahuasca, en particulier, est un canal rêvé pour les entités obscures qui cherchent à nous posséder, une porte ouverte pour l’intrusion du Mal. Souvent, les premiers esprits qui entrent sont des nuisibles, qui se présentent bien sûr en usant de séduction, il faut donc être guidé et accompagné par un curandero véritable, dévoué à la Medicina, et combiner l’Ayahuasca avec d’autres techniques et approches afin de se préserver de ce type d’entités.
C’est pourquoi suivre une diète demande d’avoir une intention claire, une volonté réelle de guérir, une disposition à se confronter et à se purifier, et un maestro fiable prêt à nous prendre en charge avec altruisme et responsabilité, qui veillera à nous protéger des esprits malins, mais également de nous-mêmes et des tentations de pouvoirs auxquelles on risque d’être confronté.
Respecter les règles de la diète est aussi essentiel pour se prémunir de la sorcellerie, car la transgression qui perturbe notre niveau psycho-spirituel peut éventuellement se terminer par une infestation et nous transformer en sorcier. Beaucoup d’entre nous finissent par devenir des maléros mineurs pour ne pas avoir observé les règles de la diète correctement, et certains dérivent lentement vers une attitude plus propre aux grands sorciers.
QUAND UN GRINGO PART DU CÔTÉ SOMBRE DES PLANTES
Pour ce qui nous concerne, nous et notre diète, le côté obscur des plantes est celui où règnent les esprits qui ne sont pas dévoués à la Medicina. Ceux que nous devons chercher pour aller mieux dans notre vie, d’une manière générale, ce sont les esprits médicaux. Ceux qui vont nous enseigner à devenir un meilleur être humain, dont le cœur est pur et l’âme intègre, qui n’utilise jamais les autres comme des moyens, mais comme des fins en soi.
J’aimerais revenir sur le terme de “pouvoir”, souvent amalgamé à la sorcellerie par les Occidentaux. Un être humain a besoin de pouvoir personnel. Il a besoin de volonté et de force pour s’en servir. Partir en quête de pouvoir n’est donc pas un problème de sorcellerie qui nous ferait fatalement sombrer dans les ténèbres végétales. Tout dépend du type de pouvoir que l’on cherche et de comment on compte l’employer, à quelles fins.
En revanche, les pensées et les sentiments de colère, par exemple, même s’ils sont inévitables en diète, nous attirent dans quelque chose de néfaste. Ce n’est pas pour autant qu’il faut s’inquiéter ou culpabiliser d’emblée quand ça nous arrive, mais on notera qu’il en est de même dans la vie ordinaire ; les pensées et les émotions colériques nous font du mal, à nous et aux autres, et si on les laisse nous entraîner trop loin, on va sombrer dans la dépression, la haine de soi et des autres, et notre vie va en prendre un coup. Ce sera ensuite plus difficile d’en sortir.
Donc en diète comme dans la vie, nous devons repérer ce type d’énergie avant qu’il prenne vraiment de l’ampleur, et nous ériger contre lui. Identifier la croyance derrière, au lieu de nous identifier aux émotions. Se laisser traverser par elles sans s’y attacher.
Ça ne veut pas dire que ces émotions ne portent pas en elles un message, au contraire. Mais justement, ce à quoi nous devons nous attacher, c’est le message derrière elles, pas les sentiments ou les idées qu’elles engendrent. Trouver leur source et l’écouter vraiment. Sinon, les esprits obscurs vont nous récupérer et renforcer les messages négatifs de notre ego…
Comme on le voit, prendre sa guérison en main requiert une grande responsabilité, une pleine vigilance et beaucoup de concentration et de discernement. En diète encore plus qu’ailleurs, nous devons nous considérer comme entièrement responsable de ce que nous laissons vivre en nous. Et si nous sommes capables d’atteindre cette posture intérieure impeccable en diète et en cérémonie d’Ayahuasca, alors une fois de retour, il y a de fortes chances que notre vie s’en trouve profondément changée.
Au fond, la jungle est un entraînement martial. Comme l’art du sabre ou de la flèche, la diète a pour vocation de nous forger à gouverner véritablement notre être, corps-esprit, et à devenir notre propre maître, le dieu de notre microcosme, comme diraient les alchimistes.
LE TEST DES PLANTES
Saviez-vous que les plantes nous testent pour mesurer notre volonté de guérir ? Oui, il n’y a pas que les mauvais esprits qui nous soumettent à la tentation, les esprits médicaux aussi cherchent à éprouver la force de notre engagement envers la Medicina…
C’est l’une des raisons pour lesquelles il nous arrive d’être tenté d’abandonner la diète. Découragement, ennui, perte de foi spectaculaire, doutes envers les intentions et les compétences du chaman, rage envers cette nourriture insipide et austère qu’on nous sert jour après jour (au point qu’il nous vient l’envie d’aller chiper des fruits à la cuisine en pleine nuit), sentiment que nos efforts et nos sacrifices ne sont pas payés de retour et que toute cette entreprise est une perte de temps, d’énergie, d’argent, qui ne pourra jamais nous permettre d’atteindre la liberté dont on rêve…
Parfois, notre plante refuse aussi de se manifester, que ce soit en songe ou en cérémonie, et on a l’atroce sentiment d’être rejeté par le monde spirituel, de ne pas être assez bien pour être accepté et enseigné par lui.
Dans ces cas-là, les Shipibo disent que nous sommes testés par notre plante. Celle-ci nous frappe dans nos points faibles, comme un maître d’art martial le ferait là où notre garde est baissée, afin de nous amener à travailler sur ces zones où l’ego, avec son mélange sournois d’inflation et de victimisation, est encore trop présent.
Les plantes se livrent aussi à ce genre de test avec les jeunes chamans en devenir. Tous les guérisseurs avec qui j’ai travaillé racontent que durant leur initiation, ils ont été soumis à la tentation du pouvoir, et qu’il leur a fallu faire un choix entre devenir brujo ou curandero.
Les plantes possèdent plusieurs mondes, des mondes ténébreux, des mondes lumineux, avec des esprits travaillant à leur service. Certaines plantes comme le Toé ou l’Ayahuma ont la réputation d’avoir des mondes obscurs importants, c’est pourquoi on ne peut pas les faire diéter aux novices. Le risque de chuter dans la sorcellerie est trop vif, car les esprits du Mal y sont nombreux et puissants.
Ces esprits font miroiter un pouvoir facile qui n’implique aucun sacrifice personnel. Ils peuvent enseigner à l’apprenti à manipuler l’énergie des plantes et des personnes sans avoir à se charger du fardeau qu’implique le travail de guérisseur. Ils tentent l’ego en le séduisant avec des cadeaux tels que les armes, la gloire, la puissance, sans devoir travailler sur soi ni viser une quelconque évolution personnelle. Beaucoup de chamans qui officient dans les centres de Medicina aujourd’hui font partie de ces initiés qui n’ont jamais vraiment fait de diètes sérieuses et se sont contentés d’apprendre à manipuler l’énergie.
Il faut savoir que toute diète croisée nous emmène immanquablement vers la dimension ténébreuse des plantes, dont les chemins nous entrainent vers l’ego au lieu du Soi. C’est pourquoi, dans la guérison comme dans l’apprentissage, avoir auprès de soi un maestro qui s’assure que notre diète n’est pas tordue est indispensable à toute véritable quête d’évolution.
Les plantes en elles-mêmes sont ambivalentes, à la fois ombre et lumière, et sont donc neutres. C’est l’Homme qui appose sur leurs énergies les valeurs morales et éthiques relatives au Bien et au Mal.
Donc quand les esprits nous testent, qu’ils viennent du monde de la Medicina ou de celui de la sorcellerie, cela revient au même, en définitive ; la plante nous ouvre ses différents chemins, chacun jalonné de secrets, de pouvoirs, d’enseignements. Certains d’entre eux sont initialement lumineux ou obscurs, d’autres peuvent s’avérer l’un ou l’autre selon l’emploi que l’on en fait.
C’est à nous de choisir.
SE FAIRE “SUCER” LA DIÈTE
Pour comprendre cette pratique détestable à laquelle se livrent les sorciers, il faut revenir sur la question du mariri, qui a été traitée dans l’article précédent de ce dossier.
Pour obtenir son mariri, le chaman doit suivre de longues diètes de plantes, notamment de Tabac, afin de former ce savoir-pouvoir matérialisé en lui. C’est en vertu d’un effort personnel intense et prolongé qu’il s’approprie les énergies des plantes, engagement extrême de plusieurs années au cours desquelles il est amené à se purger physiquement et se purifier spirituellement.
Durant son initiation, il se confronte à ses faiblesses, ses fantasmes, ses peurs, ses émotions, dans l’intention de se guérir afin de pouvoir par la suite guérir les autres, et seule une volonté infaillible et une vocation véridique peuvent lui permettre d’atteindre cet objectif. Ce processus l’amène donc à acquérir des forces énergétiques pour soigner les autres mais également, devenir sage. Voilà ce qu’est un vrai chaman.
De son côté, le sorcier acquiert son mariri sans se donner la peine de s’investir personnellement, car au fond, il n’ose pas se confronter à lui-même, sans doute parce qu’il se sait trop faible. Il ne respecte donc pas ses diètes, prend les plantes sans observer les restrictions alimentaires, sans s’isoler, sans s’abstenir non plus d’avoir des rapports sexuels. Il est alors branché en plein dans l’obscurité des plantes, et acquiert ses pouvoirs en recourant à des astuces, comme celle qui s’appelle “sucer la diète”.
“Sucer la diète” signifie absorber le mariri d'une autre personne ; c’est une technique reconnue. Le sorcier fait pratiquer une diète à son apprenti ou à son patient et lorsque celui-ci a acquis suffisamment de forces, il les lui suce à la manière d’un vampire. Cela l’empêchera bien sûr d’évoluer puisque le sorcier se nourrira en continu de son travail, car le lien qui les enchaîne l’un à l’autre est éternel, sauf si un chaman le coupe.
Mais le mariri est en fait un poison dans le corps du sorcier, et celui-ci doit l’évacuer régulièrement pour ne pas qu’il le tue ou le rende fou. Le sorcier est littéralement possédé par des forces qu’il ne sait pas contrôler et qui le dominent. Il attire les mauvais esprits qui l’asservissent, le tentent, l’incitent à faire le mal, stimulant ses plus bas instincts, ses noirs désirs, ses faiblesses, le piquant et le conduisant à des sentiments de colère, d'orgueil, d'irritabilité, d'envie et de vengeance. Une manière classique d'expulser le mariri consiste à le cracher en le plaçant dans le corps de quelqu’un d’autre, au moyen d'une soplada de Tabac ou de façon secrète, en envoyant une chonta dématérialisée investie d’une intention de nuire.
Les chontas ne peuvent pas nuire à un chaman dont le corps est fort et sain grâce aux diètes, elles rebondissent sur lui. Le sorcier, lui, finira sa vie dominé par un sorcier plus puissant qui l’empêchera d’expulser son mariri toxique, ce qui le fera pourrir de l’intérieur… Son cadavre se décomposera très vite en exhalant d’horribles odeurs fétides, à ce qu’on dit.
Les Gringos aussi peuvent se faire sucer la diète, je connais une personne à qui c’est arrivé…
Elle était en cérémonie d’Ayahuasca, en pleine vision quand, d’un coup, le noir s’est fait dans son esprit. Sur le moment, elle a trouvé ça étrange, mais sans trop s’inquiéter non plus. Mais lors des cérémonies suivantes, tandis qu’elle continuait à diéter, elle n’avait plus aucune vision, comme si l’accès au monde des esprits lui avait été retiré.
Et puis, elle a commencé à se sentir mal, faible, triste. C’est là qu’elle s’est mise à soupçonner que le chaman lui avait fait quelque chose. Elle a fini par quitter le lieu de retraite, pour se rendre dans un autre centre de Medicina. Là, les chamans présents sur place l’ont auscultée durant sa première cérémonie, et ils ont découvert qu’elle était porteuse de ce qu’ils ont nommé un “bébé”, logé dans son ventre.
Ce bébé était en train de grandir, se nourrissant de son énergie et de l’énergie de ses diètes.
Ce bébé, ou ce parasite, plutôt, était en réalité directement relié au chaman qui lui avait jeté ce sort ; c’est par son entremise qu’il lui suçait son énergie. Plus il grandissait, plus il lui pompait sa vitalité, plus le sorcier s’alimentait, et les chamans ont dit que s’il n’avait pas été retiré, il aurait fini par la tuer.
Ça leur a demandé plusieurs interventions pour l’extraire de là. Quand il a enfin été délogé, les visions sont revenues dans ses cérémonies et son bien-être s’est immédiatement rétabli.
Cette “métaphore” du bébé est très parlante pour saisir comment fonctionne le vampirisme énergétique, comment le sorcier place en nous un hôte parasitaire qui nous relie à lui et lui permet de bénéficier de notre énergie, comme s’il était branché sur nous, jusqu’à nous vider entièrement et nous conduire à la mort…
Ce risque de se faire sucer la diète est très réel, partout au Pérou, c’est pourquoi il est indispensable de savoir où on met les pieds avant de réserver un lieu de retraite.
Si vous souhaitez connaitre des lieux sûrs pour faire une diète de plantes, vous pouvez réserver une consultation avec moi en passant par cette page.
LES RÈGLES ALIMENTAIRES D’UNE DIÈTE DE PLANTE
Pas de sel : cela permet à notre corps énergétique de s’ouvrir, en nous offrant une meilleure réceptivité de l’énergie de la nature et de notre plante, et en amplifiant nos sens. Le sel est considéré comme un aliment qui civilise et éloigne celui qui le consomme de l’animalité. En le retirant de l’alimentation, on atténue cette couche qui nous isole de la nature et nous protège des multiples interactions avec des entités non-humaines. Ce régime nous rend ainsi de plus en plus sensible au monde invisible et aux esprits qui le peuplent, et donc aussi plus vulnérable. De plus, il engendre une lassitude, une faiblesse, propice à l’entrée de la médecine en nous.
Pas de sucre : il coupe l’effet de notre plante et nous affaiblit. L’absence de sucre permet à notre plante de mieux se fixer dans nos cellules. Le goût non sucré des aliments enlève également le côté rassurant de l’alimentation.
Pas de graisses, fritures, produits laitiers : ils provoquent des désordres digestifs. L’absence de matières grasses et une alimentation limitée à peu d’aliments permet une meilleure désintoxication de notre organisme.
Pas de viande et surtout pas de porc : la viande excite, énerve l’organisme mis au ralenti, et peut provoquer des allergies et des vitiligos. Le porc est considéré comme une viande grasse qui contient beaucoup de toxines. L’absence de protéines ainsi qu’un régime alimentaire minimum permet, sans mourir de faim, d’affaiblir notre corps et de le purifier afin que notre esprit prenne le dessus.
Pas de poissons à dents (style piranhas, car les dents “coupent” la diète), de poisson gras, de canards et de dindons : ils sont gras et difficiles à digérer.
Pas de yucca (manioc) : il provoque des taches blanches sur la peau.
Pas d’agrumes : l’acidité perturbe l’organisme et excite les papilles.
Pas d’alcool ni de drogues : ces substances sont pleines d’énergies négatives et modifient la conscience.
Pas d’épices, d’oignons, d’ail ni de piment : cela réchauffe l’organisme et provoque des problèmes digestifs et une sensation de brûlure interne.
Pas de café, de thé noir, pas de stimulants : l’organisme doit être dans un état le plus neutre possible.
Pas de dîner.
Traditionnellement, la diète shipibo se compose uniquement de bananes plantains et de riz, accompagnés du fameux chapo (bananes jaunes cuites et écrasées dans de l’eau chaude). Mais de nos jours, elle s’est largement diversifiée, avec des légumes, des légumineuses, des féculents, et certains fruits tels que la banane et la papaye suivant le moment de la diète.
Ainsi, il est d’usage de manger une salade de fruits le matin, puis un repas constitué de crudités en entrée (concombre, carottes, betteraves, tomates, avocats), et de riz, de lentilles, de quinoa, de patates, de pâtes, de poisson maigre si on n’est pas végétarien, en plat principal à midi.
C’est tout.
Bien souvent, le chaman va nous demander de suivre ce régime alimentaire deux semaines avant d’arriver au centre, afin de commencer à préparer notre corps et notre esprit à recevoir les plantes.
A la fin de la diète, il nous donnera une salade faite de tomates, d’ail, d’oignons, de coriandre et de piment afin de refermer notre corps énergétique.
LES RAISONS ET LES EFFETS DU RÉGIME ALIMENTAIRE
NEUTRALITÉ
Pour être totalement réceptif aux effets et aux messages de notre plante, le moins l’on rencontre d’excitation ou de stimulation provenant d’ailleurs, le mieux c’est. L’idée qui sous-tend la neutralité gustative des aliments est donc de nous éviter au maximum de recevoir des informations sensorielles autres que celles venant de notre plante.
Durant la diète, la nourriture retrouve sa fonction première : sustenter notre corps au minimum afin qu’il ne s’effondre pas. L’ennui est donc volontairement induit, ce qui nous rend bien plus sensible au subtil. D’autre part, on redécouvre le miracle qui existe dans un grain de riz ou une rondelle de concombre… On mange donc beaucoup, beaucoup plus en conscience.
FAIBLESSE
L’absence de sel dans l’alimentation provoque rapidement une sensation de lassitude, tout comme le fait de réduire drastiquement les portions de nourriture. Cette faiblesse et cette fatigue sont elles aussi voulues : être affaibli permet aux esprits de mieux nous pénétrer, d’autant plus que ceux-ci apprécient qu’on souffre un peu pour se donner la peine de les rencontrer. Ce léger sacrifice est donc un gage de notre sérieux à leurs yeux.
Ajouté à ça, la fatigue va nous inciter à dormir davantage, ce qui est très positif pour rêver, bien sûr ! Puisque les plantes passent principalement par le canal onirique pour communiquer avec nous, faire la sieste et dormir plus est tout indiqué.
La fragilité ressentie, proche de celle du nouveau-né, est souhaitée également ; c’est le signe qu’on est poreux énergétiquement.
Cela dit, cette baisse de tonus ne durera pas tout le temps de la diète, car rapidement, la vitalité de notre plante va nous être transfusée…
NETTOYAGE DU CORPS
Moins on donne d’éléments à traiter à notre organisme, plus il peut travailler sur sa régénération, et plus il est également réceptif aux plantes. La diète alimentaire, tout comme le jeûne dans nombre de traditions, permet de nettoyer le corps des déchets qui l’encrassent et l’intoxiquent, et lui offre ainsi de se réparer.
Le système digestif au repos permet à nos intestins et à notre estomac de se reconstruire, nos cellules et nos glandes fournissent moins d’efforts, nos vaisseaux sanguins qui ne sont plus comprimés par le sodium sont soulagés, ce qui améliore la circulation générale et donc soulage aussi le cœur, notre foie élimine les graisses et les calculs qui l’engorgent, notre flore bactérienne se rééquilibre, les radicaux libres sont neutralisés, puis éliminés.
Le nettoyage se fait au niveau de tous les tissus de l'organisme, sans exception. Tout le métabolisme s'en trouve donc amélioré ; le milieu interne étant assaini, toutes les réactions de défense s'y déroulent efficacement. Le terrain n'est plus prédisposé aux infections microbiennes.
Cette autolyse permet donc un rajeunissement physiologique. Au lieu de s'affairer à la neutralisation des toxines, notre organisme peut s'attaquer aux déchets déjà emmagasinés dans les tissus ou se consacrer à d'autres tâches, comme lutter contre les maladies.
ÉLÉVATION DU SHINAN
Le fait de jeûner éveille la force de l’esprit. Mettre le corps au repos permet de renforcer la puissance de cette autre partie de nous, le shinan (esprit, intelligence, conscience, pensée), et d’atteindre ce que les Shipibo placent comme leur valeur suprême, le Koshi Shinan (esprit fort).
J’en parlerai longuement dans la suite de ce dossier, donc ici je me contenterai de partager une petite anecdote :
Un chaman assez vieux avec qui j’ai travaillé avait perdu son fils. Or, il avait quelque chose à lui transmettre avant que celui-ci ne rejoigne l’au-delà. Il a donc jeûné pendant plusieurs jours, sans eau et sans nourriture, afin d’élever son shinan pour qu’il puisse entrer en contact avec son fils défunt.
Ce vieux chaman m’a raconté que quand on n’a pas le temps de faire une diète de plantes mais qu’on a une requête importante à faire au monde des esprits, alors il faut s’engager dans un jeûne total, qui aura le même effet qu’une diète. Selon lui, quelques jours de jeûne sec ont autant de pouvoir qu’une longue diète de plantes en ce qui concerne l’éveil de la force du shinan.
Il disait aussi que quand on souhaite soigner quelqu’un de sa famille, par exemple, et qu’on a besoin de beaucoup de pouvoir pour l’aider, alors il faut jeûner, et que plus longtemps on jeûne, plus notre pouvoir se renforce.
J’ai moi-même constaté comment la force de mes intentions s’amplifiait au cours d’une diète, et plusieurs semaines après. A quel point mon pouvoir personnel s’élevait en comparaison de ce dont je suis capable dans un environnement normal. Aussi, je peux certifier que le régime alimentaire stricte de la diète possède un impact profond sur la maîtrise de l’esprit et son champ d’action, ce qui est une raison supplémentaire pour respecter scrupuleusement sa diète…
LES RÈGLES COMPORTEMENTALES D’UNE DIÈTE DE PLANTE
Rester isolé dans son tambo : notre corps énergétique étant très ouvert, l’idée est de s’imprégner des énergies positives de notre plante et de la nature, mais si on entre en contact avec des énergies négatives, elles n’auront aucune difficulté à nous pénétrer également…
Pas de contact avec les autres participants (en dehors des cérémonies d’Ayahuasca) : ne pas leur parler, ne pas les toucher, ne pas les regarder dans les yeux. Seul le contact avec le chaman et les facilitateurs est autorisé. Dans la tradition, la personne qui diète doit être vue uniquement par son maestro.
Surtout pas de contact avec des personnes malades.
Surtout pas de contact avec des femmes ayant leurs règles : cela peut provoquer des déséquilibres énergétiques, car les règles sont considérées comme une forme d’élimination d’énergie négative chez les Shipibo. Ainsi, les femmes réglées travaillant au centre de Medicina ne pourront pas préparer nos repas ou nos remèdes lors de cette période. En ce qui nous concerne, nous en tant que femme, on doit avertir le chaman lorsqu’on est réglée, afin qu’il prépare des bains de plantes pour nous protéger lors des cérémonies d’Ayahuasca ; la personne réglée devra se laver avec un bain de plantes précises, et tous les autres participants avec un autre. De cette manière, il n’y a pas d’interférences énergétiques à redouter.
Surtout pas de contact avec des personnes ayant eu des rapports sexuels récents (sans s’être lavées) : cela cause cauchemars et mal-être.
Pas de contact avec les proches par téléphone et pas de réseaux sociaux : ça provoque des perturbations psychiques et émotionnelles et parasite la concentration.
Pas de rapports sexuels ni de masturbation : le sexe entre en conflit avec la graine en train de pousser en nous. L’énergie de l’orgasme est trop puissante et lors d’un rapport sexuel, on absorbe l’énergie de notre partenaire, et réciproquement, ce qui cause un choc à notre plante. Il en est de même pour la masturbation. Celle-ci fait monter l’énergie à la tête et provoque un déséquilibre énergétique pouvant causer des migraines, de la confusion… D’une manière générale, le sexe n’a pas sa place durant la diète, qui est un espace-temps dédié à la purification et à l’introspection.
Pas de pensées sexuelles ni de rêves à caractère érotique : il faut pouvoir se contrôler, même en rêve, car comme on l’a vu, les actes accomplis en songe ont autant de poids ontologique que ceux accomplis dans un état de conscience ordinaire.
Pas de produits chimiques ni de cosmétiques, même bio, ce qui inclut donc savon, dentifrice, produits anti-moustiques, huiles essentielles : ils provoquent un dérèglement du système nerveux central avec céphalées ou ivresse dans le meilleur des cas, états de confusion mentale, pensées paranoïaques ou encore décompensation psychique dans les cas les plus graves.
Pas de lecture ni de musique durant la première phase de la diète.
Pas d’exposition au soleil et à la pluie : le soleil peut provoquer des allergies et des brûlures. L’exposition à la pluie peut provoquer des refroidissements. D’une manière générale, la puissance des éléments naturels peut entrer en conflit avec celle de notre plante.
Pas de parfum ni de choses contenant des odeurs (précisons tout de même que bien souvent, des spirales anti-moustiques ultra toxiques et très odorantes sont placées dans la maloca pour les cérémonies, et honnêtement, heureusement qu’elles existent, sinon l’Ayahuasca serait un véritable enfer !).
Ne pas s’approcher du feu.
Ne pas se regarder dans une glace : les miroirs absorbent l’énergie.
Ne pas s’approcher des animaux : lorsqu’on est en diète, on se nettoie et les animaux absorbent facilement ce qui sort de nous. Le fait de les toucher n’est donc pas bon pour eux.
Les chamans nous conseillent d’écrire, de méditer, de nous concentrer, d’aller auprès de notre plante ou de l’arbre que nous diétons pour nous recueillir auprès d’eux et entrer en connexion, et de rêver…
Ces règles sont finalement assez faciles à respecter, ce sont celles qui concernent le mental et les émotions qui sont les plus délicates à appliquer… Même si la “lutte” qu’on va connaître avec eux est en définitive très révélatrice de ce que nous sommes, et peut être envisagée comme partie prenante du travail de diète.
Voici les règles comportementales intérieures :
Être concentré, tout le temps.
Être dans une vigilance permanente, tout en étant “relâché”, à l’égard de nos pensées et émotions.
Ne pas nourrir de pensées de colère, de peur, de tristesse.
Rester ancré.
Mais nous verrons ça au chapitre suivant…
LES RAISONS ET LES EFFETS DES INTERDITS COMPORTEMENTAUX
PROTECTION
Les raisons principales qui justifient les interdits comportementaux en diète de plantes concernent la protection. Puisque comme on l’a vu, la diète a pour but de lever nos protections naturelles afin d’accueillir les énergies de notre plante, il faut nécessairement compenser la perte de notre bouclier habituel par des mesures qui empêcheront les énergies négatives de nous posséder.
De plus, étant donné qu’on est en pleine évacuation d’énergies néfastes, il faut faire attention à préserver les autres de ce qui sort de nous… Ainsi, en respectant les règles, les personne présentes au centre de Medicina ne s’affectent pas mutuellement ; pas de combat énergétique, pas de vampirisme inconscient, pas de projections, pas de désirs sexuels, pas d’infestation.
Et il est crucial de respecter aussi cette attitude lors des cérémonies d’Ayahuasca, durant lesquels pas mal d’entre nous ressentent l’envie instinctive de porter assistance aux autres… Quelqu’un pleure dans le cercle ? Vite, envoyons-lui des pensées de réconfort et nos souffles plein d’amour ! Un autre a du mal à vomir et se tord douloureusement au-dessus de son seau ? Qu’à cela ne tienne, grâce à notre concentration dirigée vers lui, il va se détendre et parvenir à évacuer son mal… Et maintenant, le chaman chante un icaro personnel à celui-là, et nous sommes convaincu de pouvoir lui prêter notre concours en nous focalisant dessus ? Grossière erreur, à priori, on n’est même pas censé écouter les chants destinés aux autres participants… Les entendre, oui, mais pas les écouter. Car on n’est pas supposé recevoir des choses qui ne nous sont pas destinées.
J’ai conscience que ce discours va complètement à l’encontre de tout ce qui se pratique avec l’Ayahuasca en Europe et dans les centres de Medicina New Age où l’on nous encourage vivement à partager nos joies et nos peines avec le groupe, car la cérémonie est décrite comme un espace de lien transcendantal où tout le monde est dans le même bateau…
Mais les Shipibo sont très fermes à ce sujet : pendant une cérémonie, on ne doit s’occuper que de nous, en laissant le chaman faire son travail sans interférer avec nos bonnes intentions et notre bonne volonté.
Car en réalité, on le gêne lorsqu’on envoie de l’énergie vers les autres, et on n’a aucune conscience de ce qu’on leur transmet réellement... En vérité, il y a même de fortes chances qu’il ne s’agisse que de projections néfastes pour eux, engorgées de nos propres souffrances, de nos croyances erronées, d’une identification nuisible…
Sans compter que pendant tout ce temps, en s’imaginant aider les autres, on n’est pas en train de s’aider soi-même. On n’est pas en train de travailler sur soi.
Et si ce genre de discours contrarie nos élans de superman, qu’est-ce que cela dit de nous ? Oui, que l’ego est présent, et qu’il y a quelque chose à étudier là en dessous…
En étant protégé et en prenant garde à protéger les autres de soi, on peut s’engager dans un travail sérieux car il n’y a rien à combattre, plus de vampirisme énergétique d’aucune sorte. Comme pour le corps, on peut donc se consacrer pleinement à sa régénération.
INTROSPECTION
S’exclure des rapports humains nous fait pénétrer dans une nouvelle dimension de nous-mêmes, plus sauvage, plus instinctive. Plus proche du règne animal et végétal, voire minéral par moment...
En se coupant du monde, on crée un espace pour méditer, explorer notre yoshin, aller sonder les profondeurs de notre être. Dans toutes les traditions, l’isolement a toujours été pressenti comme essentiel à la connaissance de soi. Peut-être que tout être humain, dans sa vie, doit oser s’accorder cet espace-temps hors du bruit et de l’agitation du monde pour regarder longuement ce qui vibre tout au fond de lui et faire éclore les puissances cachées dans le secret de son âme.
Évidemment, c’est une voie très difficile, parce qu’il est bien plus effrayant de se confronter à soi-même plutôt que de chercher un sens à la vie en la considérant depuis l’extérieur. Mais tant que nous refusons de subir cette confrontation, tout ce que nous faisons en croyant poursuivre un but n’est malheureusement rien de plus que des actes superficiels et inutiles, car on élude le véritable combat en cherchant ses réponses en dehors de soi, par peur de creuser vers l’intérieur.
Mais le problème, c’est que tant qu’on ne l’a pas fait, la vie restera pour nous… absurde.
Ainsi, c’est grâce à l’isolement qu’a lieu la véritable introspection, celle qui est en mesure de métamorphoser une vie. Écriture et méditation la journée, balade solitaire dans la selva à la rencontre des plantes et des animaux, et la nuit, insomnie souvent, mais aussi rêves lucides et dialogue onirique fantastique avec l’esprit de notre plante, la lune, les étoiles…
En vérité, respecter les interdits comportementaux est une épreuve à la hauteur du nouvel être humain que nous souhaitons devenir.
Ne plus se laisser porter et influencer par la pensée des autres en lisant. A la place, écrire ce qui vient de nous.
Ne plus utiliser le langage verbal. Au lieu de ça, être à l’écoute du langage poétique naturel et intérieur.
Ne plus restreindre son être à la conscience classique. Autoriser son yoshin à s’exprimer par le rêve et la transe.
Ne plus se travestir avec des produits chimiques par crainte d’endosser son odeur d’Homme. A la place, se laver à l’eau, à l’argile, les pieds en contact avec la terre et le ciel au-dessus de la tête, et s’assumer sans artifices.
Ne plus accepter tacitement d’être défini par un système qui pense à sa place. Découvrir sa vocation.
CONNEXION
Peu à peu, on commence à s’habituer à regarder la jungle comme une extension de soi-même. En allant se balader, ça devient normal pour nous de se sentir comme une infime particule d’un gigantesque organisme enveloppant tout ce qui est, jusqu’aux être inorganiques comme les rochers ou l’eau de la rivière, le vent dans les cimes et la foudre qui tonne.
On réalise qu’on n’est qu’un fragment de tout ça, et que notre conscience porte en elle toute la conscience du monde, tout simplement parce qu’il n’y en a qu’une seule, de Conscience.
La forêt nous parle par signes, et les synchronicités dont on fait l’expérience sont de plus en plus fréquentes. La diète éveille en nous un instinct. Nos intentions produisent des signes qui se manifestent dans la jungle, et ces signes nous renseignent sur notre âme.
Certaines de nos pensées semblent faites de la même énergie que la vie elle-même, comme si la vie pensait… ou se pensait à travers nous. Et c’est comme ça qu’on commence à communiquer avec son être profond, la selva entre nous comme une sorte d’interface, de traductrice, sur laquelle on projette nos questions et nos réponses.
En parlant avec le monde, c’est avec nous-même que l’on parle, et inversement. Tout devient si étroitement lié, la Conscience, l’énergie, la nature... À travers nous, c’est le monde qui parle avec lui-même. C’est ça qu’on découvre.
Aussi paradoxal que ça puisse sembler, l’isolement offre de ne plus se sentir séparé du monde…
LE CONTACT AVEC LA NATURE LORS D’UNE DIÈTE DE PLANTE
Au-delà de l’alimentation restreinte à l’essentiel et de l’isolement, l’élément le plus fondamental de la diète de plantes est bien évidemment la connexion à la nature.
En définitive, tout l’idée de la diète est de créer un espace de transformation où l’Homme et la nature peuvent à nouveau communiquer. La plupart d’entre nous ont perdu cette osmose ; entrer en diète consiste à rétablir ce lien en nous réajustant à l’élément naturel, et à recréer en nous panshin nete, le jardin cosmique qu’on a exploré dans l’article précédent.
La nature est dans un état vibratoire permanent ; elle se nourrit de l’eau, de la terre, de la lumière. La Medicina elle-même, avec ses plantes maîtresses dont chacune est en accord avec un des quatre éléments (eau, air, terre, feu), tantôt féminine, tantôt masculine, est l’emblème parfait de cette vibration continue à laquelle on va se relier.
Les plantes, les insectes, les animaux, tout dégage cette énergie vibratoire. L’immersion totale en plein cœur de la jungle nous offre d’observer et de ressentir avec une acuité folle le microcosme animalier d’Amazonie : course des fourmis sur le sol, ballet aérien et mélodies d’oiseaux, stridulations de cigales, concert nocturne de grenouilles, danse des dauphins dans le fleuve, chamailleries des singes dans les arbres, lente reptation des paresseux...
Comment ne pas prendre conscience que l’on n’est qu’un animal parmi tant d’autres sur cette fabuleuse planète quand on est en contact avec tous ces êtres ? Comment ne pas entrer sans y penser dans une position plus équitable envers l’ensemble du Vivant, comment ne pas se sentir appartenir à égalité à cette terre nourricière, et même entrer dans une extase mystique à leur contact ?
Le chant de la jungle en lui-même est une transe à lui seul… Se laisser pénétrer par lui est une expérience de conscience comparable à rien d’autre, comme de s’immerger dans l’âme de quelqu’un d’autre. Et la plante que l’on diète ne fait que créer une résonance encore plus en osmose avec la selva. Elle nous nivèle corps et âme à l’énergie naturelle, de sorte qu’on s’aligne avec elle comme jamais auparavant.
Le fait de se défaire de notre odeur humaine, avec toute la chimie qu’elle implique, change aussi considérablement la donne.
Et peu à peu, cette forêt si dense qu’elle possède un esprit, une intelligence capable d’entrer en contact avec les esprits calmes et attentifs, en leur donnant des visions même sans prendre d’Ayahuasca, cette forêt commence à se présenter sous la forme d’un vaste réseau d’informations où tout est relié, dans lequel puiser toute l’inspiration dont on a besoin pour mener nos vies… en pleine conscience.
OFFRANDES
Il est fréquent qu’à la fin de notre diète, le chaman nous invite à faire des offrandes aux plantes que nous aurons utilisées, celles avec lesquelles on s’est purgé, baigné, nettoyé, et bien sûr celle qu’on a diétée.
Mapachos et bonbons seront déposés au pied des plantes, agua florida et aguardiente seront répandus sur leurs troncs, leurs feuilles et le long de leurs branches…
L’idée est de remercier leurs esprits pour tout ce qu’ils nous ont apporté. C’est un moment très particulier qui personnifie tant nos plantes qu’on ressent une gratitude infinie et un sentiment de proximité rare avec elles, dont on se souviendra toute notre vie.
Mais de mon côté, je trouve qu’il est triste de se restreindre à cet instant protocolaire pour offrir des cadeaux et des marques de reconnaissance à notre plante.
Lors de ma diète de Renaco Blanco, j’allais souvent auprès de lui (c’est un arbre très imposant) pour lui parler, le caresser, et lui déposer des mapachos, du palo santo, des bracelets achetés au cours de mon voyage, au cœur du tronc, enterrés près de ses racines… Je lui soufflais régulièrement du Tabac en lui parlant de mes intentions, aussi.
Bref, il est tout à fait possible d’honorer l’ibo de sa plante par soi-même, sans attendre que le chaman nous y invite, et je trouve que lui faire régulièrement des offrandes renforce le sentiment de la relation, ce qui rend le fait de s’adresser à lui plus naturel tout au long de notre diète.
LA POST-DIÈTE
Ne pas toucher d’autres personnes : en général, cette règle est à respecter les premiers jours de la post-diète et peut s’appliquer durant plusieurs semaines suivant la plante diétée.
Pas de contacts avec ses proches (téléphone) : l’idée est d’éviter les chocs psychiques et émotionnels provoqués par une mauvaise nouvelle, par exemple, ou plus simplement parce que rallumer tout de suite son téléphone risque d’être vécu comme une agression. Il faut revenir au monde progressivement pour y retrouver ses marques sans qu’il nous blesse.
Respecter l’abstinence de sexe (masturbation et relation sexuelle) : sa durée varie énormément selon la plante diétée.
Ne pas fréquenter les veillées funèbres : on risque d’absorber les énergies des morts.
Ne pas pratiquer des actes de soin sur le corps (massages, thérapies corporelles) : le contact avec des énergies étrangères lorsqu’on sort de diète peut être difficile à métaboliser.
Ne ne pas pratiquer de sauna : cela ferait sortir l’énergie de notre plante pas encore tout à fait ancrée.
Ne pas consommer les aliments encore interdits : nous devons suivre religieusement les indications du chaman, au risque de perdre toute l’énergie de notre diète.
Rester dans un endroit calme proche de la nature et éviter les endroits où il y a beaucoup de bruits et de fumée (bar, discothèque) : il faut du temps pour se réadapter.
Ne pas être en contact avec des odeurs fortes type parfum ou produits chimiques.
Utiliser des cosmétiques naturels.
En cas de soucis médical, il faut éviter les médicaments allopathiques et utiliser des méthodes naturelles.
LA DIÈTE REVISITÉE POUR LES GRINGOS
Dans pas mal de centres de Medicina péruviens, le protocole de diète et ses règles ont été assouplis, afin de rendre le processus plus facile aux Gringos.
La nourriture est juste allégée du sel et du sucre, mais elle est prévue pour être savoureuse et variée, afin de contenter les Occidentaux qui se plaignent de sa monotonie et s'inquiètent de leur taux de vitamines journalier.
On pratique aussi ce qu’on appelle désormais la “diète sociale”, ce qui veut dire qu’on n’a aucune obligation de s’isoler dans son tambo. Les repas sont pris en commun et on a le droit de passer du temps à discuter avec les autres diéteurs.
Des cercles de partage sont même organisés afin que chacun échange le contenu de ses cérémonies d’Ayahuasca et les problématiques personnelles auxquelles il est confronté avec les autres.
Ce genre de diète est évidemment une diète croisée.
Pour avoir moi-même expérimenté ce type de diète, je peux témoigner du fait qu’on passe sa vie dans la maloca à papoter à tort et à travers avec les autres participants, à se raconter nos histoires, nos vies, nos problèmes, en cherchant parfois à se faire aider par les autres, et en tentant souvent de les aider nous-mêmes. Tout ce temps passé en commun incite à épiloguer sur nos cérémonies, échafauder des hypothèses sur le contenu de nos visions…
En bref, la diète sociale nous maintient dans le paradigme auquel on est habitué et nous pousse à utiliser notre mental et notre ego d’une manière qui ne sied aucunement à une diète de plantes.
Alors bien sûr, ça peut avoir un côté réconfortant de ne pas se sentir seul et perdu dans son cheminement. D’avoir le soutien émotionnel des autres. Mais en réalité, la diète sociale est complètement néfaste, car si l’on croit être en train de travailler sur soi en étant dans l’échange avec les autres, en fait, ce n’est pas du tout le cas.
La vérité est qu’on recule le moment de se confronter à soi-même en cherchant des réponses chez les autres plutôt qu’en soi et en sa plante, avec qui le dialogue est parasité et la relation inexistante. Bien en sécurité dans nos croyances occidentales, tout ce qu’on fait se résume à se conforter dans le domaine du connu. Distractions, partages et blablatages nous détournent du dialogue intérieur que nous devrions développer avec notre plante et avec nous-mêmes.
Ni notre inconscient ni notre plante ne peuvent s’exprimer dans ces conditions, d’une parce que leurs messages sont trop subtils pour être perçus au sein du brouhaha social, de deux parce que nous obstruons leur canal en mixant toutes les énergies, de trois parce que tout le temps passé à bavasser n’est pas dédié à l’introspection et au sommeil, on perd donc de précieux moments de rêves significatifs, de pensées émanant de notre yoshin, et de concentration.
Cette précision méritait d’être apportée, tant la diète sociale est devenue la norme au Pérou.
Si vous désirez sincèrement diéter d’une façon juste, évitez les centres où ce type de diète est proposé.
© Zoë Hababou 2025 - Tous droits réservés
Diète de Plantes #2 : Rendre l’Être Humain à la Nature
En suivant l’ordre naturel du soin par les plantes maîtresses, cet article étudie la façon dont les Shipibo s’y prennent pour ramener l’être humain à la vie. De la restauration de notre principe vital jusqu’à la résurrection végétale, nous allons observer et expliquer en détails les différents procédés curatifs constituant l’arsenal médical des Shipibo ; chupada, soplada, arcanas, mais surtout icaros et kené, la thérapie esthétique proposée par ces Hommes n’est ni plus ni moins qu’une performance artistique. Depuis l’essence des plantes sacrées placée en nous via les circuits de chants-chemins, en passant par la parure immatérielle de kené, jusqu’à la création dans notre corps d’un jardin cosmique à la beauté exubérante, quand les Shipibo décident de rendre l’Homme à la Nature, le chamanisme transmute en art et le patient devient son œuvre.
N’avez-vous jamais voulu comprendre pour de vrai ce qui se passe en cérémonie d’Ayahuasca ? Ce Tabac qu’on vous souffle, ces esprits qu’on invoque, ces icaros qu’on vous chante et qui semblent s’accoupler à vos visions, ces parties de votre corps sur lesquelles le chaman aspire, cette chacapa dont il vous fouette doucement la tête et les épaules… Au fond, que fait réellement le curandero quand il se livre à ces pratiques avec vous ?
Bien que le chamanisme shipibo soit proche de nombreuses autres traditions chamaniques de par ses trois axes de travail majeurs que sont l’expulsion des charges négatives, la connexion avec des entités bénéfiques, et la protection, son approche phytothérapeutique unique où la conscience des plantes tient le rôle principal le rend singulièrement mystérieux...
Comment est-ce possible que la mélodie d’une plante soit totalement égale à la présence physique de la plante en question, et possède donc les mêmes vertus ? Comment un chaman peut-il agir dans le monde visionnaire par la simple énonciation chantée de ses intentions ? Quelle signification secrète se cache derrière ces dessins géométriques présents dans tout l’univers shipibo, du plan le plus matériel en tant que création culturelle, au plus immatériel lorsqu’ils deviennent matrice du monde des visions ?
Répondre à ces questions invite à plonger résolument dans le symbolisme. Sauf que pour cette communauté, le symbolisme se tient exactement au même niveau d’existence que le réel. En d’autres termes, le symbolisme n’existe pas, ou alors il est factuel, car TOUT EST RÉEL.
Par exemple ? Le savoir d’un chaman est une substance qu’il peut matérialiser et dématérialiser à volonté. Il la garde en permanence dans son estomac. Elle peut être régurgitée, mais elle n’est jamais digérée. Lorsqu’un sorcier la projette, elle se transforme en fléchette empoisonnée qui va physiquement pénétrer le corps de sa victime, puis y demeurer sous une forme insensible pour y faire sourdre un mal énergétique. Cette substance où s’indexent tout le pouvoir et toute la connaissance chamaniques peut être transmise de bouche à bouche de maestro à disciple, ou bien transférée par la voie des visions, sous la forme d’un serpent blanc, lors d’une cérémonie.
Cette substance, c’est le mariri. Tenter de comprendre la nature du mariri du point de vue uniquement symbolique est impossible, sauf si l’on modifie sa conception du terme... Et le cas du mariri est loin d’être isolé.
En suivant l’ordre naturel du soin par les plantes maîtresses, ce deuxième article du Dossier Spécial Diète de Plantes étudie la façon dont les Shipibo s’y prennent pour ramener l’être humain à la vie. De la restauration de notre principe vital jusqu’à la résurrection végétale, nous allons observer et expliquer en détails les différents procédés curatifs constituant l’arsenal médical des Shipibo ; chupada, soplada, arcanas, mais surtout icaros et kené, la thérapie esthétique proposée par ces Hommes n’est ni plus ni moins qu’une performance artistique.
Depuis l’essence des plantes sacrées placée en nous via les circuits de chants-chemins, en passant par la parure immatérielle de kené, jusqu’à la création dans notre corps d’un jardin cosmique à la beauté exubérante, quand les Shipibo décident de rendre l’Homme à la Nature, le chamanisme transmute en art et le patient devient son œuvre.
Mais au-delà d’un quelconque accomplissement personnel que nombre d’entre nous poursuivent en s’embarquant dans la Voie de la Medicina, la pensée Shipibo nous invite à la possibilité d’une écologie animiste — sans doute la seule, à l’heure actuelle, en mesure de changer drastiquement notre regard sur tout ce qui constitue le monde et les êtres vivants qui le soutiennent —, et nous offre le choix d’une existence transcendant la psyché humaine, en endossant la peau de l’Anaconda Ronin, en qui toute dualité retrouve enfin sa sublime unité.
Ce Dossier se présente en 7 parties :
#1 : Comprendre la medicina des plantes - Cartographie d’une médecine multidimensionnelle
#2 : Rendre l’être humain à la nature - De la restauration du principe vital à l’éclosion du jardin cosmique
#4 : L’Alliance cœur-esprit-volonté - Clarifier et densifier ses intentions lors d’une retraite
#5 : L’Art de rêver dans la selva - Travailler dans le monde onirique des plantes
#6 : L’Alchimie dans la rencontre avec les plantes - Apprendre à lire le Grand livre de la Nature
#7 : Idées magiques et conseils surprenants pour optimiser sa diète - Pratiques de magie et de psychomagie
De la restauration du principe vital à l’éclosion du jardin cosmique
KAYA, LE PRINCIPE VITAL
Comme on l’a vu dans le premier article de ce dossier, le paradigme shipibo postule que toute maladie émerge d’une relation dysharmonique au monde. La mission du guérisseur sera donc de rééquilibrer nos liens dans les domaines naturel, social et spirituel, afin qu’ils nous irriguent de vie — synonyme de bien-être, de santé et de joie — tel un cordon ombilical nourricier relié à la Pachamama, signe tangible de notre appartenance à ce gigantesque organisme dont nous ne sommes qu’une cellule…
Cette vision amazonienne de la relation au Vivant met en évidence deux éléments importants :
Le fait que l’être humain partage une communauté structurelle, pharmacologique et énergétique avec la nature, non pas simplement métaphoriquement, mais scientifiquement. Le cas des plantes visionnaires est emblématique : leurs alcaloïdes sont extrêmement proches, voire identiques — dans le cas de la Chacruna et de sa DMT — aux neurotransmetteurs du cerveau humain. On peut donc considérer qu’user de ces plantes de manière adéquate stimule nos fonctions naturelles dormantes, tout comme les situations d’hyper ou d’hypo stimulation sensorielle tels que le jeûne, la méditation, l’isolement prolongé, l’écoute du tambour ou la danse extatique, sans parler bien sûr du processus de mort, durant lequel la glande pinéale libère des quantités massives d’hormones, dont la DMT.
Le fait que la nature possède un langage propre : la chimie, et que c’est grâce à elle qu’elle communique et entretient des relations d'échange permanent avec les créatures vivantes.
Les Occidentaux ont fait de la nature un objet complètement séparé d’eux, dont ils usent d’une manière utilitaire, pour leurs besoins ou leur divertissement. Par exemple, la forêt est avant tout considérée comme une ressource en bois et un lieu de détente, mais rarement comme espace de rencontre entre humains et plantes ou animaux, et encore moins comme interface de dialogue entre conscience humaine et non-humaine. Il en est de même pour les animaux. Les vaches sont transformées en steak et les lions sont placés dans un zoo.
Les Shipibo appréhendent l’espace sylvestre d’une façon plus complexe ; à la fois zone dangereuse où toutes sortes de yoshin (esprits) aux intentions obscures menacent l’Homme, et lieu mystique de reliance où les êtres vivants peuvent entrer en communication via des états élargis de conscience. Ainsi, les plantes maîtresses sont diétées pour rencontrer leur ibo (esprit-mère), et les animaux tels que le Jaguar ou l’Anaconda peuvent enseigner aux Hommes leurs secrets. Dans tous les cas, la nature n’est jamais l’objet d’une réflexion intellectuelle, mais plutôt celui d’un ressenti émotionnel.
Pour un Occidental, se relier de cette façon à la nature n’est pas chose facile. C’est comme si nous avions oublié nos propres capacités. Les Shipibo expliquent cette perte par le fait que le corps-esprit de l’Homme se construit à partir de ce qu’il incorpore. On devient littéralement ce qu’on ingère, mais aussi ce avec quoi on est en contact. Le corps-esprit assimile les choses d’une façon totale et se façonne peu à peu avec les éléments qu’il rencontre.
Et c’est là qu’apparaît le problème du mode de vie occidental.
Nourriture industrielle, médicaments, pollution environnementale, absence de relation avec la nature et détérioration des liens humains… Sans compter la négligence du monde des esprits, qui agissent sur nous même lorsqu’on les ignore et qu’on ne croit pas en eux. La liste des dégâts est longue. Chimie, toxines et machines font partie de notre quotidien, nous contaminant de ce que les Shipibo nomment “métaux” ou “virus”, qui se logent en nous sous forme de boules coincées dans des nœuds énergétiques qu’ils qualifient d’“intestins”, et qu’ils perçoivent en nous auscultant avec l'Ayahuasca, en scannant notre corps grâce à une sorte de vision aux rayons X.
Ces virus, ils les apparentent à la mort. Pour eux, les Gringos sont morts à l’intérieur. Kaya, notre principal vital, associé à l’âme, est fortement endommagé, cause de notre mal-être et de notre mal de vivre. Donc, de notre mauvaise santé globale.
Et il est vrai que la majorité des Occidentaux qui se rendent en diète sont affectés d’un état de faiblesse généralisée et d’un sentiment de grande vulnérabilité face à l’existence, dans leur esprit et leurs émotions. Beaucoup souffrent de dépression, de comportements addictifs, que ce soit avec les substances ou dans leurs relations humaines. Ils ressentent une fatigue chronique due à un manque général de vitalité et d’énergie. Et puis il y a ce sentiment de perte de sens, de plus en plus prégnant et récurant dans toutes les couches de la société moderne…
Bien sûr, tous ces troubles sont amplifiés par le mental surpuissant qui est aux commandes, que les Shipibo notent invariablement chez nous, tant cette façon d’user de son esprit leur est étrangère. Ils relèvent un manque de capacités de concentration, un surplus délétère de mécanismes cognitifs labyrinthiques ne menant nulle part, des tourbillons de ce qu’ils nomment des mauvaises pensées : ressentiment, haine de soi, appréhension envers le futur… Bref, selon eux, notre esprit est parasité de trop de pensées, de trop de préoccupations… de trop de mental tout court.
Et puis il y a aussi ce que nous, on qualifierait de stress post-traumatique, que les Shipibo appellent “susto”, qui résulte d’un état de frayeur soudaine où une partie de notre âme est restée prisonnière d’un choc passé, perdurant dans la peur, ce qui provoque des insomnies, une agitation interne générale, ou encore de l’apathie, une absence d’implication et d’engagement dans la réalité humaine. Le susto est quelque chose de très fréquent chez eux, c’est un diagnostic qu’ils appliquent volontiers, bien plus que nous et notre stress post-traumatique.
Sans parler du daño bien sûr, c’est-à-dire d’un sort reçu, qui peut également arriver aux Occidentaux sans qu’ils en aient conscience.
Force est de constater que toutes ces pathologies s’inscrivent dans le domaine des pulsions de mort, et non de vie. Notre élan vital est contaminé par les virus de nos problèmes. Il est engourdi, endormi, comme en retrait. Les Shipibo disent que notre kaya est altéré, et qu’on est plus près du pashna shinan (esprit vide) que du koshi shinan (esprit fort), valeur humaine suprême des Shipibo (qu’on explorera en détail dans le quatrième article de ce dossier).
C’est donc grâce à la médecine des plantes que les chamans vont tenter de restaurer notre kaya, de régénérer la vie en nous, et ceci va passer par les cérémonies d’Ayahuasca et la diète de plantes maîtresses, c’est-à-dire par la transmission de la vitalité des plantes enseignantes à nos corps-esprits, l’idée étant qu’à la fin du processus, on soit devenus des êtres forts, débordant de santé, à l’esprit et aux sentiments bien équilibrés, et donc en mesure de maintenir des relations saines entre nos différents corps (physique, émotionnel, mental, spirituel) et notre environnement.
Dans cet article, on va se concentrer sur ce qui se passe en cérémonie d’Ayahuasca, et analyser la manière dont les curanderos shipibos s’y prennent pour jeter la mort et les maladies hors de nous avant de nous transfuser de la vie des plantes maîtresses…
LE RÔLE CENTRAL DU TABAC
LA NATURE DU TABAC
Le Tabac tient une place unique dans la médecine indigène. Il s’agit de la seule plante que les Shipibo associent systématiquement aux autres plantes enseignantes. On le souffle sur elles avant de les cueillir, au-dessus du verre contenant les remèdes pour en potentialiser les effets, sur le corps du patient avant, pendant et à la fin des cérémonies d’Ayahuasca… Le Tabac remplit un nombre illimité de fonctions, et fait figure de pilier dans tous les rituels.
L’importance de ces rituels est souvent moquée par les Occidentaux, qui n’y voient que folklore, mise en scène et superstition. Voir un Shipibo siffloter et souffler de la fumée au-dessus d’un verre peut en effet sembler insignifiant, quand on ne prend pas en considération le monde invisible. En l’occurrence, invoquer l’esprit du Tabac est réservé à l’initié qui a appris à le connaître lors des purges et des diètes en sa compagnie, et qui sait comment il se manifeste. Seul lui peut s’adresser à cet esprit de manière efficace et effective.
C’est pourquoi il est impératif d’avoir de l’entraînement pour souffler de la fumée de Tabac de manière opératoire, afin d’agir sur le corps énergétique des choses, patient, autres plantes, remède… Pouvoir manœuvrer sa puissance implique un haut degré de maîtrise, de la plante et de son propre corps énergétique. Le Tabac n’est pas facile à gérer. Il impose une grande adresse et peut rapidement échapper au contrôle de l’Homme quand son esprit est profané, et se mettre à le dominer.
Cependant, même hors rituel, le Tabac joue le rôle de protecteur, et il est souvent conseillé par les chamans de prendre un mapacho avec soi lorsqu’on se rend aux toilettes durant une cérémonie d’Ayahuasca afin de se préserver des attaques des mauvais esprits, et même lors de toute marche nocturne dans la forêt. Sur un plan purement physique, la fumée éloigne les insectes et les serpents, et enveloppe le corps d’un voile de protection en l’imprégnant de son odeur tout en éveillant notre vigilance.
Si on le souffle sur les plantes maîtresses avant de les récolter, c’est parce que sa fumée nourrit la vie spirituelle. Il s’agit d’une sorte d’échange, mais aussi d’une demande de permission et d’une façon de les honorer pour le fait de se donner à nous. Pour cette même raison, les chamans versent fréquemment du jus de tabac sur les plants qu’ils utilisent.
Il y a quelques années, j’ai travaillé comme facilitatrice dans un centre de medicina à Iquitos, et j’adorais amener les nouveaux venus ramasser des fruits d’Ayahuma afin qu’ils se lavent des énergies de la ville avec. Ayant moi-même diété l’Ayahuma, c’est un arbre dont je suis folle amoureuse, et c’était un plaisir pour moi de le faire découvrir, lui et ses fleurs au parfum fantastique, aux novices tout frais débarqués.
Les fruits de l’Ayahuma qu’on récolte sont ceux qui sont déjà tombés au sol, il y en a toujours énormément au pied de l’arbre. Mais ces fruits bien mûrs sont très sucrés, ce qui fait qu’il y a toujours beaucoup de fourmis autour d’eux, ainsi que sur l’arbre lui-même.
J’arrivais donc face à l’arbre, un grand sourire aux lèvres, et allumais un mapacho pour en souffler la fumée sur son tronc, sur ses fleurs, sur les guirlandes de fruits encore accrochés à lui en lui demandant la permission de lui en prendre quelques-uns pour mes compagnons (et en lui disant à quel point il était beau, mais ça, c’est tout à fait personnel). Puis je ramassais les fruits tombés et on repartait avec ces gros boulets sous le bras.
Eh bien, une fois, j’ai oublié de le faire. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai oublié de souffler la fumée sur lui, me baissant directement pour attraper des fruits au sol. Ça n'a pas loupé. Les fourmis se sont précipitées sur mes mains (puis mes bras, puis mes épaules) telle une armée de soldats fanatiques du Docteur sans tête (l’esprit anthropomorphe de l’Ayahuma), déterminées à me mordre. Et les fourmis de la selva ne sont vraiment pas cool… J’ai tout de suite compris mon erreur, mais c’était trop tard, et ça m’a bien pris une minute entière pour virer toutes ces petites mordeuses de mon corps. Voilà ce qui se passe quand on néglige d’honorer l’ibo d’une plante maîtresse avant de s’en servir. Il se venge et vous punit !
Comment expliquer que ces fourmis ne m’aient jamais attaquée toutes les fois où j’ai ramassé ces fruits, mais que ce coup-là, elles n’aient pas hésité une seconde ? La coïncidence paraît impossible… Bref, j’ai rectifié mon affront à l’Ayahuma en lui déposant des mapachos au pied du tronc, et plus jamais je n’ai omis de le nourrir préalablement avec du Tabac avant d’oser lui prendre ses fruits.
Si vous vous demandez en quoi les fourmis sont liées à l’esprit courroucé de l’Ayahuma, c’est parce que l’ibo des plantes est à la fois physique et immatériel. Il peut se manifester selon des modalités multiples, qu’il s’agisse du monde matériel ou du monde spirituel. Il est donc capable d’emprunter les fourmis ou tout autre animal dans le monde ordinaire, et l’aspect d’un esprit anthropomorphe ou zoomorphe dans le monde visionnaire. Lors d’une diète, l’ibo a coutume d’utiliser le rêve, les pensées et la selva tout entière pour faire connaître ses intentions et ses messages…
Mon ancien maestro avait une vraie plantation d’Ayahuasca sur son terrain, et il y avait une fourmilière géante qui s’activait sous les lianes. Il m’a dit que cette fourmilière était la mère de son Ayahuasca. Elle la surveillait, la défendait et en prenait soin. Vous comprenez ?
Pour en revenir au Tabac, tous les esprits sont friands de son énergie, et il est d’usage de réaliser des offrandes avec lui. Ces dons sont indispensables quand le chaman va opérer sur un territoire qui n’est pas le sien : il doit demander aux esprits gardiens du lieu le droit de pénétrer chez eux, en vertu de cette loi de réciprocité si chère au chamanisme amazonien.
Comme on l’a vu au chapitre précédent, la nature aérienne de la fumée de Tabac crée la jonction et fait office de médiateur entre les mondes visible et invisible. Le Tabac est celui grâce à qui la rencontre de deux réalités est possible. L’utiliser de façon rituelle nous offre de communiquer avec l’autre monde en ouvrant un canal d’échange entre nos intentions et les esprits auxquels elles s’adressent, mais aussi avec la source invisible d’où provient toute manifestation : sentiments, pensées, archétypes jungiens, monde des idées platoniciennes… Tout ce qui génère et structure le domaine visible.
Sa puissance “symbolique” le rend donc capable de parcourir tout l’axe du réel, du plus dense au plus éthéré. Chez l’Homme, il agit de ce fait sur l’ensemble de son être, et constitue une voie d’accès privilégiée à sa triple nature : physique, psycho-émotionnelle et spirituelle.
FORCE PHYSIQUE, CLARTÉ MENTALE ET PROTECTION SPIRITUELLE : LES QUALITÉS MASCULINES DU TABAC
Le Tabac est une plante aux qualités totalement masculines. Il éveille chez celui qui le diète, homme ou femme, les vertus et fonctions psychiques associées au principe masculin, telles que la structure, la droiture, l’ouverture vers l’extérieur et la verticalité.
Tout diéteur qui s’engage avec lui retrouve ces éléments lors de sa diète, confirmant les dires des Shipibo à son sujet, qui le présentent comme un esprit dont les trois attributs principaux sont la force physique, la clarté mentale et la protection masculine, c’est-à-dire non pas une protection enveloppante et douce comme celle de la mère — c’est l’Ayahuasca, qu’on appelle volontiers la Madre (Mère) ou encore l'Abuelita (Petite Grand-Mère), qui tient ce rôle dans la médecine amazonienne —, mais plutôt une protection à distance, tel un père qui veille de loin sur sa progéniture et l’encourage à se défendre par elle-même au lieu de la prendre dans ses bras pour la consoler.
Un petit mot sur la noirceur invariable dont les indigènes et les Occidentaux font mention au contact de l’esprit anthropomorphe du Tabac : elle n’a rien à voir avec une quelconque obscurité négative. Il s’agit plutôt d'une forte densité du savoir, d’une extrême concentration de l’énergie. La noirceur reflète aussi l’implacabilité et l’intransigeance de son esprit, qui ne tolère aucun petit arrangement, compromission ou complaisance envers soi-même. Sa représentation zoomorphe, le Puma noir Yanapuma, renvoie aux mêmes attributs que sont la puissance et la densité de la force. Ici, le symbole est double : si le fauve n’est pas maîtrisé, il deviendra un terrible prédateur. Et le Tabac tue en effet des milliers de gens incapables de le contrôler…
En revanche, lorsqu’il est respecté, le Tabac est un protecteur infaillible dont les curanderos ne peuvent faire l’économie. Il est imbattable pour éloigner les attaques de sorcellerie, les infestations, et pour l’assainissement des mauvaises énergies en général. Mais cette protection marche sous conditions ; celui qui veut y accéder devra savoir honorer les lois spirituelles. Aucun marchandage, aucune négociation, aucune entourloupe de l’ego cherchant à se dédouaner de sa pleine et entière responsabilité face à la vie. Le Tabac redresse tout ce qui est tordu et ne tolère aucune concession.
C’est à ce prix qu’on en fait un allié.
NOURRIR LE MARIRI
Pour conclure avec le Tabac et commencer à aborder le thème des procédés thérapeutiques, on doit évoquer la question du mariri. Comprendre la procédure d’acquisition du mariri implique de rappeler que dans le chamanisme shipibo, si le corps se transforme progressivement de ce avec quoi il est en contact, à fortiori, celui du chaman est façonné par la métabolisation de la force des plantes qu’il a diétées. Il en est de même avec le Tabac, dont il absorbe régulièrement le jus ou avale la fumée afin de nourrir ses énergies et de développer son mariri.
Le mariri, ou yachay qui signifie “savoir” en quechua, est une substance très étrange, observable physiquement, sorte de phlegme ou de bave visqueuse que le chaman conserve en permanence dans son estomac, et qu’il peut régurgiter quand il le souhaite. Le mariri est le savoir-pouvoir matérialisé dans son corps qui va lui servir pour les opérations de chupada qu’on verra tout de suite après.
Comment le chaman forme et entretient son mariri ? En avalant la fumée de Tabac, c’est-à-dire en la déglutissant jusqu’au fond de son estomac, où se trouvent ses pouvoirs de guérison. Le mariri est donc un agglomérat d’énergies curatrices accumulées au fil du temps, dont la nature est à la fois physiologique, énergétique et spirituelle. On peut aussi voir le mariri comme le site où est indexé la connaissance chamanique, contenant donc l’esprit des plantes diétées, les icaros, mais aussi les chontas (fléchettes de sorcellerie) et les marupas, ces animaux sorciers qu’on envoie pour infliger le mal.
Pour finir, comme on l’a noté dans l’introduction, le mariri peut aussi être transmis directement du maestro à son disciple, de bouche à bouche, ou par la voie des visions (souvent c’est un Serpent blanc qui figure le mariri). Ces différents moyens de transmission fonctionnent avec la même effectivité.
Cependant, si la connaissance est vue comme une substance quasi-matérielle qui peut être transférée, elle peut aussi être retirée, par exemple à un disciple quand il quitte son maestro, par vengeance, par jalousie, par possessivité. Ce retrait du mariri le rendra incapable de se relier aux visions, d’exercer ses techniques de guérison, ou encore de conserver en lui l’énergie de ses diètes.
D’une manière générale, le mariri d’un chaman peut lui être dérobé par un concurrent plus puissant. On voit une fois de plus que le monde du chamanisme amazonien peut être un vrai territoire de guerre et de rivalité…
LES 3 PROCÉDÉS THÉRAPEUTIQUES MAJEURS DES SHIPIBO
LA CHUPADA
La chupada (succion, extraction) consiste en l’application de la bouche du guérisseur sur une partie du corps du patient, dont il va aspirer les mauvaises énergies, avant de les recracher ou de les vomir, littéralement ou métaphoriquement (dans ce cas, le chaman vomit à sec, c’est-à-dire sans rien régurgiter, mais en faisant les bruits). Ce procédé peut prendre place durant une cérémonie ou non.
Le chaman commence par avaler de la fumée de tabac afin de mobiliser son mariri et de lui permettre de se matérialiser, depuis le pharynx jusqu’à l’extrémité de sa langue. Il le garde ainsi dans sa bouche et commence la chupada. Le picotement qu’il ressent lui indique que la substance commence à faire son travail. Comme un aimant ou une éponge, le mariri attire à lui et absorbe les énergies néfastes du malade. Ensuite, le chaman recrache le mariri contaminé dans lequel le mal est emprisonné, à grand renfort de raclements de gorge et vomissures. L’avaler serait bien sûr éminemment dangereux, voire mortel. L’opération est souvent répétée plusieurs fois de suite, jusqu’à extraction complète du mal. Parfois, des éléments de protection tels qu’un morceau d’écorce de cannelle ou de camphre, ou de l’eau citronnée, sont pris en bouche avant toute l’opération, afin d’empêcher que le mariri intoxiqué soit avalé par erreur. Quand le mal se situe dans des zones du corps difficiles d’accès ou encore dans les parties intimes (ce qui est assez fréquent), le chaman use d’un petit tube pour aspirer. Enfin, l’opération se conclut par une soplada de Tabac afin de refermer le corps énergétique du patient.
J’ai personnellement eu droit à ce traitement avec mon ancien maestro. Ça faisait plusieurs années que j’étais porteuse du papillomavirus. Mon corps n'arrivait pas à s'en débarrasser. Les examens médicaux révélaient toujours la même chose : les cellules de mon utérus étaient attaquées, et si mon état n’était pas assez grave pour nécessiter un traitement au laser, il y avait tout de même un risque réel que cette maladie finisse par muter en cancer. J’étais en diète de Numan Rao lorsque je l’ai dit à mon maestro. Durant une cérémonie, il s’est donc livré à une chupada sur la zone de mon ventre où se trouve mon utérus. C’est loin d'être agréable de recevoir ce traitement. Une partie de moi s’en voulait d’imposer ça à mon maestro, et une autre était écœurée de ce qui se passait. Les bruits qu’il faisait en absorbant la chose, les glougloutements du mariri dans sa bouche, la façon dont il semblait avaler mon mal encore et encore… et pour finir, les atroces vomissements à sec, très violents. Je n’ai pas eu de visions particulières à ce moment-là, rien qui n’indiquait que la maladie était en train d’être extraite, mais je me sentais très confuse dans mon corps, mes paupières frémissaient d’une façon incontrôlable, j’avais la nausée, et je me sentais en état de grande fragilité. De retour en France, j’ai été faire un examen pour voir si le virus était encore là : il avait enfin disparu.
Si la chupada est donc un procédé relativement basique pour l’expulsion des maladies, elle est aussi employée pour extraire les dards ou fléchettes empoisonnés (chontas) utilisés dans les attaques de sorcellerie. Souvent, le guérisseur sonde préalablement le corps de la victime avec un mapacho afin d’y détecter leur présence. Après extraction, le patient ressent parfois une petite douleur résiduelle comme après avoir ôté une écharde, mais le soulagement psychique et énergétique est immédiat.
Ici, il faut comprendre que les chontas sont en réalité du mariri condensé, matérialisé, puis projeté. Comme on l’a dit tout à l’heure, ce phlegme est à la fois un savoir et un pouvoir, qui peut donc être employé pour retirer le mal, ou créer le mal. Dans ce dernier cas, le sorcier le charge d’une intention maligne avant de l’envoyer vers sa victime.
Comme souvent dans le chamanisme shipibo, les armes de défense et d’attaque sont les mêmes. Il faut posséder en soi une chose d’une même nature que celle qu’on combat pour pouvoir retirer cette dernière, mais aussi, la renvoyer vers l’agresseur… J’ai souvent entendu d’ailleurs que le seul moyen de guérir la sorcellerie était de se livrer soi-même à un acte de sorcellerie, en mode “retour à l’envoyeur”. Cependant, certains Shipibo se contentent de brûler les fléchettes dans un endroit sûr afin de ne pas contribuer à ce cercle infernal.
Ce processus de matérialisation-dématérialisation est un mécanisme primordial dans tout le chamanisme amazonien ; nous aurons l’occasion de revenir dessus. En ce qui concerne la chonta, elle est donc d’abord invisible en tant que mariri, puis matérialisée en dard et projetée, touchant la victime d’une façon physique, telle une épine ou une piqûre d’insecte (certains Shipibo mentionnent d’ailleurs que les petits animaux et petits objets sont employés comme véhicules des fléchettes), avant de pénétrer son corps et de se dématérialiser pour y faire sourdre le mal d’une façon énergétique. Ensuite, le chaman la rematérialisera en la sortant du corps, où elle aura souvent l’aspect de petits bouts de bois, de minuscules pierres, ou encore d’insectes, de morceaux de verre, de clous, selon ce qu’a envoyé le sorcier responsable du sort.
Si ces chontas ne sont pas retirées, elles empoisonneront la vie de leur porteur, et finiront par le tuer. Certaines tuent par inanition (la victime est si faible qu’elle ne peut plus se nourrir), d’autres paralysent et rendent la victime d’une apathie telle qu’elle reste assise en se laissant mourir. D’autres encore sont dirigées vers le cœur, ou la gorge, pour que la victime les avalent et en meurt. D’autres enfin visent la tête et entraînent la folie, conduisant parfois au suicide.
Ôter les chontas n’est pas toujours possible, car en définitive, il s’agit d’une bataille entre deux forces ; si le sorcier responsable de l’envoi est plus puissant que le chaman qui tente le retrait, alors il y a peu de chance que cela réussisse. D’autre part, il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois, sur des jours et des jours d’affilée, pour parvenir à retirer la chonta et le mariri infesté qui se cache encore derrière, et si la victime se présente trop tard au chaman, celui-ci ne pourra pas la sauver…
Les anthropologues ont souvent tendance à décrire ce phénomène comme une chose du domaine purement symbolique. Mais comme je l’ai dit plus haut, dans la réalité du chamanisme shipibo, le symbolique n’existe pas. Tout est réel, existe et agit sur différents plans à la fois.
C’est une chose que les Occidentaux eux-mêmes peuvent expérimenter, lorsque par exemple ils ont le sentiment de mourir durant une cérémonie d’Ayahuasca. Si la mort n’est pas effective sur le plan physique, l’expérience et le vécu associé sont, eux, entièrement réels, et les effets sur la conscience de la personne sont les mêmes que si elle avait vraiment eu lieu, entraînant des répercutions concrètes et souvent drastiques dans sa vie, comme toute expérience de nature hautement initiatique.
Eh bien, c’est pareil avec les chontas. Ces fléchettes existent dans la réalité physique en tant qu’arme de chasseur, et dans la réalité énergétique en tant qu’arme de sorcier, et atteignent la substance vitale des victimes d’une façon égale dans les deux réalités.
LA SOPLADA
La soplada (soufflement) consiste à souffler du Tabac, soit sur le patient, soit sur une plante, soit sur un remède de plantes, ou encore sur un espace cérémoniel.
Dans le cas de la soplada d’un remède, la fumée chargée de l’intention du guérisseur (des énergies qu’il convoque et veut transmettre) active et potentialise les vertus de la plante, en augmentant ses vibrations et en appelant son esprit. Sans la soplada, le remède n’agira qu’au niveau physique ou moléculaire. Ici, la soplada de Tabac est la conclusion de tout un procédé. Avant ça, le chaman aura chanté un icaro rapide au-dessus du verre, ou simplement siffloté une brève mélodie.
Le respect du rite encadrant la consommation sacralisée de plantes vise deux fonctions qui s’accordent et se complémentent : présenter une marque de respect envers la plante, un geste de courtoisie témoignant du désir de ne pas offenser son esprit (qui pourrait alors devenir dangereux) ; et transmettre son intentionnalité à la plante, afin qu’elle accomplisse le rôle qu’on attend d’elle : soigner et/ou enseigner.
D’une façon générale, le souffle est un outil primordial dans la pratique chamanique shipibo. A la fois technique de soin et de transmission, de communication et de connexion, il peut être employé par le guérisseur de multiples façons selon ses intentions, ses requêtes, la direction qu’il souhaite donner aux choses. Pour les Shipibo, le souffle est une manifestation de l’âme ou de l’esprit. En contrôlant son souffle et en l’accompagnant d’une intention, le chaman dirige le pouvoir de son esprit ou de son âme en vue d’une fin spécifique.
Comme on le verra dans le chapitre sur la Magie, vous pouvez faire de même dans votre tambo ou en cérémonie pour vous nettoyer, vous aider à passer un cap difficile, placer une intention dans un objet ou encore donner de la force à votre volonté.
Souffler a donc non seulement des fonctions curatives et protectrices, mais concerne aussi la force vitale et impacte l’état d’un être ou d’un objet.
Avant une cérémonie d’Ayahuasca, le patient est systématiquement protégé de l’intrusion des mauvaises énergies et des entités néfastes par la fumée de mapacho soufflée sur différentes parties de son corps, celles de grande concentration énergétique : épaules, poitrine, haut du dos, sommet de la tête, appelé couronne. Sur cette zone, le chaman use de son poing comme d’un tube pour souffler de manière forte et précise, ou bien il souffle en positionnant sa bouche directement au niveau de la fontanelle, ses mains tenant la tête du patient. Cette technique permet de faire descendre dans le corps l’énergie qui stagne au niveau du crâne. Il souffle aussi sur le bout des doigts du patient qui tient ses mains jointes comme pour une prière, et devra ensuite ramener la fumée vers son visage pour s’en oindre. Ces endroits sont très sensibles et se chargent facilement d’énergie négative, il faut donc les protéger avant d'ouvrir la session. La maloca elle-même et ses abords sont eux aussi soufflés, afin que l’espace de la cérémonie soit protégé de toute interférence.
A la fin de la cérémonie, le Tabac est soufflé sur les pieds et les jambes du patient afin de refermer son corps.
Durant une session d’Ayahuasca, la soplada met en relation les corps énergétiques du chaman et de son patient, grâce à la fumée qui les connecte. En utilisant son énergie et celle de l’esprit du Tabac, mais aussi celle de ses maestros, des plantes qu’il a diétées ou encore de ses ancêtres, le chaman charge sa pipe ou son mapacho avec ses icaros. C’est de cette manière que la fumée possèdera des qualités qui vont directement agir sur le corps énergétique du patient.
Ici, la soplada peut remplir la même fonction que la chupada, en version moins extrême. Le chaman souffle sur une partie du corps de son patient où il a trouvé une boule ou un nœud problématique, renfermant des métaux ou des virus, afin de les prendre en lui, de les assimiler, les métaboliser, puis les éliminer. Ce procédé implique qu’il soit lui-même très équilibré, car recevoir ce type de charges négatives réactive les charges similaires qu’il porte. Lorsque par exemple il ôte la tristesse à quelqu’un, il ressent cette tristesse, et s’il ne l’a pas déjà combattue et éliminée en lui, alors il risque de la conserver et de stagner en elle… Les charges qui s’avèrent trop fortes peuvent d’ailleurs endommager son kaya, et il devra impérativement les réguler le plus vite possible, en rotant ou en vomissant.
Une longue préparation et une véritable habilitation sont indispensables pour savoir assimiler l’énergie absorbée et ensuite l’évacuer. Sans la maîtrise de ces moyens de digestion et d’expulsion, celui qui se risque à faire des sopladas s’expose à être contaminé, déséquilibré par des forces toxiques qu’il ne pourra éliminer, et à tomber gravement malade. Une fois de plus, ce sont les purges et les diètes qui ont préparé le corps du chaman à pouvoir rester indemne après ce genre de soins, sans cependant le dispenser de se nettoyer régulièrement des résidus inévitables qui stagnent en lui.
Tout cela suppose donc un grand travail personnel de la part du curandero, qui doit avoir préalablement travaillé sur son propre corps énergétique, l’avoir purifié, structuré, renforcé, avant de pouvoir prétendre rééquilibrer celui du patient en le connectant au sien sans être perturbé.
Par ailleurs, il faut ajouter que la soplada permet également au chaman, grâce à son ressenti au contact de son patient, de commencer à poser un diagnostic. Puisqu’il sent et éprouve en lui ce qui a lieu chez le malade, il est aisé pour lui d’identifier le problème. A nouveau, c’est l’énergie du Tabac, ce véhicule d’informations qui ouvre aux échanges d’énergies très subtiles, qui rend possible ce procédé.
Parfois, la guérison opère seule, sans que le chaman sache ce qui se déroule. D’autre fois, il éprouve des sensations, reçoit des flashs et des visions qui le renseignent sur l’état de son patient. Et parfois, donc, il lui faut réaliser une chupada. Mais pour guérir son patient, son corps doit nécessairement digérer ces énergies, c’est pourquoi la réussite de ce procédé dépend énormément du travail personnel qu’il a déjà accompli. Le chaman ne peut pas digérer des choses qu’il n’a pas travaillées ou intégrées auparavant.
Cependant, la soplada ne se résume pas à ôter le mal, car dans une même séquence d’actions, le guérisseur transmet des énergies bénéfiques à son patient...
Et ça, c’est quelque chose que j’ai vu après ma session de chupada du papillomavirus. J’ai vu l’or que mon maestro plaçait en moi, avec son souffle et son parfum. J’ai vu comment il comblait l’espace laissé vacant après l’extraction du mal avec une magnifique nouvelle énergie, de la pure lumière d’or chargée d’intentions de santé et de vie. J’ai vu comment cet or tapissait mes entrailles et comment mon principe vital était régénéré par la lumière... Pour être honnête, c’est même l’une des plus belles visions de ma vie !
Mais souvent, on ne sait pas vraiment ce qu’on reçoit via la soplada, et c’est le temps qui permettra à l’énergie reçue de se manifester de façon naturelle, parfois rapidement, parfois plus lentement ; à priori, ce n’est pas quelque chose qu’il est nécessaire de travailler. Le chaman a placé quelque chose en nous, qui fait désormais partie intégrante de notre être. Un peu comme une mémoire jaillissant soudain lorsqu’elle devient utile…
J’aimerais aussi ajouter que la soplada, de Tabac ou de parfum, est un moyen très efficace pour reprendre contact avec son corps. Quand les visions deviennent complètement folles et qu’on est capturé par leur pouvoir, d’une façon néfaste, une bonne soplada en plein visage nous ramène illico dans la réalité du corps, et c’est un sacré soulagement parfois !
Bref, la soplada est donc un moyen d’échange d’informations, d’énergies, de contenu de sens qui passe de corps à corps, et c’est pourquoi elle sert aussi à enseigner, de façon non verbale. Ce dernier procédé implique le recours aux icaros, ces chants chamaniques qui sont un concentré d’informations, une structure énergétique porteuse de sens venant s’inscrire directement dans notre corps…
Avec le Tabac comme support, chargé des enseignements qu’il souhaite transmettre, le maestro emboîte le chant chez son apprenti, et c’est peu de temps après, par l’entremise des rêves ou de façon spontanée, que les leçons, les savoirs, les nouveaux talents et capacités, se révèleront à lui. Son objectif sera ensuite d’intégrer cette nouvelle connaissance, émotionnellement, psychiquement et physiquement, pour que la transmission soit achevée.
Ainsi, un bon guérisseur est capable de transmettre tout son savoir uniquement à travers son souffle… et ses icaros.
Et lorsqu’il devient trop vieux pour chanter, alors il lui est toujours possible de sauvegarder sa connaissance en la passant à son apprenti, juste avec des sopladas.
LES ARCANAS
La pose d’arcanas (protections ou défenses) consiste soit en une imposition des mains sur le front et le dessus de la tête du patient, soit en sopladas, soit en l’usage de la chacapa (hochet de feuilles sèches, provenant souvent du palmier Yarina), dont le chaman balaye et fouette doucement le patient sur la tête, le dos et les épaules, et bien souvent tout ça à la fois, accompagné d’icaros.
Cette opération a lieu systématiquement à la fin d’une diète de plantes, afin de fermer le corps énergétique du diéteur et d’y fixer la vitalité des plantes, tout en empêchant les virus et les mauvaises entités d’y pénétrer à nouveau. Mais elle peut aussi être réalisée à la fin d’une cérémonie où un gros travail de nettoyage aura été effectué.
Cette technique est également employée pour intégrer dans le corps du patient l’ibo d’autres éléments naturels, comme des rivières, des astres, la pluie, ou encore des éléments plus modernes comme de l’acier ou des armes, par le biais d’une soplada de Tabac chargée de l'icaro correspondant. La force et le pouvoir du Yanapuma (Puma noir), du Boa blanc, du Yanguntoro (Tatou) et du Taureau noir sont fréquemment invoqués également, car ces puissants animaux peuvent remplir le rôle de soldats, de vigiles, ou encore de gardes du corps lorsqu’ils sont placés dans des points clés chez l’Homme. Ils deviennent alors ses protecteurs.
Ayant fait de nombreuses diètes, j’ai eu droit à une bonne dose d’arcanas, et je peux affirmer que c’est quelque chose qu’on sent très physiquement, à la fois au moment de la pose, mais aussi plus tard dans sa vie. Ces espèces de gardiens et de pouvoirs protecteurs, placés sur nos épaules et notre tête, structurent solidement notre psychisme et influencent notre empreinte énergétique. On les éprouve comme une armure et comme un titre honorifique, je trouve. A la fin d’une diète, on sent que le pouvoir de notre plante est profondément ancré en nous, intégré à notre être à la fois physique et spirituel.
Et j’ai remarqué que c’est quelque chose que les autres sentent aussi, par exemple quand on marche dans les rues d’Iquitos ou de Pucallpa en sortant de la jungle ; le regard des gens, la façon dont ils nous abordent, dont ils respectent instinctivement notre intégrité, notre espace vital, sont fascinants à observer.
LES ICAROS
Les icaros sont un élément essentiel de la médecine chamanique shipibo. A la fois énergie curative, véhicule de l’essence des plantes, des esprits de toute sorte, des puissances naturelles et de la connaissance personnelle du curandero, les icaros sont la quintessence du pouvoir chamanique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces chants ne sont pas des créations esthétiques, mais des transmissions et des enseignements du monde spirituel, sous une forme énergétique, pourvus de fonctions spécifiques.
C’est lors de ses diètes initiatiques, au sein de ses rêves et des cérémonies d’Ayahuasca, que le chaman reçoit les mélodies que l’esprit des plantes maîtresses susurre à son esprit. Sa tâche est de s’en souvenir et de se les approprier. Chaque icaro est donc unique et propre à chaque curandero, et on reconnaît la puissance d’un chaman au nombre d’icaros composant son répertoire.
En effet, plus il a diété de plantes, plus il en possède de différents, et plus son arsenal d’outils et d’énergies de guérison est vaste. Cela signifie qu’il a de nombreux esprits alliés prêts à mettre leur savoir, leurs vertus et leur pouvoir à son service pour l’aider à soigner ses patients.
Selon son domaine d’expertise et ses affinités avec certains mondes, il peut aussi appeler d’autres esprits comme celui des Sirènes, des Yacurunas et de la Yacumama (serpent-mère des eaux) si par exemple il est spécialisé dans le monde aquatique. S’il travaille plutôt avec les esprits de la terre, alors il pourra invoquer la Sachamama (serpent-mère de la forêt) ou le Jaguar Ino. Enfin, s’il est coutumier du royaume de l’air, il aura recours à la Huairamama (serpent-mère de l’air) et à l’Ayaymama notamment…
Mais le chaman mobilise aussi ses propres énergies quand il chante, et c’est l’ensemble de ces qualités propres à l’icaro qui le rendent efficient. Quand une personne chante un icaro appris à l'oreille, sans l'avoir reçu directement de la plante invoquée par ce chant, ou sans connaître les entités auxquelles il fait référence, son effet est quasiment inexistant.
La façon de chanter est aussi importante. Un ami chaman m’a un jour raconté que quand nous souffrons d’un mal qui refuse de sortir, alors le curandero va devoir charmer, hypnotiser ce mal pour l’attendrir, le duper, en usant par exemple du pouvoir de la sirène enchanteresse et de nombreuses métaphores entrelacées visant à l’égarer et le plonger dans la confusion, afin de le séduire et qu’il se laisse faire, ou encore en dissimulant son identité derrière celle d’une plante, ou bien en chantant les fameux chants de rien qui créent comme un brouillard autour de lui…
Au début du chant, sa voix devra être douce et tendre, pour camoufler ses intentions… Et puis, une fois que le mal est pris dans les filets de la sirène (ce qu’on appelle couramment “détourner la nuisance” ou bien “convoquer la maladie pour l’enfermer”), il doit changer son registre et user d’une voix forte, accompagnée d’un geste afin de l’expulser hors de notre corps, par le nombril…
L’icaro et la manière de le chanter peuvent constituer une arme redoutable, aussi puissante que la chupada ou la soplada ! Le chaman doit parfois se livrer à une vraie stratégie d’attaque envers les esprits responsables des maux, mais certains curanderos disent qu’ils préfèrent simplement approcher de la maladie en étant couverts par la protection des plantes, sans provoquer l’adversaire, sans violence frontale, afin de ne pas subir de représailles.
Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que ce que nous, humains, entendons comme un son dans notre monde, est perçu comme une matière par les esprits, qui peuvent voir et toucher les icaros émis par le chaman. Quand celui-ci modifie son timbre, il se transforme donc visuellement ou physiquement aux yeux des esprits. Si par exemple il chante l’icaro du Jaguar en masquant sa voix, l'esprit le verra métamorphosé en Jaguar. Les patients indigènes continuent bien sûr de le percevoir comme un homme, mais ils savent qu’il s’est transformé en Jaguar dans la dimension des esprits.
Chaque espèce ayant un corps différent, chacune a sa façon propre de percevoir le monde et d’agir en lui, c’est pourquoi, comme le confirment de nombreux mythes shipibos, les jaguars croient qu’ils sont des Hommes. Ce que fait en réalité le chaman, c’est se servir de sa connaissance des modes d’action et de perception des autres êtres pour changer de forme dans leur perception, en usant de sa voix. Ses chants fonctionnent comme un masque, les paroles codées des icaros, faites de métaphores complexes, sont en réalité une ruse visant à tromper les esprits. C’est ainsi qu’il parvient à vaincre l’esprit dont les “airs” (niwe) sont responsables de la maladie.
D’autre part, le chaman peut aussi transformer un verre d’eau en remède de plantes en chantant l’icaro approprié au-dessus du récipient avant d’y souffler le Tabac, puisque celui-ci lui permet de se connecter avec l’esprit d’autres plantes. Ainsi, il peut les appeler pour travailler avec elles sans qu’elles soient présentes physiquement.
Un autre ami curandero m’a conté l’histoire de cette mère venue le trouver, complètement affolée. Son fils venait de se faire mordre par un serpent. Il n’avait pas les plantes qu’il fallait sous la main, alors il a chanté l’icaro de l’oiseau qui est le prédateur de ce serpent, au-dessus de la morsure, avant d’y souffler du Tabac. C’est de cette façon qu’il a sauvé l’enfant, et plus tard il a retrouvé le serpent qui l’avait mordu, mort. Ce récit de prime abord assez surprenant devient parfaitement compréhensible dès lors qu’on conçoit que tout est question d'énergie qu’on invoque et canalise à volonté en tant que chaman…
Pour les Shipibo, de même qu’il n’existe pas de plan purement symbolique clairement détaché du monde réel, il n’y a pas de différence fondamentale entre les mots et l’objet qu’ils désignent... De ce fait, chanter l’essence d’une plante ou d’un animal les rend présents sur tous les plans. C’est une idée qu’on va explorer en détail un peu plus loin.
Parfois, un maestro peut aussi transmettre un chant à son élève, mais celui-ci devra se l’approprier pour qu’il ait une force curative. Dans ce cas-là, le maestro incorpore l’icaro au corps énergétique de son apprenti en chantant directement et simultanément au-dessus de son corps et du tuyau de la pipe ; ensuite il procède au soufflement de la fumée. Il peut aussi le lui transférer via le breuvage d’Ayahuasca, en soufflant sur son verre avant de le lui donner, afin que dans son ivresse le passage de données soit effectif.
Comme on le voit, les icaros sont donc des objets immatériels dotés d'une structure énergétique singulière. Bien loin d’un langage imaginaire ou virtuel, il s’agit d’un idiome capable de transcender tous les plans de la réalité.
Pour conclure, il faut noter qu’il existe deux types d’icaros : ceux appris lors de la diète de plantes, et ceux qui se forment peu à peu en suivant le flow des évènements. Et ce sont ces derniers qui sont majoritairement employés avec l’Ayahuasca.
LA DYNAMIQUE ENTRE CHAMAN ET PATIENT LORS D’UNE CÉRÉMONIE D’AYAHUASCA
Le chamanisme shipibo est proche de nombreuses autres formes de chamanisme dans ses pratiques thérapeutiques, à ceci près que c’est par le vecteur des plantes maîtresses et de leurs mères “métabolisées” et chantées, que le guérisseur dirige vers le corps du malade, que tout se joue.
Les trois techniques thérapeutiques sont les suivantes :
Expulsion des entités pathogènes, qui passe par des moyens d’extraction tels que la chupada et la soplada pour le guérisseur, les vomissements et la diarrhée pour le patient, qui sont donc une forme de nettoyage et de purification.
Connexion avec les bonnes entités, qui se fait par le biais de la soplada, des icaros, de l’ivresse de l’Ayahuasca et de la parure matérielle ou immatérielle avec les dessins kené.
Protection, qui correspond à la pose d’arcanas et où les kené ont également leur rôle.
Tout au long de la session d’Ayahuasca, ces trois procédés sont répétés dans un ordre qui varie selon le flux spécifique du rituel, sans ordre préétabli. Le chaman suit la dynamique intrinsèque de chaque cérémonie, et applique ces techniques en fonction. Son but est de transformer les visions qu’il reçoit en visions qu’il contrôle, jusqu’à ce qu’il parvienne à aligner les évènements en mettant de l’ordre et de l’harmonie dans le déroulement de la session. La réussite du rituel dépend donc de son aisance à se rendre maître de l’espace visionnaire… et c’est grâce aux icaros, présents dans toute la chaîne, que ceci est rendu possible. Car ses paroles sont en réalité des ACTIONS.
L’initiation du chaman lui a offert une sorte de lexique de mots et d’outils, qu’il invoque en fonction de ce qui apparaît dans la cérémonie. C’est ainsi qu’il construit peu à peu et organise ce qu’il voit, à travers son chant qui décrit, d’une façon performative, ce qu’il expérimente et ce qu’il est en train de faire.
Quand le guérisseur s’approche de son patient, il voit, ressent, et subit également, ce qui émane de lui, car le chaman est comme un aimant attirant à lui toutes les énergies présentes dans la maloca. Cette hypersensibilité lui impose donc de nettoyer tout ce qui entrave l’harmonie de l’espace partagé, car cela impacte tout le groupe dont il est responsable en tant que maître de cérémonie. La tristesse ou la colère d’un participant pourra par exemple lui apparaître comme une présence violente cherchant à dominer la maloca et contaminer tout le groupe, lui inclus. Se soustraire à son influence néfaste et se libérer de son énergie reviendra donc à libérer aussi son patient, ainsi que toute la maloca.
Il s’agit à nouveau d’une assimilation et d’une transmutation dans le corps même du chaman.
Revenons un moment sur le mécanisme décrit dans la soplada, où le curandero prend en lui ce qu’il retire de chez le patient. Dans le travail chamanique, si l’importance de la maîtrise de soi, du centrage et de la concentration est évidemment primordiale, le chaman peut aussi faire un chant de protection pour lui-même afin de manœuvrer au mieux des interventions délicates. Ensuite, ses paroles-actions vont appeler ses plantes maîtresses, qui sont pour lui comme des outils ou des mots puissants de son lexique ou de son arsenal, afin qu'elles éliminent les énergies néfastes du corps du patient.
Mais certaines énergies sont dures à vaincre, comme celle de la dépendance aux drogues, très accrochée du fait de l’habitude et très résistante au nettoyage.
Si lors de la cérémonie d’Ayahuasca, le chaman livre une bataille énergétique afin de récupérer le kaya de son patient gardé en otage par l’égrégore de l’addiction, en appelant des plantes telle que l’Ajo Sacha, reconnue pour débarrasser le mental et le corps des souvenirs métabolisés de la prise de drogue (les fameux virus), il n’empêche qu’il ne pourra pas faire de miracle, et que seule la diète de guérison pourra vraiment permettre à son patient de s’en libérer définitivement…
Comment les chamans shipibos nous perçoivent exactement sous l’influence de l’Ayahuasca ? Que signifie cette vision aux rayons X qu’on a évoquée plus tôt, cette appréhension holistique du corps du patient ?
En cérémonie, le corps humain apparaît au guérisseur comme une configuration de lignes d’énergie et de couleurs qui reflète ce qu’il est et ce qu’il traverse en ce moment dans sa vie.
Quelqu’un de malade sera souvent perçu comme encerclé de tourbillons gris, entouré de présences malsaines, de formes lourdes, sombres, agressives, de couleur terne, qui s’opposent violemment à ce qu’amène le chant, des tunnels d'emprisonnement, ou encore avec des lignes d’énergie brisées ou des “intestins” pleins de métaux et de virus. C’est comme si les pathologies et les mémoires s’extrayaient du corps pour se montrer au chaman.
Les icaros ont pour fonction d'accélérer ce processus de manifestation et de maturation de ce qui est tapi dans le secret, et de le nettoyer. Que ce soit pour le chaman ou pour le patient, l’Ayahuasca est un catalyseur qui expose des informations associées aux maladies. Bien qu’elle ne les guérisse pas directement, la mise en lumière des troubles émotionnels, psychologiques ou spirituels à l’origine des maux, permet d'éliminer leur racine en facilitant une résolution depuis la cause réelle, primaire, d’où ils ont émergé. C’est ça qui défait le nœud énergétique.
Ainsi, il y a libération et rééquilibrage, réorganisation entre le corps, les émotions et l’esprit, et c’est ça la vraie guérison.
Mais le chaman ne se contente pas de libérer le kaya de son patient des charges délétères. Il y a un double mouvement d’entrée des forces bénéfiques et de sortie des forces négatives. L’icaro chargé d’intentions de vie et de santé, en pénétrant le champ énergétique du patient, provoque une sorte de pression qui fait sortir ce qui se trouve là. Le chaman peut alors travailler sur ce qui se manifeste et le chant évolue en fonction de ce qui apparaît, tout en ayant bien sûr conscience de l’ensemble de la cérémonie et des autres participants.
Il s’agit donc d'une relation dynamique entre le chaman et le patient, faite d’échange et d’une circulation, impliquant pour chacun des visions et des ressentis corporels et émotionnels.
Si le chaman voit que notre identité énergétique est déjà saine, alors son rôle sera simplement de l’embellir et de l’harmoniser toujours plus, en créant des connexions avec les plantes et les esprits, avec des puissances naturelles et animalières, en posant des arcanes, en nous ouvrant à des mondes nouveaux de savoir et de medicina…
Lorsqu’on est en diète de plantes, il y a notamment des chants spécifiques destinés à faire entrer la plante diétée en nous (et pour avoir connu moi-même ce procédé, je peux témoigner de l’effet incroyablement physique de ce type d’icaros, quand la plante ou l’arbre entre en nous par la nuque et les épaules au point de littéralement nous terrasser !), à nous faire recevoir des parures et des protections de notre plante, à nous ouvrir le monde des rêves ou celui des chants…
L’idée que le pouvoir et le savoir des plantes peuvent être administrés énergétiquement par le chaman qui les active et les emboîte en nous reste assez stupéfiante, mais c’est une expérience que tout diéteur pourra confirmer.
LA CONDENSATION DES MÈRES, LES CHEMINS DE CHANTS ET L’ÉLÉVATION DU SHINAN
Lors d’une cérémonie d’Ayahuasca, le premier chant du chaman est un icaro d’ouverture. Si à ce stade on l’entend souvent évoquer le mariri, c’est parce qu’il commence par se connecter à sa source personnelle d’énergie, là où se trouve son savoir-pouvoir. En d’autres termes, il ouvre sa mallette de medico pour en sortir ses instruments. Il se relie à cette dimension de lui-même, à cette zone en lui où sa connaissance se concentre, afin de la révéler dans l'espace cérémoniel. L’icaro d’ouverture est donc un appel à la manifestation de son pouvoir, qui active ses diètes et sa connexion au monde spirituel, tout en demandant à la Plante d’ouvrir à la maeracion (ivresse de l’Ayahuasca) et de déployer ses effets, pour lui comme pour les participants.
Ici, la notion de chant-action performatif, cette idée que “dire, c’est faire”, est fondamentale dans la compréhension de la dynamique spécifique de la cérémonie d’Ayahuasca. Dans le langage des icaros, ce que le chaman demande se réalise immédiatement dans l’exécution. Il peut par exemple appeler le pae, qui est l’effet de la Plante, et plutôt que de dire “j’ouvre les effets de la Plante”, il chante le pae, et le pae se manifeste.
Chez les Shipibo, comme on l’a dit, le langage n’est pas séparé du concept qu’il désigne. Le chaman nomme directement ce qu’il voit et ce qui se passe dans l’ivresse, mais aussi ce qu’il s'apprête à faire, ce qu’il fait là, maintenant, et ce qu’il a fait à l’instant, quasiment dans une même séquence… En employant le chant comme une description de ce que la Plante révèle, il peut interagir avec les visions et les modifier. Puisque le monde visionnaire est le reflet de l’énergie, en demandant aux visions de se transformer, il modifie directement l’énergie en question. Beaucoup d’entre nous ont d’ailleurs remarqué la relation poignante entre le chant et les effets de l’Ayahuasca. Voilà l’explication de la chose.
Au commencement de la cérémonie, donc, quand l’ivresse de l’Ayahuasca amorce son déploiement, le chaman fait face à une sorte de matrice de patterns et de voix entremêlés et indifférenciés. Les mères des plantes se présentent en une masse à la fois anonyme et multiple : le chaman entend leur voix, qui peuvent être des chants ou des paroles, et il voit une matrice de kené (motifs géométriques), comme si les ibo étaient susceptibles d’emprunter des formes visuelles et sonores variées. C’est à lui qu’il revient de les appeler, de les développer et de les organiser en usant de ses icaros comme langage visionnaire. On peut dire que dans un sens, les mères existent à l’état de potentiel, en attente d’être choisies et guidées par le chaman.
A cet égard, il est intéressant d’analyser la structure des icaros. Ces chants ne sont pas linéaires, de fréquents va-et-vient sont opérés dans les paroles, comme si le chaman faisait face à un chaos d’évènements. Tout semble arriver en même temps et être improvisé. Grâce à sa maeracion, manifestée par l’altération de sa vue, de son odorat et de son ouïe, le chaman ouvre un passage vers le monde des esprits et change de perspective, épousant celle des plantes en entrant en contact avec leur ibo. Il doit alors manœuvrer pour le diriger vers son patient.
Le chaman voit les esprits des plantes “descendre” du ciel sur lui, ils se condensent depuis la dimension spirituelle pour se “matérialiser” dans la dimension terrestre cérémonielle sous forme de visions, et il entend leurs chants. Il se met alors à les imiter en chantant avec eux, et c’est comme ça qu’il les incite à descendre encore et encore. Au fur et à mesure que l’intensité des chants s’amplifie, les visions s’activent, en une sorte d’entrecroisement des informations sensorielles qui fait que le chaman voit et sent ce qu’il chante et chante ce qu’il voit et sent. C’est ce qu’on appelle la synesthésie.
Son but est à la fois d’attirer et de recevoir les esprits en lui, avant de les diriger vers son patient en créant en lui des chemins de chants. Ces chemins d’icaros thérapeutiques, appelés kanobo, ce sont les visions mouvantes multicolores, lumineuses et engrammées de formes géométriques, que certains d’entre nous perçoivent en cérémonie, que le chaman doit en même temps créer et orienter vers l’obscurité du malade afin de réaliser ce dont on a parlé plus haut, chasser les ombres en faisant pénétrer la lumière.
Une chose qui peut être pertinente à savoir pour vous, c’est que la médecine des plantes, leur vitalité, est perçue en visions précises, brillantes, pleines de couleurs vives, en mouvement perpétuel, vibrantes de kené.
En revanche, les virus, les métaux, les blocages, et donc tout ce qui relève de la “mort”, c’est l’inverse : visions floues, mal définies, ternes, dysharmoniques dans leur forme et leur mouvement, sensation de barrières, de spirales, de tourbillons qui donnent un sentiment d'étouffement. Et quand vous expulser tout ça, par la purge ou la diarrhée, cela signifie que la mort sort de vous pour faire place à la vie. C’est de cette façon que votre kaya est restauré.
Ainsi, l’essence des plantes se retrouve enchâssée au cœur des chants-chemins, la voix des mères et leur parfum deviennent le véhicule des visions, avec les chants du chaman comme vecteur de leurs airs, les kené lumineux et brillants s’organisent, les kanobo guident la médecine en lui offrant un canal d’expression, un tunnel de manifestation, et tout ça pénètre votre champ énergétique pour l’épurer…
Et tout ce paradigme de soin est apparenté et incarné par Ronin, l’Anaconda mythique, mère de l’Ayahuasca, qui effectue sa descente vers l’espace-temps de la cérémonie... Nous allons parler de lui un peu plus loin.
Mais il y a un autre élément à prendre en compte ; si l’esprit des plantes descend et se matérialise, l’esprit du chaman et des participants, leur shinan (qui signifie esprit, conscience, pensée ou encore intelligence), lui, monte vers la dimension mythique des plantes et se spiritualise… ce qui fait que tout se passe à la fois dans les deux plans, en un cycle incessant de descente et d’ascension, et on retrouve cette idée de matérialisation-dématérialisation.
Les esprits deviennent presque “physiques”, à la fois en tant que visions et en tant que présences qui circulent dans les chants-chemins inscrits au cœur du patient, ce qui veut dire que le spirituel se fait énergie, puis matière ; et la “matière” du patient s’élève et se spiritualise vers le royaume des ibo, la dimension énergétique des plantes. Ici, il y a un aspect clairement alchimique du processus à l’œuvre, qui sera exploré en détail dans le chapitre sur ce thème.
Un petit mot sur l’importance de la maeracion, que les icaros ont aussi pour vocation d’amplifier. Pour les Shipibo, une forte ivresse est la condition essentielle à la réussite de la cérémonie, car l’état de conscience modifié, l’altération des sens, n’est ni plus ni moins que le pouvoir… de se transformer.
Le succès de la cérémonie est donc jaugé en fonction de l’intensité de l’ivresse, que ce soit pour le chaman ou le patient, ce qui explique pourquoi les curanderos nous demandent souvent si notre maeracion a été forte. Éprouver une modification totale de ses perceptions visuelles et corporelles, et donc de sa conscience, est selon eux gage qu’un travail effectif se produit. Chanter, pour un chaman, revient donc à la fois à élever et maîtriser sa maeracion, synonyme de transformation qui lui offre d’expérimenter pleinement l’autre monde grâce à une modification de perspective ; il voit littéralement à travers les yeux des esprits, et lorsqu’il chante, ce sont finalement eux qui le font à travers lui. C’est pourquoi, quand un chaman dit “Je” dans un icaro, on peut considérer que c’est en fait la plante qui est derrière qui s’autodésigne… C’est donc bien les plantes qui nous soignent.
Cette transformation ne pourrait bien évidemment pas avoir lieu sans les diètes du guérisseur, car c’est avec elles qu’il a incorporé les différentes perspectives des plantes maîtresses. Son corps est constitué d’entités exogènes, chacune dotée de son propre savoir-pouvoir, dont il fait l’expérience durant sa transe et dont il devient le porte-parole. Cette aptitude particulière constitue un attribut de pouvoir (koshi), d’intelligence (shinan) et de savoir (onan), hautement valorisé par la société shipibo, ainsi qu’une garantie d’efficacité thérapeutique.
On comprend donc que les cérémonies d’Ayahuasca qui accompagnent la diète de plantes participent à notre façonnement, celui destiné à nous rendre à la nature, à nous rendre pleinement vivants et humains, par l’entremise de l’essence des végétaux désormais présente en nous. Mais cette sorte de résurrection ne serait pas achevée sans un avant-dernier acte qui est sans doute le plus éblouissant pour nous les Occidentaux… la pose d’une parure immatérielle faite de dessins kené.
LES KENÉ ET RONIN, L’ANACONDA MYTHIQUE
DES LIGNES AUX SIGNIFICATIONS MULTIPLES
Kené signifie dessin, motif, ou encore maillage.
Ces fameuses lignes aux mille couleurs, qui peuvent être peintes, tissées, brodées ou encore gravées, donnent une impression de profondeur, d’effet fractal, de mouvement hypnotique assez étrange. Leur jeu de contraste, qui crée une sensation d’oscillation entre fond et figure, visible et invisible, semble nous inciter à ne pas les fixer, afin d’accéder au multivers vers lequel elles ouvrent… Contempler un kené est une expérience visionnaire en soi, qui provoque, de par ses propriétés optiques, un état de présence intérieure.
La nature réelle des kené nous est inconnue. Certains y voient une écriture hiéroglyphique, qui serait la seule forme d’écriture des Shipibo, d’autres disent qu’il s’agit de motifs chantables, en l’occurrence les icaros des plantes maîtresses, mais cela ne pourrait être qu’une fable commode, inventée par un anthropologue, que les Shipibo répètent aux Gringos dans le but de les fasciner… D’autres encore y lisent un manifeste écologique porteur des valeurs à la fois sociales et chamaniques de cette communauté.
Du côté des curanderos, ce sont les mères des plantes qui leur offrent des objets et des parures recouverts de kené dotées de pouvoir : banderole symbolisant un bouclier protecteur, couronne à poser sur la tête représentant l’intelligence, robe traditionnelle utilisée durant les cérémonies… Si les chamans peuvent recevoir ces distinctions d’une façon immatérielle dans leurs rêves ou leurs visions lors de l’apprentissage, elles seront également amenées dans le monde manifeste par les femmes des chamans qui cousent, tissent, brodent et fabriquent ces parures afin que ce dernier les arbore durant ses cérémonies.
L’une des particularités de ces étranges dessins est qu’ils peuvent être perçus dans des éléments très petits ou très grands : nervures des feuilles, ailes des papillons, peau de serpent ou de jaguar, écailles de poisson, structure des maisons ou dessins représentant la voie lactée…
En fait, la clé des kené réside dans l’association de ces graphismes avec le concept de chemin. Il y a des chemins dans tous les aspects du vivant, du plus microscopique au plus large :
À l’échelle astronomique, les kené représentent les constellations de la voie lactée.
À l’échelle géographique, les voies fluviales qui serpentent dans la forêt, ainsi que les chemins qui relient les villages entre eux.
À l’échelle anthropomorphique, les ornements qui embellissent et complètent le corps humain, mais aussi les veines et les os qui le parcourent, et les circuits de neurones du cerveau.
À l’échelle de la flore, ils reproduisent le tracé de la sève, le pouvoir des plantes, le mycélium.
À l’échelle de la spiritualité, ils sont associés aux chemins qui unissent les vivants aux morts, les Hommes aux esprits, aux kanobo qui transportent et infusent la vitalité des plantes au cœur des êtres, et évoquent également le réseau de l’ibo. On peut donc les voir comme une cartographie du monde invisible.
Les kené renvoient à quelque chose qui unit, porteur de vie et de sociabilité, établissant un lien étroit entre toute chose. Leur aspect labyrinthique et leur signification multiple fait écho à la pensée métaphorique des Shipibo, et au mythe fondateur sur lequel tout repose… Ronin, l’Anaconda cosmique.
RONIN, LE SERPENT COSMIQUE
La signification de Ronin est tellement vertigineuse qu’elle force l’esprit à se transcender. Au-delà d’un concept, Ronin est une expérience de conscience.
Ronin est la mère de toutes les mères. L’essence initiale de toute chose. Il est le représentant terrestre de la divinité solaire, chargé de poursuivre l’œuvre de création entreprise aux temps mythiques par Père Soleil. Sa peau, qui brille de reflets secrets d’arc-en-ciel quand elle est en pleine lumière, est ornée de kené et contient tous les motifs imaginables du monde. Lors de son mouvement primordial de création, processus originaire ultime, quand son corps infini a dessiné le chemin des fleuves d’Amazonie, c’est en répandant ces dessins qu’il a engendré la vie, et l’infinité des êtres qui la portent. Sa métamorphose, en allant de l’unité à la multiplicité, a donné naissance à la totalité du réel. Il intègre en lui l’union sacrée de tout ce qui est.
Ronin étant présent partout, il se divise en incarnations terrestres et supra-terrestres variées. Il est le Jaguar, dont les ocelles de la peau sont identiques aux siennes, et il est l’Ayahuasca, dont la liane double torsadée, de par sa forme et sa fonction, métaphorise sa seconde identité de Serpent. D’ailleurs, dans le mythe, ce sont les Anacondas originels qui consommaient l’Ayahuasca, et l’ont fait connaître à l’Homme, puis lui ont enseigné la recette de sa préparation.
Tout comme Ronin, l’Ayahuasca donne naissance aux patterns à l’origine du monde visionnaire. De ce fait, Ronin est aussi la mère de l’Ayahuasca, et c’est bien cette plante, en effet, qui offre la reconnexion au Serpent cosmique, entité enseignante suprême dont l’expérience est intensément réelle, que nous sommes nombreux à avoir rencontrée.
Matrice des visions et matrice du réel coïncident dans l’acte de création sur différentes échelles, dans différentes dimensions et temporalités. Comme on l’a vu un peu plus haut, quand le chaman voit et entend les esprits des plantes et qu’il chante pour les imiter, l’ensemble du phénomène mêlant visions et icaros est en vérité une émanation de Ronin… C’est lui qui chante à travers le chaman.
Lorsque la mère de l’Ayahuasca communique avec la conscience humaine en l’incitant à l’échange, elle le fait au travers des visions, cette matrice mouvante de potentialités, en attente de recevoir nos intentions, prête à les amener à se manifester, d’abord dans l’espace visionnaire, puis dans nos vies. L’acte de création entrepris avec l’aide de Ronin passe ainsi des formes figuratives de la transe à la vie incarnée de notre corps-esprit. Et l’on découvre que notre existence entière possède en fait la même plasticité que celle de Ronin dans la mythologie.
L’Ayahuasca nous projette dans cette dimension créative où la conscience, en symbiose avec les qualités du Grand Anaconda originel, acquiert des pouvoirs de transmutation. Et pour nous comme pour le chaman, le monde visionnaire devient dimension temporelle originelle, où notre intentionnalité entre en interaction avec des processus susceptibles d’actualiser un nombre infini de virtualités potentielles, et donc de changer notre futur… mais aussi notre passé.
Ronin peut-il être considéré comme le symbole de l’ADN ? Quand les chamans le chantent et quand il chante à travers eux, est-ce son pouvoir ultime de création qui est invoqué ? Peut-il atteindre les zones les plus essentielles de la vie, le niveau le plus microscopique du réel, et agir en lui pour transformer l’expérience que l’on fait de la réalité ?
Il est vrai que, tout comme l’ADN, ce Serpent est à l’origine de toute existence, déployant à partir de lui-même l’ensemble des créatures vivantes et des mondes… En lui, dans sa forme unitaire où tout se condense, sont encloses des combinaisons potentielles infinies, que sa constante transformation lui permet d’actualiser dans la diversité. Ronin et l’ADN sont des codes qui compressent et intègrent la possibilité de la vie à l'intérieur de leur structure et de leur essence. Les mythes relatifs à l’Anaconda cosmique unifient toutes les oppositions binaires de la réalité, dont celle du masculin et du féminin.
On raconte que c’est Ronin qui a enseigné le secret des kené aux femmes shipibas dans les temps anciens. Tout comme l’ADN qui nécessite la sexualité pour se reproduire, les kené sont à la fois le savoir-faire des femmes dans le monde visible, et celui des chamans dans le monde invisible. Certains anthropologues ont émis l’idée que ce sont les femmes, grâce à leurs dessins, qui donnent aux chamans hommes le tracé des chemins à suivre pour retrouver la direction du monde tangible. En effet, le chaman suit toujours des routes pour voyager dans la dimension des visions, et il lui est parfois difficile de retrouver la voie du retour vers la réalité visible, car sa conscience s’égare dans le maelstrom des mondes. Ainsi, la cartographie des kené lui permet de revenir à sa propre conscience et à sa communauté terrienne. Les femmes lui fournissent donc des éléments pour maîtriser le voyage dans l’autre monde.
N’est-ce pas fascinant de constater comment les deux axes se recoupent ? D’un côté, le pôle féminin qui est celui de la réalité physique objective, de l’extériorité, du domaine social et collectif, mais aussi artistique avec les dessins géométriques que les femmes n’ont de cesse de broder, de peindre et de tisser. Et de l’autre, le pôle masculin, qui s’épanouit, lui, dans la réalité visionnaire subjective, l’intériorité et l’individualité, travaillant avec les patterns dans sa pratique chamanique.
Maillage dont les fils colorés s’entremêlent pour élaborer une fresque vivante où chaque chose trouve sa symétrie, les kené sont l’expression de la conscience shipibo, s’exprimant par métaphores jusqu’au cœur des mythes et de la vie profane, à travers les chants, l’art, l’artisanat, les légendes, telle une forme archétypale de sens permettant sa circulation dans tous les aspects et toutes les dimensions du réel.
LA PARURE DE KENÉ
Et c’est là qu’on retrouve la parure de kené comme avant-dernier acte de l’accomplissement d’un Homme par la Voie des Plantes. Car le kené est l’élément ontologique commun à toute forme de vie, et lorsqu’il est posé sur notre corps par le chaman, il ne s’agit en aucun cas de la projection d’une chose étrangère, mais bien au contraire de la révélation, de l’actualisation d’une structure interne invisible qui a toujours été là.
Les kené sont l'ossature sous-jacente du réel, que le chaman ne fait que dévoiler chez nous. Cette contagion de la peau par les motifs n’est pas quelque chose qui masque notre identité, bien au contraire ; puisque les kené sont la matrice de la vie, cet acte thérapeutique exalte ce qui existe déjà en nous en le poussant à s’épanouir. La mort et les virus ont été nettoyés, donc la vie peut à nouveau jaillir, et c’est à travers l’armure surnaturelle de kené, signe tangible de notre alliance au monde originel créateur, qu’elle le fait.
Ainsi, puisque pour les Shipibo (et pour nombre d’autres cultures indigènes qui pratiquent les modifications corporelles telles que la peinture, la déformation crânienne, le piercing), le corps n’est pas un simple réceptacle neutre, mais doit au contraire être façonné par l’incorporation volontaire d’entités spirituelles comme les plantes maîtresses, alors nous habiller de dessins signifie nous amener à notre pleine humanité. Car les kené sont le véhicule de l’essence des plantes et plus généralement, de la santé et de la vie.
Mais si la parure de kené est une révélation de notre vraie nature, elle constitue aussi une protection contre les énergies malades. La forme même de ces motifs, qui est pure symétrie et duplication, fonctionne comme un filtre qui sélectionne ce qui entre et ce qui sort. Les mauvaises énergies ne pénètrent pas, la medicina des diètes reste. C’est là leur plus grande fonction thérapeutique.
Cette médecine des motifs, médecine de l’Anaconda, est en réalité une thérapie esthétique, ce que figuraient déjà les chemins de chants circulant en nous… Et tout se rejoint une fois de plus, car ce sont les icaros qui, en entrant en nous par les kanobo, agissent sous la forme de kené pour installer la guérison.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que les chants et les dessins placés en nous servent à réorganiser notre corps après l’avoir purgé des dessins nuisibles qui le parasitaient. N’est-ce pas intéressant de noter que nous, Occidentaux, sommes les premiers à parler de schémas nocifs de comportement qui nous pourrissent la vie, de programmes et de conditionnements délétères dont on ne sait pas se débarrasser ? La médecine des dessins vient approuver cette vision, en lui donnant encore une fois une explication et une solution finalement très rationnelle…
Comme on l’a vu précédemment, le patient malade, triste, déprimé, addict, en colère, est perçu comme entouré d’obscurité et de formes nocives, alors qu’une personne saine, en plein koshi shinan, est vue comme entourée de kené aux couleurs brillantes. Il faut donc détruire les dessins nocifs pour les remplacer par des dessins ordonnés qui réactualisent notre lien à toute chose.
Lorsque le corps est recouvert de kené brillants et lumineux (qui sont des qualités très appréciées par les Shipibo, perçues comme les éléments fondamentaux des vertus spirituelles et thérapeutiques des motifs), c’est l’être entier qui magnifié, car il devient la manifestation du koshi, de la force des plantes rao, des ibo et des Chaïkoni, les ancêtres alliés des Shipibo qui, aujourd’hui encore, leur transmettent du savoir, les inspirent et les guident vers l’idéal humain auquel toute la communauté tend. C’est grâce à cet éclat que les kené amplifient le pouvoir des êtres, car cette lumière est porteuse de la créativité des êtres supérieurs qui nous aident, et en définitive, nous offrent de contempler les visions qui nous préexistent, en nous prêtant leurs yeux pour voir ce qui a toujours été présent…
De ce fait, les kené ne sont pas une reproduction imagée des êtres environnants, mais la réflexion de ce qui rend ces êtres capables d’agir, sorte d’hyper-peau connectant au monde visionnaire sous-jacent, portail qui brise la surface trompeuse des choses pour ouvrir l’accès au multivers des Shipibo.
On raconte que jadis, le monde entier était couvert de motifs, et c’est finalement vers cet idéal que les Shipibo tendent, pour retrouver ce passé mythique qui coïncide avec la dimension spirituelle où l’Homme réapprend à être créateur, et pourra peut-être un jour oser devenir sa propre œuvre d’art…
Endosser la peau de l’Anaconda (ronin rakati) est définitivement la façon la plus juste d'être au monde, tout en nous rappelant que nous faisons partie de la nature au même titre que tous les êtres, sans les dominer. En ça, les kené sont l’expression d’un système de croyances qui n’établit pas de séparation entre l'écosystème, le spirituel, le cérémoniel, l’art et la vie profane, mais qui les accouple en une totalité à la fois naturelle et culturelle. Porter en soi ces dessins nous reliant aux esprits-mères nous rappelle que le corps n’est qu’une interface à travers lequel percevoir le monde, tout comme les jaguars qui se perçoivent comme des Hommes, nous sommes tous des animaux dans le regard de l’autre, et des Hommes dans notre cœur.
Ainsi, le kené peut être vu comme le symbole ultime d’une écologie de pleine conscience.
LE JARDIN COSMIQUE
Dans le contexte d’une diète de plantes, il reste encore une chose que le chaman doit faire avant de nous laisser aller retrouver notre vie : aligner les végétaux que l’on porte désormais en nous afin qu’ils croissent et s’épanouissent, connectés tout droit à la lumière.
Les soins, les icaros porteurs de l’essence des mères, inscrits et transfusés en nous par les chants-chemins, les kené protégeant notre champ énergétique telle une armure surnaturelle, tout ça, on l’a bien compris, sont une seule et même chose ; Ronin circule, ondule, serpente sous notre peau, retraçant, reconnectant les lignes du grand maillage universel…
Mais pour que la vie réensemencée dans notre corps-esprit perdure, le chaman doit actualiser la medicina dont nous sommes l’hôte en donnant naissance à panshin nete, le jardin cosmique. C’est la dernière phase de tout ce travail.
Panshin nete est décrit par les guérisseurs sous les traits d’une forêt extraordinaire, un jardin sublime, ruisselant de vitalité, aussi magique que le royaume végétal céleste dont il est le représentant “humain”. Cet éclat, cette exubérance sylvestre qui caractérisent le jardin cosmique, cette brillance, sont pour les Shipibo, comme on l’a vu, les qualités les plus flamboyantes et les plus importantes dont un Homme puisse rêver.
Alors, le chaman crée ce jardin d’Éden en nous, en alignant tout ce qui est désordonné, en redressant tout ce qui n’est pas droit, tout ce qui n’est pas pleinement connecté à la lumière. Il faut comprendre que les Shipibo voient la selva comme l’immense plantation des esprits-mères. Ce qui apparait aux Hommes comme sauvage et anarchique est en réalité l’espace horticole des esprits, c’est-à-dire une zone domestiquée. C’est la différence d’échelle qui engendre cette confusion, mais les Shipibo racontent que, vue de haut, à travers les yeux des ibo, la jungle apparait comme bien ordonnée, avec les arbres et les animaux bien rangés. Il y a donc une correspondance entre l’espace sylvestre des esprits et l’espace horticole des humains. Les deux sont en réalité équivalents, symétriques. Une fois de plus, les deux mondes se retrouvent connectés par un regard holistique.
Ainsi, lorsque le chaman élabore en nous ce jardin à la fois sauvage et harmonisé, il se place dans la position des entités spirituelles qui nous voient depuis le ciel, et fait croître en nous la force, la beauté, la magie, la puissance féroce de cet Éden, en faisant jaillir des arbres brillants, des fleurs magnifiques au parfum envoûtant, tel un jardinier cosmique qui fait éclore la vie par le sortilège de ses incantations.
La création de panshin nete est un acte artistique qui vient conclure la thérapie esthétique qu’est la medicina shipibo, en transformant notre corps en objet d’enchantement.
Et c’est le monde du jardin cosmique qui, en définitive, nous donne de la force. C’est de charrier cette jungle en nous qui nous permet, de retour au monde ordinaire, de nous connecter à l’énergie vitale que tout le travail de diète a si durement ramené à la lumière, et qu’il est désormais de notre devoir de prendre soin, d’honorer, de chérir, par la façon dont on va décider de vivre.
© Zoë Hababou 2025 - Tous droits réservés
Alchimie et Chamanisme : Les 5 Conférences de la Tournée Européenne 2024
Il est stupéfiant de constater à quel point l’Alchimie et le Chamanisme fusionnent ensemble lorsqu’on étudie de près l’entraînement qu’ils proposent à l’Homme pour lui offrir de renouer avec sa partie immortelle. Rencontre avec le Gardien du Seuil, autrement dit l’ego, symbolisé par le dragon gardant jalousement en otage notre trésor intérieur, éveil du Feu secret des Sages, transmutation des ombres en lumière à travers l’exploration systématique de nos traumatismes, responsabilité totale face à nos vies amenant à assumer et honorer pleinement notre liberté, dépassement des peurs et des limites, volonté d’individuation et quête du Soi… Toute personne qui s’est déjà rendue dans la jungle pour diéter une plante ou qui a bu une coupe d’Ayahuasca sait que tout ce qui se passe dans le monde chamanique est profondément connecté à cela. L’Alchimie donne des clés de compréhension carrément indispensables à la réussite du travail personnel engagé en diète de plantes maîtresses ou en cérémonie d’Ayahuasca. Des points d’appui solides, des pistes de réflexion originales et rafraichissantes, des symboles évocateurs parfois très proches de ce qu’on rencontre chez les esprits végétaux, et surtout une cartographie claire et précise pour tout Voyageur Spirituel en train de négocier un difficile passage dans son existence…
L’Alchimie est l’Art des Transmutations. Le Chamanisme est l’Art du Voyage dans le monde spirituel.
L’un comme l’autre sont donc des arts ancestraux entraînant l’être humain à maîtriser l’Art du Passage, celui d’un état imparfait vers un état un peu plus parfait (transmutation), et celui du monde visible vers le monde invisible. Sauf que l’un ne va pas sans l’autre, car celui qui souhaite s’améliorer ne peut pas se dispenser d’une quête spirituelle, et celui qui tend à rencontrer le monde des esprits ne peut pas y aller depuis sa matérialité et son ego.
Si le Chamanisme et l’Alchimie partent du même principe de base, que tout est vivant, que tout a un esprit, et que toute matière n’est que de l’esprit condensé, de la lumière enclose dans l’écorce des choses, alors leur visée est la même : apprendre à l’Homme à retrouver la partie spirituelle de lui-même via un processus ou un chemin initiatique.
Mais contrairement à d’autres traditions ou voies d’apprentissage traditionnelles, ces deux arts sont également des sciences, qui partent donc des faits bruts, du monde tangible et immédiat de la matière, pour s’élever vers le domaine immatériel. Leur point commun le plus fondamental est celui-ci : chamans et alchimistes lisent dans le Grand Livre de la Nature Vivante pour y trouver les enseignements qui sont à la fois les racines et les branches de leur sagesse.
Leur contact avec le monde ordinaire, qu’il s’agisse de la jungle amazonienne ou de la vie de tous les jours occidentale, est la seule source qu’ils reconnaissent comme véridique pour commencer à apprendre sur eux-mêmes et sur la vie. Savoir déchiffrer les signes, décoder les situations, relier des évènements entre eux, et d’une manière générale, voir le monde extérieur comme un reflet ou une manifestation du monde intérieur, et donc chercher la vraie cause des problèmes et des maladies dans le royaume des esprits, constitue l’essence suprême de l’Art Initiatique dont ils sont les plus brillants représentants. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là.
Il est stupéfiant de constater à quel point l’Alchimie et le Chamanisme fusionnent ensemble lorsqu’on étudie de près l’entraînement qu’ils proposent à l’Homme pour lui offrir de renouer avec sa partie immortelle. Rencontre avec le Gardien du Seuil, autrement dit l’ego, symbolisé par le dragon gardant jalousement en otage notre trésor intérieur, éveil du Feu secret des Sages, transmutation des ombres en lumière à travers l’exploration systématique de nos traumatismes, responsabilité totale face à nos vies amenant à assumer et honorer pleinement notre liberté, dépassement des peurs et des limites, volonté d’individuation et quête du Soi… Toute personne qui s’est déjà rendue dans la jungle pour diéter une plante ou qui a bu une coupe d’Ayahuasca sait que tout ce qui se passe dans le monde chamanique est profondément connecté à cela.
C’est pourquoi il était important pour moi de faire connaître l’Alchimie aux personnes qui me suivent et qui pratiquent le chamanisme. Parce que l’Alchimie donne des clés de compréhension carrément indispensables à la réussite du travail personnel engagé en diète de plantes maîtresses ou en cérémonie d’Ayahuasca. Des points d’appui solides, des pistes de réflexion originales et rafraichissantes, des symboles évocateurs parfois très proches de ce qu’on rencontre chez les esprits végétaux, et surtout une cartographie claire et précise pour tout Voyageur Spirituel en train de négocier un difficile passage dans son existence…
… Passage qui peut potentiellement le métamorphoser en une version de lui-même dont il tombera amoureux, s’il sait comment guider son esprit vers toujours plus de liberté.
L’alliance du chamanisme et de l’alchimie : une voie royale vers la connaissance de soi
PLANTES ENSEIGNANTES ET TRANSMUTATION
Le principe de la diète de plantes maîtresses
Recevoir le savoir-pouvoir d’une plante
Le Kaya (principe vital)
Porter la Nature en soi
La partie obscure et la partie lumineuse des plantes
Comment les chamans apprennent directement de la Nature
Les icaros shipibos
Le souffle et le Tabac
Témoigner de l’Ayahuasca en tant qu’artiste
Les leçons de l’Ayahuasca sur la maîtrise de l’esprit
Transposer la diète de plantes en Europe ?
Concentration, étude des rêves, attention portée aux ressentis corporels et émotionnels, exploration de nouvelles dimensions de soi-même, éveil de sa foi et de son pouvoir… Ce qu’on FAIT réellement en diète de plantes
La question de l’intégration
Le travail progressif avec les intentions et les rêves
Savoir se relier à ses plantes pour changer ses croyances
La médecine universelle des alchimistes
Qu’est-ce que l’Alchimie ?
Partir de ses défauts pour trouver les qualités qu’ils cachent
Appliquer le mal au mal, aller jusqu’au bout d’un problème pour le faire transmuter en son contraire
Le besoin d’éveils successifs pour atteindre le plein éveil
Savoir à quoi ressemble l’éveil afin de pouvoir plus facilement aller vers lui
Exploration des 7 péchés capitaux et de leurs vertus correspondantes
Responsabilité et liberté
AYAHUASCA ET ALCHIMIE
La découverte de l’Alchimie
La transmutation en diète de plantes maîtresses
Borderline, voyage du héros et récit initiatique
Les bases de l’Alchimie et du Chamanisme, de la lumière à la matière, la racine spirituelle de la maladie
Le microcosme à l’image du macrocosme
Récupérer le pouvoir sur sa propre personne et devenir le dieu de son microcosme
L’ego, ses peurs, ses limites et ses illusions
Le trésor intérieur et le Gardien du seuil
Faire du dragon un allié
La réconciliation des contraires
Les défauts sont des qualités immatures ou non révélées
Transmuter la colère en force décapante
On commence toujours avec le revers de la médaille
Un changement de regard radical profondément optimiste
Œuvre au noir et Œuvre au blanc
Que faire de l'éveil ?
Travailler avec ses rêves, relier l’inconscient au conscient
L’Ajo Sacha et l’alliance cœur-esprit-volonté
La dissociation d’avec le mental
Faire de l’aiguillage en diète et vivre le résultat à la maison
De nouvelles épreuves à la mesure de la puissance éveillée en diète : une initiation constante
La diète de plantes pour parachever un cycle de mort/renaissance
L’Œuvre au rouge
L’Arc et la Flèche
Trouver le sens de sa vie
La question de l’intention dans la prise d’Ayahuasca
Parler de l’expérience de l’Ayahuasca… ou pas ?
Les limites de l’Ayahuasca prise seule
Les illusions et le flow de la vie
Trouver son feu sacré
Honorer l’incarnation (envers et contre tout)
PLANTES MAITRESSES D’AMAZONIE
La nature des plantes maîtresses et la manière d’entrer en relation avec leur esprit : les règles fondamentales de la diète et leur explication
La création d’un espace sacré intérieur dans son corps-maison symbolique
L’ontologie des esprits végétaux et l’échange avec eux
Les différentes sortes d’Ayahuasca (cielo, raiz) et leur esprit collectif
Comment l’Ayahuasca emprunte notre propre cognition pour s’exprimer et développe un langage intime avec chaque expérienceur
La manifestation et l’action des plantes maîtresses
L’effort personnel à engager pour travailler avec les plantes et recevoir leur énergie vitale
L’agressivité essentielle à la Vie et l’affirmation de soi
La joie des plantes à explorer nos mondes humains intérieurs
Porter en soi l’essence des plantes et la partager aux autres
Le processus thérapeutique shipibo et l’apprentissage initiatique traditionnel
La nature musicale des icaros et leur transmission de Végétal à Humain, puis de chaman à patient
Guérir la morsure d’un serpent avec l’icaro de l’oiseau prédateur du serpent…
Être porteur de l’énergie de la selva avec l’armure de kené
Les visions et les rêves comme signes d’une diète réussie
Diète d’Ajo Sacha
Diète d’Ayahuasca
Exploration super détaillée du Tabac !
Mon étrange diète de Tabac…
Cérémonie de rapé et importance du souffle
ŒUVRE ALCHIMIQUE ET CHAMANISME
Aller plus loin avec les plantes
Révéler la lumière enclose dans l’écorce des choses : le lien entre Alchimie et Chamanisme
L’éveil du feu intérieur, la lutte du Soi contre le moi, la résistance de l’ego à notre volonté de changement
La rencontre avec le dragon
L’épreuve confrontante de la diète de plantes
Les attaques de l’ego durant l’isolement dans la jungle
L’aspect profondément bipolaire de la condition humaine
La découverte de son refuge intérieur
La force décapante de l’Amour et la nécessité de l’apprivoiser petit à petit
Être blessé par l’expérience du Soi
Incarner la lumière dans le monde ordinaire
Oser traverser les ténèbres et les regarder en face sans jamais les renier
Qu’est-ce qu’une diète croisée ?
Les forces éveillées par les plantes, la question de l’authenticité
La nature de Borderline
Le chaman de Borderline et la medicina cachée au cœur de ces livres
La rencontre réelle avec le chaman de Borderline
L’expérience de la tristesse transpersonnelle en Ayahuasca
Les différentes portes menant à la Transcendance et la nécessité d’aller au bout de soi-même pour opérer la transmutation
Les trois Œuvres alchimiques
Tomber les masques !
CERCLE DE PARTAGE
Carl Jung et l’Alchimie
Anima et Animus
Le lien entre la maternité et l’expérience psychédélique
Appliquer les enseignements des psychédéliques dans la vie ordinaire
Vivre l’éveil quand on est enfant
La transe comme nécessité fondamentale dans l’évolution humaine
Vivre avec le mystère, dans un espace sans limites ni définitions, est-ce cela la véritable expansion de la conscience ?
La Voie du Guerrier de Carlos Castaneda
Les matrices périnatales de Stanislav Grof et les changements soudains dans la vie
L’équilibre délicat entre concentration et lâcher-prise, rectitude et souplesse ; l’expérience psychédélique comme entraînement aux épreuves du réel
Le Flow
La Voie brève et les Philosophes par le Feu
La rétrocausalité quantique
La question de la sorcellerie dans le chamanisme
Le croisement de diète de plantes
Les fléchettes empoisonnées (chontas)
Comment savoir quelle voix écouter et quelle voie suivre ?
L'enthousiasme comme boussole ultime
POUR ALLER PLUS LOIN…
Borderline : Récit chamanique d’une transmutation
Un jeune hors-la-loi en deuil de sa jumelle part diéter l’Ayahuasca dans la jungle et réalise qu’il ne pourra guérir que s’il accepte de plonger au plus profond de ses ombres pour les transmuter en lumière.
Engagé corps et âme dans la Voie de l’Alchimie version Medicina, la liberté est loin d'être aussi douce que ce qu’il avait imaginé… car tout prétendant au titre doit affronter son pire ennemi : lui-même !
Psychose délirante et déjantée, errance métaphysique, thérapie rock n’ roll… ou alors voyage spirituel cinglant et formateur ?
ET ENCORE PLUS LOIN !
Comprendre la Medicina des Plantes
Rendre l’Être Humain à la Nature
Accueillir en soi l’Esprit d’une Plante
Diète de Plantes #1 : Comprendre la Medicina des Plantes
Comprendre ce que signifie diéter une plante implique de laisser pénétrer en soi quelque chose qui est de l’ordre de Ronin, l’Anaconda Mythique des Shipibo, Ouroboros créateur de la réalité. Il s’agit d’assimiler une signification qui nous dépasse : celle qui fait du monde terrestre et du monde supraterrestre une alliance de deux réalités entrelacées l’une à l’autre façon liane d’Ayahuasca. Car c’est PAR les plantes que les chamans shipibo apprennent à soigner AVEC les plantes. La transmission de la connaissance se fait par imprégnation directe, de corps à corps, de conscience à conscience, sans intermédiaire entre l’Homme et le Végétal. Les plantes sont la clé de voûte de la culture, de l’art, et de la médecine shipibo. Elles y tiennent le rôle de protecteur, d’enseignant, de docteur, mais surtout de portail ouvrant vers le cosmos : cosmos intérieur de l’Homme (microcosme), et cosmos extérieur de l’Univers (macrocosme), connectés entre eux au sein d’une dimension qui n’est accessible que par la voie du végétal. Les plantes sont le chaînon manquant qui transforme l’Homme en un être pleinement vivant, mais aussi pleinement humain.
Aborder la question de la diète de plantes ne peut pas se faire de façon superficielle. Les tenants et les aboutissants sont trop vastes, trop complexes, trop nombreux. Aussi profonds et mystérieux que la culture dont la médecine des plantes est issue.
C’est de cette culture qu’il sera question ici. Plus particulièrement, celle de la tradition shipibo auprès de laquelle je pratique la diète de plantes maîtresses depuis maintenant plusieurs années. La médecine amazonienne ne peut pas être détachée du paradigme qui l’infuse tel un réseau de veines souterraines, irriguant jusqu’aux ramifications astrales où se porte cet art.
Comprendre ce que signifie diéter une plante implique de laisser pénétrer en soi quelque chose qui est de l’ordre de Ronin, l’Anaconda Mythique des Shipibo, Ouroboros créateur de la réalité. Il s’agit d’assimiler une signification qui nous dépasse : celle qui fait du monde terrestre et du monde supraterrestre une alliance de deux réalités entrelacées l’une à l’autre façon liane d’Ayahuasca.
L’Ouroboros est une unité : la dualité entre nature et culture, entre humain et non humain, entre matière et esprit disparait. Et partout, tout le long du corps de ce reptile cosmique, les plantes sont présentes.
Car c’est PAR les plantes que les chamans shipibos apprennent à soigner AVEC les plantes. La transmission de la connaissance se fait par imprégnation directe, de corps à corps, de conscience à conscience, sans intermédiaire entre l’Homme et le Végétal. Les plantes sont la clé de voûte de la culture, de l’art, et de la médecine shipibo. Elles y tiennent le rôle de protecteur, d’enseignant, de docteur, mais surtout de portail ouvrant vers le cosmos : cosmos intérieur de l’Homme (microcosme), et cosmos extérieur de l’Univers (macrocosme), connectés entre eux au sein d’une dimension qui n’est accessible que par la voie du végétal. Les plantes sont le chaînon manquant qui transforme l’Homme en un être pleinement vivant, mais aussi pleinement humain.
Ce premier article du Dossier Diète de Plantes est le plus schématique de tous, parce que notre cerveau d’Occidental — qui a l’habitude de faire turbiner son côté gauche (logique) davantage que son côté droit (intuition) — a besoin d’attaquer le thème de la médecine des plantes d’une façon analytique et rationnelle afin d’être en mesure, dans un second temps, d’embrasser pleinement son potentiel poétique. La médecine allopathique et beaucoup de psychonautes en sont encore à plafonner du côté moléculaire de la force enthéogène (dommage, ce n’est que le premier niveau), et si je ne critiquerai jamais personne de tenir à conserver son esprit critique sans vouloir verser dans une romantisation niaise de la relation au végétal, il n’empêche qu’il est complètement impossible de saisir la signification, la puissance et l’efficacité, mais également les subtilités, de la diète de plantes version shipibo quand on est ignorant des faits que je vais aborder ici.
On va donc explorer le paradigme shipibo et sa relation aux esprits, ainsi que sa représentation de la santé et de la maladie ; les dimensions physiques, énergétiques et spirituelles des plantes ; les quatre différents types de plantes et leurs usages au cœur des pratiques ; et enfin les trois étapes clés du protocole thérapeutique avec les plantes.
J’ai donné le maximum d’exemples possibles afin de rendre cet article vivant, aussi ne vous étonnez pas de croiser beaucoup d’esprits et de plantes cités par leur petit nom tout le long de votre lecture !
Mais attention : ne confondez pas la carte avec le territoire. Les classements effectués ici ne servent que de points de repère. L’univers des plantes regorge de dimensions multiples, fractales et holographiques aux frontières évanescentes. Les mondes se chevauchent et s’interpénètrent l’un l’autre. Souvenez-vous que lorsqu’on aborde le royaume du Vivant, il est impossible d’isoler totalement une chose d’une autre, car tout est interconnecté…
Ce Dossier se présente en 7 parties, les autres numéros seront disponibles petit à petit…
#1 : Comprendre la medicina des plantes - Cartographie d’une médecine multidimensionnelle
#4 : L’Alliance cœur-esprit-volonté - Clarifier et densifier ses intentions lors d’une retraite
#5 : L’Art de rêver dans la selva - Travailler dans le monde onirique des plantes
#6 : L’Alchimie dans la rencontre avec les plantes - Apprendre à lire le Grand livre de la Nature
#7 : Idées magiques et conseils surprenants pour optimiser sa diète - Pratiques de magie et de psychomagie
Cartographie d’une médecine multidimensionnelle
ACQUÉRIR LA CONNAISSANCE DIRECTEMENT DES PLANTES
Chez les Shipibo, le corps est fondamental. C’est une sorte de temple dont on doit prendre soin. A la différence de nombreuses traditions spirituelles, l’idée n’est pas de renier le corps et l’expérience sensorielle qui va avec afin de rejoindre le transcendant, mais plutôt d’incorporer, d’assimiler, d’incarner le transcendant en le faisant “descendre”, en lui donnant vie dans la réalité matérielle. Le corps est la structure primordiale capable d’accueillir en elle les niveaux supérieurs : émotions, volonté, esprit, âme. C’est donc par son biais que toute connaissance est rendue possible.
Le corps est un instrument permettant d’accéder aux vérités universelles, mais également aux mythes. C’est par lui qu’on apprend la médecine, c’est par lui qu’on est en mesure de soigner les autres.
Et c’est ce qui rend la medicina amazonienne si unique : il s’agit du seul système médical connu au monde dont le mode d’acquisition de la connaissance ne passe par aucune transmission humaine, qu’elle soit orale ou écrite. Ce n’est pas de maître à disciple qu’on apprend à soigner, et le savoir phytothérapeutique n’est consigné dans aucun ouvrage de référence. Les seuls enseignants sont les plantes.
C’est par le canal d’états modifiés de conscience, résultats d’ascèses sévères et de prises d’Ayahuasca, que la transmission est rendue possible. Grâce aux rêves et aux cérémonies, les plantes maîtresses partagent leur savoir et développent les capacités latentes de la conscience humaine, grâce auxquelles les curanderos pourront exercer leur médecine.
On est donc bien loin d’un savoir encyclopédique détaché de tout empirisme et de toute subjectivité. La medicina est une connaissance vécue depuis l’intérieur, intime et singulière, reçue directement au travers du corps via l’expérience individuelle.
Prendre soin du corps et le maintenir dans les meilleures conditions physiques, énergétiques et spirituelles possibles, grâce à un entretien régulier et un mode de vie sain, est donc indispensable pour les guérisseurs, et c’est dans ce cadre que s’inscrit la diète de plantes.
L’IMPORTANCE DE LA RELATION AU MONDE DES ESPRITS
Dans la culture shipibo, tous les êtres (vivants et non vivants) sont dotés d’un esprit (yoshin), la “spiritualité” est donc partie intégrante de la vie sur Terre. Chaque être possède différentes dimensions, de la plus physique et matérielle à la plus transcendantale et spirituelle, incluant donc des mondes visibles, invisibles, des esprits et des forces variées. De multiples échanges se créent en permanence entre les mondes, qui communiquent entre eux et forment un réseau de liens où monde manifesté et monde invisible se rencontrent. Leurs frontières sont poreuses, voire inexistantes.
Certaines lois gouvernent ce réseau, telles que la justice et la réciprocité, et ces lois doivent être respectées pour que cet écosystème reste sain et équilibré. Ici, je me dois de préciser qu’il ne faut pas non plus idéaliser la chose. Le monde indigène est un monde guerrier, et justice et réciprocité signifient fréquemment “œil pour œil, dent pour dent”, que ce soit dans la réalité ordinaire ou dans le domaine spirituel, ce qui implique de renvoyer les sorts à l’attaquant et de ne pas craindre de se défendre quand c’est nécessaire.
Cela étant dit, conserver l’harmonie dans les relations est vu comme la clé de la santé, à la fois individuelle et collective. Selon ce paradigme, prévenir la maladie signifie prendre soin des liens sociaux, mais aussi de ceux qui nous relient à la nature et aux esprits. La spiritualité est donc le principal facteur et le meilleur garant d’une bonne santé.
A titre d’exemple, je connais pas mal de personnes qui ont connu des problèmes de santé (physique ou spirituelle) suite à des déboires avec le Chullachaki, les Dauphins ou la Sachamama dont elles avaient offensé l’esprit.
Le Chullachaki est l’esprit-gardien de la selva, ainsi que des hommes et des animaux qui y vivent. On l’appelle Nii Yoshin, le Spectre de la Forêt. Il est considéré comme ambivalent. Bien que son apparence laisse à désirer (c’est une sorte de nain avec une jambe tournée du mauvais côté, ce qui lui permet de laisser des traces de pas allant dans les deux sens pour créer la confusion et égarer les gens dans la forêt. En tant que Trickster de la selva, il adore rendre les gens fous ! Il est aussi réputé pour emprunter l’apparence d’un proche afin de nous tromper et nous inciter à le suivre… vers la perdition !), le Chullachaki est une méta-entité redoutable qui se venge quand il estime qu’on lui a manqué de respect, à lui et aux habitants de la selva. Par exemple, un chasseur qui ne respecte pas les lois naturelles en chassant plus que ce qu’il devrait, ou alors qui s’aventure dans un territoire qui n’est pas le sien, ou bien encore qui braconne dans un des “jardins” personnels du Chullachaki (ce sont des zones en plein cœur de la forêt où tout est étrangement ordonné et “propre” : herbe rase, pas de feuilles au sol, arbres bien alignés… Vraiment étrange ! On dit que c’est le Chullachaki qui entretient ces jardins), eh bien, ce chasseur sera puni, voire tué.
Les Dauphins se révoltent aussi quand on les chasse ou les tue sans raison, ou pour se servir de certains de leurs organes pour faire de la sorcellerie (le vagin des dauphins femelles est très utilisé pour les sorts d’amour)… Ils peuvent créer des tourbillons pour noyer les pirogues, attirer les Hommes sous l’eau en les séduisant, ou encore venir sur terre, déguisés en humains, pour accomplir leur vengeance…
Quant à la Sachamama, ce serpent géant mythique tellement gros qu’il détruit les arbres sur son passage en laissant des sillons dignes d’un Monster Truck Bulldozer dans toute la forêt (d’ailleurs, il est si gros et si vieux que des arbres poussent carrément sur lui !), de nombreux pêcheurs (il nage aussi, oui) ont connu de grosses frayeurs à cause de lui, et certains n’en sont jamais revenus !
Bref, comme vous le voyez, la relation avec les esprits est à prendre au sérieux en Amazonie, et en dehors du fait de faire attention où on met les pieds et de demander la permission de passer sur un terrain qu’on sait appartenir aux esprits, la première règle à suivre est celle de l’hygiène, très importante pour les Shipibo : on se lave tous les soirs à la rivière afin de prendre soin de son corps physique (sauf si on a ses règles ou qu’on vient d’accoucher, auquel cas on risquerait d’offenser l’esprit de l’eau — le Serpent Yacumama — ou les Yakurunas qui y vivent), et on réalise des bains de plantes, des purges laxatives et vomitives, des soins aux parfum, des massages, des saunas, afin de nettoyer et laver son corps énergétique aussi. C’est comme ça qu’on se libère régulièrement des charges négatives, émotionnelles, spirituelles ou autres. Ces rituels constituent des moyens de prévention face à toute maladie, de n’importe quel type qu’elle soit.
LA SANTÉ ET LA MALADIE DANS LE PARADIGME SHIPIBO
Dans ce contexte, la santé est donc le signe, voire la preuve, de l’harmonie entre l’être humain et le monde naturel, social et spirituel. C’est un fragile équilibre à conserver, qui rappelle sans cesse à l’Homme son attachement à l’environnement.
Quand ce rapport harmonieux au monde est préservé, s’ensuit un bien-être qui permet de mener de front toutes ses activités et de vivre dans la joie. Jouir de la vie est primordial chez les Shipibo, c’est même sans doute l’emblème le plus éclatant de la santé. Pour eux, quelqu’un qui a perdu le goût de vivre, la joie dans les activités quotidiennes et l’envie d’entreprendre, souffre d’un kaya (âme ou principe vital) endommagé.
Si la maladie est le signe infaillible de la rupture de l’harmonie, retrouver la santé passera donc par restaurer l’impulsion vitale et rééquilibrer le rapport au(x) monde(s).
Pour les Shipibo, il existe deux sortes de maladie : celles qui ont des causes naturelles (déséquilibre du système chaud/froid, influence de la météo ou des astres, traumatismes osseux…), et celles qui ont des causes surnaturelles (mauvais œil, influence des esprits, sortilèges…).
Ils reconnaissent les mêmes symptômes que ceux décrits par la médecine occidentale, mais également plein d’autres signes que notre médecine ne prend pas en ligne de compte, comme de subtils changements dans les perceptions et le fonctionnement corporel ou une modification des interrelations avec l’environnement.
Les curanderos sont donc très attentifs à tous les facteurs qui les aideront à diagnostiquer une maladie : caractéristiques des pouls (sanguins et énergétiques), contenus des rêves, apparence des excréments, sensations thermiques, phénomènes acoustiques, clarté de la vision, ainsi que d’autres indices encore plus subtils : présence de fourmis sur les vêtements, le fait que certains animaux ne s’approchent plus, ou encore l’apparition d’animaux venimeux… Tous ces éléments seront interprétés et prendront sens dans le cadre symbolique culturel, où tout est compris comme un signe.
La medicina traditionnelle shipibo est holistique : elle s’attache à lire et soigner la totalité de l’être et va même au-delà de lui, en cherchant aussi à rééquilibrer son environnement. Le corps humain est donc constitué du corps physique, du corps énergétique (qui comprend également les niveaux émotionnel et psychique) et du corps spirituel, et inclut les interrelations que ces corps entretiennent entre eux et avec le monde.
Ainsi, la véritable guérison doit atteindre le rétablissement de l’harmonie globale ; traiter la maladie autrement ne serait pour eux qu’une solution partielle.
En définitive, peu importe son type, les Shipibo considèrent que toute maladie comprend des composantes physiques, énergétiques et spirituelles, et que pour atteindre une guérison intégrale, on ne peut pas se limiter au traitement des symptômes. Il faut rétablir l’équilibre total, sinon la maladie reviendra sous une nouvelle forme ou restera planquée à l’état larvé, provoquant une faiblesse du corps qui sera le précurseur de maux à venir.
Et c’est là qu’entre en scène la medicina des plantes. Puisqu’en toute logique les techniques utilisées pour guérir seront liées aux caractéristiques de la maladie, le traitement sera complexe dans le sens où il devra inclure l’ensemble des sphères mentionnées plus haut. Il sera donc question de médecine à la fois physique, énergétique et spirituelle.
Et c’est par les plantes que ça va se passer…
LA MÉDECINE PHYSIQUE, ÉNERGÉTIQUE ET SPIRITUELLE DES PLANTES AMAZONIENNES
Suite à ce préambule, il est beaucoup plus facile de comprendre comment fonctionne véritablement la médecine des plantes amazoniennes et les diètes de plantes maîtresses qui vont avec. Car les plantes, comme les êtres humains et comme tout être de la nature, existent, agissent et communiquent sur trois plans :
Le plan moléculaire, c’est-à-dire le niveau physique.
Le plan atomique, c’est-à-dire le niveau énergétique (qui, chez l’Homme, comprend le domaine psychologique et émotionnel).
Le plan subatomique ou quantique, c’est-à-dire le niveau spirituel (où il est question des esprits, du sens de la vie et du sacré).
Le plan physique d’une plante, c’est bien évidemment son aspect matériel, et son action moléculaire en tant que plante médicinale : ses principes actifs, ses propriétés chimiques, en gros donc ses bienfaits pour la santé… Mais on peut aussi parler des effets physiques qu’elle a sur l’Homme.
Par exemple, le Chiric Sanango et sa scopolamine donne froid, fait trembler, et engourdit les lèvres et les extrémités des doigts. Au niveau médicinal, il soigne les rhumatismes, l’arthrite et les refroidissements.
Le plan énergétique d’une plante (visible grâce à un certain type d’imagerie dont j’arrive pas à retrouver le nom), c’est, pour l’Homme, la façon dont elle va travailler au niveau psycho-émotionnel chez lui, mais également comment elle va fluidifier certains nœuds ou blocages immatériels.
Par exemple, l’Ajo Sacha prise en inhalation a un effet physique marqué très désagréable : elle brûle littéralement la narine, l’oreille, la gorge, jusqu’au cerveau. Prise en boisson, ses molécules sont anxiolytiques et elle renforce le système immunitaire.
Au niveau énergétique, l’Ajo Sacha nettoie le mental, affermit la volonté, l'estime de soi et la capacité de décision.
Il y a donc bien un effet à la fois physique (ça brûle, c’est antidépresseur et ça booste l’immunité), psychique (parasites mentaux brûlés, clarté d’esprit retrouvée) et émotionnel (ça fait un bien fou d’avoir un mental clair et de ne plus être déprimé, on respire à nouveau, on est plus serein, on retrouve confiance en soi !).
Avec tout ça, l’énergie vitale est déjà nettement restaurée.
Et enfin, le plan spirituel d’une plante, c’est les enseignements dont elle a le secret, qui lui sont spécifiques, et qu’elle va pouvoir transmettre à l’Homme quand celui-ci s’engage avec elle dans un processus de diète. C’est ce plan qui met l’Homme en relation avec l’esprit de la plante.
Ici, on peut prendre l’exemple assez emblématique du Tabac pour illustrer toute la dynamique d’une plante travaillant sur les trois plans.
Le Tabac est une purge radicale pour l’organisme : vomissements, suées (voire fièvre), parfois diarrhée, il jette violemment dehors tout ce qui n’est pas sain, d’une façon intensément physique.
Du point de vue énergétique, le Tabac est le plus puissant des protecteurs, et les chamans l’utilisent en sopladas (ils le soufflent) pour préserver le corps énergétique de leurs patients de l’entrée des mauvaises énergies et des attaques d’entités, mais aussi pour leur transmettre des énergies de guérison, ou encore des enseignements qui passent alors directement du corps énergétique du chaman au corps énergétique de l’apprenti. La fumée elle-même, dont la nature se situe entre le tangible et le volatil, fait figure de parfait véhicule entre les plans matériel et énergétique. Chez celui qui le diète, le Tabac fait disparaitre la faiblesse physique et psychique en renforçant la structure corporelle et la clarté mentale.
En tant qu’esprit, le Tabac est systématiquement perçu comme un homme noir, fort, solide, qui nous aide à incarner les qualités masculines de l’âme, c’est-à-dire droiture et puissance physiques, et structure, clarté et volonté mentales.
Une chose intéressante à noter : les effets des plantes, qu’ils soient moléculaires, atomiques ou quantiques, sont bien souvent liés à leur aspect physique, comme si la nature donnait une indication métaphorique de leurs fonctions…
Je vais prendre le temps de vous donner quelques exemples :
Le Bobinsana est un arbuste qui pousse au bord des rivières, capable de résister aux crues grâce à ses puissantes et profondes racines, dont les fleurs sont de magnifiques petites choses roses et blanches… Eh bien, le Bobinsana, sa spécialité, c’est l’ancrage et l’ouverture du cœur. Donc, dans un langage poétique, avoir des racines bien balèzes et un cœur ouvert comme ces fleurs roses et blanches pleines de magie.
Pas mal, nan ?
Le cas du Chiric Sanango est un peu différent, ce n’est pas son aspect matériel qui nous intéresse ici, mais le fait qu’il provoque des effets physiques et émotionnels qui semblent étroitement entrelacés les uns aux autres....
Le Chiric génère d’incontrôlables frissons et travaille sur la peur. Il donne froid et nous débarrasse de la froideur affective. Il engourdit et taffe sur le manque de sentiments ou sensations du cœur…
Vous voyez comment les manifestations physiques et affectives sont similaires ? Frissons/peur, froid/froideur affective, engourdissement/absence de ressentis sentimentaux ?
La médecine des Palos (les grands arbres de la forêt), elle, est réputée comme étant la plus puissante, car ce sont des êtres très vieux, très solides, qui montent très haut… En toute logique, leur savoir est donc ancestral, tanké et visionnaire à la fois.
La Lupuna, en particulier, qui est l’un des arbres les plus hauts d’Amazonie et peut atteindre plusieurs centaines d’années au compteur, est considérée comme la Grande Gardienne de la selva, et sa diète doit durer un mois minimum… Oui, le temps de diète aussi semble connecté au temps que les plantes mettent à atteindre leur pleine maturité ! De plus, elle vit près des rivières, donc elle est liée aux Yacurunas et aux Sirènes qui sont les esprits de l’eau, et son tronc forme une sorte de base triangulaire dont on raconte qu’elle renferme un portail dimensionnel, visible sous les effets de l’Ayahuasca…
Il y aussi le cas du palmier Yarina (celui avec les feuilles duquel on fait le toit des malocas), qui a la capacité de s’entendre avec tous les végétaux et les animaux de la selva. Il fait figure de centrale pour le réseau global dont j’ai parlé plus haut, vers laquelle tous les fils convergent, c’est donc lui qui établit la communication entre tout le monde et tous les mondes. Du fait de son bois très dur, de sa croissance lente et de sa reproduction sur place pendant plusieurs générations, le Yarina est associé aux ancêtres et fonctionne comme une sorte de moteur de recherche ; il suffit aux chamans de se connecter à lui pour qu’il établisse la connexion aux autres êtres et aux autres mondes grâce aux fils du réseau !
Autre truc incroyable : l’aspect physique des plantes correspond parfois à leur aspect en tant qu’esprit anthropomorphique…
Le cas le plus évident est celui du Docteur sans Tête de l’Ayahuma, dont la représentation spirituelle concorde avec la figure matérielle de cet arbre immense aux fruits tout ronds en forme de têtes qui tombent au sol sans cesse tels des boulets de canon...
Et l’Ayahuasca, qui est une liane, s’accroche et pousse sur tout ce qu’elle trouve, le bon comme le mauvais, ce qui explique pourquoi elle provoque souvent une inflation de l’ego…
Il faut noter que cette étrange symétrie entre les mondes moléculaires, atomiques et quantiques fonctionne aussi avec des plantes qui ne sont pas des plantes maîtresses, comme ces feuilles qui ressemblent à des têtes de serpent, bonnes pour les morsures de serpent, ou encore le fait que la plante qui contient le poison pousse juste à côté de celle qui contient précisément le remède à ce même poison…
Est-ce une coïncidence, ou est-ce que les Shipibo voient juste quand ils disent qu’il suffit d’écouter le langage de la nature et de lire les signes qu’elle dispose partout ? Non, ça peut pas en être une. Ces mecs sont trop bons, trop précis pour ça…
Bien sûr, ça ne marche pas à tous les coups, et ce n’est pas chaque feuille en forme de cœur qui est bonne pour les problèmes cardiaques ou les questions d’amour, mais tout de même, on est forcé de s’interroger…
Indéniablement, cette approche est radicalement différente de notre médecine classique et de nos méthodes d’apprentissage académiques. Ici, on est au cœur du Vivant, et c’est la jungle qui est la grande école de la Vie. C’est un domaine qu’on explorera plus en détails dans le chapitre sur l’Alchimie.
Bref, contrairement à la médecine allopathique occidentale qui ne taffe qu’au niveau moléculaire, et réduit donc la portée de son action au domaine purement physique, la medicina des Shipibo est un corpus de connaissances et de techniques qui sollicite les plantes à travers l’ensemble de leurs potentiels de soin, physiques, énergétiques et spirituels. Le but étant, comme on l’a dit, de proposer une guérison holistique de l’Homme prenant en compte la totalité de son être.
Cette thérapie holistique se réalise via une série de pratiques corporelles liées aux plantes : boire de la sève, des décoctions ou des macérats, inhaler de la poudre ou du liquide, se baigner avec des fleurs ou se laver avec de l’eau où des plantes auront trempé, faire des saunas, recevoir des fumigations de tabac ou des sopladas de parfum, se purger avec des plantes qui font vomir, transpirer ou provoquent la diarrhée, et parfois même se faire fouetter avec des orties ! Sans parler, bien sûr, de recevoir des icaros, ces chants curatifs qui canalisent, dirigent et surtout activent l’énergie des plantes, mais c’est un gros morceau auquel on s’attaquera dans le second article de ce dossier.
D’une manière générale, ces pratiques visent une transformation du corps pour le rendre plus réceptif au règne végétal. Mais pour ça, il y a un ordre à suivre avec les plantes…
LES 4 TYPES DE PLANTES ET LEURS USAGES
Si ce classement est un tantinet artificiel, c’est par mesure pédagogique. L’idée est de schématiser un peu afin de rendre le truc plus facile à capter. En effet, il existe énormément d’usages pour les plantes et leurs multiples vertus, la majorité d’entre elles peuvent jouer plusieurs rôles et possèdent des qualités et des fonctions qui s’entrecroisent. Les plantes maîtresses, en particulier, ont des propriétés à la fois médicinales et enseignantes, ce qui fait qu’on peut les employer comme remède ou les aborder comme des maîtres.
Du fait que les plantes existent sur les trois plans dont on vient de parler, il serait trop réducteur de les reléguer à un usage unique, mais parce qu’il est important de comprendre dans quel ordre fonctionne la diète de plantes, je vais me permettre ici de catégoriser un brin les choses.
LES PLANTES DE PURIFICATION
La purge est clairement LA notion centrale de la médicine shipibo. Le nettoyage est crucial pour eux, et on a même parfois le sentiment que la medicina tourne presque exclusivement autour de ça, tant ces gens n’ont que le mot LIMPIEZA à la bouche ! Mais c’est une question de logique, pas vrai ? Comment accueillir en soi de nouvelles énergies quand on est déjà complètement encrassé par les vieilles ?
Le seul moyen d’être réceptif au monde invisible est donc de se purifier, profondément et régulièrement, afin que les esprits puissent “pénétrer” le (ou les) corps. A travers la purge, l’idée est aussi de fortifier et tonifier l’organisme. De manière préventive ou curative, elle constitue une pratique courante de l’hygiène énergétique. Dans le cadre d’une préparation à la diète, il s’agit de faire de l’espace pour recevoir et se rendre disponible aux esprits des plantes.
La purge peut être vomitive (en général, on boit un extrait de plante suivi de plusieurs litres d’eau qui vont déclencher des vomissements), ou laxative. Sa durée varie selon les plantes et le niveau d’encrassement.
Les plantes de purification sont donc celles qui s’attaquent à nous désintoxiquer et nettoyer nos déchets, avant tout physiques, mais également psychiques, émotionnels et énergétiques, puisque comme je l’ai déjà maintes fois répété, le corps est complètement connecté au reste, que c’est LE canal vers tout le reste. Donc travailler sur l’un, c’est travailler sur tout, on ne peut alors pas résumer les plantes de purification à leur vertus de détox physique.
Et quand on se prête au jeu, on constate en effet que, d’une manière très musclée, les plantes de purification arrivent à venir concrètement à bout de ce qui nous pollue en offrant un nettoyage du corps physique, un lavage des émotions, et une purification du mental. Chose très appréciable quand on s’apprête à entrer en diète.
On peut citer à nouveau l’Ajo Sacha en inhalation qui brûle les parasites mentaux, la Hierba Luisa qui draine l’estomac, la vessie et le système respiratoire, la Malva qui nettoie les poumons et élimine le mucus, le Piñon Colorado qui désincruste les intestins, le Tabac évidemment, purge extrêmement intense à tous les niveaux, ou encore l’Ayahuma dont on utilise les fruits violets (ceux qui se trouvent au cœur des graines en forme de boulets de canon) afin de s’en enduire le corps sous la douche pour se débarrasser des énergies nocives de la ville et de la fatigue du voyage (quand on vient juste de débarquer au centre de médecine) afin de se préparer à aller en diète (la pulpe de fruit nettoie aussi la sorcellerie).
Pour les bains de vapeur, un mélange d’une bonne dizaine de plantes est souvent réalisé. L’absorption de leurs bienfaits passera directement par les pores de la peau ouverts par la chaleur. Les bains de fleurs (à l’eau froide), eux, sont davantage utilisés pour réharmoniser que pour purifier.
D’autre part, l’Ayahuasca est elle aussi une sacrée purge en tant que telle, et ce n’est pas pour rien si son surnom est LA PURGA !
Naturellement, c’est une tâche qui revient souvent, le nettoyage. On ne peut jamais dire que c’est fait une bonne fois pour toutes. Mais il n’empêche que c’est seulement après ça qu’on peut commencer à parler d’accueillir les esprits et les bonnes énergies.
LES PLANTES VISIONNAIRES
Les plantes visionnaires sont les plantes psychoactives, celles qui nous permettent d’explorer à la fois notre intériorité et le monde subtil, ou plutôt, qui nous offrent de voyager dans le monde subtil à partir de notre intériorité…
Cela rejoint l’idée que dans le chamanisme shipibo, la connaissance s’élabore grâce à l’expérience subjective, tout en n’empêchant pas le savoir d’être ensuite corroboré objectivement, c’est-à-dire par plusieurs personnes et d’une façon parfois reproductible, condition sine qua non de toute science. C’est le cas pour l’aspect spirituel du Tabac, ce grand homme noir que tout le monde voit.
La véracité du contenu des visions peut souvent être vérifiée dans la vie ordinaire ; je me souviens du cas de cet ami dont on avait volé la moto. En cérémonie, il a vu le mec qui la lui avait chourée, mais il a aussi vu le commanditaire du vol, qui avait envoyé le premier type se farcir le sale boulot. Mon ami a été voir le voleur, qui a confirmé toute l’histoire…
De mon côté, j’ai aussi reçu, en rêve et en cérémonie, des informations précises que je n’avais aucun moyen matériel de connaître sur des personnes, et ces personnes ont confirmé plus tard ce que m’avaient montré les plantes.
Enfin, dans le temps, mon ancien maestro a eu des visions de mon futur qui, depuis, ce sont révélées exactes.
L’Ayahuasca, qui est la plante visionnaire par excellence de la médecine shipibo, est présentée comme la porte ouvrant vers toutes les autres plantes. C’est elle qui fait le lien entre les mondes, qu’il s’agisse du monde humain vers celui des esprits de la nature, des animaux et des plantes, et inversement (il arrive que les chamans reçoivent des requêtes venant des animaux, des plantes ou des esprits durant une cérémonie), mais aussi des mondes des plantes entre eux.
Traditionnellement, l’Ayahuasca est l’outil de diagnostic des chamans, l’instrument qui leur permet de VOIR, dans le sens de lire, déchiffrer, décoder les maladies, mais également d’en trouver le remède et les conditions nécessaires à son bon fonctionnement. Et puisque tout est lié dans ce paradigme, et qu’on parle de soin global de tout un écosystème, les compétences permises par cette VISION s’étendent au-delà de la simple détection et identification de maladie, offrant d’apprendre de nouvelles techniques de médecine, de débusquer le gibier, de défaire les sorts jetés par les autres chamans, ou encore prédire l’avenir…
L’Ayahuasca est donc une interface visionnaire irremplaçable qui connecte à tout l’univers.
C’est aussi l’outil qui permet au chaman de voir le corps énergétique du patient et son principe vital. Il pourra ainsi agir sur ces énergies afin d’en restaurer l’équilibre par diverses manipulations rituelles, sopladas, chupadas, projection d’agua florida, et bien sûr émission de chants aux pouvoirs curatifs (tous ces rituels, ainsi que les icaros, seront étudiés en détails dans le prochain article de ce dossier).
Lorsqu’elle est prise en diète de plantes, les fonctions de l’Ayahuasca sont multiples.
Elle purge bien sûr, et son action semble révéler et réorganiser tout un ensemble de problèmes psychiques profondément engrammés sous forme de mémoires corporelles. Elle évacue donc de l’individu des toxines physiques et psychologiques.
Mais elle ouvre aussi le monde de la plante diétée aux diéteurs, en se transformant en une sorte d’écran malléable, de matrice dont les patterns peuvent être employés à la fois par le végétal et par l’humain, qui créent alors ensemble un nouveau langage inter-espèces fait d’images, de télépathie, d’émotions, de ressentis intimes… dialogue instantané qui paraît prendre place au sein d’une seule et même conscience…
L’Ayahuasca a également la capacité d’exposer une partie de l’inconscient d’une personne, de réveiller les souvenirs enfouis, les contenus biographiques oubliés, voire même transgénérationnels, ce qui donne l’impression d’enfin pouvoir parler avec son être profond. Par moment, on dirait même qu’elle ouvre une dimension hors de l’espace-temps, offrant des possibilités quantiques…
Et pour conclure, elle connecte aux icaros et encourage à mieux s’ouvrir au travail du guérisseur.
La relation avec l’Ayahuasca sera abordée en profondeur plus tard dans ce Dossier Spécial Diète, aussi je vais m’arrêter là pour le moment, d’autant plus que j’ai déjà rédigé une FAQ entière sur cette plante.
Je terminerai en disant que le Toé et le Tabac sont également des plantes visionnaires.
LES PLANTES MAITRESSES
Les plantes maîtresses, appelées plantes rao, sont celles qui disposent d’un esprit doté de pouvoir, d’un yoshin koshi, comparé aux simples plantes médicinales qui ont un esprit sans pouvoir, yoshin koshima, et sont donc des raoma (“ma” est le suffixe de négation).
Quand on parle d’entrer en contact avec l’esprit d’une plante maîtresse, c’est donc à ce yoshin qu’on fait référence. En tant qu’être humain, nous aussi avons une part yoshin, sorte de contrepartie inconsciente de nous-mêmes, qu’il s’agit précisément de développer et d’intégrer peu à peu à notre conscience lors de la diète.
Diéter des plantes maîtresses permet donc de révéler, d’accentuer, d’intégrer, d’élaborer et pour finir de contrôler cette dimension inconnue de nous-même afin de pouvoir entrer en contact avec le monde invisible et enclencher un dialogue, instaurer des échanges avec le yoshin de notre plante.
Le but d’une diète est de créer une relation avec cette partie de la plante afin qu’elle partage avec nous ses connaissances, qui forment une sorte de savoir-pouvoir. Cette acquisition se fait donc par imprégnation physique et psychique, car c’est à la fois notre être corporel et notre être yoshin qui sont ici mis à contribution.
Mais au-delà des yoshin, les Shipibo pensent que les êtres humains, les animaux sauvages et les plantes sont dotés d’une “mère”, qui est le maître (ibo) et le propriétaire de leur espèce. C’est un genre de prototype primordial gigantesque qui les a mis au monde, et qui contient toute leur essence.
L’ibo des plantes n’est donc pas individuel, mais collectif. Il est le gardien et le principe vital de l’espèce.
Selon les chamans, l’ibo est identique à un immense réseau qui connecte toutes les espèces végétales et animales entre elles. Ils le décrivent comme un ensemble de grands espaces urbains, hyper modernes, sillonnés d’axes routiers et de voies de communication. Une sorte de planète-cité de SF avec des faux-airs de Tokyo.
Et dans ces cités futuristes ultra-technologiques, il y a des gens qui sont exactement pareils aux Shipibo et aux métis. Tous ces gens font partie de l’ibo de la plante : ce sont les différents esprits qui lui sont associés. Certains sont spécialisés en médecine et apparaissent alors sous forme de docteurs. Ce sont ces gens qui nous font visiter le monde de la plante, en voiture, en taxi, les chamans disent qu’ils te promènent partout en te montrant et en t’apprenant des choses sur leur univers. Parfois ils t’amènent dans un hôpital, une salle d’opération, et même une université pour t’enseigner à guérir.
Et naturellement, ces hommes, mais aussi les taxis, les routes, et la planète qui porte le tout, sont l’ibo de la plante, puisque l’ibo est un esprit collectif.
C’est d’ailleurs ça que figurent les kené (ces dessins géométriques qu’on voit partout dans l’art shipibo, on en parlera dans le prochain article de ce dossier) : des voies, des chemins, des ponts entre les différents réseaux conscients du vivant.
Tout ça parait carrément démentiel, sans doute bien loin de l’esprit végétal anthropomorphe que vous imaginiez, et pourtant, tous les chamans shipibo parlent de la mère des plantes de cette façon.
Cependant, une expérience n’empêche pas l’autre, et les chamans perçoivent aussi souvent les esprits sous des formes, disons… plus restreintes. De nombreux peintres ont souvent figuré ces esprits de la façon dont les Occidentaux ont naturellement tendance à les imaginer. Mais tout porte à croire que quand il est question de diète initiatique (celle où l’on apprend à devenir guérisseur), voyager dans l’ibo de la plante, se faire enseigner par les docteurs et trouver des alliés variés dans ce monde-là est complètement indispensable. Car ce sont ces alliés et ces enseignements qui vous donnent la capacité de guérir…
En diète de guérison, les choses sont un peu différentes. Il semblerait qu’il soit davantage question de yoshin plutôt que d’ibo.
Quoi qu’il en soit, c’est par les visions et les rêves qu’on accède au yoshin et à l’ibo, ces parties internes et conscientes des plantes, car la dimension psychique est commune à toute forme de vie, et c’est finalement de conscience à conscience que le contact peut s’établir entre l’humain et le végétal. Aussi, les états modifiés de conscience que sont le rêve et la transe sont la voie royale d’accès à cette rencontre inter-espèces.
Comment savoir si on a bel et bien rencontré l’esprit de la plante qu’on diète ?
C’est le sens des rêves et leur contenu qui permettent de reconnaitre la marque d’une plante, et c’est le chaman qui saura vous dire ce qu’il en est. Pareil pour vos visions en cérémonie. Mais il arrive aussi que ce soit dans la réalité ordinaire de la selva que se manifestent les yoshin. Les conditions spécifiques de la diète, avec l’isolement et les restrictions alimentaires et comportementales, ont tendance à métamorphoser l’espace sylvestre en une incroyable interface où les consciences humaines, végétales et animales s’expriment, et où psychisme et matière se superposent et créent de surprenants échanges… voire des synchronicités.
Car c’est autant dans son corps et dans la forêt que le diéteur cherche du sens, en interprétant ses sensations, ses rêves nocturnes et diurnes, et les signes émanant de la selva environnante...
La forêt finit par parler concrètement. En utilisant des intermédiaires animaux ou encore des évènements comme messagers, la selva devient une interface de communication symbolique entre notre conscience, notre inconscient psychique et somatique qui se projettent sur l’environnement extérieur, et les esprits.
Comme on le voit donc, si les plantes maîtresses ne sont à priori pas psychoactives, il se trouve que dans le contexte d’une diète, elles développent en fait une vraie puissance visionnaire.
Pour en savoir plus sur chaque plante maîtresse et les enseignements dont elle a le secret, je vous invite à consulter le Grand Répertoire des Plantes Maîtresses Amazoniennes que j’ai réalisé.
LES PLANTES DE CONTENTION
Les plantes de contention servent à contenir, tempérer les débordements des pensées et des sentiments chez quelqu’un qui rencontre une forte crise émotionnelle. Si l’idée n’est pas de réprimer ou d’enfermer les troubles, il s’agit tout de même de restaurer la tranquillité et stimuler la confiance du diéteur lors d’une de ces crises, afin qu’il puisse développer sa capacité à identifier ses propres impulsions, tout en les contrastant avec son environnement et ses expériences immédiates, en étant dans un processus réfléchi et conscient.
Ainsi, il gagne la capacité d’ordonner ses émotions et d’organiser ses pensées afin de les exprimer de manière cohérente et déterminée. Cela lui permet aussi d’assimiler et d’intégrer une situation nouvelle, parfois choquante, stressante ou douloureuse.
D’autre part, les plantes de contention permettent également au diéteur d’apprendre à sentir ses propres limites tout en l’aidant à mettre de l’ordre dans son monde intérieur. En boostant les rêves, en favorisant l’émergence d’idées et d’insights et en accélérant les processus cognitifs telles que la mémoire et la capacité d’association, ces plantes génèrent une meilleure connexion entre les émotions et l’esprit, ce qui permet au diéteur de mieux se concentrer.
Les plantes de contention se prennent donc à petite dose, pour un problème du plus physique au plus spirituel, au jour le jour. La durée de leur prise est comprise entre cinq et dix jours. En général, elles sont données avant d’aller dormir pour que le diéteur puisse profiter de l’influence qu’elles ont sur l’activité onirique, mais certaines sont trop fortes dans leur énergie et leurs effets pour être bues la nuit, elles perturberaient le sommeil, on les prescrit donc le matin.
Comme exemple de plantes de contention, on peut citer la Camalonga, dont on boit un macérat de graines qui aura été exposé au soleil. La Camalonga prise en contention rééquilibre le système nerveux, procure calme et tranquillité, augmente l'activité des rêves et régule le sommeil, stimule le désir de travailler, et nettoie des imprégnations négatives au niveau énergétique et spirituel.
La Mucura, quant à elle, est immunostimulante et amène de la clarté mentale. On l’emploie aussi comme protection contre la sorcellerie et l'envie, et peut également être utilisée dans les bains de fleurs. Elle aide à activer la volonté et l'initiative d'apporter les changements nécessaires dans sa vie.
Enfin, comme on l’a vu au début de cet article, l’Ajo Sacha renforce le système immunitaire, la volonté, l'estime de soi et la capacité de décision ; elle aide à discerner ce qui est ou n'est pas approprié sur le chemin de la vie. Elle a un effet antidépresseur et éclaire l'esprit. On peut la prendre en inhalation, à l’aube, ponctuellement (parfois juste une fois, parfois trois matins d’affilé si le chaman estime que le mental est trop présent et donc l’esprit pas assez concentré et qu’on risque de croiser sa diète).
LES 3 ÉTAPES CLÉS DU PROTOCOLE THÉRAPEUTIQUE AVEC LES PLANTES
En suivant le labyrinthe esquissé par les chapitres précédents, on constate finalement que la diète suit un parcours logique constitué de trois phases majeures :
PURIFICATION DU CORPS
On vous donne des plantes qui vous font vomir, transpirer, avoir la diarrhée, afin de préparer le terrain pour qu’il soit le plus réceptif possible à la plante maîtresse que vous allez diéter et à l’entrée en scène de l’Ayahuasca.
Pour parler un langage plus imagé, si votre plante maîtresse était une graine, alors la phase de purification serait celle où vous bêchez et aérez le sol.
Si l’esprit de la plante maîtresse était votre invité, alors cette étape correspondrait au fait de briquer votre maison de fond en comble pour l’accueillir sous les meilleurs auspices, voyez ?
Toutefois, il faut noter qu’une fois de plus, quand le corps est propre, psychiquement et spirituellement, ça va déjà nettement mieux aussi… C’est même prouvé que l’état des circuits neuronaux est lié au domaine corporel.
Bref, vous voilà prêt pour la suite.
EXPLORATION DU DOMAINE ÉNERGÉTIQUE GRACE AUX ÉTATS MODIFIÉS DE CONSCIENCE
Vous découvrez votre intériorité, apprivoisez votre psychisme, vos émotions, votre inconscient, vos souvenirs, vos souhaits, à travers vos sessions d’Ayahuasca, mais aussi via ce que vous vivez en isolement dans votre tambo, pensées, rêves et intuitions d’un nouveau type.
Les vécus découlant de ces expériences peuvent être de différentes natures, naître du domaine physique (vous avez un truc à nettoyer dans le corps et ça se sent), psychique ou émotionnel (vous êtes relié à quelque chose d’entièrement personnel, du domaine biographique), ou encore spirituel (vos visions relèvent de l’expérience mystique, vous êtes en contact avec le monde des esprits).
ENTRER DANS LE NIVEAU SPIRITUEL AVEC L’ENSEIGNEMENT PAR LES PLANTES MAITRESSES
Vous recevez des informations et des leçons concernant le sens de la vie et la nature de la réalité.
Bien sûr, ce type d’apprentissage n’est pas quelque chose que vous pouvez forcer, mais disons que la diète est une sorte de mise à disposition, de mise en capacité de recevoir des révélations.
Vous prenez conscience de l’intelligence de la nature, en vous et autour de vous, vous réalisez l’ampleur de ce réseau qui vous connecte à l’ensemble du Vivant.
Vous rencontrez des esprits qui habitent la création au même titre que vous, et qui font pour vous figure de maîtres.
Vous vous ouvrez au transcendant et découvrez que ce n’est pas une énergie vague et diffuse, mais qu’il s’agit d’une dimension habitée d’êtres intelligents, de sujets capables de partage…
A ce stade, il y a de fortes chances que vous ne voyiez plus jamais le monde de la même façon !
UNE MEDICINA TRANSPERSONNELLE
Ce qui est le plus étrange dans cette médecine, c’est comment tout ne cesse de permuter et de s’interpénétrer…
Une vague de nausée ouvre la voie des visions, dans le vortex desquelles s’opère une descente en soi, dans son univers intérieur, qui, par un mystérieux changement de perspective, switch quantique dont seule l’Ayahuasca a le secret, devient montée vers le royaume spirituel où les plantes possèdent des mondes à la fois organiques et technologiques, et ces mondes sont peuplés d’esprits prêts à nous apprendre à devenir un meilleur être humain…
Alors on retourne dans la réalité ordinaire, quittant la maloca pour se rendre aux toilettes avec une bonne diarrhée, et là, c’est en éliminant d’immondes déchets physiologiques qu’on parvient, assis sur le trône, à comprendre et intégrer un contenu transcendant, comme s’il fallait faire de la place en soi, dans ses tripes, physiquement, pour être en mesure de recevoir une sagesse venue de la terre et du ciel, à la fois ancestrale et cosmique…
Et on se dit que ces Hommes des bois que sont les Shipibo possèdent en fait le savoir le plus sophistiqué de la planète.
Tout dans cette médecine fonctionne ensemble, toute la mécanique est connectée, articulée, ce n’est que va-et-vient incessants entre furieuse purification, apprentissage au cœur des rêves, signes dans la forêt, visions d’autres mondes, messages susurrés depuis le fond de l’espace, reçus sous forme d’énigmes à résoudre dans la plus intime dimension de soi-même…
Les trois niveaux d’existence fusionnent et s’influencent, les trois phases de la diète se suivent, se chevauchent et se répètent, se répondent et se nourrissent mutuellement, et même si rien au monde ne peut garantir une guérison totale, ce qui est sûr, c’est qu’une guérison importante a lieu dans cet endroit métaphysique qu’est la selva des Shipibo, cette forêt mystique où microcosme et macrocosme se reconnectent enfin avec nous comme centre et zone de fusion…
… et j’ai hâte de vous retrouver dans la suite de ce dossier où l’on va aborder le principe vital kaya, les chants icaros, les dessins kené, et panshin nete, le jardin cosmique que la diète fait croître en nous…
© Zoë Hababou 2025 - Tous droits réservés
Top 20 des Livres à emmener en Diète de Plantes
De quels livres a-t-on besoin quand on diète une plante ? Aucun. C’est le Grand Livre de la Nature Vivante, comme diraient les alchimistes, qui vous apprendra tout ce que vous voulez savoir, grâce à vos cérémonies d’Ayahuasca et la façon dont vous vous concentrez, dont vous rêvez dans votre tambo. En revanche, vous avez besoin d’être nourri, inspiré, soutenu, aiguillé dans le travail avec vos rêves, vos croyances, vos dissolutions et sublimations. Vous avez envie de mieux comprendre ce qui se passe en cérémonie d’Ayahuasca, comment les plantes maîtresses opèrent avec vous. Vous ressentez le désir de méditer, de vous essayer à la magie et à la psychomagie, à la pratique du rêve lucide. Vous voulez comprendre la mort, prendre le temps de vous imprégner de poésie. Vous brûlez de savoir comment gérer votre mental et votre ego, mais aussi votre esprit, votre cœur et vos émotions. Vous souhaitez apprendre à vous nettoyer avec les éléments, à parler le langage du Vivant, et à relier votre cosmos intérieur à l’univers…
Quelles lectures apporter avec soi en diète de plantes maîtresses ? Quels livres vous aideront à travailler efficacement sur vous-mêmes et soutiendront le boulot des plantes sans interférer avec leur énergie et sans risquer de croiser votre diète ? Quels ouvrages renferment des clés de compréhension spirituelle qui vous permettront “d’optimiser” le temps passé dans la jungle afin que vous ressortiez de là plus fort, plus sage, plus rayonnant que jamais ?
Mettons les choses au clair : durant la diète de plantes, il y a un temps plus ou moins long où vous n’avez pas le droit de lire. Pourquoi ? Parce que ça gênerait votre relation aux plantes. En diète, on est si réceptif que certains chamans considèrent que lire un livre revient carrément à le “diéter”, c’est-à-dire incorporer son énergie, son pouvoir, ses enseignements, bons ou mauvais, et que de ce fait s’autoriser la lecture revient à un croisement, une torsion de diète. Car en diète, s’il vous est interdit d’avoir des rapports aux autres (leur parler, les toucher, et même les regarder dans les yeux) pour ne pas mixer votre énergie et celle de la plante que vous diétez avec celle des autres, ce n’est pas pour vous gorger des vibes d’un livre. Il faut faire attention à ce qu’on laisse entrer en soi.
D’autre part, il faut aussi s’astreindre à une certaine “assise” spirituelle, se montrer très attentif à ses pensées et à ses émotions, celles qui sont violentes, apeurées, colériques, et être dans une vigilance constante pour ne pas chavirer du côté obscur de la plante. Un équilibre fragile dont vous êtes responsable jour après jour. Et il est vrai qu’il y a des lectures qui peuvent vous faire plus de mal que de bien, de par les idées qu’elles véhicules ou encore les sentiments qu’elles font naître en vous. D’autres encore peuvent vous déconcentrer, vous distraire, vous éloigner de l’axe qu’il est important de maintenir durant une diète de plantes afin que la graine que vous portez en vous pousse droit.
Ceci étant dit, il y a tout de même un paquet de livres qui peuvent réellement aider, orienter, accompagner, éclairer, inspirer le travail que vous faites en vous-même durant l’isolement dans votre tambo. Et je vous garantis que mes diètes n’auraient pas été les mêmes si je n’avais pas disposé de certaines lectures que je remercie encore aujourd’hui…
La sélection de 20 ouvrages réunis ici pourra vous paraître surprenante. En effet, inutile d’espérer trouver Les quatre accords toltèques ou bien Le pouvoir du moment présent (et encore moins des conneries du style Éveiller le chaman qui est en vous). D’une, vous n’avez pas besoin de moi pour connaître ces livres. Et de deux, très personnellement, ces bouquins n’ont absolument pas changé ma vie (je précise que je n’ai pas lu Éveiller le chaman…, beurk).
De quels livres a-t-on besoin quand on diète une plante ? Aucun. C’est le Grand Livre de la Nature Vivante, comme diraient les alchimistes, qui vous apprendra tout ce que vous voulez savoir, grâce à vos cérémonies d’Ayahuasca et la façon dont vous vous concentrez, dont vous rêvez dans votre tambo.
En revanche, vous avez besoin d’être nourri, inspiré, soutenu, aiguillé dans le travail avec vos rêves, vos croyances, vos dissolutions et sublimations. Vous avez envie de mieux comprendre ce qui se passe en cérémonie d’Ayahuasca, comment les plantes maîtresses opèrent avec vous. Vous ressentez le désir de méditer, de vous essayer à la magie et à la psychomagie, à la pratique du rêve lucide. Vous voulez comprendre la mort, prendre le temps de vous imprégner de poésie. Vous brûlez de savoir comment gérer votre mental et votre ego, mais aussi votre esprit, votre cœur et vos émotions. Vous souhaitez apprendre à vous nettoyer avec les éléments, à parler le langage du Vivant, à relier votre cosmos intérieur à l’univers.
Les ouvrages que j’ai répertoriés ne sont pas les plus complexes qui existent sur les sujets abordés. Mais en diète de plantes, puisque l’intellect n’est pas précisément le bienvenu, il sera davantage question de laisser s’imprégner votre intuition, de laisser l’imagination vous porter, la poésie des mots vous transcender.
Les extraits de cette Liste de Livres Spécial Diète sont assez longs, car il est important que vous puissiez d’ores et déjà ressentir l’énergie qui se dégage de ces ouvrages, afin de voir si elle vous correspond. De plus, comme vous le verrez, les morceaux sélectionnés regorgent d’enseignements en tant que tels, que vous partiez bientôt en diète de plantes ou pas, et, ma foi, j’aime avoir du contenu inspirant et profond sur ce blog, car le temps que vous passez ici à lire est déjà une petite medicina.
Il n’existe pas de meilleurs enseignants que les plantes maîtresses et l’Ayahuasca, je le répète. L’expérience directe doit être pour vous celle qui doit prévaloir sur tout le reste, car elle seule sera en mesure de vous amener à véritablement “comprendre, posséder” un savoir, mais les livres réunis ici vous aideront à vous ouvrir, à rêver, à travailler en conscience. A changer et transmuter. A vous approcher toujours plus de ce que vous êtes parti chercher si loin de chez vous : vous-même.
(évidemment, je vous conseille de prendre un KINDLE avant de partir. Presque tous les livres conseillés ici existent au format e-book)
Ah, et au fait ; vous pouvez tout à fait décider de faire une diète de livres avec cette liste !
Bref, régalez-vous…
Les livres les plus inspirants à embarquer en diète de plantes maîtresses afin de taffer sur soi-même comme jamais
Résumé éditeur
En ces temps troubles, l’Alchimie, science issue du fond des âges, nous permet de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire de retrouver les aspirations profondes qui définissent notre véritable place dans notre vie et de trouver les moyens de réaliser nos souhaits. Car Pascal Bouchet en est certain : le grand drame de notre civilisation est cette obsession de se fuir soi-même dans des conquêtes chimériques, alors que la nature, dans son infinie sagesse, a déposé tous les trésors du monde en nous-mêmes, et réalisé notre incroyable potentiel divin.
Grâce à l’Alchimie, nous pouvons apprendre à mieux nous connaître, découvrir ce que nous désirons au plus profond de notre cœur, et trouver ainsi notre projet. Nous pouvons aussi changer notre vie en nous libérant de la fatalité du destin et piloter notre existence sur le chemin radieux de l’évolution.
Pascal Bouchet est conférencier, formateur et énergéticien. Il a mis en place des formations afin de rendre accessibles les outils de connaissance de soi et de transformation intérieure.
Extrait
Dans sa phrase, Hermès Trismégiste commence par : « Tout ce qui est en bas est comme ce qui est (déjà) en haut » avant de dire « tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. »
Cela implique que si ce qui est en bas (la matière, le monde physique) est la conséquence de ce qui était déjà en haut (le plan subtil, spirituel), alors l’esprit est là avant la matière et celle-ci en est la conséquence, le reflet. La matière est donc comme ce qui est spirituel.
Cela est aisément explicable par la cosmogonie hermétique qui considère toute la création matérielle comme une conséquence de la lumière spirituelle originelle qui s'est condensée.
On comprend alors la phrase de saint Jean dans l'Apocalypse : « Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. » La nouvelle terre découlant, et même résultant, du nouveau ciel préalable.
Le langage hermétique est très profond et les termes ne sont pas employés au hasard : comme la matière qui reflète l'esprit, les écrits hermétiques ne sont que la manifestation, ou le reflet, de significations bien plus subtiles et spirituelles.
Ce langage étant le support d'un enseignement du monde sublime de l'esprit, et comme Hermès est le messager des dieux, c'est donc un langage subliminal et non littéral. De la même manière, les hermétistes, considérant le monde physique comme un reflet ou une manifestation du monde spirituel, considèrent ce monde matériel comme support des mystères de l'esprit divin.
Ils considèrent ainsi la Nature comme un livre à multiples dimensions sur les mystères de l'esprit. Chaque création, chaque créature, chaque élément matériel, tangible est une lettre, un mot, un hiéroglyphe secret porteur d’un enseignement du grand livre de la Nature vivante. C'est pourquoi les hermétistes se qualifiaient de Philosophes de la Nature car ils apprennent leurs enseignements du grand livre de la Nature vivante.
L'univers tangible, la Nature tout entière, tel un kaléidoscope, fait office de miroir à multiples facettes de l'esprit divin caché en chaque chose.
Non seulement la Création, l’univers tangible et matériel fait office de miroir du monde spirituel, subtil et invisible (comme notre lumière originelle), mais on peut aussi dire que le monde tangible extérieur qui nous entoure est le reflet de notre monde intérieur. Cela est vrai puisque nous sommes un microcosme fait à l’image de l'univers.
Donc non seulement nous pouvons apprendre à connaître l'univers en nous connaissant nous-mêmes, mais l'inverse est aussi possible. L'univers tangible et visible tout entier qui nous entoure est un reflet de notre monde intérieur, invisible.
Il faut bien avouer qu'il y a un domaine que l’on connaît très peu, un domaine ténébreux, celui de notre monde intérieur. Notre esprit lui-même, notre esprit divin reste un mystère. C'est sûrement la raison de notre incarnation dans ce monde du miroir, la volonté de notre esprit de se connaître. Il n’y a rien, rien d'extérieur que nous ne puissions appréhender d’une manière ou d’une autre, qui n'existe pas déjà intérieurement.
Contrairement à certaines formes de mysticisme ou de spiritualité, l’hermétisme se sert des éléments tangibles de la vie comme un miroir de l’âme et de l'esprit, ou plutôt comme un support pour valider sa progression spirituelle.
Chaque événement agréable ou désagréable de la vie concrète est pour l’hermétiste digne de ce nom, un moyen d’avancer, un défi, une initiation de Mère Nature pour progresser sur sa voie initiatique des transmutations. N'oublions pas que le but de l’alchimiste est de devenir un jour à la ressemblance de Dieu, en devenant « parfait comme le Père céleste est parfait ». Il va donc essayer de devenir maître dans son microcosme (son laboratoire) comme Dieu est maître dans l'univers.
RETROUVEZ L’INTERVIEW DE PASCAL BOUCHET ICI !
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que ce que tu fais en diète, c’est ni plus ni moins que de l’alchimie, et que le plus vite tu en prendras conscience, le mieux tu travailleras.
Parce que, comme je l’ai démontré de long en large dans cette série de conférences, l’alchimie est l’outil le plus pertinent pour ton évolution, qui te permet d’explorer tes défis et de trouver des solutions créatives pour te transformer. Elle fait de toi l’agent actif de ta métamorphose.
Parce que cet ouvrage t’offre un langage symbolique pour comprendre ton monde intérieur, c’est-à-dire tes émotions, tes peurs, tes conflits, tes blocages, tes illusions, et tes aspirations les plus profondes.
Parce qu’il va te permettre de transcender tes limites et d’atteindre ton plein potentiel.
Parce que l’alchimie t’encourage à voir le monde comme un processus de transformation constante où matière et esprit dialoguent ensemble en permanence.
Parce qu’il t’invite à observer la Nature comme un reflet de toi-même, avec une conscience nouvelle.
Parce que tes défauts sont simplement des qualités non révélées. Parce que ton ego, ce terrible dragon qui garde l’accès à ton trésor intérieur, le Soi, est en vérité le maître d’armes qui va éveiller en toi l’ardent héros prêt à gagner sa liberté. Et plus important encore, parce que ce que tu fais en diète de plantes maîtresses, c’est opérer la dissolution de tes ombres afin de les sublimer en lumière. Et donc, prendre conscience de tout ça va t’aider à travailler efficacement sur toi-même.
Parce que découvrir l’alchimie est probablement l’une des expériences les plus significatives qu’un Homme puisse faire, et je pèse mes mots.
Parce que l’alchimie est la voie royale de la connaissance de soi et de la transformation intérieure, que c’est un art qui transcende les limites de la matière pour s’aventurer dans les profondeurs de l’âme, un chemin vers la réalisation du Soi.
Parce que cet ouvrage va te permettre de réconcilier les aspects spirituels et matériels de ton existence, trouver ton équilibre entre monde intérieur et monde extérieur et harmoniser les différentes facettes de ton être afin de vivre en cohérence avec les lois universelles.
Parce que l’alchimie est un processus de transformation intérieure et extérieure visant à te purifier et te perfectionner. En cherchant à transmuter les aspects négatifs de ta personnalité, en les transformant en quelque chose de plus noble et de plus élevé, l'alchimie t’invite à t'affranchir de tes limitations et à atteindre un état d'illumination.
Parce qu’il n’y a pas d’environnement plus favorable que la selva pour apprendre à décoder le Grand Livre de la Nature Vivante et comprendre que tout a un esprit.
Parce que le nettoyage que les plantes maîtresses et les cérémonies d’Ayahuasca opèrent en toi est une œuvre alchimique qui dissout la matière première dont tu es fait, la décompose en ses éléments constitutifs, et la purifie des impuretés qui l'encombrent, comme l’Œuvre au Noir.
Parce qu’en diète il y a aussi des phases de sublimation et d'illumination de ton essence, la rendant plus noble et plus lumineuse, comme l’Œuvre au Blanc.
Parce que de retour de diète, tu vas entrer dans la phase de réalisation de toi-même, comme l’Œuvre au Rouge.
Et parce qu’en diétant une plante, tu te mets en quête de la Pierre Philosophale, c’est-à-dire la medicina universelle, une substance capable de guérir toutes les maladies, tant physiques que spirituelles. La Pierre Philosophale représente l'état de santé parfait, l'équilibre entre le corps et l'esprit, et l'harmonie avec l'univers. C’est un symbole puissant de l'accomplissement du Grand Œuvre, signifiant la réalisation de soi, la fusion de l'âme avec le divin, et la libération de l'être de ses limitations et de ses illusions. Une source de sagesse et de lumière infinie.
Résumé éditeur
Dans ces livres, Seth expose les méthodes spécifiques qui permettent de modifier notre vie pour la mettre en conformité avec notre idéal, qu'il s'agisse de notre corps et de notre santé, de l'abondance, ou de nos rapports avec nous-mêmes et avec autrui. Les livres de Seth sont particuliers, car leur auteur n'a pas de réalité physique. En effet, c'est dans un état modifié de conscience que Jane Roberts reçut mot à mot le message métaphysique dicté par « l'essence d'une personnalité non incarnée » se nommant Seth. Ainsi naquirent ces guides essentiels qui, des décennies plus tard, apparaissent comme la source d'où jaillit le mouvement des spiritualités nouvelles.
Jane Roberts, autrice d’une trentaine d’ouvrages (poèmes, nouvelles et essais), a pendant vingt ans reçu le “matériau” de Seth, ouvrant la voie au phénomène moderne du channeling.
Elle a donc canalisé Seth, un sage enseignant. Mais pas un sage de la planète Terre. Un sage de l’univers. Et surtout, des univers… Multidimensionnel, concret, métaphysique et pratique à la fois, Seth peut changer notre histoire spirituelle comme notre vie quotidienne. Du channeling à une nouvelle spiritualité, de la psychologie à la philosophie, de la santé à l’alimentation, de la famille au travail, des végétaux aux animaux, ou encore du sexe à l’amour, Seth nous ouvre grand les portes de la perception — et de sa compréhension —, nous stimule et nous fait un bien rare, dont l’énergie subtile monte crescendo au fil de ses livres initiatiques.
Citations
Je vous dis que votre conscience n’est pas un produit destructible, formé accidentellement à travers l’interaction de composants chimiques. Vous n’êtes pas un avatar de la matière physique et votre conscience n’est pas destinée à s'évanouir en fumée.
Vous faites partie de ce que vous percevez. Quand vous modifiez la focalisation de votre perception, vous changez automatiquement le monde objectivé. Ce n'est pas que vous le percevez différemment alors qu'il reste le même, indépendamment de votre expérience. L'acte de perception en lui-même contribue à former l'évènement perçu, et fait partie de lui.
Les rêves, les espoirs, les aspirations et les peurs de l'Homme interagissent en un mouvement constant qui forme ensuite les évènements de votre monde. Cette interaction inclut non seulement l'Homme, bien sûr, mais la réalité émotionnelle de toutes les consciences terrestres également, du microbe à l'érudit, de la grenouille à l'étoile.
Vous créez le monde que vous connaissez. Vous avez reçu le don peut-être le plus impressionnant qui soit : la faculté de projeter vos pensées hors de vous-mêmes, en une forme physique.
Chacun de nous forme son propre environnement, pour que vous vous rendiez bien compte que vous portez l'entière responsabilité de votre vie. Si vous pensez que ce n'est pas le cas, vous vous limitez vous-mêmes ; votre environnement représente une somme de savoir et d'expérience.
La conscience est la façon dont on perçoit les différentes dimensions de la réalité. La conscience que vous connaissez est extrêmement spécifique. Vos sens vous permettent de percevoir le monde en trois dimensions mais, par leur nature même, ils font obstacle à la perception d'autres dimensions tout aussi valides.
Les pensées et les émotions forment la matière physique selon des processus bien définis et des lois parfaitement valides, même si elles vous sont actuellement inconnues.
La mort fait partie de vous, tout comme la naissance. L'importance de ce qu'elle représente varie en fonction de l'individu - et, d'une certaine façon, la mort est votre dernière chance de faire une déclaration significative dans votre vie, si vous avez le sentiment de ne pas l'avoir fait auparavant. La mort de certaines personnes est un moment de silence. Pour d'autres, elle est comme un point d'exclamation, si bien que, par la suite, on peut dire que la mort de cet individu s'est révélée presque plus importante que sa vie.
La connaissance vient de l’intérieur, elle est inestimable et l’emporte sur la parole. Vous pouvez acquérir ce savoir. Je serais heureux d’être votre guide mais personne ne peut trouver à votre place.
Quand vous croyez en un univers dû au hasard et que vous pensez être un membre d'une espèce engendrée par accident, la vie personnelle semble dénuée de sens, et les évènements peuvent paraître chaotiques.
La vraie connaissance de soi est indispensable à la santé et à la vitalité. Elle suppose d’abord la découverte de ce que vous pensez subconsciemment de vous-même. Si c’est une bonne image, bâtissez sur elle. Si elle est mauvaise, considérez-la comme une opinion passagère et non comme un état absolu.
Dès que vous commencerez à comparer ce que vous êtes avec un concept idéalisé de vous-même, vous vous sentez automatiquement coupable. Tant que vous ne travaillez pas sur vos croyances, les situations et les circonstances les plus anodines peuvent déclencher cette culpabilité.
Vous formez votre propre réalité. Si vous êtes las de m'entendre insister sur ce point, je peux juste répondre que j'espère que ces répétitions vous permettront de comprendre que cette affirmation s'applique aux évènements les plus infimes et les plus importants dont vous faites l'expérience.
Quand vous aimez les autres, vous leur accordez la liberté innée qui leur revient et n'insistez pas bassement pour qu'ils s'occupent constamment de vous. Il n'y a pas de catégories dans l'amour. Il n'existe aucune différence fondamentale entre l'amour d'un enfant pour ses parents, d'un parent pour son enfant, d'une femme pour son mari, d'un frère pour une sœur. L'amour a seulement des expressions et des caractéristiques diverses, mais tout amour est affirmation. Il peut accepter, sans condamner qu'il y ait des déviations par rapport à la vision idéale.
Le libre arbitre vous a été donné. Il y a en vous des feuilles de route ; vous savez ce que vous avez à accomplir en tant qu’individus, en tant que peuple, en tant que race et en tant qu'espèce. Vous pouvez choisir d’ignorer ces feuilles de route.
La grande force et la grande résilience du corps seront beaucoup mieux comprises ; non pas parce que la science médicale fera de spectaculaires découvertes — ce qui sera le cas —, mais parce que l’alliance de l’esprit avec le corps sera plus clairement perçue.
La conscience est, entre autres choses, un exercice spontané de créativité. Dans un contexte à trois dimensions, vous apprenez les moyens grâce auxquels votre existence psychique et émotionnelle est en mesure de créer la diversité des formes physiques.
Les impulsions personnelles sont destinés à fournir l'élan conduisant au développement de nos aptitudes selon un mode qui contribuera également aux intérêts supérieurs aussi bien de l'espèce que de la nature.
La réalité extérieure et l'expérience personnelle donnent naissance à tous les évènements de masse.
Vous êtes intimement relié à tous les événements historiques de votre époque. Dans une certaine mesure, vous avez participé au fait qu'un Homme a marché sur la Lune, que vous avez ou non le moindre lien avec l'évènement physique lui-même.
Vous pouvez facilement constater que les graines produisent les fruits de la Terre, chacune selon son espèce. Aucune graine n'est identique à une autre, pourtant globalement, il est possible de les regrouper par espèces. De la même manière, les idées ou pensées forment des modèles généraux, produisant dans votre monde certains types d'évènements, produisant des matérialisations.
Tout moi particulier pourrait théoriquement étendre sa conscience pour contenir l'univers et tout ce qui s'y trouve.
S'il y a une bonne communication entre le moi, c'est-à-dire le moi intérieur et le moi extérieur, alors l'ego commence à comprendre ce qu'il est, et aussi à réaliser qu'il a de plus grandes capacités que celles qu'il peut réaliser par des réincarnations continues, sur un plan.
Votre réalité est le résultat d'une hallucination, si vous voulez dire par là qu'elle n'est que l'image que vous montrent vos sens. Physiquement, bien sûr, votre existence est perçue par les sens. Dans ce contexte, la vie corporelle est une vie envoûtante, dont l'attention est largement concentrée par la croyance des sens dans la réalité de leurs sensations. Pourtant, cette expérience est l'image que la réalité vous donne maintenant, et donc, en d'autres termes, la vie terrestre est une version de la réalité - non pas la réalité dans sa totalité, mais une partie de celle-ci.
Oubliez les moi craintifs que vous êtes parfois, et rappelez-vous au contraire l’essence magique de votre propre être qui chante en ce moment même dans chacun de vos doigts. Voilà la réalité que vous cherchez. Ressentez-la pleinement.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que le meilleur moment pour observer calmement et modifier tes croyances limitantes et la réalité limitée qui va avec, c’est en diète de plantes maîtresses en Amazonie, et que ce livre est le plus radical pour t’y aider, en comparaison de tout un tas de conneries sur la loi de l’attraction que tu pourrais lire ailleurs.
Parce que cet ouvrage est d’une telle richesse que c’est impossible pour moi d’en faire un résumé, ce qui devrait VRAIMENT t’inciter à l’acheter. Et en plus il y a un tome 2, ce qui promet des heures et des heures de lecture, tranquille dans ton tambo, à écouter Seth te parler et te révéler ta véritable nature et tout le potentiel créateur que tu possèdes sans en avoir conscience.
Parce que tout ce que tu as pu lire concernant le fait de créer sa réalité à partir de ses croyances, c’est du pipi de chat comparé à ce livre qui, lui, te donnera enfin les clés réelles pour changer tes croyances, avec même des exercices à faire !
Parce que la personnalité de Seth est incroyable, que tu sens qu’il s’agit d’une sagesse qui n’a aucune chance d’être humaine, et que donc, lire ce livre revient à entrer en contact avec une entité autre, ce qui devrait t’aider à percevoir également les messages des entités spirituelles végétales qui t’entourent dans la jungle.
Résumé éditeur
En 327 propos éclairant le sens et la valeur de la vie, Patrice Franceschi compose un système éthique original dans le prolongement de la pensée stoïcienne grecque couplée à l’esprit samouraï japonais.
Un ouvrage de philosophie pratique qui appelle l’Homme moderne à une nouvelle forme d’accord intérieur avec lui-même pour s'opposer à la guerre de tous contre tous et à la fin des libertés.
Écrivain-aventurier et philosophe politique, Patrice Franceschi partage sa vie entre écriture et engagements.
Citations
Car la mort elle-même n’est pas à craindre, tant qu’elle n’est pas là, pourquoi en avoir peur ? Et quand elle est là, il n’est plus temps d’y penser. Ainsi parlait l'un de nos grands anciens.
Comme lui, écartez cette crainte inutile. Elle corrompt nos pensées, elle corrode nos actes.
Puisque vous ne pouvez échapper à la mort, changer votre regard sur elle. Cela ne dépend que de vous.
Car si vous ne pouvez rien contre la mort, votre regard peut tout contre elle. Certains Hommes, accablés par les souffrances de l’existence, ne vont-ils pas jusqu'à la considérer comme un refuge ?
Soyez les maîtres de votre regard, samouraïs des temps à venir...
Dans cette maîtrise du regard se trouve une part importante de ce que l’on doit appeler : liberté.
Allez même jusqu'à bénir l'existence de la mort — celle qui vous attend. Car à quoi vous oblige-t-elle si vous considérez les choses selon notre éthique ?
À faire de chaque seconde une vie entière.
Là se trouve votre combat personnel pour devenir vous-mêmes : vivre entièrement et sans délai.
Ainsi donc, vivez au pas de charge — alors, vers la mort vous irez d'un pas tranquille.
Mais il vous faut être féconds.
“Féconds, dites-vous, maître Isogushi ?”
Oui, samouraïs en gestation. Quoi que vous fassiez il vous faut laisser quelque chose derrière vous — le fruit de votre passage sur terre.
À tout le moins, vous devez transmettre ce que vous avez reçu. Ne vous a-t-on pas donné une torche à votre naissance ? Alors, faites-en quelque chose. Avivez le feu de cette torche sans crainte de vous brûler et passez-la à ceux qui naîtront après vous.
C'est ce qu’affirme l'éthique du samouraï moderne.
Sinon, vivez comme des animaux.
Ainsi donc, rien ni personne n'est à craindre, hors de l’effroi de ne rien faire du peu de temps que la vie nous concède avant de nous l'ôter.
Tout le reste est vanité.
Élèves du dojo d’Ishen, soyez-en donc convaincus : la peur de la mort est le début de l’esclavage.
C'est pourquoi le refus du risque est un crime contre la vie féconde. Et l'acceptation du risque une preuve d'amour donnée à cette même vie féconde.
Cet amour-là mérite un nom : énergie — l’autre manière de retrouver la vitalité perdue.
De toute façon, souvenez-vous de ceci concernant le risque : ce qu'on appelle un « risque inconsidéré » est un risque qui finit mal. Quand il finit bien, on l'appelle « risque calculé ». Ainsi va le regard incertain et fluctuant de l’Homme habituel.
Savez-vous quel autre nom je donne à la crainte de la mort ? Anesthésie.
Que représente l’anesthésie ? Le premier obstacle à l'éthique du samouraï moderne.
Qu’empêche l’anesthésie ? L'accès aux routes montant vers les choses supérieures.
Comment s’en défendre ? Par une nouvelle règle du mépris de la mort.
Vous me dites alors : “Maître Isogushi, quelle est cette règle ? Que faire pour mépriser la mort ? N'est-ce pas là chose impossible ?”
Je vous réponds : “C'est une rude entreprise, disciples du dojo d'Ishen. Mais elle n'est en rien impossible. Souvenez-vous de cette humble photo que je vous ai montrée à tous. En chemise blanche et les mains liées dans le dos, un Résistant français anonyme sourit au peloton allemand qui va l'exécuter. Pour les siècles à venir, cet inconnu nous dit que la mort est acceptable quand elle est le prix à payer pour défendre l'une des choses sacrées que l’on s’est choisies.
Ce pour quoi vous devez suivre l'éthique du samouraï moderne.”
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que le chamanisme amazonien est une voie du guerrier et que diéter une plante sacrée tout en te farcissant des cérémonies d’Ayahuasca est un truc hardcore qui mérite d’être soutenu par une philosophie guerrière.
Parce que ces petites maximes sont très puissantes tout en étant extrêmement concises, et qu’elles incitent à réfléchir par soi-même plutôt que de se laisser porter par des flots de mots.
Parce que ce livre aborde des thèmes foutrement importants, tels que la mort, le sacré, les valeurs, la responsabilité, et que si tu taffes pas là-dessus en diétant une plante, alors tu le feras jamais.
Parce qu’il a un côté très radical et que ça fait du bien de plus chercher à moyenner avec soi-même mais d’y aller franco. D’oser être cash dans ses propres pensées.
Parce qu’il donne vraiment envie de devenir un samouraï moderne, attisant en toi ta volonté, ton courage, ton sens de l’honneur, et que ce sont de très puissantes qualités à commencer à développer en diète afin de rentrer chez toi plus déterminé que jamais à enfin incarner celui que tu as toujours rêvé d’être ; ton idéal.
Résumé éditeur
Stanislav Grof nous livre ici son propre parcours en tant que pionnier de l'exploration de la conscience humaine. Il réussit l'exploit de rédiger un ouvrage d'une grande lisibilité, très accessible, captivant, qui vient bouleverser notre compréhension de la réalité, de l'Homme et de l'univers.
D'une grande rigueur professionnelle, même en abordant les sujets les plus délicats, Grof nous conduit par étapes progressives à remettre en question nombre de choses qui nous semblent évidentes.
Le Dr. Grof, psychiatre, est un pionnier dans la recherche des états modifiés de conscience et l'un des fondateurs et des principaux théoriciens de la psychologie transpersonnelle.
Extrait
Quand l’impossible arrive est un recueil d’histoires relatant divers événements de ma vie tant professionnelle que privée qui m’ont contraint à abandonner le point de vue scientifique, sceptique et matérialiste, que j’avais sur la vie pour embrasser les philosophies spirituelles de l’Orient et les enseignements mystiques du monde entier. Ces événements ont également éveillé en moi un grand respect pour la vie spirituelle, les rituels et les traditions thérapeutiques des cultures indigènes que la science occidentale rejette comme étant le fruit de superstitions primitives. Je sais que la seule lecture de ces récits ne peut restituer toute la puissance des expériences de vie très réelles qu’ils décrivent ; toutefois, j’espère qu’ils parviendront globalement à donner aux lecteurs un aperçu du réenchantement de l’univers que ces expériences ont provoqué dans ma propre existence.
Le premier chapitre de cet ouvrage est constitué d’histoires dont la caractéristique principale est d’impliquer ce que C. G. Jung nommait des synchronicités, c’est-à-dire des coïncidences hautement improbables qui ne peuvent être expliquées par le principe de causalité linéaire, principe qui forme la pierre angulaire de la pensée scientifique occidentale. En montrant que le monde de la matière peut avoir des interactions ludiques avec la psyché humaine, l’existence des synchronicités mine les fondements mêmes du paradigme cartésio-newtonien et de la vision du monde matérialiste moniste. Elle abolit les assertions métaphysiques de base soutenues par la communauté scientifique occidentale, à savoir que la conscience et la matière sont deux entités séparées, que la matière est prédominante et la conscience n’est qu’un épiphénomène, et que les événements survenant dans le monde sont exclusivement régis par des chaînes de cause à effet.
Les chapitres 2, 3 et 4 présentent des récits qui remettent en question la conception scientifique actuelle de la nature de la mémoire et de ses limites. Les psychiatres et les neurophysiologistes traditionnels partent du principe que le cerveau du nouveau-né n’est pas assez développé pour garder le souvenir des heures de stress et de douleur qu’il a vécues au cours de la naissance biologique. Le travail avec les états de conscience holotropiques démontre clairement que chacun d’entre nous conserve inconsciemment dans sa psyché non seulement la mémoire de sa venue au monde et du traumatisme qui l’accompagne, mais également des souvenirs de sa vie prénatale, des débuts de son existence embryonnaire, de sa conception ainsi que de la vie de ses ancêtres humains et animaux. Il n’est pas plausible que toute notre histoire biologique soit inscrite dans l’ADN et que, dans certaines circonstances, cet enregistrement puisse se traduire par une expérience très nette. Pourtant, les mémoires évoquées ci-dessus – embryonnaire, ancestrale, raciale et phylogénétique – proviennent au moins de situations dans lesquelles il est possible d’imaginer un substrat matériel, pouvant véhiculer des informations. De nombreuses expériences dans les états holotropiques présentent un problème conceptuel encore plus épineux, puisqu’elles suggèrent l’existence d’une mémoire sans le moindre substrat matériel. On trouve, par exemple, dans ce registre des séquences expérientielles décrivant des événements de l’histoire de l’humanité, conservés dans les archives de l’inconscient collectif, tel que le concevait C. G. Jung, des souvenirs de vies passées et une identification expérientielle aux membres d’autres espèces. Toutes ces expériences transcendent clairement les frontières ancestrales, raciales et biologiques en tous genres, et il est impossible d’imaginer un support physique dans lequel elles pourraient être enregistrées. Il semble qu’elles soient conservées dans des domaines qui demeurent pour l’instant inconnus de la science, ou qu’elles soient gravées dans le champ de la conscience même.
Le chapitre 5 comprend des histoires illustrant des phénomènes habituellement étudiés par les parapsychologues : la télépathie et la clairvoyance, la psychométrie, les expériences dans le monde astral, la communication avec des entités désincarnées et des guides spirituels, les rencontres avec des créatures archétypales, le channeling, les phénomènes de domination de la matière par l’esprit (siddhis) et les expériences de sortie du corps, au cours desquelles la conscience désincarnée perçoit avec précision des lieux proches ou lointains. L’étude impartiale de ces expériences et de ces événements extraordinaires laisse entendre que la science a prématurément ridiculisé tout ce domaine et les chercheurs qui s’y consacrent. Ces observations révèlent l’existence de « phénomènes anormaux » qui, dans le futur, pourraient aboutir à une révision radicale de la vision scientifique du monde et de ses assertions métaphysiques fondamentales.
Le chapitre 6 est consacré spécifiquement à des récits qui relatent des observations remettant en question les postulats les plus fondamentaux des psychiatres traditionnels quant à la nature des épisodes psychotiques, actuellement considérés comme la manifestation de graves maladies mentales. Ce chapitre comporte également des comptes-rendus de méthodes de traitement non orthodoxes et très controversées, ayant donné des résultats positifs surprenants. À titre d’exemple de ce genre d’« hérésie » psychiatrique, citons l’interprétation d’épisodes d’états non ordinaires de conscience comme étant des crises d’ouverture spirituelle (« émergences spirituelles ») et non des épisodes psychotiques. Autre exemple : aborder les symptômes comme étant l’expression d’une tentative d’autoguérison de la psyché et travailler avec ceux-ci. Les situations les plus radicales et les plus inhabituelles décrites dans ce chapitre comportent l’utilisation de substances psychédéliques pour activer les symptômes psychotiques au lieu de les supprimer, des améliorations spectaculaires obtenues grâce à une méthode ressemblant à de l’exorcisme et des innovations thérapeutiques mettant en jeu des mécanismes psychodynamiques qui n’auraient aucun sens pour les psychiatres classiques.
Le chapitre 7 met l’accent sur l’attitude des scientifiques traditionnels à l’égard des observations qui font voler en éclats les paradigmes, issues de la recherche sur la conscience et de la psychologie transpersonnelle, l’élargissement de l’étude psychologique traditionnelle au domaine de la spiritualité, les liens corps-esprit et les transformations. La première histoire illustre de façon extrême mais caractéristique la résistance à de nouvelles données que l’on observe chez de nombreux membres de la communauté scientifique. Elle met en scène un scientifique brillant, de renommée mondiale, qui défend ses convictions intellectuelles avec une obstination et une détermination qui n’ont d’égales que celles d’un fondamentaliste religieux. Le second récit dépeint ce qui arrive quand des professionnels formés de façon traditionnelle, ayant une orientation matérialiste, ont la possibilité d’expérimenter les états de conscience holotropiques. Le troisième décrit la manière dont ma propre résistance résolue à l’astrologie, une discipline tournée en dérision par les scientifiques « sérieux », dut finalement succomber au flot d’observations convaincantes.
Ce livre est très personnel : il révèle de nombreux détails intimes de ma vie tant privée que professionnelle. La majorité des cliniciens et des chercheurs hésiteraient à révéler tant de données subjectives, de peur qu’elles ne portent atteinte à leur réputation scientifique. Les raisons qui me poussent à partager avec autant d’honnêteté les épreuves et tribulations de ma quête personnelle tiennent à mon désir que ces informations contribuent à apaiser les luttes et les dilemmes auxquels sont confrontés ceux qui sont engagés dans une exploration de soi sérieuse, pour les aider à éviter les erreurs et les pièges qui font partie intégrante de toute aventure dans des territoires encore inexplorés.
J’espère que les lecteurs à l’esprit ouvert considéreront les histoires personnelles que je leur dévoile de mon parcours non conventionnel comme le témoignage de la passion avec laquelle j’ai poursuivi cette quête de connaissance et de sagesse enfouies dans les tréfonds de la psyché humaine. Si ce livre fournit des informations utiles et une aide ne serait-ce qu’à une petite fraction des milliers de gens qui vivent des états de conscience holotropiques et explorent des réalités non ordinaires, le sacrifice de ma vie privée n’aura pas été vain.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que tout a été dit dans cet avant-propos écrit par Stan Grof et que, franchement, si tu n’achètes pas ce livre après ça, rien de ce que je pourrais rédiger ici ne te convaincra de le faire…
Résumé éditeur
Chaque nuit, nous embarquons pour un voyage extraordinaire vers les contrées mystérieuses de notre inconscient. Toujours imprévisibles, riches d’enseignements, d’aventures et de mystères, nos rêves nous emportent dans un voyage onirique plein de magie.
Avec les rêves lucides, il devient possible de prendre les commandes de ce périple. Avoir un rêve lucide, c’est être conscient d'être en train de rêver, tout en restant immergé dans le rêve. Cette prise de conscience permet d'interagir avec le contenu du rêve, de façon totalement consciente. On peut ainsi libérer sa créativité, interpréter son rêve de l'intérieur, réaliser ses désirs les plus profonds, affronter ses peurs ou encore explorer les recoins cachés de son inconscient. La seule véritable limite devient alors celle de votre imagination.
Dans ce guide, vous apprendrez à :
Optimiser la qualité de votre sommeil pour des nuits réparatrices.
Tenir un journal des rêves pour mieux comprendre et mémoriser vos expériences nocturnes.
Appliquer des techniques d'induction pour entrer consciemment dans le monde fascinant des rêves lucides.
Stabiliser et approfondir votre lucidité pour prolonger et enrichir vos aventures oniriques.
Surmonter les obstacles et éviter les erreurs courantes liées à la pratique des rêves lucides.
Explorer votre univers onirique et découvrir les mystères de votre subconscient.
Établir une communication active avec votre inconscient pour un dialogue enrichissant et révélateur.
Utiliser les rêves lucides pour votre croissance personnelle.
Transformez vos nuits en aventures fascinantes et révélatrices avec notre guide complet sur les rêves lucides – plongez dans un monde de créativité, de croissance personnelle, et de découvertes infinies.
Attrape-songes, rêveuse lucide depuis plus de 20 ans est l'auteure d'un blog de référence sur le rêve lucide. Elle est membre fondateur du forum du même nom qui est le premier forum français sur le rêve lucide. Son travail a popularisé le rêve lucide dans la communauté francophone.
Extrait
Un rêve lucide c’est avoir conscience de rêver à l’intérieur même du rêve et pouvoir ainsi interagir avec le rêve et son contenu en pleine conscience. Même s’ils se produisent parfois spontanément, il existe de nombreuses techniques permettant d’augmenter leur fréquence qui seront décrites dans des chapitres ultérieurs.
Devenir lucide dans un rêve est le tout premier pas d’une longue aventure d’exploration fascinante. Interagir au sein d’un rêve lucide comporte ses propres règles, pièges et découvertes expliquées dans ce livre. Quels avantages peut-on tirer des rêves lucides ? En voici quelques-uns, mais il n’y a bien sûr aucune autre limite que votre imagination et votre soif de découverte :
Interpréter directement le rêve de l’intérieur : par exemple demander à un personnage, à un objet, ou au rêve lui même ce que quelque chose ou quelqu’un représente. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les réponses elles-mêmes seront sujettes à interprétation.
Libérer sa créativité : sans la barrière du conscient, nous sommes en prise directe avec la part créative de notre esprit. Un artiste pourrait aller visiter une galerie d’art, un écrivain pourrait aller voir une pièce de théâtre…
Vivre ses fantaisies : selon la fantaisie, elle sera plus ou moins facile à mettre en place. Voler est assez facile au sein d’un rêve lucide, visiter la planète Mars sera sans doute plus difficile, le rêve n’étant pas toujours pleinement malléable, et ce pour de bonnes raisons. Mais lorsque l’on connait bien le monde de ses rêves et la façon d’agir au sein des rêves lucides, avec un peu de pratique, rien n’est impossible, il n’y a d’autre limite que votre imagination.
Affronter ses peurs : peur de parler en public ? Essayez en rêve lucide, là où le public vous est tout acquis.
Améliorer sa pratique : les sportifs de haut niveau s’entraînent en visualisant mentalement leurs mouvements pour les améliorer. Dans un rêve lucide, ils peuvent pleinement et interactivement, travailler sur leur technique en contact direct avec leur subconscient. À un moindre niveau, il m’est arrivé de m’entraîner au patinage et de faire des courses de voiture, aucun risque d’accident ou de chute !
Développement personnel : le bouddhisme conseille d’utiliser les rêves lucides pour modifier sa compréhension du monde. Se multiplier soi-même, devenir minuscule ou un géant, changer les lois de la physique, le temps, l’espace… chercher la source intelligente à la base du rêve… En se libérant de nos concepts sur le monde, sa solidité et sa réalité, on entre sur le chemin de l’éveil.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que c’est par le canal du rêve que les esprits des plantes diffusent leurs messages, majoritairement, et que t’attacher à taffer dans le domaine onirique est vraiment ce qui doit compter le plus pour toi en diète.
Parce qu’en vertu du fait que durant une diète, tu ne t’agites pas inutilement, manges le strict minimum et réduis tes interactions humaines à presque rien, tout en étant isolé dans ton tambo avec autant de temps que tu veux pour dormir, c’est en pleine jungle que tu vas faire le plus de rêves lucides, et que t’entraîner à les maîtriser potentialisera l’effet de ta diète à un point que tu peux pas imaginer.
Parce qu’étendre le champ de ta conscience jusqu’à l’univers du rêve est une autre sorte d’expansion de conscience, et qu’il est très intéressant de ne pas te contenter d’étendre celle-ci uniquement durant les cérémonies d’Ayahuasca.
Parce que c’est un bon petit bouquin sans prétention, très simple, avec plein de techniques faciles à appliquer, et que c’est rafraîchissant de lire un truc comme ça en diète.
Parce que le simple fait de lire un livre sur les rêves lucides va inciter ton esprit à en produire !
Résumé éditeur
Enfin à la portée de tout “honnête Homme” ; de tout être, de tout esprit curieux de lui-même, ce chef-d’œuvre capital, clair, sans jargon, simple et limpide dans sa langue, profond dans ses apports, ses découvertes, ses vérités, devenues aujourd'hui des évidences. A la fois nouveau bien que déjà classique, L'Homme à la découverte de son âme fut trop longtemps introuvable.
Depuis toujours l'Homme se débat, pour le meilleur comme pour le pire, avec ces plans vivants qu'il sent s'agiter et palpiter au tréfonds de lui-même et qu'il a épinglé du nom d'âme.
Rendre accessible ce qui est de l'ordre de l'âme à l'approche expérimentale, tel fut, faits et preuves en main, le miracle paradoxalement réussi par Jung. C'est ce lien expérimental à l'inconscient que le génie de Jung apporta en dot au génie de Freud dans la période de leur compagnonnage.
Les complexes que Jung a mis en évidence, ces mélis-mélos, ignorés mais brûlants, de sensations et de besoins, ces nœuds, inconscients mais contraignants, d'idées, d'émotions et d'imaginations sont à l'origine aussi bien du fameux complexe d’œdipe que des enregistrements neurophysiologiques les plus modernes. Ils révèlent, avec les rêves, attestés dans l'histoire sinon justement compris, la vie profonde, intense, bouleversante souvent, qui se déroule en tout être humain. Mais comme Einstein l'a souligné, il est, de nos jours, plus facile de faire exploser un atome que de se libérer d'un complexe !
L'Homme à la découverte de son âme ouvre de nouvelles portes aux déroulements intérieurs, à l'intériorité et l'élargit de l'expérimental au divin.
Psychiatre de renommée internationale, Carl Gustav Jung fut le président de la première Internationale de psychanalyse et le dauphin désigné de Freud avant de rompre avec son maître sur la question du religieux et du sens à accorder à la mythologie. Il fut l'inventeur et le fondateur de la psychologie analytique.
Citations
Si l’inconscient pouvait être personnifié, il prendrait les traits d’un être humain collectif vivant en marge de la spécification des sexes, de la jeunesse et de la vieillesse, de la naissance et de la mort, fort de l’expérience humaine à peu près immortelle d’un ou de deux millions d’années. Cet être planerait sans conteste au-dessus des vicissitudes des temps. Le présent n’aurait pas plus de signification pour lui qu’une année quelconque du centième millénaire avant Jésus-Christ ; ce serait un rêveur de rêves séculaires, et, grâce à son expérience démesurée, un oracle aux pronostics incomparables. Car il aurait vécu la vie de l’individu, de la famille, des tribus, des peuples un nombre incalculable de fois, et il connaîtrait – tel un sentiment vivant – le rythme du devenir, de l’épanouissement, et de la décadence. Malheureusement, ou plutôt heureusement, il rêve ; du moins à ce qu’il nous paraît, comme si cet inconscient collectif ne détenait pas de conscience propre de ses contenus ; nous n’en sommes toutefois pas plus sûrs que pour les insectes. Cet être collectif ne semble pas davantage être une personne, mais plutôt une sorte de flot infini, un océan d’images et de formes qui émergent à la conscience à l’occasion de rêves ou d’états mentaux anormaux.
L’archétype est un centre chargé d’énergie. Le dragon, par exemple, constitue une de ces images originelles archétypiques. Si, au cours de mon existence, je ne rencontre pas le dragon qui est en moi, si je mène une existence qui reste dénuée de cette confrontation, je finirai par me sentir mal à mon aise, un peu comme si je me nourrissais constamment d’aliments dépourvus de vitamines ou de sel. Il me faut rencontrer le dragon, car celui-ci, de même que le héros, est un centre chargé d’énergie. Si la rencontre ne se produit pas, cette carence entraînera avec l’âge une contrariété semblable à celle que fait éprouver l’omission d’un besoin naturel à l’Homme. Cela peut paraître paradoxal, mais ces images originelles – dont il existe une foule – portent chacune leur charge spécifique, dont nous ne sommes pas les bénéficiaires tant que, ne nous y étant pas encore butés, nous ne les avons pas incorporées d’une façon quelconque à la trame de notre vie. La rencontre avec le dragon peut s’effectuer selon différentes modalités, l’essentiel étant qu’il y ait confrontation. Je ferai peut-être mieux comprendre ma pensée en vous disant : on ne se sent pas tout à fait à son aise tant qu’on ne s’est pas rencontré avec soi-même, tant qu’on ne s’est pas heurté à soi-même ; si l’on n’a pas été en butte à des difficultés intérieures, on demeure à sa propre surface ; lorsqu’un être entre en collision avec lui-même, il en éprouve, après coup, une impression salutaire qui lui procure du bien-être. Il est des archétypes qui sont essentiels, qui peuvent susciter des modifications fondamentales dans une vie humaine. Un monde mythologique et fabuleux, un monde inférieur, ou un monde supérieur — comme on le voudra — qui est formé de noyaux à potentiel énergétique ; ceux-ci emplissent notre vie, et un être qui en serait dépourvu serait d’une inhumaine indifférence.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que lire Jung en diète de plantes signifie accéder au trésor de ton inconscient avec un guide certifié qui sait comment lui parler et va l’inciter à s’exprimer davantage, tout en te livrant les clés pour décoder ses messages. De quoi taffer main dans la main avec cette zone inconnue de toi-même et créer un pont entre Conscient et Inconscient qui, une fois mis en place, t’aidera tout le reste de ta vie.
Parce que c’est l’un des rares bouquins de Jung qui soit vraiment accessible, car il est basé sur différents travaux articulés ensemble pour suivre le cheminement logique de l’élaboration de sa pensée, et ne contient donc pas ce discours en arborescence qui rend fou la majorité d’entre nous et nous empêche de pénétrer la profondeur de ses propos. Aussi, il aborde ici la question des complexes, des rêves, de la projection, des archétypes…
Parce que ce livre contient une méthode géniale pour l’interprétation des rêves et que c’est un atout indispensable en diète de plantes où, comme je l’ai dit, tu dois porter une très, très grande attention à ton monde onirique afin d’y découvrir les messages que les plantes y glissent pendant la nuit…
Parce qu’on y découvre la théorie des 4 types psychologiques et que c’est une aide miraculeuse pour comprendre ses schémas de comportement ainsi que ceux des autres, ce qui réconcilie drastiquement avec l’espèce humaine dans toute sa complexité et nous incite au pardon. Et pour la peine, je te pose ici la page Wikipédia qui résume la Typologie Jungienne afin que tu aies accès direct à cette merveille.
Parce que partir à la découverte de ton âme, c’est précisément ça le but de ta diète de plantes, et que le titre de ce bouquin ne fait pas de publicité mensongère. Vraiment.
Résumé éditeur
“M'étant séparé de mon moi illusoire, j'ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie”.
Cette phrase définit parfaitement le projet biographique d'Alexandro Jodorowsky : restituer l'incroyable aventure et quête que fut sa vie. Né au Chili en 1929, c'est en effet un homme et un artiste aux mille facettes. Chantre de l'expansion de conscience, poète, romancier, comédien, fondateur du “théâtre panique” avec Arrabal, réalisateur notamment de films cultes tels que El Topo et La Montagne sacrée, scénariste de célèbres bandes dessinées comme L'Incal, Jodorowsky a aussi élaboré deux techniques thérapeutiques : la psychomagie, qui renvoie les faits quotidiens à des modèles mythiques, et la psychogénéalogie, qui agit sur les héritages psychologiques familiaux.
Il brosse ici la fresque d'une existence qui exalte, au-delà de toute mesure, les potentialités de l'être dans le but de repousser les limites de l'imaginaire et de la raison, et d'éveiller le capital de transformation et de vie qui se trouve en chacun de nous.
Citations
Je proposai à mes patients de traiter la réalité comme un rêve, au commencement personnel et non lucide, pour analyser les événements comme s’ils étaient des symboles de l’inconscient. Par exemple, au lieu de nous lamenter parce que des voleurs ont dévalisé notre maison ou parce que notre amant nous a abandonné, demandons-nous : « Pourquoi ai-je rêvé qu’on me vole, qu’on m’abandonne ? Qu’est-ce que je veux me dire par là ? » Tout au long de mes entretiens je me suis rendu compte que les événements tendent à s’ordonner, « par hasard », en séries qui dans le rêve correspondent à la métamorphose d’un message unique. Il est courant que des personnes qui souffrent d’une rupture dans leur couple perdent de l’argent ou soient dévalisées.
Dans ce type d’enchaînements, la réalité se présente à nous comme un rêve peuplé d’ombres angoissantes, dans lequel nous sommes des victimes, des êtres passifs à qui tout arrive. Si par un effort de conscience nous cessons de nous identifier au moi individuel, si nous sommes capables de « lâcher prise » et d’être le témoin impassible de ce qui semble nous arriver par accident, plus encore, si nous cessons de souffrir de ce qui nous arrive et commençons à souffrir de souffrir de ce qui nous arrive, nous pouvons passer à l’étape qui correspond au rêve lucide et introduire dans la réalité des événements inattendus qui la fassent évoluer. Le passé n’est pas inamovible, il est possible de le changer, de l’enrichir, de le dépouiller de l’angoisse, de lui donner de la joie. Il est évident que la mémoire a la même qualité que les rêves. Le souvenir est constitué d’images aussi immatérielles que celles des rêves. Chaque fois que nous nous souvenons, nous recréons, nous donnons une autre interprétation aux événements mémorisés. Les faits peuvent être analysés à partir de nombreux points de vue. Ce qu’ils signifient à un niveau de conscience infantile change quand nous passons à un niveau de conscience adulte. Dans la mémoire, comme dans les rêves, nous pouvons amalgamer des images différentes.
Mais le seul fait de se souvenir d’un rêve revient déjà à l’organiser rationnellement. Nous ne voyons pas le rêve dans sa totalité, nous voyons les parties que nous avons choisies selon notre niveau de conscience. Nous le réduisons afin qu’il entre dans les limites du moi individuel. Nous faisons de même avec la réalité : en revoyant les dernières vingt-quatre heures, nous n’avons pas accès à tous les événements du jour, mais à ceux que nous avons captés et retenus, il s’agit d’une interprétation limitée : nous transformons la réalité en ce que nous pensons d’elle. Cette interprétation sélective constitue une base en grande partie artificielle, sur laquelle nous fondons ensuite nos jugements et nos appréciations. Pour être plus conscients, nous pouvons commencer par faire la distinction entre notre perception subjective de la journée et ce qui constitue sa réalité objective. Lorsque nous avons cessé de les confondre, nous sommes capables d’assister en tant que spectateurs au déroulement de la journée sans nous laisser influencer par des jugements, des appréciations et des émotions enfantines. De ce point de vue, on peut interpréter la vie comme on interprète un rêve…
Si dans le monde onirique nous nous rendons compte que nous rêvons, dans le monde diurne, prisonniers du concept limité que nous avons de nous-mêmes, nous devons jeter par-dessus bord les idées et les sentiments préconçus pour, l’esprit nu, nous immerger dans l’Essence. Une fois cette lucidité obtenue, nous aurons la liberté d’agir sur la réalité, en sachant que si nous nous contentons de satisfaire nos désirs égoïstes nous serons emportés par le tourbillon des émotions, nous perdrons notre égalité d’humeur, notre sang-froid, et donc la possibilité d’être nous-mêmes agissant au niveau de conscience qui nous correspond. Dans le rêve lucide on apprend que tout ce qu’on désire avec une véritable intensité, c’est-à-dire avec foi, se réalise après une patiente attente. Sachant cela, nous devons cesser de vivre comme des enfants qui ne cessent de demander pour vivre comme des adultes, en investissant notre capital vital.
Deux moines prient continuellement, l’un est préoccupé, l’autre sourit. Le premier lui demande : « Comment est-il possible que je vive angoissé et toi heureux, alors que tous deux prions le même nombre d’heures ? » L’autre lui répond : « C’est que toi, tu pries toujours pour demander, moi, au contraire, je ne prie que pour rendre grâces. »
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que pratiquer la psychomagie en diète dans la jungle est l’espace-temps le plus favorable pour transformer profondément ta réalité.
Parce que la vie de Jodorowsky est une ode brutale à la liberté d’être, de penser, de VIVRE, et que c’est exactement de ce type d’essence que tu as besoin pour régénérer ta vie quand tu diètes dans la selva.
Parce que le regard que porte l’auteur sur le monde est unique, aussi pur et original que celui d’un enfant, et que ça renouvelle ton esprit de t’ouvrir à une vision supra-originale de l’existence.
Parce que Jodo en a chié à mort dans son enfance et que ça t’aide à relativiser tes problèmes.
Parce que les enseignements contenus dans ce livre sont foutrement trop nombreux pour être énumérés…
Parce que les explorations spirituelles de l’auteur ne connaissent aucune limite et que c’est carrément ébouriffant !
Résumé éditeur
Bruce Lee est bien connu pour les films de kung-fu dont il fut la vedette et qui soulevèrent à l'époque l'enthousiasme et l'admiration des jeunes générations et des interrogations amusées de ceux qui avaient plus d'expérience et de maturité dans le domaine des arts martiaux. Cet homme hors du commun a depuis gagné ses lettres de noblesse et sa valeur n'est désormais plus contestée, de solides ouvrages de référence venant à l'appui.
Cet ouvrage philosophique, comprenant plus de 800 aphorismes et couvrant plus de 70 sujets dont l'éventail s'étend de la spiritualité et de la libération intérieure jusqu'à la réalisation cinématographique en passant par la famille, assure de magistrale façon la transmission directe des convictions selon lesquelles Bruce Lee vécut. Ce recueil de “pensées percutantes”, d’un haut niveau spirituel, révèle davantage encore le génie de cet homme extraordinaire.
Bruce Lee est une figure majeure des arts martiaux. Si Bruce Lee est un mythe hollywoodien, s'il a désormais son étoile sur le pavé des stars et son jour de commémoration, tout cela ne doit pas faire oublier la source vivante qu'il était : l'homme hors du commun, l'incomparable expert, le chercheur profond.
Citations
Confondre vie et stagnation est une erreur. La vie est un mouvement constant, arythmique mais aussi opérant de constants changements. Les choses se nourrissent de mouvement et puisent de la force au fur et à mesure.
C’est la vie elle-même qui s’avère être votre professeur, aussi vous vous trouvez dans un processus constant d’apprentissage.
Mon ami, pensez réellement au passé en des termes où la mémoire événementielle n’a retenu que ceux qui étaient plaisants, gratifiants et rassurants. Le présent ? Eh bien, pensez en termes de défis et d’opportunités, avec à la clef la gratification qui vous attend en remerciements de vos talents et de votre énergie. Quant au futur, il se situe dans l’espace-temps précisément là où chacune de vos méritoires ambitions devient réalisable.
La concentration est la RACINE du plus haut potentiel humain.
RIEN N’EXISTE EN DEHORS D’ICI ET MAINTENANT.
Vous savez comment j’aime me voir ? Comme un être humain.
Ceux qui sont inconscients d’avancer dans les ténèbres ne chercheront jamais la lumière.
Si vous pensez qu’une chose est impossible à réaliser, elle le deviendra. Le pessimisme émousse les outils dont vous avez besoin pour réussir.
C’est seulement celui qui agit qui apprend.
Connaître ne suffit pas. Il faut savoir appliquer. La volonté ne suffit pas. Il faut savoir agir.
Si vous voulez goûter mon eau, vous devez d’abord vider votre tasse. Débarrassez-vous, mon ami, de toutes vos idées préconçues et restez neutre. Savez-vous pourquoi cette tasse est si utile ? Parce qu’elle est vide.
Je dois prendre congé de vous maintenant, amis. Il vous reste un long chemin à accomplir et il vous faut voyager léger. Dès à présent, débarrassez-vous du fardeau de ces conclusions toutes faites qui appartiennent au passé. Montrez-vous « ouverts » aux choses du monde et aux personnes. Souvenez-vous, amis, que l’utilité de la tasse se révèle dans la vacuité.
Les méthodes classiques et la tradition contribuent à l’esclavage de l’esprit : vous n’êtes plus un individu, vous devenez un produit. Votre esprit est aux mains du passé.
L’art est une expression de la vie qui transcende à la fois le temps et l’espace.
La sagesse n’est pas la capacité à extirper le bien du mal mais à apprendre à « surfer » sur eux comme un bouchon le ferait s’il se trouvait confronté aux rouleaux d’une mer déchaînée.
L'effet miroir est vécu par la personne qui désire toujours connaître comment il est perçu par les autres. Au lieu de se montrer critique, il émet des critiques, et se sent exposé à la critique comme sur une scène de théâtre.
Les vrais amis sont semblables au diamant, précieux et rare. Les faux amis sont semblables aux feuilles d'automne, on les trouve partout.
Je n'aspire ni à posséder ni à être possédé. Je n'aspire plus non plus à atteindre le Paradis. Et plus important encore à mes yeux, je ne crains plus l'Enfer.
Un esprit intelligent est celui qui apprend constamment, sans jamais conclure définitivement : les styles et les systèmes sont aboutis, par conséquent ils (devraient) cesser d'être intelligents.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que Bruce Lee, c’est BRUCE LEE !!!
Parce que les pensées de Bruce Lee sont des frappes chirurgicales qui vont imprégner ton âme sans saturer ton intellect.
Parce que les idées philosophiques de ce livre sont profondément originales et souvent à contre-courant de la pensée dominante, et que ça fait du bien d’autoriser son esprit à s’ébattre vers de nouvelles pistes de réflexion en pleine liberté.
Parce que ces pensées sont courtes et que ce genre de lecture au format minimaliste permet à ton intuition de prendre le pas sur ta raison, en laissant libre court à l’interprétation et l’imagination.
Parce que Bruce Lee a atteint quelque chose de rare dans la vie humaine ; il est parvenu à accomplir son plein potentiel. N’est-ce donc pas une bonne idée de chercher à connaître la philosophie secrète qui l’a conduit jusqu’au sommet de lui-même, afin de toi aussi atteindre le tien ?
Résumé éditeur
“En toi rien n'a vraiment changé”. Ainsi se terminait le précédent livre de Carlos Castaneda, Voir (Les enseignements d'un sorcier yaqui). C'est le même sorcier indien, don Juan Matus, qui constitue la figure centrale du Voyage à Ixtlan.
Deux conceptions du monde s'affrontent ici. Elles ont pour enjeu la conscience de l'auteur qui se voit soumis à un déconditionnement intensif, auquel il se prête avec curiosité, tout en s'efforçant de comprendre ce qui lui arrive. Ainsi s'opère une initiation déroutante à la faveur de laquelle l'Occidental pénètre toujours plus profondément dans le monde mental de son guide. Initiation qui ne va pas sans rébellion, scepticisme, et repentirs, sans parler des terribles angoisses qu'elle impose au néophyte. Initiation qui se poursuivra pendant dix ans et prendra fin sur une illumination qui forme la dernière partie du livre.
Anthropologue, écrivain, Carlos Castaneda a créé une œuvre extraordinaire tirée des enseignements de don Juan Matus, un sorcier indien yaqui. Ses livres sont principalement des récits de sa troublante initiation.
Extrait
— Mon benefactor disait qu'un Homme qui s'engage sur les chemins de la sorcellerie se rend compte peu à peu qu'il a pour toujours délaissé la vie ordinaire, que la connaissance est en effet une chose effrayante, que les moyens du monde ordinaire ne constituent plus pour lui des garde-fous, et qu'il doit adopter un mode de vie nouveau s'il veut survivre. Arrivé à ce point, la première chose qu'il doit faire est de vouloir devenir un guerrier. C'est un pas qu'il doit faire à tout prix, une décision de la plus haute importance. La nature effrayante de la connaissance ne laisse pas d'autre choix que celui de devenir guerrier. Lorsque la connaissance devient une affaire effrayante, l'Homme se rend aussi compte que la mort est assise à côté de lui, sur sa natte, qu'elle devient sa compagne irremplaçable. Toute bribe de connaissance qui devient pouvoir a la mort comme force centrale. La mort donne la touche finale, et tout ce qui est touché par la mort devient pouvoir. L'Homme qui s'avance sur le chemin de la sorcellerie doit à tout moment faire face à une imminente annihilation et inévitablement il acquiert une conscience aiguë de sa mort. Sans la conscience de la mort, il ne serait qu'un Homme ordinaire impliqué dans des actes ordinaires. Il n'aurait pas la puissance et la concentration indispensables pour transformer son temps ordinaire sur terre en pouvoir magique. Ainsi, pour être un guerrier, un Homme doit avoir, en tout premier lieu et de manière vraiment authentique, une conscience aiguë de sa propre mort. Mais se soucier en permanence de la mort contraindrait normalement tout Homme à se concentrer sur soi, et cela serait débilitant. Donc la seconde chose dont on a besoin pour être un guerrier est le détachement. L'idée de la mort imminente, au lieu de tourner à l’obsession, devient indifférence.
Don Juan cessa de parler, puis me regarda. Il paraissait attendre un commentaire de ma part.
— Est-ce que tu comprends ? demanda-t-il.
Je comprenais ce qu'il m'avait dit, mais je ne voyais pas comment on pouvait arriver à un sens de détachement vis-à-vis de la mort. Je lui dis que du point de vue de mon propre apprentissage j'avais déjà connu le moment où la connaissance devient une affaire effrayante. Je pouvais également affirmer que les données ordinaires de ma vie quotidienne ne m'étaient plus d'aucun secours, et je désirais, et beaucoup mieux que désirer, j'avais besoin de vivre comme un guerrier.
— Maintenant tu dois te détacher, dit-il.
— De quoi ?
— Détache-toi de tout.
— C'est impossible. Je ne veux pas devenir un ermite.
— Être un ermite c'est aussi une indulgence envers soi et jamais je n'ai voulu dire cela. Un ermite n'est pas détaché, car il s'abandonne volontairement pour devenir ermite. Seule l'idée de la mort détache suffisamment l’Homme au point de le rendre incapable de s'abandonner à quoi que ce soit. Seule l'idée de la mort détache suffisamment l'Homme au point qu'il ne peut pas considérer qu'il se prive de quelque chose. Un Homme de cette sorte ne désire, malgré tout, absolument rien, car il a acquis un appétit silencieux pour la vie et toutes les choses de la vie. Il sait que sa mort le traque, qu'elle ne lui laissera pas le temps de se cramponner à quoi que ce soit ; donc, sans en ressentir un désir obsédant, il essaie la totalité de toute chose. Un Homme détaché, un Homme qui sait qu'il n'a pas la possibilité d'éviter sa mort, n'a qu'une seule chose sur laquelle il puisse s'appuyer : le pouvoir de ses décisions. Il doit être, pour ainsi dire, le maître de ses choix. Il doit clairement comprendre que son choix dépend de lui seul et qu'une fois fait il n'y a plus de temps pour des regrets ou des lamentations. Ses décisions sont irrévocables simplement parce que la mort ne lui laisse pas le temps de se cramponner à quoi que ce soit. Et alors, conscient de sa mort, grâce à son détachement, et avec le pouvoir de ses décisions, un guerrier fixe sa vie stratégiquement. La connaissance de sa mort le guide, le rend détaché et silencieusement robuste. Le pouvoir de ses décisions le rend capable de choisir sans regrets, et du point de vue stratégique son choix est toujours le meilleur. Ainsi il accomplit tout ce qu'il doit faire avec plaisir et avec une compétence sûre. Quand un Homme se conduit de cette façon on peut réellement dire que c'est un guerrier, et qu'il a acquis la patience !
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que quand on diète une plante, on se sent soi-même comme Carlos Castaneda et que c’est le moment d’en profiter à fond pour VIVRE LE VOYAGE DU HÉROS ET COMMENCER A ÉCRIRE SA PROPRE LÉGENDE !
Parce que s’il n’y a qu’un seul livre de Castaneda à lire, c’est celui-là, car il fait le point sur l’ensemble des leçons de Don Juan à travers différents chapitres qui ont chacun leur thème, tels que “Effacer sa propre histoire”, “Perdre sa propre importance”, “Assumer une totale responsabilité”, “Briser les routines de la vie”, “Se rendre accessible au pouvoir”, et que c’est un véritable manuel du guerrier !
Parce que tenter de vivre comme un guerrier est précisément ce que tu fais lorsque tu diètes une plante tout seul dans la jungle, et que tu as besoin de carburant pour garder courage et alimenter tes forces quand ce que tu expérimentes est difficile.
Parce que d’un point de vue purement littéraire, l’initiation de Castaneda est une sacrée épopée pleine de rebondissements et que c’est cool de lire des histoires d’aventure dans la selva.
Résumé éditeur
De nombreuses personnes souhaitent faire l'expérience de l'Ayahuasca ou d'autres plantes sacrées dans une démarche thérapeutique ou d'exploration de la conscience. Quelles sont les sources de ces pratiques et leur signification dans le contexte chamanique originel ? Comment intégrer ces expériences dans notre vision occidentale sans dévoyer leurs fondements spirituels ? Quelles sont les mises en garde pour éviter toute pratique dangereuse ?
À ces questions et à bien d'autres, Jan Kounen et François Demange répondent dans un dialogue d'exploration fascinant qui déborde largement le cadre d'un simple guide pratique. On y découvre notamment :
- Une présentation détaillée du breuvage ayahuasca, de son contexte cérémoniel, de ses effets et des précautions indispensables à prendre avant toute expérience ;
- Une description des diètes, des visions, des chants et autres outils (souffles, parfums...) pour un voyage au cœur même des sensations et des émotions des rituels sacrés ;
- Une exploration du potentiel thérapeutique de l'Ayahuasca en passe d'être reconnu par la médecine ;
- Un tour d'horizon des autres plantes sacrées et de leur utilisation : Champignons à psilocybine, Cactus San Pedro, Peyotl, Iboga, Tabac, Toé...
Jan Kounen est cinéaste et auteur. Il a notamment réalisé Dobermann, Blueberry ou 99 francs et travaille avec l'Ayahuasca et les Shipibo depuis 1999.
François Demange, aka Metsa, chamane praticien et guérisseur dans le cadre des rituels de soins et prises et plantes “maîtresses” d'Amazonie, guide à la découverte du monde spirituel amérindiens et enseigne son langage sacré. Il est l'auteur de Metsa, de l'ombre à la lumière, chez Mama éditions.
Citations
Que veut dire ici souffler ? Dans le jargon de cette médecine traditionnelle, le souffle est un outil très important des techniques de soin et de transmission, de communication et de connexion, car il existe une relation très forte entre le mental et l’ivresse. Lorsqu’on est dans un état non ordinaire de conscience induit par une plante psychotrope, on se retrouve dans cette espèce de monde visionnaire, dans cette ivresse, et, avec l’entraînement, un praticien s’habitue à centrer son corps, à « prendre l’ivresse » et à rester calme, assis et concentré, à être dans cette effervescence d’images tout en centrant son mental afin d’aller pousser en quelque sorte vers l’analyse. C’est presque comme une conversation mentale entre le visuel et la pensée. On prend conscience que l’on peut orienter le champ visuel dans lequel on se trouve, bien qu’il soit induit par une plante que l’on a ingérée. Pour augmenter ce champ visuel, pour le modifier avec une intention, le souffle est un outil qui est utilisé parfois comme un sifflotement sans mélodie. En utilisant le souffle, à différentes cadences et différents rythmes, selon ce que j’en ai compris, c’est une façon pour le guérisseur de placer/communiquer son intention, comme s’il demandait dans son esprit : Je demande à cette substance, à ce liquide, de nous ouvrir les effets vers le bien-être, la lumière, la connexion, l’expansion, la résolution, le soin. C’est une espèce de contrat, psychique, spirituel, intentionnel, avec le breuvage. Mais aussi une sorte de révérence honorant la force de la substance, sachant que la directionnalité des effets peut aller vers la lumière ou l’obscurité.
Le guérisseur souffle donc dans la bouteille avant de la servir, mais il a acquis au préalable ce langage énergétique à travers ses diètes d’ascèse, son apprentissage et ses années de pratique. Il a « incorporé » ; il est une sorte de représentation corporelle vivante de cette connexion énergétique. Il a donc la capacité acquise de transmettre, de passer, de communiquer, d’invoquer, d’activer, d’appeler le champ énergétique des plantes et la connexion à l’ivresse qui va s’activer une fois que le breuvage sera assimilé par la personne. Le souffle est, encore une fois, une façon de communiquer/placer cette intention.
À propos du tabac et du parfum, ce sont des vecteurs importants, et on peut le comprendre si l’on regarde de quel type d’éléments il s’agit. Ce ne sont pas des choses qui appartiennent au monde matériel, stricto sensu, puisque c’est aérien, ça flotte dans l’air, ça change de forme… Mais cela fait aussi partie du monde matériel puisqu’on reçoit les odeurs. Il y a donc cette notion de substances qui sont entre deux mondes et qui, de ce point de vue, sont aussi des outils pour activer les choses, comme tu l’as dit, en faisant une soplada sur sa pipe ou dans la bouteille.
Ensuite, les choses deviennent plus complexes car, en ayant accès à l’information, le praticien chante en fonction de ce qu’il voit, en « intentionnant » ce qu’il voit, pour le transformer. Il y a une relation directe entre ce qui est vu et ce qui est dit, et la vision « bouge ». C’est un état de superperception qui induit une capacité de supertransformation. Le praticien chante pour influencer ce qu’il voit de façon à rétablir une harmonie de la qualité énergétique de ce qui est perçu, pour nettoyer, pour éliminer des présences perçues comme négatives. Un état optimal va se présenter sous la forme de lignes de couleurs intenses, vibrantes, connectées au champ extérieur, à l’espace autour du patient et au-delà, incluant la nature, la planète, le cosmos…
S’il y a maladie, addiction, émotions douloureuses…, les lignes sont parfois brisées, des entités se manifestent, par exemple une espèce de forme agressive qui vient s’opposer à ce qu’amène le chant. Le chant implore, invoque une connexion, une harmonisation à travers la force des plantes et la force des diètes du guérisseur : « Je chante maintenant et j’appelle l’énergie de la médecine des plantes, de cette plante en particulier, qui vient avec son énergie et je la place avec amour et bienveillance dans le corps de cet Homme, en ouvrant son corps, en la mettant dans son sang, dans ses veines et dans son cœur, afin que son cœur s’embellisse et se connecte à l’harmonie et à l’énergie du ciel dans la beauté, l’amour, l’élévation et la liberté. Je le fais avec amour, par mon chant, c’est ce que je fais… »
Par le chant, on fait entrer des éléments influenceurs dans le champ énergétique du patient, et cette insertion crée une sorte de pression dynamique qui fait sortir, surgir, ce qui se trouve là. Le praticien peut alors travailler sur ce qui se manifeste et le chant évolue donc en fonction de ce qui apparaît. Je parle ici du processus de soin : le praticien voit, il chante, une réaction se produit, il écoute et voit tout en étant relié au monde spirituel et il absorbe en lui le « négatif » qui sort du patient. Il doit donc le « prendre sur lui », tout en ayant une conscience de l’ensemble de la cérémonie avec les autres participants. Le but est donc de rétablir une harmonie quand cela fait défaut. Le praticien peut aussi percevoir un champ énergétique qui est déjà harmonieux et sain, et il va alors travailler pour l’embellir encore plus, ajouter des connexions… Le soin consiste aussi en de la transmission, de la connexion, des ouvertures ou fermetures de diètes, des protections énergétiques…, beaucoup de choses différentes.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce qu’il va t’aider à comprendre ce que t’expérimentes d’un point de vue à la fois occidental et indigène, et que ça va renforcer le pouvoir et l’énergie de ta diète.
Parce qu’il recèle des informations rares et précieuses sur le monde de la medicina amazonienne et que tu vas découvrir des aspects cachés de l’Ayahuasca et des plantes qui vont te passionner.
Parce que j’adore Jan Kounen, comme le prouve Mon Top 15 des Livres sur le Chamanisme où deux de ses livres sont déjà conseillés, et que je suis forcée d’en partager un de lui dans cette liste spécial diète.
Parce que si Kounen a réalisé Ayahuasca Kosmik Journey, c’est qu’il maîtrise grave le sujet de l’Ayahuasca et de la medicina, et que son point de vue sur le monde des plantes ne peut qu’enrichir ce que tu vis dans la jungle.
Résumé éditeur
Une personne peut-elle totalement guérir de ses blessures passées ? Peut-elle surmonter ses peurs et réinventer sa vie ? Peut-elle découvrir l’Amour véritable, vis-à-vis d’elle-même et des autres ? En d’autres termes, peut-elle simplement aspirer à un bonheur simple et authentique, et à un véritable sentiment de liberté ?
Frédéric est un garçon ordinaire. Une adolescence assez difficile, des relations souvent douloureuses, un emploi d’informaticien stressant dans une grande entreprise parisienne, le sentiment de ne pas vraiment s’intégrer à la société… La vie n’est-elle donc qu’une suite de situations mêlant malaise et frustration ? Ou existe-t-il une solution pour guérir de ce mal-être ?
C’est à ces questions fondamentales que l’auteur tente de répondre, en racontant ici son propre parcours : un témoignage sincère d’une quête personnelle, parsemée d’interrogations et de doutes, mais aussi de moments extraordinaires et de réalisations profondes. Il relate notamment comment, grâce à des expériences chamaniques inattendues au Pérou et en Amazonie, il a pu parvenir à cette paix intérieure tant convoitée. Dans ce récit passionnant, il raconte son travail avec les plantes Ayahuasca et San Pedro, grâce auxquelles il a trouvé l’inspiration nécessaire à cette transformation radicale.
Plus qu’un simple ouvrage sur le chamanisme, ce livre présente une approche positive de la vie, pragmatique et concrète. Loin d’un folklore artificiel, il décrit une philosophie applicable à notre société occidentale, pour nous aider à vivre plus en harmonie et revenir à l’essentiel.
Frédéric Calendini est chamane et auteur. En 2009, après une crise personnelle qui l’a mené à une profonde remise en question, il est allé à la rencontre des guérisseurs d’Amazonie. Depuis, il n’a cessé d’étudier et de travailler avec ces traditions millénaires.
Extrait
Voilà aujourd’hui ma conception de cette dualité qui existe en chacun de nous. D’un côté nous avons un mental littéralement mort de peur, aux moyens limités mais n’hésitant pas à user des manœuvres les plus tordues et des comportements les plus despotiques pour garder le pouvoir. Et de l’autre, un aspect de nous-mêmes beaucoup plus sage, élevé, qui prône l’amour et la paix et qui a la capacité intuitive de résoudre de nombreux problèmes d’une manière simple et élégante – appelons-le le « Moi Supérieur ».
Dans la vie de tous les jours, notre mental est naturellement à l’œuvre. Il maintient sa position dominatrice d’une main de fer, et utilise tout un tas de stratagèmes impliquant le doute, la peur, la colère, la dévalorisation, qui sont autant de principes affaiblissants. Il est d’autant plus amené à le faire qu’il est lui-même habité par ces mêmes émotions d’angoisse, s’étant mis dans une situation de contrôle absolu où tout laisser-aller peut signifier sa fin. Inutile de préciser que lorsqu’une personne s’intéresse de plus en plus à son développement spirituel, en voulant se reconnecter à son Moi Supérieur, le mental n’est pas du tout d’accord. Sa peur communicative redouble, il commence à paniquer, et le conflit intérieur peut se renforcer.
On assiste alors à cette dichotomie que j’évoquais précédemment, l’expression de deux volontés qui ont l’air diamétralement opposées, qui oscillent en permanence et qui peuvent parfois faire penser à un dédoublement de personnalité. Cette dualité est tellement étrange qu’il est alors légitime de se poser des questions sur son équilibre psychique, voire d’échafauder des théories plus rocambolesques telles que celle des parasites énergétiques. Quand on comprend que ce mal-être, cette peur, cette tristesse qui peuvent mener à un vrai désespoir, sont avant tout générés par une stratégie de protection et un conflit d’intérêts entre deux aspects de nous-mêmes, on commence alors à disposer d’un outil de travail absolument inestimable. Car comme dit plus haut, on réalise ainsi que la ségrégation et la lutte ne peuvent pas mener à une réconciliation.
Il faut obligatoirement trouver un terrain d’entente, où ces différentes facettes de notre personnalité pourront s’exprimer en harmonie et en confiance. Or le mental a lui aussi ses qualités, bien évidemment. Sans lui, notre perception n’aurait pas cette cohérence et cette stabilité, et sa capacité d’analyse est extrêmement précieuse quand elle est utilisée à bon escient. Quant au Moi Supérieur, il est parfaitement complémentaire, car davantage conçu pour véhiculer l’intuition, l’imagination et l’inventivité.
Ils sont donc faits en réalité pour travailler en osmose, ce que nous avons totalement perdu de vue, notamment à travers notre éducation cartésienne qui donne les pleins pouvoirs à un pauvre mental totalement écrasé par l’ampleur de cette responsabilité.
RETROUVEZ LA SÉRIE D’INTERVIEWS DE FRÉDÉRIC CALENDINI ICI !
Pourquoi lire ce livre en diète ?
Parce que tu as besoin de l’exemple de quelqu’un qui travaille véritablement sur lui-même et que ce récit pas relou t’offre ça ainsi que des tas de clés de compréhension de toi-même.
Parce que ça détend de lire l’histoire de quelqu’un d’autre, engagé comme toi dans la medicina, en but avec ses propres problèmes, et de le regarder trouver des solutions saines et créatives pour les résoudre.
Parce que l’énergie qu’il renferme est profondément humble et lumineuse.
Parce que l’auteur évoque ses cérémonies d’Ayahuasca et de San Pedro et que c’est toujours génial de lire des trucs sur la medicina quand toi aussi t’es en plein dedans.
Parce que mine de rien, cet ouvrage est blindé d’enseignements qui vont énormément t’aider sur ton chemin d’Homme.
Résumé éditeur
“Tout ne fait qu'un”, “tout est relié”, nous disent de nombreuses traditions spirituelles. Un message qui semble aujourd'hui confirmé par la physique moderne. Pourtant, cette affirmation reste une abstraction pour beaucoup d'entre nous, une belle parole sans substance dans un monde qui semble au contraire plus divisé et catégorisé que jamais.
Dans ce nouvel ouvrage, les auteurs du best-seller Se souvenir du futur nous font découvrir un univers d'investigations entièrement méconnu, celui d'un vaste réseau d'interactions dont nous sommes les acteurs privilégiés. Tout d'abord, il existe pour les chamanes du monde entier une sorte d'Internet de la nature, qui permet d'entrer en contact avec les esprits du monde vivant, mais aussi avec les défunts. Les recherches récentes sur le vide quantique, les propriétés subtiles de l'eau, l'intelligence des plantes, l'univers-cerveau, la conscience comme “toile de fond” du réel, donnent ensuite corps à ce vaste entrelacs qui est aussi un réseau de connaissance tissé d'informations.
À partir de nombreux exemples issus des cultures natives, des traditions spirituelles et des dernières découvertes de la science la plus en pointe, le réseau cosmique se matérialise sous nos yeux et apparaît pour ce qu'il est : un vaste Esprit.
Romuald Leterrier est chercheur indépendant en ethnobotanique, spécialiste du chamanisme amazonien et des plantes de vision. Il a découvert le principe d'une mémoire du futur auprès d'un chamane shipibo et explore depuis plusieurs années le concept de la rétrocausalité sous ses différentes facettes.
Jocelin Morisson est journaliste scientifique, auteur et traducteur, et travaille sur les ponts entre science, philosophie et spiritualité. Il est coauteur de La Physique de la conscience avec Philippe Guillemant, de La Révolution psychédélique avec Olivier Chambon, et auteur d'un essai philosophique : L'Ultime Convergence.
Extrait
Les plantes ont-elles une intelligence ? Sont-elles des formes de consciences collectives informationnelles organisées en réseaux ? Et ces réseaux biologiques, faits de racines et de symbioses mycéliennes, possèdent-ils une dimension psychique ?
Pour les chamanes d’Amazonie, les plantes sont des êtres conscients, dotés d’un esprit qu’ils nomment la “mère” de la plante. Chaque plante a un esprit (mais, avant tout, un esprit collectif d’espèce). Or, depuis une vingtaine d’années, la science occidentale découvre que les plantes ont une sorte d’intelligence, qu’elles sont sensibles, qu’elles communiquent, apprennent, etc. On parle de « cognition végétale », de « neurobiologie végétale » – ce qui était de la science-fiction, il y a encore peu de temps.
Il y a plus de vingt ans, je (Romuald) me demandais déjà si les plantes auraient finalement la possibilité d’entrer en relation avec notre conscience, d’“emprunter” notre cognition, comme elles empruntent, en quelque sorte, la mobilité aux insectes pour leur propre reproduction.
En apparence, les plantes n’ont pas de système nerveux, de neurones, de structures pour stocker la mémoire. Mais il semble bien que l’intentionnalité qui est présente dans le breuvage visionnaire d’origine végétale, ayahuasca, soit capable d’emprunter notre cognition, de fusionner avec notre réseau neuronal, avec notre mémoire, nos affects, nos émotions. On pourrait alors parler de la création d’interfaces de communication neurovégétale ; c’est-à-dire qu’un espace de visions émerge, dans lequel la plante va pouvoir dialoguer avec nous. Or ces interfaces sont très spécifiques à chaque individu.
Il y a, en effet, de grandes thématiques récurrentes dans les visions, mais aussi un phénomène de personnification et de modélisation personnalisée de l’expérience pour chacun, comme la création d’un “espace de confiance” pour pouvoir échanger.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que ce que tu vis et éprouves en diète auprès des plantes dans un environnement plus vivant que jamais sera bénéfiquement accompagné par les révélations de cet ouvrage et te permettra de ressentir et comprendre ton lien au monde d’une manière encore plus belle.
Parce qu’avec un peu de chance, tu auras l’occasion de vivre une cérémonie d’Ayahuasca comme celle-ci en lisant ce livre durant ta diète !
Parce que Jocelin Morisson (une interview que j’ai faite de lui ici) et Romuald Leterrier sont des hommes aux vibes excellentes et que ça se ressent à travers le livre, et que ça va te faire du bien, tout simplement.
Résumé éditeur
Voici la transcription d'enseignements d'Osho sur la liberté qui apparaît comme un élément essentiel où se déploie une vie consciente de son destin. Fidèle à la tradition bouddhiste, la pensée d'Osho s'enrichit d'anecdotes et de paraboles qui la rendent concrète et favorisent sa mémorisation. Ainsi, chaque fois qu'ils peuvent nous être secourables pour agir, les préceptes nous viennent spontanément à l'esprit ! Le but de la philosophie n'est pas l'abstraction ! Sa fin réelle est de proposer des cohérences, des axes et des repères pour vivre bien. Voilà ce qu'offre Osho, maître dans l'art de la provocation, de la récusation de nos “conforts intellectuels” et de l'incitation au changement LIBRE.
OSHO a été désigné comme étant l'une des dix personnes ayant changé la destinée de l'Inde, au même rang que Gandhi, Nehru et Bouddha. Ses milliers de discours couvrent des sujets allant de la quête personnelle de sens aux problèmes sociaux et politiques les plus urgents auxquels notre société est confrontée aujourd'hui.
Extrait
L’Homme ne naît pas parfait. Il vient au monde incomplet.
Dès sa naissance, il est en constante évolution. Sa nature est d’être un voyageur, un pèlerin. C’est à la fois son bonheur et son malheur.
C’est son malheur, car il ne peut pas se reposer, devant toujours aller de l’avant, chercher et explorer. Il doit devenir, car il ne peut exister que s’il est en mouvement. L’évolution est intrinsèque à la nature de l’Homme. Elle est son âme. Et ceux qui se croient arrivés quelque part, ceux qui n’avancent plus restent profondément insatisfaits. Ceux qui se croient nés complets n’évolueront pas. La graine restera une graine, elle ne deviendra jamais un arbre, ni ne connaîtra les joies des saisons. Elle ne saura pas ce qu’est l’expérience de donner naissance à des millions de fleurs.
Cette explosion, c’est l’accomplissement. Elle n’est rien d’autre que Dieu. L’Homme n’est satisfait que lorsque son potentiel est pleinement réalisé.
Dans la nature, seul l’Homme naît en tant que potentiel. Tous les autres animaux naissent complets et mourront tels qu’ils sont nés. Ils ne passent par aucune transformation au cours de leur existence, aucun véritable changement intérieur. Ils vivent à un niveau horizontal, jamais vertical. Si l’Homme se contente d’avancer ainsi, il n’atteindra pas sa pleine maturité. Il ne deviendra pas une âme.
C’est ce que Georges Gurdjieff signifie lorsqu’il dit que les gens n’ont pas d’âme.
Il est très rare qu’une personne en ait une. Cette approche vous surprend peut-être car tout au long de l’histoire, on vous a dit le contraire. Gurdjieff dit que vous naissez seulement avec le potentiel de devenir une âme. Vous avez un projet qui reste à réaliser, la graine qui attend le bon sol, la bonne saison, le bon climat et le bon moment pour grandir. En avançant au niveau horizontal, vous restez sans âme. Vous en devenez une quand le vertical vous pénètre. Le mot âme signifie que le vertical a pénétré l’horizontal.
À sa naissance, l’Homme est comme une larve. Malheureusement, nombreux le sont encore lorsqu’ils meurent. Très peu deviennent chenilles. Une larve est statique, elle n’avance pas, alors que la chenille se déplace, a un dynamisme.
Avec le mouvement, la vie s’éveille. La plupart resteront des chenilles, ils avanceront sur le seul plan horizontal. Il est très rare qu’un Homme comme Bouddha, Jalaluddin Rumi, Jésus ou Kabir, fasse le dernier saut quantique pour devenir un papillon. C’est à cette étape-là que le vertical pénètre en lui.
Le papillon avance verticalement. Il vole, connaît les hauteurs, s’élève. Il a des ailes qui représentent le but. Vous ne pouvez pas avoir une âme sans avoir développé vos propres ailes pour voler.
La vérité est réalisée à travers trois états : assimilation, indépendance et créativité. Rappelez-vous ces trois mots. Ils sont fondamentaux.
Le rôle de la larve est d’assimiler de la nourriture. Elle est un peu comme un réservoir d’énergie, nécessaire pour commencer à bouger. Quand celle-ci est suffisante, la larve peut alors se transformer en chenille.
L’indépendance est la deuxième phase. L’état de larve est fini. Il n’est désormais plus nécessaire de rester à un même endroit. Il est temps d’explorer le monde. La vraie vie commence avec le mouvement. La larve reste dépendante, elle est comme prisonnière et enchaînée. La chenille a brisé les chaînes, elle se déplace, elle est mouvement.
Ensuite, la troisième phase se présente, c’est celle de la créativité. L’indépendance en tant que telle ne signifie pas grand-chose. Vous ne serez pas satisfait en étant seulement indépendant. Être hors de la prison est une bonne chose, mais dans quel but ? À quoi vous sert la liberté ?
Souvenez-vous, la liberté a deux aspects : premièrement « la liberté par rapport à » et deuxièmement « la liberté pour ». Beaucoup de gens atteignent seulement le premier niveau : la liberté par rapport à l’extérieur. Ils sont libres par rapport aux parents, à l’église, aux organisations et à toutes les formes de prison. Mais pour faire quoi ? Cette liberté est très négative. Si vous ne connaissez que la « liberté par rapport à », vous ne connaîtrez pas la vraie. L’aspect positif doit encore être découvert. C’est la liberté de créer, la liberté d’être vous-même, la liberté de vous exprimer, de chanter, de danser.
Cette troisième étape, c’est la créativité. Le papillon vole, explore, découvre, crée. C’est là sa beauté. Seules les personnes créatives sont belles, car elles connaissent la splendeur de la vie : elles ont des yeux pour voir, des oreilles pour écouter et un cœur pour ressentir. Elles sont pleines de vie. Elles brûlent la chandelle par les deux bouts. Elles vivent avec intensité, totalement, au maximum.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que tout ce qui se passe en diète est une question de liberté et qu’il est temps que tu t’attèles à conquérir la tienne.
Parce que tous les livres d’Osho sont transcrits d’après les conférences qu’il a données et que donc le langage y est très simple tout en manipulant des concepts profonds.
Parce que mesurer la différence entre “la liberté par rapport à” et “la liberté pour” est juste le putain de pilier sur lequel repose tout l’édifice de la liberté et qu’un paquet de gens ne le saisissent pas, et que ce serait carrément dommage que tu en fasses partie.
Parce qu’Osho décortique la fable du Chameau, du Lion et de l’Enfant de Zarathoustra et que rien que ça, ça vaut le détour !
Parce que même si ce que tu vas trouver dans cet ouvrage risque de te contrarier, c’est le détonateur qui te manque pour prendre enfin en main les rênes de ton existence sans plus jamais te mentir à toi-même.
Résumé éditeur
Ainsi parlait Zarathoustra est une œuvre philosophique magistrale. Elle a bouleversé la pensée de l'Occident. Nietzsche démolit, il sape, disait Gide. Il remet définitivement l'Homme en question.
Poète-prophète, Zarathoustra se retire dans la montagne et revient parmi les Hommes pour leur parler. Sa leçon essentielle : « Vouloir libère. » Son leitmotiv : rejeter ce qui n'est pas voulu, conquis comme tel, tout ce qui est subi. C'est le sens du fameux : « Deviens celui que tu es. » La vertu est souvent le droit du plus faible, elle paralyse tout, désir, création et joie. Le surhomme nietzschéen est celui qui a la plus grande diversité d'instincts qui s'opposent puissamment mais qu'il maîtrise. La pensée de Nietzsche est un défi permanent. Elle échappe à tout système politique.
La ferveur de sa poésie, sa vigoureuse drôlerie ont donné à Nietzsche une célébrité universelle. Nos contemporains n'ont le choix qu'entre lui et Marx.
“Cette œuvre est complètement à part. Ne parlons pas ici des poètes : peut-être n'y a-t-il jamais rien eu qui soit d'une telle surabondance de force. Ma notion du “dionysiaque” s'est faite ici action d'éclat ; comparé à elle, tout autre agir humain apparaît misérable et limité. Qu'un Goethe, qu'un Shakespeare ne sauraient respirer un seul instant dans cette atmosphère de passion et d'altitude, que Dante, auprès de Zarathoustra, ne soit qu'un croyant, et non quelqu'un qui commence par créer la vérité, un esprit qui gouverne le monde, un destin -, que les poètes du Véda soient des prêtres et pas même dignes de dénouer les chaussures de Zarathoustra, voilà qui n'est encore qu'une litote et ne donne aucune idée de la distance, de la solitude azuréenne où vit cette œuvre” (Nietzsche, Ecce Homo).
Extrait
Mais au fond du désert le plus solitaire s’accomplit la seconde métamorphose : ici l’esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert. Il cherche ici son dernier maître : il veut être l’ennemi de ce maître, comme il est l’ennemi de son dernier dieu ; il veut lutter pour la victoire avec le grand dragon. Quel est le grand dragon que l’esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître ? « Tu dois », s’appelle le grand dragon. Mais l’esprit du lion dit : « Je veux. » « Tu dois » le guette au bord du chemin, étincelant d’or sous sa carapace aux mille écailles, et sur chaque écaille brille en lettres dorées : « Tu dois ! » Des valeurs de mille années brillent sur ces écailles et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons : « Tout ce qui est valeur — brille sur moi. » Tout ce qui est valeur a déjà été créé, et c’est moi qui représente toutes les valeurs créées. En vérité il ne doit plus y avoir de « Je veux » ! Ainsi parle le dragon. Mes frères, pourquoi est-il besoin du lion de l’esprit ? La bête robuste qui s’abstient et qui est respectueuse ne suffit-elle pas ? Créer des valeurs nouvelles — le lion même ne le peut pas encore : mais se rendre libre pour la création nouvelle — c’est ce que peut la puissance du lion. Se faire libre, opposer une divine négation, même au devoir : telle, mes frères, est la tâche où il est besoin du lion. Conquérir le droit de créer des valeurs nouvelles — c’est la plus terrible conquête pour un esprit patient et respectueux. En vérité, c’est là un acte féroce, pour lui, et le fait d’une bête de proie. Il aimait jadis le « Tu dois » comme son bien le plus sacré : maintenant il lui faut trouver l’illusion et l’arbitraire, même dans ce bien le plus sacré, pour qu’il fasse, aux dépens de son amour, la conquête de la liberté : il faut un lion pour un pareil rapt.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que tu ne pourras pas échapper éternellement à la lecture de Zarathoustra, et qu’une diète de plantes où t’es coincé avec toi-même dans ton tambo est le meilleur moment pour t’y coller !
Parce que Nietzsche est le “bandit de la philosophie, celui qui a irréversiblement marqué le monde des libres-penseurs. Tous les plus grands artistes ne peuvent s’empêcher de faire référence à lui, et aujourd’hui encore, il fait figure du bad boy éternel de la philo, celui qui va à contre-courant des idées les plus établies et surtout… de la morale unanimement approuvée”… La citation est de moi ; si tu veux continuer de m’écouter m’enflammer sur Nietzsche, file lire l’article sur Zarathoustra qui se trouve ici.
Parce que Nietzsche t’incite à cesser d’être un esclave, il appuie sur l’importance de l’isolement pour se trouver soi-même, il ose dynamiter toutes les valeurs pour te forcer à trouver les tiennes, il attise le guerrier solitaire qui se planque en toi et le conjure de s’éveiller, il te demande de ne pas craindre de plonger tes racines dans l’obscurité pour rencontrer également ta lumière et d’oser regarder le chaos qui t’habite pour te transformer en étoile… N’est-ce pas exactement ce que tu es en train de faire en diète de plantes ?
Parce que Zarathoustra est un putain de poète et que lire de la poésie en diète, surtout de la poésie furieuse (pleine de fureur et de feu sacrés), est une chose salutaire pour ton âme.
Résumé éditeur
Ce livre, écrit en 1727 par Issai Chozanshi, ne propose aucun conseil en matière de techniques, de stratégies ou de manœuvres militaires. Il est le leg d'un tengu, un génie au long nez, mi-homme, mi-oiseau dont l'apparence terrifiante n'est pas nécessairement synonyme de malveillance, et qui, depuis des temps immémoriaux, est réputé au Japon pour être passé maître dans les arts martiaux, capable d'en appeler à des pouvoirs surnaturels. C'est un passeur de messages.
Tout au long des pages, par le biais de contes où interviennent esprits, animaux et humains, l'auteur entraîne le lecteur dans un univers philosophique et onirique dont l'objectif est de le guider sur un chemin intérieur, un chemin de non-dépendance, de spontanéité et de tranquillité d'esprit.
Fort d'une nouvelle mentalité, le guerrier transcende toutes ses préoccupations et son attitude s'en trouve radicalement transformée. Son objectif n'est plus l'efficacité technique mais la transformation.
Issai CHOZANSHI a vécu au Japon au XVIIIe siècle. Il fut samouraï du clan Sekiyado et féru de zen, taoïsme et confucianisme.
Citations
Le Non-Esprit n’est autre que l’esprit juste. Jamais, il ne se fige ni ne s’arrête en un lieu unique. Il est appelé Non-Esprit lorsqu’il fait preuve d’aucune discrimination et ne s’arrête sur aucune pensée, mais qu’il est présent dans tout le corps et se répand dans tout l’être. Le Non-Esprit se situe en aucun lieu particulier. Pourtant, il n’a rien du bois ou de la pierre. Là où il n’y a pas lieu de s’arrêter, il est appelé Non-Esprit. Lorsqu’il s’arrête, c’est que quelque chose encombre l’esprit… Lorsque le Non-Esprit se développe correctement, l’esprit ne s’arrête pas sur une chose plus que sur une autre. Il est comme l’eau qui s’écoule, il existe en lui-même. Il apparaît au moment opportun dès que la nécessité s’en fait sentir. L’esprit qui se fige et s’arrête en un lieu est privé de liberté. De même, les roues d’une charrette tournent car elles ne sont pas fixées de manière rigide. Si elles étaient bloquées, elles ne tourneraient pas. De la même façon, l’esprit ne peut fonctionner s’il se laisse emprisonner dans un lieu unique.
Si vous n’avez pas acquis assez de dextérité dans la technique, votre esprit pourra être fort, pourtant vous serez incapable de répondre en usant de sa fonction. La technique se cultive au moyen du QI, et le QI utilise l’esprit comme véhicule pour mettre en action la forme. C’est pour cette raison qu’il est considéré comme essentiel que le QI soit activé et qu’il ne demeure pas en un seul endroit, qu’il soit fort et robuste et qu’il ne soit en aucun cas détourné. Les plus grands principes se retrouvent à l’intérieur des techniques et suivent la nature propre à l’ustensile utilisé. Alors que vous devenez performant dans la technique, le QI s’harmonise et le principe du lieu qui contient le QI se manifeste par lui-même. Lorsque ceci a complètement été intégré par l’esprit et qu’aucun doute ne persiste, la technique et le principe ne font plus qu’un, le QI est sous contrôle, votre esprit est serein et l’application pratique ne rencontre plus d’obstacles. Telle était la manière de s’entraîner dans les arts martiaux par le passé. Aussi, dans les arts martiaux, les exercices et la discipline sont-ils considérés comme essentiels. Si votre technique n’est pas parvenue à maturation, le QI ne pourra pas s’harmoniser et la forme ne pourra pas en découler. Lorsque l’esprit et la forme sont distincts, il ne vous est pas possible d’agir en toute liberté.
La forme suit le QI et le QI suit l’esprit. Lorsque l’esprit ne bouge pas, il n’y a pas de mouvement de QI ; lorsque l’esprit est en paix et que rien ne peut venir le perturber, le QI aussi est en harmonie, il suit l’esprit et les techniques s’adaptent naturellement aux circonstances. Lorsque quelque chose encombre l’esprit, le passage du QI est obstrué et les bras et les jambes ne peuvent accomplir leur fonction. Lorsque l’esprit est pris par la technique, le QI est entravé et ne peut trouver l’harmonie. Lorsque la force est imposée à l’esprit, une fissure s’insinue dans son sillage et – contre toute attente – il devient faible. Lorsque vous mettez toute votre intention à vouloir contrôler une situation, c’est comme si vous souffliez sur un feu en gaspillant tout le petit bois. Lorsque le QI est amorcé, il se dessèche ; lorsqu’il est fixé, il se fige. Lorsque vous attendez pour vous défendre avec l’intention de répondre aux actions de votre adversaire, vous ne faites que différer l’action en vous contraignant vous-même et vous serez bientôt incapable de faire un pas en avant. Par contre, l’adversaire pourra se jouer de vous. Si vous avez une mauvaise compréhension de choses telles que « attendre au cœur de l’attaque » et « attaquer en pleine soumission », vous ne ferez que mettre de l’intention et vous essuierez une grave défaite.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que ce que dit ce livre au sujet de l’Esprit est précisément la façon dont tu dois user de cet Esprit durant tes cérémonies d’Ayahuasca.
Parce qu’explorer la sagesse des arts martiaux est une idée très intéressante pour le reste de ta vie, car elle te servira dans moult situations qui n’ont absolument rien à voir avec le combat réel, si ce n’est celui que tu entretiens avec toi-même.
Parce que l’art du sabre et celui de la flèche sont probablement les trucs les plus inspirants pour un Homme.
Parce que, que tu le saches ou pas, ce que tu fais en diète, c’est prendre soin de ton QI.
Parce que si tu appliques correctement les conseils donnés dans ce livre durant tes cérémonies d’Ayahuasca, alors tu seras en mesure de les appliquer aussi dans ta vie quotidienne et ton monde va brutalement changer de gueule. Dans le bon sens.
Résumé éditeur
Dans cet ouvrage, Sogyal Rinpoché concilie l’ancienne sagesse du Tibet et la recherche contemporaine sur la mort et les mourants, sur la nature de l’esprit et de l’univers. Il présente de façon claire la vision de la vie et de la mort telle que nous la propose la tradition tibétaine. Il explique notamment ce que sont les “bardos”, ces états de conscience après la mort qui ont tant fasciné les artistes, médecins et philosophes occidentaux, depuis la publication, en 1927, du Bardo Thödol (le Livre des morts tibétain).
Sogyal Rinpoché montre que dans la mort, comme dans la vie, l’espoir existe et qu’il est possible à chacun de transcender sa peur pour découvrir ce qui, en nous, survit et ne change pas. Il propose des “pratiques” simples mais puissantes que chacun, quelle que soit sa religion ou sa culture, peut accomplir afin de transformer sa vie, de se préparer à la mort et d’aider les mourants.
Ce livre est aussi une introduction à la pratique de la méditation, ainsi qu’aux notions de renaissance et de karma.
Le Livre tibétain de la vie et de la mort n’est pas seulement un chef-d’œuvre spirituel, c’est un manuel, un guide, un ouvrage de référence et une source d’inspiration sacrée.
Extrait
C’est pour mettre un terme à cette singulière tyrannie de l’ego que nous nous engageons sur le chemin spirituel. Pourtant, les ressources de l’ego sont presque infinies et, à chaque étape de notre progrès, il peut venir saboter et pervertir notre désir de nous affranchir de lui. La vérité est simple et les enseignements extrêmement clairs, mais dès l'instant où ceux-ci commencent à nous toucher — je l'ai, hélas, souvent constaté avec tristesse ! — l’ego s’efforce de les compliquer car il sait qu’ils menacent le fondement même de son existence.
Quand, au début, nous sommes fascinés par la Voie spirituelle et par toutes les possibilités qu'elle offre, l'ego peut même nous encourager : « C'est vraiment merveilleux, nous dira-t-il alors. Tout à fait ce qu'il fallait ! Cet enseignement est parfaitement juste ! » Puis, lorsque nous dirons que nous voulons essayer la pratique de la méditation ou faire une retraite, l’ego susurrera : « Quelle idée fantastique ! Je vais venir avec toi. Tous les deux, nous allons apprendre quelque chose ! » Pendant toute la période de lune de miel de notre développement spirituel, il n’aura de cesse de nous encourager : « C’est merveilleux... extraordinaire, tellement inspirant ! »
Mais dès que nous en arriverons à la partie plus « terre à terre » du chemin spirituel et que les enseignements commenceront à nous affecter en profondeur, nous serons inévitablement confrontés à la vérité de ce que nous sommes. À mesure que l’ego sera révélé, ses points sensibles seront touchés et toutes sortes de problèmes apparaîtront. C’est comme si l’on installait en face de nous un miroir dont nous ne pouvons nous détourner. Le miroir est parfaitement clair, mais un visage laid, qui nous regarde fixement d’un air mauvais, y apparaît et c’est le nôtre ! Nous commençons à nous rebeller car nous haïssons ce reflet. Dans notre colère, nous en arrivons même parfois à frapper le miroir et à vouloir le détruire, avec pour seul résultat qu’il se brise en centaines de visages identiques et laids, qui nous regardent fixement.
C’est à ce moment que nous commencerons à enrager et à nous plaindre amèrement... et où se trouvera notre ego ? À nos côtés. Loyal, il nous exhortera : « Tu as tout à fait raison, c’est un scandale, c'est insupportable. Ne te laisse pas faire ! » Tandis que nous l’écouterons, subjugués, il continuera à susciter toutes sortes de doutes et d'émotions insensés et à jeter de l'huile sur le feu : « Tu vois bien que ce n’est pas un enseignement pour toi ! Je te l’avais bien dit ! Tu vois bien que ce n’est pas le maître qu’il te faut ! Après tout, tu es un Occidental, intelligent, moderne, cultivé... Le zen, le soufisme, la méditation, le bouddhisme tibétain, toutes ces pratiques exotiques appartiennent à des cultures étrangères, orientales. A quoi pourrait bien te servir une philosophie inventée dans l’Himalaya il y a un millier d’années ? »
L’ego, jubilant, nous regardera nous empêtrer de plus en plus dans sa toile. Il n’hésitera pas à rendre l’enseignement et même le maître responsables de toute la douleur, la solitude et les difficultés que nous rencontrerons à mesure que nous apprendrons à nous connaître : « De toute façon, ces gourous se moquent de tout ce que tu dois endurer. Tout ce qui les intéresse, c’est de t’exploiter. Ils n’utilisent les mots “compassion” et “dévotion” que dans le but de te maintenir sous leur coupe... »
L’ego est si rusé qu’il peut détourner les enseignements à son profit. Après tout, « le diable peut citer les Écritures à ses propres fins ». L’arme ultime de l’ego est de montrer hypocritement du doigt le maître et ses disciples en disant : « Personne ici ne semble vivre en accord avec la vérité des enseignements ! » L’ego se pose alors en arbitre vertueux de toute conduite : voilà bien l’attitude ingénieuse entre toutes pour ébranler votre foi et miner la moindre dévotion, le moindre engagement que vous pouviez avoir envers une progression spirituelle.
Cependant, quelle que soit l’ardeur de l'ego à tenter de saboter votre chemin spirituel, si vous n'abandonnez pas, si vous travaillez en profondeur avec la pratique de la méditation, vous réaliserez progressivement de quelle manière vous avez été berné par ses promesses, ses faux espoirs et ses fausses peurs. Vous commencerez à comprendre, lentement, que l'espoir et la peur sont ennemis de la paix de votre esprit. L'espoir vous trompe et vous laisse démuni et déçu ; la peur vous paralyse dans la cellule exiguë de votre fausse identité. Vous vous apercevrez aussi que l'emprise de l’ego s’étendait à votre esprit tout entier. Dans l’espace de liberté que vous aura ouvert la méditation, quand vous serez momentanément libéré de la saisie dualiste, vous entreverrez un bref instant l’immensité exaltante de votre vraie nature. Vous réaliserez que votre ego, en véritable maître escroc, vous a leurré pendant des années avec des plans, des projets et des promesses dépourvus de toute réalité, qui vous ont seulement conduit à une faillite intérieure. Lorsque vous percevrez cela dans la sérénité de la méditation, sans aucun réconfort ni désir de camoufler ce que vous avez découvert, alors tous les plans et les projets se révéleront inconsistants et commenceront à s’écrouler.
Ce processus n’est pas purement destructeur. En même temps qu’une réalisation extrêmement précise et parfois douloureuse du caractère frauduleux et virtuellement criminel de votre ego — ainsi que de l’ego de tous — se développeront en vous un sentiment d'expansion intérieure, une connaissance directe de l’interdépendance et du « non-ego » de toutes choses, ainsi que cet humour vif et généreux qui caractérise la liberté.
Quand, par la discipline, vous aurez appris à simplifier votre vie et réduit ainsi les occasions de séduction de l’ego, quand vous aurez pratiqué la vigilance de la méditation et relâché, grâce à elle, l'emprise qu'ont sur vous agressivité, possessivité et négativité, alors pourra s‘élever lentement la sagesse de la vue profonde. Dans la clarté révélatrice de sa lumière, les rouages les plus subtils de votre esprit et la nature de la réalité vous seront dévoilés distinctement et sans détours.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que méditer sur la mort est une piste extrêmement intéressante à suivre durant une diète en pleine selva, et que cet ouvrage de 768 pages, tu t’es promis de le lire “un jour”, et que ce jour est venu.
Parce que l’exploration des bardos, ces états intermédiaires entre la mort et la renaissance, c’est juste un truc de fou !
Parce que c’est une introduction à la pratique de la méditation, et pas seulement la médiation classique comme moyen d’être plus zen, mais plutôt comme un entraînement à ressentir ce que peut être “l'état de bardo” et ainsi, se préparer à sa propre mort.
Parce que cet ouvrage remet en question le mode de vie et de pensée occidentale, ainsi que nos comportements concernant tout ce qui entoure la mort, et que c’est pas mal de profiter d’être dans un contexte autre que celui de la société dans laquelle tu baignes habituellement pour l’ausculter avec un regard neuf et dépassionné, donc un peu plus objectif.
Parce que ce qui est décrit dans cet extrait pourrait très bien t’arriver…
Résumé éditeur
“Pourquoi la plupart des humains laissent-ils leurs tendances instinctives se développer librement sans que leurs facultés supérieures aient leur mot à dire pour les maîtriser, les orienter ?… Ou alors, ils s’attaquent à elles pour les anéantir comme si elles étaient des ennemies de leur évolution. Eh bien, dans les deux cas ils commettent une erreur, car ils introduisent une division entre le haut et le bas. Or, l’Intelligence cosmique a prévu que les facultés supérieures puiseraient leurs énergies dans les fonctions inférieures ; celles-ci, en effet, sont comme des racines indispensables afin que cet arbre qu’est l’Homme puisse extraire de sa « terre » les substances qu’il transformera pour donner des fleurs et des fruits.
Comment se fait dans l’arbre la transformation de la sève brute, absorbée par les racines, en sève élaborée… ? C’est dans les feuilles que s’opère cette transformation, grâce à la lumière du soleil… De la même façon, grâce à la lumière du soleil spirituel nous pouvons transformer en nous la sève brute, nos tendances instinctives, en sève élaborée qui ira nourrir les fleurs et les fruits de notre âme et de notre esprit. C’est ainsi que nous deviendrons de véritables alchimistes.”
Omraam Mikhaël Aïvanhov
Extrait
Pour la science matérialiste, l’être humain est composé uniquement de matière (cellules, molécules, atomes), il n’est rien d’autre que son corps physique. Tandis que la science spirituelle enseigne qu’au delà du corps physique il possède aussi ce que la religion chrétienne appelle l’âme et l’esprit. Je ne m’arrêterai pas sur les différentes divisions qui ont été proposées par tous ceux qui ont médité sur le psychisme humain. Pour aujourd’hui nous adopterons celle qu’a donnée Jésus lorsqu’il a dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. »
Ces paroles sous-entendent que, pour Jésus, le cœur, l’intellect, l’âme et l’esprit sont les quatre principes de notre vie psychique. Car le mot « force » concerne l’esprit ; d’après la Science initiatique seul l’esprit possède la véritable force. Si on veut retrouver ces quatre principes dans le système hindouiste, qui est aussi celui des théosophes, on dira que le cœur désigne le corps astral ; l’âme, le corps bouddhique ; l’intellect, le corps mental ; et l’esprit, le corps causal lié au corps atmique (la force).
Ces quatre principes réunis habitent le corps physique. Le cœur et l’âme sont les véhicules de nos émotions, de nos sentiments et de nos désirs, mais alors que le cœur est le siège des sentiments et des émotions ordinaires liés aux instincts, aux convoitises, aux frustrations, l’âme est le siège des émotions et des élans spirituels et divins. C’est dans le plan bouddhique que se situe l’amour pur, désintéressé, qui rend l’Homme capable de sacrifices et le pousse à s’unir à tous les êtres supérieurs de l’univers. Entre l’intellect et l’esprit existe la même relation qu’entre le cœur et l’âme. L’intellect, le corps mental, est le véhicule des pensées et des raisonnements ordinaires, qui ne visent qu’à la satisfaction des besoins matériels, des intérêts égoïstes. Au contraire, le corps causal (qui est donc lié au corps atmique) est le principe de la pensée et de l’activité purement spirituelles, créatrices.
Le cœur et l’âme ne sont qu’un seul et même principe, le principe féminin qui répartit son activité entre une région inférieure, le cœur ou plan astral, et une région supérieure, l’âme ou plan bouddhique. L’intellect et l’esprit ne sont aussi qu’un principe unique, le principe masculin qui se manifeste dans les régions du plan mental et des plans causal et atmique. Vous voyez donc comment travaillent en nous les deux principes masculin et féminin qui utilisent quatre véhicules : le cœur, l’intellect, l’âme et l’esprit. Ces deux principes et ces quatre véhicules occupent le même domicile : le corps physique.
Afin d’éclairer davantage cette question qui reste encore obscure pour beaucoup, je vous donnerai une image très simple dont les correspondances sont parfaitement exactes. Imaginez une demeure où résident le maître et la maîtresse de maison avec un serviteur et une servante. Il arrive parfois que le maître des lieux parte en voyage ; il laisse là sa femme qui, triste et languissante, ne cesse d’attendre le retour de son mari. Aussi, quand il revient, chargé de cadeaux, il y a une grande fête dans la maison. Parfois, le maître et la maîtresse partent ensemble pour un long voyage ; alors, les deux domestiques se trouvant seuls et sans surveillance, décident de profiter de cette liberté : ils commencent à explorer les placards où ils découvrent des victuailles, des bouteilles de vin, etc. et comme il est plus amusant d’être nombreux pour boire et manger, ils invitent encore des voisins et des voisines… Après une nuit d’orgie il y a évidemment quelques tables renversées, ainsi que quelques bouteilles et même quelques têtes cassées. Lorsque les maîtres reviennent, ils sont horrifiés du spectacle ; naturellement ils distribuent des punitions, remettent la maison en état et tout rentre dans l’ordre.
Interprétons maintenant cette petite histoire. La maison, c’est le corps physique ; la servante, c’est le cœur ; le serviteur, c’est l’intellect ; la maîtresse de maison, c’est l’âme et le maître de maison, l’esprit. Souvent l’esprit nous abandonne et notre âme pleure et se lamente ; mais quand l’esprit revient, il apporte des inspirations, une abondance de lumière. Lorsque l’âme et l’esprit partent en voyage, toutes les bêtises qui sont à faire, le cœur et l’intellect se précipitent pour les faire ensemble et en compagnie d’autres cœurs et d’autres intellects. Alors voilà l’origine de tous les désordres et les conflits dans le monde.
Si nous voulons nous arrêter encore sur cette petite image, nous découvrirons en détail les rôles respectifs du cœur, de l’intellect, de l’âme et de l'esprit. Par exemple, la servante est plutôt attachée au service de la maîtresse de maison, tandis que le valet s’occupe du maître ; mais, évidemment, il peut arriver que le valet et la servante agissent ensemble contre l'intérêt de leurs maîtres. Les maîtres sont différents des serviteurs par leur vie, leur conduite, leurs préoccupations ; ils ne leur confient pas toujours les secrets de leur travail ou de leurs projets. C'est ainsi que l’âme et l'esprit agissent sans révéler leurs intentions au cœur et à l’intellect.
Si par sa conduite irréprochable la servante, le cœur, obtient la confiance totale de sa maîtresse, l'âme, celle-ci lui parle parfois de ses projets, de son bonheur, de l'amour qu'elle ressent pour son époux, l'esprit. Dans ce cas, la servante est comblée de joie à cause de ces confidences. De même, si le serviteur, l’intellect, obtient par son travail la confiance de son maître, celui-ci commence à lui faire des révélations, et l’intellect est plus éclairé, plus lucide. Mais, pour que cela arrive, il faut que la servante et le valet vivent ensemble en parfaite harmonie au service de leurs maîtres. S'ils sont en désaccord et que les désirs de l’un contrarient les souhaits de l’autre, ils troublent le travail de leurs maîtres. Cette image a des combinaisons et des applications multiples sur lesquelles vous devez méditer, car tous les états de santé ou de maladie, de bonheur ou de souffrance, peuvent s'expliquer par l'existence de ces quatre habitants de la maison de l'Homme.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que je vais pas te lâcher avec l’alchimie, et que Omraam est un maître en la matière qui va te filer des pistes vertigineuses à suivre tout en étant simple comme bonjour, gage d’un travail ultra efficace durant ta retraite spirituelle.
Parce qu’il apporte un regard complètement nouveau sur Jésus et le Nouveau Testament, et que même si, comme moi, tu n’es pas versé dans la religion chrétienne, il n’empêche que c’est incroyablement rafraîchissant d’accéder à une autre symbolique de la vie et des paroles du Christ, d’autant plus que c’est mis en parallèle de ce qui se passe à l’intérieur d’un être humain, puisqu’en alchimie, tout est symbolique…
Parce que ce livre est plein d’idées véhiculées par une vision nouvelle pour apprendre à travailler sur toi d’une manière inédite, promesse d’une avancée majeure dans ta vie personnelle.
Parce qu’il est le fruit de conférences retranscrites, et donc très accessible et souvent drôle, ce qui prouve qu’il n’est pas nécessaire de tortiller du cul pour évoquer des choses profondes, ce qui reflète d’autant plus son sérieux.
Résumé éditeur
Un livre de développement personnel pour ceux qui détestent le développement personnel !
Le discours ambiant nous pousse sans cesse à nous améliorer. Sois plus heureux. Sois en meilleure santé. Sois plus intelligent, plus rapide, plus riche, plus sexy, plus productif. Mais il faut en finir avec la pensée positive, nous dit Mark Manson. “Soyons honnêtes : parfois tout va de travers, et il faut faire avec.”
Depuis quelques années, à travers son blog au succès phénoménal, Mark Manson explore les aspirations délirantes qui déforment notre perception du monde. Il propose ici sa sagesse pratique, joyeusement insolente. C'est en regardant en face nos peurs, nos défauts et nos incertitudes - en arrêtant de fuir et d'éviter -, que nous pourrons trouver le courage et la confiance qui nous manquent tant.
Mark Manson invite à un moment de parler vrai en mode je-te-regarde-dans-les-yeux, fait d'histoires vécues et d'humour potache. Un livre-manifeste pour construire des vies plus réjouissantes, plus ancrées.
Extrait
Si l’amélioration de soi et la réussite vont souvent de pair, elles ne se confondent pas pour autant.
Le discours ambiant est saturé jusqu’à l’obsession d’injonctions à positiver. Sois plus heureux. Sois en meilleure santé. Sois le meilleur, meilleur que les autres. Sois plus intelligent, plus rapide, plus riche, plus sexy, plus populaire, plus productif, toujours plus envié et admiré. Sois parfait, pour ne pas dire exceptionnel, et gagne des fortunes aux jeux en ligne chaque jour que Dieu fait, dès le réveil, sans oublier de rouler une pelle à ta femme accro aux selfies et de claquer la bise à ta progéniture avant de lui souhaiter bonne journée. Envole-toi en hélico vers ton boulot hyper gratifiant où tu passes d’intéressantes journées à sauver la planète.
Seulement quand tu appuies sur pause deux secondes pour réfléchir, tu t’aperçois que les conseils dont on te rebat les oreilles du matin au soir pour positiver et trouver le bonheur n’aboutissent, en réalité, qu’à te focaliser sur ce qui te manque. Dans le genre faisceau laser, ils pointent sur tes défauts et tes ratages. Dans le style loupe, ils les grossissent pour que tu les voies en énorme.
Du coup, tu potasses les meilleures stratégies pour te faire de la thune parce que tu penses que tu n’en as pas assez comme ça. Tu te poses devant le miroir en répétant « je suis beau » parce que tu trouves que tu ne l’es pas assez comme ça. Tu te mets à suivre scrupuleusement les recommandations des guides genre « Les Relations amoureuses pour les Nuls » parce que tu juges que tu n’es pas assez aimable comme ça. Tu fais des exercices de visualisation à la con pour réussir davantage parce que tu as dans l’idée que tu ne réussis pas assez comme ça.
Paradoxalement, cette fixette sur le positif – sur ce qui est mieux, sur ce qui est supérieur – ne sert qu’à te rappeler en boucle ce que tu n’es pas, ce que tu n’as pas, ce que tu aurais dû être mais a échoué à devenir. Quelqu’un de vraiment heureux n’éprouve pas le besoin de se planter devant une glace pour répéter cinquante fois « je suis heureux ». Il l’est. Point barre.
Il existe un proverbe texan qui dit : « Ce sont les plus petits chiens qui aboient le plus fort. » Le gars qui a confiance en lui n’a aucunement besoin de prouver qu’il a confiance en lui. La nana friquée n’éprouve pas la nécessité de convaincre qui que ce soit qu’elle l’est. Tu es ou tu n’es pas. Tu as ou tu n’as pas. Et si tu rêves tout le temps d’avoir ceci ou d’être cela, tu œuvres à renforcer la même réalité inconsciente : que tu n’as pas ça ou que tu n’es pas comme ça.
Les spots télé visent sans exception à t’enfoncer dans le crâne que si tu veux avoir une chouette vie, il te faut un meilleur job, une bagnole plus classe, une petite amie plus mignonne et un hot tubs avec bassin gonflable pour les gosses. L’environnement te serine que si tu veux une vie meilleure, il te faut aller vers plus, plus, plus – acheter plus, avoir plus, faire plus, baiser plus, être plus. Tu es bombardé non-stop de messages t’incitant à vouloir tout, tout le temps. À vouloir une nouvelle télé. À vouloir passer de meilleures vacances que tes collègues, acheter tel nouvel ornement de jardin ou la dernière perche à selfie. Pour quelles raisons ? À ton avis ? Parce que vouloir davantage de conneries en tous genres est bon pour le business ! Je n’ai rien contre le business ; le souci, c’est que vouloir trop de trucs est préjudiciable à ta santé mentale. Tu deviens accro au superficiel et au factice, et tu finis par passer ta vie à poursuivre un bonheur vain et une satisfaction illusoire.
Si tu veux avoir une vie au top, n’essaie pas d’en vouloir davantage. Efforce-toi au contraire de baisser ton niveau d’aspiration, et de ne vouloir que ce qui est vrai, immédiat et important à tes yeux.
CERCLE VICIEUX ? INFERNAL, OUI !
Il y a un truc bizarre dans ton cerveau qui, si tu n’y prêtes pas attention, peut te faire disjoncter grave. Ce qui suit te rappellera très certainement quelque chose. Disons que tu te fais du mauvais sang à l’idée de te retrouver face à une certaine personne. Tu t’étonnes d’une telle fébrilité, qui te paralyse. C’est là que tu entres en panique, à ressentir le stress qui monte, ce qui te rend doublement anxieux. Et t’angoisser de savoir que tu vas à coup sûr t’angoisser décuple ton anxiété. Hyper constructif ! Ou supposons que ton problème, c’est la colère. Sans vraiment comprendre pourquoi, tu te fous en boule à tout bout de champ et pour trois fois rien. Et le seul fait de savoir que tu es susceptible de péter les plombs à la moindre occasion te rend encore plus furax. Et puis tu prends conscience qu’être perpétuellement en rogne fait de toi quelqu’un de pas franchement sympa. Et ça te fout la haine. Au point d’être en pétard contre toi-même. Regarde-toi : tu es exaspéré de te voir dans des états pareils parce que ça t’insupporte d’exploser comme ça pour un oui ou pour un non. Y a des baffes qui se perdent… À moins que tu sois du genre à vouloir que tout soit nickel, et que ça te stresse… au point que tu stresses de constater que tu stresses autant. Variante : tu te culpabilises tellement de ta moindre bourde que tu te sens coupable de te sentir coupable. Autre cas de figure : il t’arrive parfois de te sentir tellement esseulé et triste que le simple fait d’y penser te fait te sentir encore plus seul et encore plus triste.
Bienvenue dans ton propre enfer ! Tu reconnais les lieux, n’est-ce pas ? Tu y es peut-être même, là, en ce moment, à te dire : « Bordel ! Je me laisse tout le temps entraîner dans ce cycle infernal, quel fichu loser je fais ! Ça ne peut plus continuer comme ça. Et puis je me sens tellement nul à me traiter de gros naze. Faut que j’arrête de me flinguer comme ça. Ah, ça y est ! Vous voyez ? Je recommence ! Je suis décidément irrécupérable. »
Du calme, ami lecteur. Tu peux ne pas me croire, mais, moi, je prétends que ça fait partie de la beauté de la condition humaine. Primo, il y a très peu d’animaux sur terre qui soient capables de penser, et secundo, nous, êtres humains, nous payons le luxe de pouvoir penser que nous pensons. Je peux donc penser que je suis en train de me taper des vidéos de Miley Cyrus sur YouTube, et me dire aussitôt qu’il faut être complètement barré pour avoir envie de mater des vidéos de Miley Cyrus sur YouTube. Ah ! Le miracle de la conscience !
Mais, il y a un « mais » : la société de consommation et les médias sociaux en mode « eh-regarde-j’ai-une-vie-vachement-plus-cool-que-la tienne ! » se sont conjugués pour produire une génération d’individus qui croient mordicus qu’il ne faut surtout pas éprouver d’émotions négatives telles que l’anxiété, la peur ou la culpabilité. Jette un œil à ton fil d’actualité sur Facebook : tout y est génial pour tout le monde. Huit personnes se sont passé la bague au doigt cette semaine ! Waouh ! Un ado de seize ans qui participait à une émission de télé a gagné une Ferrari pour son anniversaire ! Et tu as vu ce gamin ? Il a empoché deux milliards de dollars en inventant une appli qui te distribue automatiquement du p.q. quand tu n’en as plus ! Pendant ce temps-là, tu restes comme un con chez toi à te mettre la rate au court-bouillon, à devoir supporter ta nana hystéro à longueur de journée, et tu ne peux pas t’empêcher de penser que ta vie est encore plus merdique que tu le pensais.
Cette spirale infernale que j’évoque a engendré une prolifération de borderline en tout genre, faisant de la plupart d’entre nous des stressés chroniques, des névrosés, des dégoûtés d’eux-mêmes. Du temps de Bon-papa, les gens pouvaient se sentir couillons de temps en temps, et se dire : « C’est la vie, après tout, non ? Allez, retournons faire le foin. » Mais aujourd’hui ? Si tu te sens couillon ne serait-ce qu’un quart de seconde, tu as le temps d’être bombardé par 350 images de mecs et de nanas qui sont là à prendre leur pied, et tu ne peux pas ne pas te dire qu’il y a un truc qui ne déconne sec chez toi. Et ce qui nous bousille la vie, c’est justement de penser qu’il y a un truc qui cloche en nous. On s’en veut à mort de s’en vouloir à mort. On se sent coupable de se sentir coupable. On a les boules d’avoir les boules. On angoisse d’angoisser. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi, merde ?!
C’est pour toutes ces raisons qu’il vaut mieux s’en foutre. C’est bien pour ça que c’est en s’en foutant qu’on a des chances de sauver le monde. De quelle manière ? En acceptant l’idée que le monde est lui-même complètement foutu, parce qu’il l’a toujours été et le sera toujours. En n’en ayant rien à foutre de te trouver lamentable, tu court-circuites le cercle infernal en question ; tu te dis : « Je me sens con comme une valise, mais qu’est-ce que ça peut bien faire, au fond ? » Et alors, comme par magie, tu cesses de te reprocher de te sentir con.
George Orwell disait qu’on ne voit ce qui se déroule sous nos yeux qu’au prix d’une lutte sans relâche contre soi-même. Eh bien la solution à notre stress et à notre anxiété se trouve précisément là, sous nos yeux, mais nous ne la voyons pas, trop occupés que nous sommes à mater la dernière série télé, à tirer la langue devant la pub pour appareils de muscu bidons et à nous demander pourquoi diable nous ne sommes pas en train de passer du bon temps dans les bras d’une bombe sexuelle… On plaisante sur nos « problèmes de pays riches », mais on est devenus victimes de notre succès. Les pathologies liées au stress, troubles de l’anxiété et autres dépressions ont explosé au cours des trois dernières décennies alors que tout le monde possède son écran plat et peut se faire livrer ses courses à domicile. La crise qu’on traverse n’est pas matérielle, mais existentielle et spirituelle.
On a à notre disposition tellement de trucs à la noix, entre les mains tellement d’opportunités, aussi, qu’on ne sait même plus où donner de la tête. Aujourd’hui, la masse de ces choses qu’on peut voir ou connaître n’a d’égal que la quantité de choses face auxquelles on ne se sent pas à la hauteur, dans lesquelles on n’obtient pas d’assez bons résultats ou qui ne sont pas aussi géniales qu’elles pourraient l’être. Et nous rendre compte de ça nous met minable. Ce qui ne va pas au global, ce sont toutes les conneries du genre « comment être heureux » partagées huit millions de fois sur Facebook ces dernières années.
Ce que personne ne réalise à propos de cette foutaise, c’est que : L’ASPIRATION À VIVRE DES EXPÉRIENCES PLUS POSITIVES EST EN SOI UNE EXPÉRIENCE NÉGATIVE. ET, PARADOXALEMENT, CONSENTIR À VIVRE LES EXPÉRIENCES NÉGATIVES QUI SE PRÉSENTENT OU S’IMPOSENT À NOUS CONSTITUE EN SOI UNE EXPÉRIENCE POSITIVE.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que tu meurs d’envie de lire des trucs de développement personnel, mais qu’il est hors de question que je te laisse emporter n’importe quoi dans la jungle !
Parce que même en diète de plantes, t’as le droit de rire de toi-même et de te marrer tout court avec cet ouvrage franchement drôle, carrément hors des sentiers battus du sacro-saint développement perso.
Parce que ce livre est honnête sur le fait que ta vie ne sera jamais exempte de problèmes, même avec tout le taff que tu fais en diète, mais qu’il t’incite à choisir ceux qui méritent que tu te prennes le chou. Son leitmotiv est simple : défendre les valeurs qui comptent à tes yeux en laissant crever le reste sans un regard.
Parce qu’il est articulé en chapitres explorant 5 valeurs anticonformistes, iconoclastes et inconfortables que l’auteur considère comme les plus profitables au bien-être : prendre la responsabilité de tout ce qui t’arrive dans la vie, sans t’occuper de désigner un coupable ; reconnaître ta propre ignorance et cultiver le doute permanent quant à tes propres croyances ; être disposé à prendre connaissance de tes défauts et de tes erreurs pour y remédier ; la capacité à dire et à entendre “non” pour définir clairement ce que tu acceptes et n’acceptes pas dans ta vie ; la contemplation de ta condition de mortel, cruciale, parce que considérer sérieusement ta propre mort est peut-être la seule chose en mesure de t’aider à relativiser toutes les autres valeurs.
Résumé éditeur
Demian – Histoire de la jeunesse d’Émile Sinclair est le roman d’une adolescence, un roman d’initiation, de formation, et l’un des chefs-d’œuvre du genre.
Demian enseigne à Émile Sinclair à ne pas suivre l’exemple de ses parents, à se révolter pour se trouver, à s’exposer à la fois au divin et au démoniaque, à traverser le chaos pour mériter l’accomplissement de sa destinée propre.
Trois des romans de Hermann Hesse, Demian (chronologiquement le premier), Siddhartha et Le Loup des steppes offrent autant de variations sur le thème de l’étranger qui ne doit pas craindre de se séparer de la société, de « vivre en dehors ».
Né en Allemagne dans un milieu protestant, Hermann Hesse s'établit en Suisse après un long séjour en Inde, qu'évoquent notamment Siddhartha et Le Voyage en Orient. Le Loup des steppes, Narcisse et Goldmund, Le Jeu des perles de verre sont ses œuvres les plus célèbres. Il obtint le prix Nobel de littérature en 1946.
Extrait
Pour raconter mon histoire, il me faut retourner très loin dans le passé. Il me faudrait, si cela était possible, reculer jusqu'aux toutes premières années de mon enfance, et au-delà encore, jusqu'à mes origines les plus lointaines. Les écrivains, lorsqu'ils composent des romans, font souvent comme s'ils étaient Dieu et comme s'ils pouvaient embrasser et comprendre dans son ensemble une vie humaine quelconque, et la raconter comme Dieu pourrait se la raconter, sans voile, en accordant à chacun de ses épisodes la même valeur. Cela, je ne le puis, pas plus qu'ils ne le peuvent. Mais mon histoire est pour moi plus importante que pour n'importe quel écrivain la sienne, car elle m'appartient en propre, et elle est l'histoire d'un Homme, non pas inventé, idéal, n'existant pas en dehors du livre, mais d'un Homme qui, une fois, a vécu réellement. Ce qu'est un Homme qui vit réellement, on le sait aujourd'hui moins que jamais, et l'on tue ses semblables — dont chacun est un essai unique et précieux — en masse. Si nous n'étions pas autre chose que des êtres ne vivant qu'une fois, une balle de fusil suffirait en effet à supprimer chacun de nous, et alors raconter des histoires n'aurait plus aucun sens. Mais chaque Homme n'est pas lui-même seulement. Il est aussi le point unique, particulier, toujours important, en lequel la vie de l'univers se condense d'une façon spéciale, qui ne se répète jamais. C'est pourquoi l'histoire de tout Homme est importante, éternelle, divine. C'est pourquoi chaque Homme, par le fait seul qu'il vit et accomplit la volonté de la nature est remarquable et digne d'attention. En chacun de nous, l'esprit est devenu chair ; en chacun de nous souffre la créature ; en chacun de nous un rédempteur est crucifié.
Beaucoup, aujourd'hui, ignorent ce qu’est l'Homme, mais beaucoup le pressentent et, par là, il leur est plus facile de mourir, comme il me sera plus facile de mourir quand j'aurai terminé cette histoire.
Je ne puis me nommer « un initié » J'ai été un chercheur, et le suis encore, mais je ne cherche plus dans les astres et dans les livres. Je commence à entendre ce qui bruit dans mon propre sang. Mon histoire n'est pas agréable à lire. Elle n'est pas douce et harmonieuse comme les histoires inventées. Elle a un goût de non-sens, de folie, de confusion et de rêve, comme la vie de tout Homme qui ne veut plus se mentir.
La vie de chaque Homme est un chemin vers soi-même, l'essai d’un chemin, l'esquisse d'un sentier. Personne n'est jamais parvenu à être entièrement lui-même ; chacun, cependant, tend à le devenir, l'un dans l'obscurité, l'autre dans plus de lumière, chacun comme il le peut. Chacun porte en soi, jusqu'à sa fin, les restes de sa naissance, les dépouilles, les membranes d'un monde primitif. Beaucoup ne deviennent jamais des Hommes, mais demeurent grenouilles, lézards ou fourmis. Tel n'est humain que dans sa partie supérieure, et poisson en bas. Mais chacun de nous est un essai de la nature, dont le but est l'Homme. À nous tous, les origines, les mères sont communes. Tous, nous sortons du même sein, mais chacun de nous tend à émerger des ténèbres et aspire au but qui lui est propre. Nous pouvons nous comprendre les uns les autres, mais personne n'est expliqué que par soi-même.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que ce livre a changé la vie d’un tas d’ados complètement paumés en exaltant leur soif de devenir eux-mêmes et que j’ai comme dans l’idée que toi aussi, tu rêves que de ça…
Parce que je trouve qu’en diète de plantes, il est aussi important de lire des romans, des vrais, avec des personnages de fiction et une histoire inventée, car c’est pas parce que tu es là pour taffer sur ta réalisation personnelle que tu n’as pas le droit de t’accorder des moments où tu souffles en te laissant entraîner dans un conte… si ce conte est initiatique. Et c’est le cas avec celui-là. Ce livre est même devenu une sorte d’emblème du récit initiatique, pour être franche.
Parce que les enseignements de ce livre sont à contre-courant de la pensée majoritaire du “monde spirituel” qui n’en a qu’après la “lumière”… Fondamentalement, il incite à dépasser la dualité des contraires pour pénétrer dans une zone où ils se rencontrent… le fameux dieu Abraxas. Dangereux durant une diète de plantes ? Sincèrement, je ne pense pas. En alchimie aussi il y a ce concept de Loge Noire (forces de destruction), de Loge Blanche (forces de création) et de Loge Supérieure (harmonie et équilibre des forces opposées). A toi de voir ce que ça t’inspire…
HIGH MAGICK : DAMIEN ECHOLS
(LIVRE EN ANGLAIS)
Résumé éditeur
La magie n'est pas un chemin pour les adeptes ; c'est un chemin pour ceux qui s'interrogent, qui cherchent à s'en sortir et qui ont du mal à se contenter de dogmes et de réponses préformatées. La magie est pour ceux qui ressentent le désir d'éplucher la surface de la réalité et de voir ce qui se trouve en dessous. Comme diverses formes persécutées de mysticisme, la magie favorise le contact direct avec la source de la création.
À l'âge de 18 ans, Damien Echols a été condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis. J'ai passé mes années en prison à m'entraîner pour devenir un vrai magicien, se souvient-il. J'ai utilisé la magie - la pratique de remodeler la réalité à travers notre intention et notre volonté - pour conjurer une douleur, un désespoir et un isolement incroyables. Mais l'exploit le plus étonnant de toute cette pratique et de toute cette étude a été de manifester ma liberté.
Avec High Magick, cet auteur à succès partage son premier livre d'enseignement sur les puissantes techniques spirituelles qui l'ont aidé à survivre et à transcender son épreuve dans le couloir de la mort.
Bien que notre culture ait relégué la “magie” à la fiction, aux illusions de scène ou aux superstitions sur les pratiques sombres, la magie que Damien a apprise est une ancienne tradition occidentale égale aux pratiques orientales du bouddhisme, du taoïsme et du yoga dans sa sagesse et son pouvoir de transformation. Ici, il vous apporte un guide engageant et très accessible pour apporter de la magie dans votre propre vie :
Qu'est-ce que la Haute Magie ? Damien efface la stigmatisation et révèle l'histoire et les enseignements fondamentaux de cet art extraordinaire.
La respiration quadruple - une pratique de méditation fondamentale pour entraîner votre esprit et votre corps à canaliser les énergies subtiles.
Le pilier du milieu - comment apporter de l'énergie divine dans le canal central de votre corps pour l'autonomisation et la guérison.
La Croix Kabbalistique - une technique de centrage pour vous aider à rester équilibré et protégé quelles que soient les circonstances.
Les Rituels Mineurs du Pentagramme - des pratiques puissantes pour bannir les énergies négatives et invoquer l'énergie pour manifester vos objectifs.
Travailler avec des êtres angéliques et d'autres alliés spirituels pour soutenir votre pratique.
Créer des formes-pensées pour vous aider dans votre développement magique continu.
Des conseils pour surmonter vos doutes, améliorer vos capacités de visualisation, créer des talismans, pratiquer la magie de manière éthique, et bien plus encore.
La magie, c'est un voyage, écrit Damien. C'est un chemin qui se déroule continuellement et qui n'a pas de fin. Tu peux étudier et pratiquer la magie pour le reste de ta vie et tu n'apprendras jamais tout ce qu'elle a à t'apprendre. Si vous êtes prêt à découvrir votre potentiel inexploité pour co-créer votre réalité avec l'énergie du divin, alors rejoignez cet enseignant extraordinaire pour commencer votre formation en Haute Magie.
Extrait
POURQUOI APPRENDRE LA MAGIE ? Tout d'abord, vous faites déjà de la magie. Avec chaque pensée, parole et acte, vous influencez le monde qui vous entoure et déterminez ce qui se présente à vous. Même lorsque j'étais à l'isolement en attendant d'être exécuté, je pouvais encore façonner ma réalité dans une large mesure. Certes, la plupart des gens le font inconsciemment – ils font bouger les choses dans leur vie sans y réfléchir à deux fois. La seule différence entre un magicien et une personne lambda est qu'un magicien fait de la magie intentionnellement.
De mon point de vue, si vous exercez constamment une influence sur la réalité, c'est une bonne idée d'apprendre à bien le faire. Je pense que les visionnaires spirituels ont toujours été de puissants praticiens de la magie – les prophètes de l'Ancien Testament, Jésus, Mahomet, Lao Tseu et Gautama Bouddha, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces personnes ont consacré leur vie à l'évolution spirituelle pour le bénéfice de tous. Quand quelqu'un demanda au Bouddha : « Qui es-tu ? Es-tu un dieu, ou es-tu un homme ? Le Bouddha a simplement répondu : « Je suis réveillé. »
Il voulait dire qu'il s'était éveillé à la façon dont tout cela fonctionne – aux lois du karma et au fait que la réalité n'est pas seulement quelque chose de prédéterminé qui nous arrive. Il était conscient que nous pouvons tous façonner la réalité et créer de meilleurs environnements pour nous-mêmes. Nous pouvons vraiment faire quelque chose à ce sujet. Appelez cela comme vous voulez. Je préfère appeler ça de la magie.
Chaque personne sur cette terre est née avec tout un univers de potentiel en elle. La plupart des gens ne cultivent jamais les graines de ce potentiel, donc les graines sont gaspillées et les gens traversent leur vie en se demandant ce qui n'a pas fonctionné, ou en blâmant le monde pour tout ce qui a mal tourné. La magie arrose ces graines pour faire remuer, grandir et fleurir ce potentiel. Il accélère notre développement spirituel et mental d'une manière que nous n'aurions jamais pu prévoir. Notre capacité à façonner notre destin et le monde qui nous entoure en utilisant la magie n'est limitée que par notre propre croyance, notre dévouement et notre créativité. Une fois que vous commencez à faire l'expérience de la magie, vous ne verrez plus jamais la vie de la même manière.
Ce livre ne couvrira pas toutes les techniques connues des magiciens modernes. Aucun livre ne pourrait jamais faire cela. Il existe des centaines et des centaines de méthodes pour manifester vos désirs avec la magie, et ce livre particulier est ma proposition pour vous aider à démarrer sur le chemin avec quelques pratiques de base. Certaines vous plairont, d'autres non. Cependant, je vous encourage à essayer chacune d'entre elles pendant une courte période, afin de trouver les techniques qui résonnent le plus fortement en vous. Je vous encourage également à rechercher d'autres auteurs, pratiques, techniques et approches, car aucun magicien ou texte n'est l'autorité ultime. Le but de ce livre est de vous donner l'occasion de faire l'expérience de la magie qui réside en vous – en chacun de nous, sans exception. Ces rituels et pratiques ne sont que des lignes directrices, un point de départ.
Une fois que vous commencerez à faire l'expérience de la magie, vous ne verrez plus jamais la vie de la même manière. Vous deviendrez de plus en plus conscient des courants d'énergie actifs tout autour de vous et des interactions entre l'énergie et le domaine matériel. Et vous découvrirez que, contrairement à ce qu'on a pu vous dire, il n'y a pas de limites. Mais je ne suis pas ici pour vous dire ce qu'il faut croire, et je ne suis pas ici pour convertir qui que ce soit. Ce n'est pas mon travail. Mon travail (si vous pouvez l'appeler ainsi) est simplement de vous montrer ce qui a fonctionné pour moi contre vents et marées, à la fois aujourd'hui en tant qu'homme libre et pendant ces années que j'ai passées en enfer.
De cette façon, je suppose que vous pourriez dire que c'est mon travail d'aider. Et j'espère que vous trouverez ces pratiques aussi utiles dans votre vie que je les ai trouvées dans la mienne.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que les pratiques de magie enseignées dans ce bouquin sont tout bonnement surpuissantes et qu’avec elles, tu vas potentialiser les bienfaits de ta diète puissance 1000.
Parce qu’apprendre à manipuler l’énergie avec tes mains, visualiser, te nourrir de la force du Soleil et de la lune, transformer l’eau en remède en y transfusant ton intention (comme le font les chamans capables de changer un verre d’eau en remède de plantes grâce à leurs icaros), mais également savoir comment faire appel à tes alliés et te protéger des entités néfastes, sont des capacités que tu regretteras jamais d’avoir éveillées, que ce soit en diète ou dans la vie quotidienne, et que les longs moments de concentration que tu auras en isolement dans ton tambo sont propices à l’exercice de tes “pouvoirs magiques”, et que donc, ce serait stupide de ta part de ne pas essayer.
Parce que comme le dit si bien l’auteur dans l’extrait, on fait tous de la magie, malheureusement souvent à nos dépends, d’une façon négative, avec nos peurs et nos croyances limitantes, et qu’il est plus que temps de rectifier le tir en conscience, afin de cesser de flinguer notre potentiel pour au contraire, l’exalter.
(WOUPS, UNE ALTERNATIVE À LA MAGIE EN VERSION FRANÇAISE…)
ALCHIMIE, S’INITIER À LA MAGIE DU QUOTIDIEN : PASCAL BOUCHET
Résumé éditeur
Comment dissoudre vos conflits et vos blocages ? Comment parvenir à réaliser vos aspirations profondes ? Comment atteindre la paix et l’harmonie intérieure ? Vous cherchez à reprendre le contrôle de votre vie ? Votre âme et votre esprit attendent des réponses que seuls les alchimistes pourront vous apporter.
L’alchimie, pratique magique mystérieuse et art des transmutations, est aussi la science des métamorphoses de l’âme humaine et son œuvre ultime n’est autre que la recherche de la « médecine universelle ».
À travers un voyage dans l’histoire et les principes fondamentaux alchimiques anciens, Pascal Bouchet vous propose ici des exercices, rituels, méditations et pistes de réflexion pour parvenir à un nouvel épanouissement personnel, vous libérer des forces qui vous entravent et instiller de la magie dans votre quotidien.
Citations
TRAVAILLER AVEC L’ÉLÉMENT TERRE
Avec les esprits de l’élément terre, vous pouvez renforcer votre santé physique, votre vitalité, mais aussi votre volonté. La terre a aussi la capacité d’absorber les déchets et de les transformer en engrais, comme c’est le cas avec les cadavres de végétaux, d’animaux et les excréments. Souvenez-vous que la terre fournit la matière pour le corps. Par exemple, si l’on brûle un cadavre, la cendre qui restera sera la matière qui avait habillé le corps. C’est d’ailleurs avec la terre réfractaire que l’on fait les creusets en alchimie. La terre représente donc par excellence le principe incarnant. Elle met en forme les idées de votre corps mental et les désirs de votre corps astral.
Lorsque vous vous promenez, n’hésitez pas à mettre un ou deux doigts dans la terre et à lui demander d’absorber toutes vos énergies négatives, vos maladies et surtout vos déchets intérieurs pour les transformer dans ses laboratoires souterrains en engrais, en source d’énergie et de richesse. Parlez-lui et demandez-lui de vous aider à vous nettoyer complètement afin de retrouver votre santé, votre énergie vitale et votre volonté d’action. Lorsque vous êtes en contact avec une roche ou une pierre, touchez-la avec amour et demandez-lui de vous protéger, de vous incarner, de vous aider à vous enraciner.
Il y a deux éléments féminins : la terre et l’eau. Avec la terre, vous pouvez vous relier à la bonté de la terre-mère. Alors n’hésitez pas à vous confier à elle et à lui demander de l’aide. En effet, la bonté est la qualité principale de la terre et c’est certainement la plus haute qualité que l’on puisse espérer incarner physiquement. En réalité, il s’agit d’amour, car la bonté, c’est de l’amour matérialisé.
Voilà le précepte de la bonté lié à la terre : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Vous pouvez donc demander à la terre, à l’ange de la terre et aux gnomes de vous aider à concrétiser vos projets pour les réaliser ici-bas en les matérialisant. Si vous avez une bonne semence, c’est-à-dire un projet spirituel authentique, un désir réel et noble, alors la terre fertile le fera pousser et le matérialisera. Évidemment, le facteur temps est important pour passer de la graine à la plante ou du gland au chêne, mais si vous êtes patient, sincère et persévérant, alors la terre réalisera toujours vos souhaits.
TRAVAILLER AVEC L’ÉLÉMENT EAU
L’élément eau représente l’état liquide de la matière du macrocosme et le plan émotionnel de notre microcosme que les bouddhistes comme les alchimistes appellent le corps astral. Le plan astral du macrocosme est certainement le plan le plus difficile à maîtriser pour l’occultiste. Certains y pratiquent des voyages astraux, mais c’est risqué, car c’est là que se retrouvent aussi toutes les émotions humaines individuelles et collectives : les peurs, les désirs inavouables, les haines…, bref, toutes les émotions chaotiques qui sont autant d’esprits dangereux qu’il faut savoir maîtriser.
Le plan astral en tant qu’intermédiaire situé entre le plan mental (l’air) et le plan physique (la terre), entre les idées et les actes, est un plan et un moyen incontournable pour le mage qui veut réaliser ses projets et incarner ses idées. Le plan astral est le monde occulte par excellence et certainement le moyen indispensable pour agir sur la matière. C’est aussi le plan de la médiumnité, où l’on peut voir les esprits, les pensées cachées et même les potentialités du futur proche. Le seul moyen de naviguer sur ce plan sans naufrage est d’avoir un corps astral propre en purifiant ses émotions et ses sentiments, mais aussi en régulant plus particulièrement ses émotions négatives comme la peur, la haine, la rancœur. Pour cela, il est bon de se faire aider par les élémentaux de l’eau.
Lorsque vous êtes au contact de l’eau, vous pouvez tout d’abord demander à l’ange de l’eau de vous accepter et de travailler sur vous. Faites de même avec les ondines : dites-leur combien elles sont pures, belles et transparentes ; demandez-leur de travailler sur vous et de « laver » vos émotions afin d’avoir un cœur pur. N’hésitez pas à leur parler à voix haute (pas en public, bien entendu !). Si ce n’est pas possible, vous pouvez le faire tout bas, mais faites-le, car le Verbe est de manière générale un outil puissant pour le mage alchimiste. Le mieux est que chacun crée sa propre prière en partant du principe que les esprits sont vivants et méritent le respect. D’ailleurs, si vous êtes désagréable ou vous adressez à eux de manière péremptoire, avec des injonctions, ils n’exauceront pas vos requêtes. Soyez bien attentionné, remerciez-les pour le travail qu’ils font (et dont les humains ne se rendent pas compte !), complimentez-les et demandez-leur de l’aide. Si vous le faites avec amour, alors vous pouvez être sûr qu’ils ou elles vous aideront.
Procédez ainsi lorsque vous êtes près d’un lac, d’une rivière et surtout quand vous vous baignez, que ce soit dans de l’eau douce ou à la mer. Comme l’eau est un fluide qui est à l’image du fluide cosmique originel, elle correspond à l’âme du monde, au féminin, à la Mère divine. Quand vous vous baignez dans un lac d’eau pure ou dans un océan, vous pouvez donc vous lier à ce fluide universel qui imprègne tout l’univers.
Demandez-lui d’emporter tout ce qui est négatif en vous, tout ce qui est périmé, vieux ou illusoire, afin de vous régénérer. Pendant votre baignade, n’hésitez pas à mettre la tête sous l’eau, à vous immerger, et à ressentir la vie de cette eau vous traverser, vous imprégner entièrement. Essayez même, si vous êtes dans la mer ou l’océan, de ressentir la houle, le sac et le ressac de l’eau vous traverser, et liez-vous avec l’océan cosmique en vous laissant traverser par ce sac et ce ressac.
Lorsque vous prenez une douche, procédez également de cette façon : demandez à la Mère divine, puis à l’ange de l’eau et aux ondines, de vous accueillir et de vous purifier. Une fois cette prière effectuée, imaginez que l’eau qui coule sur vous, sur votre tête, votre corps, vos pieds, vous traverse de part en part, passe à l’intérieur de vous et emporte tout ce qui vous fatigue, tout ce qui vous rend malade, vos émotions, vos traumatismes, vos peines… Faites ce travail de visualisation : imaginez bien que cette eau passe à l’intérieur de vous, vous traverse et que tout ce qu’elle emporte disparaît dans le siphon de la douche.
Au début, cet exercice vous demandera un peu d’imagination et ne donnera peut-être pas de résultat immédiat. Mais à force de le pratiquer, petit à petit, l’imagination fera place au ressenti et vous vous sentirez vraiment traversé par cette eau. Ce sera même un petit peu effrayant, comme une petite mort : tous les aspects conflictuels de vous-même, que vous croyiez faire partie de vous, seront emportés dans le trou d’évacuation de la douche et vous vivrez alors une sorte de dissolution.
TRAVAILLER AVEC L’ÉLÉMENT AIR
Celui qui veut avoir accès au plan mental de l’univers et aux connaissances de l’humanité doit d’abord purifier son mental. Il doit y chasser toutes les idées tortueuses, les idées noires, son pessimisme, mais aussi sa bêtise s’il ne veut pas se faire contaminer par des distorsions de l’inconscient et même de la conscience collective. Certains chercheurs, dans leur quête des mystères, sont devenus complètement fous, car la folie est le danger qui guette le mage sur le plan mental. D’ailleurs, c’est justement dans le plan mental que se trouvent toutes les idées folles et les ancrages de la folie qui, si vous ne faites pas attention, peuvent vous contaminer.
En pratique, lorsqu’il y a des dissolutions dans votre vie ou dans votre entourage, des épreuves, cela veut dire que c’est la fin d’un temps, qu’une période révolue s’achève. Réjouissez-vous, car la base de toute transmutation est la dissolution. Cela dit, quand le vieux passé s’effondre et qu’une vieille situation conflictuelle s’autodétruit, le mental s’emballe, s’affole et c’est là qu’il ne faut pas céder à la panique, car c’est précisément à ce moment qu’arrivent dans notre tête les idées ou les solutions les plus folles et les plus dommageables. Une grande partie des égrégores négatifs ont tout intérêt à provoquer la peur et l’affolement afin que nous acceptions des idées toxiques qui ne nous seraient jamais venues à l’esprit en temps normal.
Pour que cela ne nous arrive pas, et surtout pour ne pas nous laisser envahir et contrôler par les égrégores de panique (qui sont nombreux en ces temps de grande dissolution collective), il est important de nous recentrer et de garder notre calme, d’attendre avant de réagir. S’il est important de nourrir son mental avec de la sagesse, il est aussi capital d’apprendre à le vider de toutes les idées préconçues, stupides et mortifères qui le polluent tels des nuages sombres qui obstruent le ciel. Il est important de noter qu’il est difficile de séparer complètement le plan mental (l’air) du plan astral (l’eau). Le mental est souvent influencé par les émotions de l’astral, un peu comme le ciel peut être chargé de nuages quand il y a trop d’humidité dans l’air. Il est à cet égard très intéressant de constater à quel point le plan astral influence des domaines qui relèvent soi-disant du mental.
Pour travailler avec l’air, vous pouvez faire appel à l’ange de l’air et aux sylphes, les esprits de l’air. Ils ont évidemment d’autres noms dans d’autres traditions. Par grand vent, profitez-en pour demander à l’ange de l’air et aux sylphes de purifier votre mental. Laissez l’air vous traverser de part en part, surtout au niveau de votre tête. Ressentez cet air qui pénètre votre cerveau et emporte toutes vos pensées les plus nocives. Quand vous balayez votre maison ou quand vous passez l’aspirateur, profitez-en également pour purifier votre corps mental. Vous pouvez alors demander à l’ange de l’air et aux sylphes de vous aider.
“Comme je balaie la poussière de ce sol, qu’ainsi soient balayées toutes les idées fausses, limitantes et néfastes de mon mental.” Vous pouvez procéder à l’identique lors de tous vos travaux de dépoussiérage. Croyez-moi, si vous faites ce travail en y alliant votre imagination et votre désir, vous en ressentirez les effets. Bien sûr, ces effets ne seront pas nécessairement immédiats. Au début, il vous faudra faire un effort d’imagination et vous concentrer pour ressentir cette poussière qui s’en va de vous-même. Mais peu à peu, vous ressentirez un soulagement et un allègement de votre conscience. Oui, vous serez plus léger et ça deviendra même un plaisir pour vous de faire le ménage ! Profitez-en aussi pour demander au vent et à l’air d’assécher toutes les empreintes du corps astral qui obstruent votre mental. Demandez à l’air de chasser toutes vos peurs, vos craintes ou idées décentrées (qui vous mettent hors de vous) qui influencent vos pensées. Les alchimistes parlent d’humidités superflues qu’il faut assécher, car si l’eau est source de vie, elle peut aussi être source de putréfaction et de problèmes au niveau du plan mental, comme nous l’avons vu.
Alors, lorsque vous essuyez la vaisselle, séchez votre corps ou vos cheveux, réalisez ce travail d’assèchement du corps mental en vous-même. Ce travail vous aidera à ne plus penser qu’avec vos émotions. Une pensée claire débarrassée des peurs, des craintes et des désirs vous permettra d’avoir une analyse objective des situations que vous traverserez. C’est ainsi que l’on devient lucide. Le rôle de l’air (et du plan mental, une fois purifié) est de devenir le véhicule de la lumière. C’est ainsi que vous aurez accès à la sagesse de la nature, à la compréhension des mystères de la science divine et que vous deviendrez un initié.
TRAVAILLER AVEC L’ÉLÉMENT FEU
Avec cet élément, nous rentrons entièrement dans l’école des Mystères, car il n’y a pas plus élevé que les initiations par le feu. Les adeptes de l’alchimie eux-mêmes se qualifiaient de « philosophes par le feu » ! Même dans les Évangiles, qui sont pour les alchimistes des écrits codés sur les initiations secrètes des écoles des Mystères, le feu est prédominant. En s’adressant à ses disciples, saint Jean Baptiste déclare à propos du Christ : « Moi je vous baptise par l’eau, mais vient plus fort que moi, lui vous baptisera par le feu. » Le Christ lui-même validera ces propos de saint Jean en précisant : « Je suis venu mettre le feu dans les choses. » Tous les disciples du Christ seront effectivement baptisés par le feu en recevant l’Esprit saint sous forme de langues de feu. Le feu étant donc la représentation de l’Esprit saint, on peut en déduire que les apôtres sont aussi des philosophes par le feu.
Dans la symbolique initiatique, cet élément est la représentation de l’esprit, non pas l’esprit « spiritus » (le souffle divin), mais l’esprit originel, celui duquel émane la lumière première, à l’origine de toute création. Selon les alchimistes, toute chose garde profondément en son centre cet esprit divin dont il tire son origine. Cet esprit créateur de l’univers est décrit comme un feu potentiel logé au cœur de la substance frigide du minéral et au centre de toute substance matérielle. C’est pourquoi Jacques Cœur, le grand argentier du roi Charles VII qui a fait bâtir son palais aux sculptures alchimiques à Bourges, le représente par le cœur et les alchimistes par le soufre central et le feu secret des sages.
Ce feu secret n’attend qu’une chose : que l’habile artiste l’éveille pour qu’il puisse montrer toutes ses potentialités, toute sa puissance divine. Selon l’aveu des alchimistes, il est inutile de vouloir transmuter le métal sans l’éveil du feu secret des sages logé dans le métal lui-même. Donc seul le feu, qui selon la tradition initiatique est à l’origine de tout, est capable d’opérer les plus surprenantes transmutations. Le premier problème, c’est que ce feu secret est enterré dans les ténèbres du corps, dans notre inconscient biologique, où il se trouve plongé dans un état de torpeur. L’autre problème, c’est que l’éveil de ce feu secret des sages, sans lequel il est inutile de vouloir transmuter quoi que ce soit, est le plus grand secret qui soit en alchimie, à tel point que l’on peut se demander si toute la quête du grand œuvre alchimique n’a pas pour but de nous mener à lui.
Sans feu, pas de lumière, donc inutile d’espérer pouvoir obtenir l’illumination sans son éveil préalable. En attendant, il nous faut considérer le feu élémentaire comme un reflet, un représentant de ce feu secret des sages. L’ange du feu est connu en Inde comme l’ange Agni. Chez les chrétiens, il prend la forme de l’agneau mystique. On retrouve d’ailleurs en français l’adjectif « igné », qui signifie « relatif au feu » et qui est issu du latin « ignis » (le feu). Les élémentaux ou esprits du feu sont représentés en Occident par les salamandres.
Vous pouvez donc travailler avec l’ange Agni et avec les salamandres pour sanctifier votre esprit. Le feu brûle tout, car tout est combustible. Vous pouvez utiliser le feu dans votre imagination pour brûler et détruire tout ce qui vous tourmente, que ce soient les pensées, les images morbides, les émotions, les maux… En effet, l’esprit peut agir sur tous les autres corps.
Lorsque vous brûlez chez vous des feuilles mortes, demandez à l’ange Agni et aux salamandres de brûler en vous toutes les feuilles mortes de votre âme, les traumatismes de votre passé, vos souvenirs inutiles, vos nostalgies, vos regrets… Les alchimistes nous disent que les salamandres se lavent par le feu, alors faites en autant ! Lorsque vous regardez un feu, quel qu’il soit, feu de camp ou de cheminée, imaginez qu’il vous traverse de part en part et vous lave de tout.
Lors d’une de ses conférences, le philosophe ésotériste Aïvanhov a fait remarquer que lorsqu’on voit dans un film un feu brûler et que l’on retourne notre écran de télévision (tête en bas), on peut observer que les flammes descendent comme une cascade d’eau qui coule. Il précise que si l’on effectue la même opération avec son écran lorsqu’on regarde un film avec une cascade d’eau, on voit (couleur mise à part) un feu qui brûle. L’eau qui coule vers le haut adopte alors la même forme que les flammes du feu qui s’élèvent. Donc lavez-vous par le feu : lorsque vous voyez un feu dans la cheminée, n’hésitez pas à lui demander de vous consumer entièrement, car tout est combustible, sauf la lumière !
Ainsi, le jour où vous serez prêt à passer par l’initiation par le feu, le feu secret des sages vous consumera entièrement et vous révélera à votre être lumineux qui est incombustible. Et vous renaîtrez tel le phœnix.
Pourquoi lire ce livre en diète de plantes ?
Parce que comme le prouvent ces longues citations, les enseignements de ce livre sont d’une richesse infinie pour t’apprendre à taffer avec les esprits de la nature afin d’en faire de valeureux alliés qui te soutiendront à fond durant tout le temps de ta diète de plantes et au-delà… Voilà. Inutile d’ajouter quoi que ce soit.
Présentation éditeur
Grâce à ses cartes hypnotisantes, plongez au cœur du chamanisme et connectez-vous à la sagesse ancestrale de l'Amérique du Sud.
Plongez dans cet univers magique, puissant, mystérieux et visionnaire. Retrouvez les traditions, les esprits, les animaux et les plantes maîtresses les plus emblématiques de cette culture. Avec ses cartes et son livre complet, vous pourrez ainsi invoquer leur bienveillance, leur pouvoir de guérison et leurs enseignements pour accompagner votre quotidien.
Pourquoi amener cet oracle en diète de plantes ?
Parce que c’est un oracle sur les plantes maîtresses, les esprits et les archétypes associés à la medicina, qu’il est magnifique, et d’une richesse infinie de conseils.
Parce que contrairement à certains oracles, je te garantis qu’il marche. Car il a une âme.
Parce qu’il existe aussi au format mobile sur Play Store et que ça soulagera considérablement le poids de ton sac à dos !
Parce que même si tu n’as pas envie de lire, tirer une carte avec un petit texte éclairant au dos pourra parfois t’aider à faire le point sur les intentions qui s’agitent sous ta peau avant une cérémonie d’Ayahuasca ou encore t’éclairer sur la problématique que tu traverses en ce moment en t’offrant une piste créative pour transmuter l’impasse en chemin d’éveil…
Pour aller plus loin…
Pourquoi lire la saga Borderline avant ou après une diète de plantes, mais pas pendant ?
Parce que les émotions que Borderline éveille chez le lecteur sont trop violentes et que ça risque de croiser ta diète, même s’il s’agit justement de l’histoire d’un mec en diète !
Parce que de nombreux fans déclarent travailler bien plus profondément avec l’Ayahuasca et les plantes après avoir lu la saga.
Parce que ces livres délivrent des secrets du monde de la medicina qu’aucune autre fiction ne révèle.
Parce que c’est tripant de suivre les aventures spirituelles désastreuses ou transcendantes d’un mec et de le voir gerber tripes et boyaux dans sa bassine tout en étant confortablement installé dans son canapé.
Parce que ces livres ont majoritairement été rédigés durant mes propres diètes, et que l’énergie qu’ils renferment est pura medicina.
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Wanted Dead or Alive : Yan, Explorateur interdimensionnel de la Salvia Divinorum
On ne sait presque rien au sujet de la Salvia. On ignore ses origines, aucun usage traditionnel n’a vraiment été établi. Pourtant, sa terrifiante réputation la précède. Hormis la Datura peut-être, aucune plante ne souffre d’une aussi sale notoriété. Vous trouvez pas ça étrange, vous, que ce soit précisément la plante psychotrope qui recense le plus de bad trips qui soit la plus aisée à se procurer sur le net ? Sa facilité d’accès ne laisse en rien présumer de sa puissance, et comme dirait Yan, la Salvia, c’est un peu le croque-mitaine des psychédéliques. J’ajouterais même l’extraterrestre, l’OVNI du monde psychonaute. Et pour cause… Lors de nos premières incursions dans son royaume, illico après l’avoir fumée, on oublie tout : le fait d’avoir fumé, le monde duquel on vient, jusqu’au souvenir de qui on est. Nombreux témoignent de l’impression d’être d’un coup devenu totalement fou et de devoir le rester pour toujours. Scènes vécues en boucle, sensation d’être piégé dans le même cycle pour l’éternité, vision du monde fait de Legos, réalité encastrée dans une roue qui tourne à l’infini, ou encore transformation en objet ou en partie d’un objet… Il est évident que la consommation de Salvia Divinorum ne peut s’inscrire ni dans un but récréatif, ni dans une quête spirituelle, et sans doute encore moins avec une volonté de thérapie. Personne n’a semble-t-il osé aller très loin avec elle, tant elle se montre redoutable dès la première rencontre… Personne ? Pas exactement.
Salvia Divinorum. Rien que son nom est déjà flippant.
On ne sait presque rien au sujet de la Salvia. On ignore ses origines, aucun usage traditionnel n’a vraiment été établi. Plus surprenant encore, ses effets s’amplifient si l’on imbibe ses feuilles de son propre principe actif, la salvinorine A, avant de la fumer…
Pourtant, sa terrifiante réputation la précède. Hormis la Datura peut-être, aucune plante ne souffre d’une aussi sale notoriété. Vous trouvez pas ça étrange, vous, que ce soit précisément la plante psychotrope qui recense le plus de bad trips qui soit la plus aisée à se procurer sur le net ? Sa facilité d’accès ne laisse en rien présumer de sa puissance, et comme dirait Yan, la Salvia, c’est un peu le croque-mitaine des psychédéliques. J’ajouterais même l’extraterrestre, l’OVNI du monde psychonaute.
Et pour cause… Lors de nos premières incursions dans son royaume, illico après l’avoir fumée, on oublie tout : le fait d’avoir fumé, le monde duquel on vient, jusqu’au souvenir de qui on est. Nombreux témoignent de l’impression d’être d’un coup devenu totalement fou et de devoir le rester pour toujours. Scènes vécues en boucle, sensation d’être piégé dans le même cycle pour l’éternité, vision du monde fait de Legos, réalité encastrée dans une roue qui tourne à l’infini, ou encore transformation en objet ou en partie d’un objet…
Il est évident que la consommation de Salvia Divinorum ne peut s’inscrire ni dans un but récréatif, ni dans une quête spirituelle, et sans doute encore moins avec une volonté de thérapie (bien qu’évidemment, toute exploration de la conscience porte en elle une dimension de guérison).
Malgré sa facilité d’accès, donc, les informations et les retours d’expérience qu’on possède à son sujet sont remarquablement pauvres, parce que personne n’a semble-t-il osé aller très loin avec elle, tant elle se montre redoutable dès la première rencontre…
Personne ? Pas exactement. Il se trouve que pour Yan, la Salvia Divinorum est sa plante de prédilection, et qu’il a décidé d’écrire un livre dessus (dont j’ai eu l’honneur de pondre la postface). Et son cas est particulièrement intrigant.
Yan considère que la Salvia n’a pas fait irruption dans sa vie pour résoudre un problème de dissociation qu’il avait depuis une quasi-noyade, mais au contraire pour l’exploiter. Ce mec a appris à utiliser ce que la majorité des gens sur cette Terre conçoivent comme un problème pour entrer dans la multidimensionnalité, en se faufilant dans la fracture de sa conscience comme s’il s’agissait d’un portail interdimensionnel… Intéressant, pas vrai ?
Son ouvrage va bien au-delà d’un simple trip report. Grâce au fait qu’il ait persévéré avec la Salvia bien au-delà de n’importe quelle personne saine d’esprit, Yan a découvert dans l’expérience qu’il faisait d’elle une sorte de processus initiatique constitué de paliers à franchir, de tests, de différents niveaux de “jeu” auxquels il ne pouvait accéder qu’en comprenant certaines choses… Et si la Salvia avait finalement des enseignements à transmettre aux Hommes ?
L’interview que je lui ai proposée, épousant les thèmes de son livre, L’abîme plonge aussi son regard en toi, explore donc des sujets aussi vastes et éclectiques que la nature de la conscience, le multivers, la dissociation identitaire, le temps non linéaire et les traumas comme portails interdimensionnels…
Allez, petit extrait histoire de vous mettre l’eau à la bouche :
Pour entrer dans le monde de la Salvia, et c'est valable avec toutes les plantes maîtresses, il faut déjà commencer par accepter la réalité telle qu'elle est : vertigineuse et fondamentalement inaccessible. Il faut accepter sa propre insignifiance dans un Univers qui n'est pas plus tangible et permanent qu'un rêve. Nous rêvons à la surface de ce rêve, les formes d'intelligence nous apparaissant en tant que règne végétal le maîtrisent à des niveaux de profondeurs insondables ; profondeurs qui sont peuplées de tout ce qui a modelé notre imaginaire collectif et dont il est le pâle reflet ; des manifestations les plus archaïques de la conscience qui préexistent à l'humanité, à la vie, à l'espace et au temps tels que nous les connaissons. Franchir le seuil, c'est être prêt à laisser derrière tout ce que l'on tient pour acquis.
L’abîme plonge aussi son regard en toi - Une exploration du monde de la Salvia Divinorum
Quand Yan raconte son étrange relation avec la plante qui fait flipper le monde des psychonautes
PRÉSENTATION DE YAN
Pour commencer, histoire que nos lecteurs sachent à qui ils ont affaire et pourquoi tu es spécialement qualifié pour t’attaquer au thème foutrement épineux de la Salvia Divinorum, j’aimerais que tu te présentes, en nous parlant un peu de ton parcours général avec les plantes psychotropes et les états modifiés de conscience.
Comme beaucoup de personnes, dans mon enfance j’ai expérimenté spontanément certains états modifiés de conscience, à commencer par une activité onirique assez intense et marquante. J’ai connu mes premiers rêves lucides et prémonitoires, cela m’a très tôt poussé à m’interroger sur la réalité. Je ne faisais pas de distinction nette entre mes rêves et l’état de veille, et comme je faisais beaucoup de cauchemars, c'était aussi anxiogène qu’exaltant. Si je pouvais amener des éléments de la réalité consensuelle dans mes rêves, l’inverse était aussi possible. Rien dans mon environnement ne m’expliquait quoi que ce soit de tout ça, et j’étais un peu seul avec ma perception. À l'époque il y avait la saga Freddy Krueger, et je l’ai plus regardée comme un manuel d’éducation onirique que comme un divertissement horrifique. Ça m’a pas mal appris à me défendre.
En grandissant j’ai gardé une sorte de “pensée magique”, et je me suis intéressé à l’ésotérisme et à Jung, ce qui a continué à me faire mon éducation. Au début de l’âge adulte, j’ai failli me noyer et cet accident a eu un impact sur moi que je mettrai des années à comprendre. J’en suis revenu dans un état de déréalisation qui s’est plus ou moins tassé par la suite, mais dont je me suis rendu compte qu’il avait en fait toujours été omniprésent.
Suite à cet événement, j’ai commencé à faire de la paralysie du sommeil avec hallucinations hypnagogiques, selon les termes cliniques. C’est quelque chose d’assez terrifiant, que j’ai réussi à plus ou moins contrôler avec le temps. J’ai notamment expérimenté des sortes de “sorties hors du corps”, mais jamais volontairement.
C’est tout ça qui m’a amené aux plantes maîtresses, mais juste par intérêt intellectuel dans un premier temps. Pour moi la pratique était réservée aux cultures amazoniennes dans des cadres rituels bien spécifiques. Quand j’ai commencé à m’y intéresser je n’avais même jamais expérimenté le cannabis, qui s’avérera ne pas du tout me réussir physiquement. Quant aux substances synthétiques, l’aspect récréatif, qui était le seul dont j’avais eu vent, ne m’emballait pas. Du coup je suis allé direct à l’Ayahuasca, en saisissant l’opportunité de faire du volontariat dans un centre au Pérou. En quelques semaines je me suis retrouvé dans un village shipibo, où j’ai fait des diètes et plusieurs dizaines de cérémonies. Ça fait sept ans et j’ai continué à pratiquer lors de plusieurs voyages au Pérou, la plupart du temps dans le contexte traditionnel.
LA SALVIA DIVINORUM
OK, maintenant qu’on te connaît un peu mieux, Yan, c’est la véritable star de cette interview qu’on doit introduire auprès de nos lecteurs : la Salvia en personne ! Le truc étrange avec la Salvia, contrairement aux autres plantes psychédéliques telles que l’Ayahuasca ou le Peyotl, c’est qu’elle est davantage réputée chez les psychonautes underground que dans la sphère de la medicina. A vrai dire, il semble même que son origine, tout comme sa consommation traditionnelle dans un cadre chamanique, nous soient plus ou moins inconnues. D’où la Salvia est-elle originaire ? Qui sont ses gardiens ? Existe-t-il un cadre rituel dans lequel elle est consommée, et si oui, sous quelle forme ?
Déjà en ce qui me concerne, mon approche des plantes n’a jamais vraiment été axée “medicina”. Ce n’est pas la dimension thérapeutique qui m’intéresse le plus. Évidemment elle fait partie du processus mais elle n’est pas forcément une fin en soi. C’est la relation inter-espèces elle-même qui m’intéresse, de la même manière que relationner avec le monde animal a toujours été très important pour moi. Pour peu qu’on fasse l’effort de comprendre les moyens de communiquer des autres espèces, on accède déjà littéralement à d’autres mondes, ou on élargit le sien. Perso j’ai vraiment besoin de ça.
C’est clair que la Salvia est très particulière dans le monde des plantes. De ce que l’on sait de la tradition mazatèque du Mexique, la seule connue qui intègre la Salvia, elle est mangée fraîche ou infusée, et non fumée. C’est à priori plus par ce biais qu’elle est utilisée comme médecine. Je ne connais pas le cadre rituel, mais d’après les noms que les Mazatèques lui donnent, “Hierba Maria” ou “Ska Maria Pastora”, il est possible qu’il soit teinté de catholicisme. Cette tradition semble beaucoup plus récente que celle des champignons, pour rester au Mexique, bien qu’effectivement ses origines ne soient pas déterminées. Elle était peut-être trop rare à l’état sauvage pour faire l’objet d’une pratique importante par le passé, et l’espèce que nous connaissons est possiblement issue d’une hybridation. Quand R. Gordon Wasson a récolté le premier spécimen en 1962 dans la Sierra Madre, il ne l’a trouvée que cultivée.
Depuis sa redécouverte dans les années 90, elle est devenue très relativement populaire chez les psychonautes, sous une forme sèche à fumer. Elle procure une expérience singulière qui n’est pas du goût de tout le monde, même dans la sphère psychonautique. Ce n’est effectivement pas une plante que je conseillerais à quelqu’un en recherche de guérison ou fragile psychologiquement.
L’autre truc chelou qui personnellement me surprend pas mal, c’est la façon dont elle est proposée sur le net. C’est-à-dire, des feuilles sèches imprégnées de différentes concentrations de salvinorine A, son propre principe actif, dont on la dope à des doses plus ou moins élevées. Est-ce que tu sais qui a découvert cette manière de la booster, et pourquoi il l’a fait ?
C’est surtout sous cette forme qu’elle s’est fait connaître. C’est l’ethnobotaniste Daniel Siebert, en 1993, qui a vraiment découvert les effets puissamment psychotropes de la salvinorine, en l’extrayant puis en la fixant sur la feuille à différents niveaux de concentration. Cette molécule est très active à haute température, donc le fait de fumer la feuille induit une montée fulgurante qui peut projeter vraiment loin, selon la concentration. D’après lui c’est l’esprit de la plante qui lui a inspiré ça.
Dans le monde du psychaunotisme et du chamanisme, où la plupart des plantes, des molécules et des substances de synthèse sont archi consommées avec plus ou moins de rituels autour, la Salvia fait figure d'extraterrestre. Le genre d’OVNI qu’on croise une fois en passant mais vers lequel on n’a pas la moindre intention de revenir. Sa réputation la précède, et les histoires qu’on entend à son sujet ont de quoi te faire flipper à mort avant même d’avoir osé la fumer. Selon toi, est-ce à cause des expériences bizarres et effrayantes (voire humiliantes) qu’elle provoque que cette plante est tellement boudée ? Ou bien existe-t-il une autre raison sous-jacente ?
Sa facilité d’accès n’est de prime abord pas révélatrice de sa puissance, et elle en a traumatisé plus d'un qui voulaient la tester en mode récréatif. Heureusement pour eux que les effets se dissipent rapidement. La Salvia, c’est un peu le croque-mitaine des psychédéliques. La plupart des gens passent à côté de son potentiel sans le savoir. Parce qu’il y a une manière d’aborder la plante, une implication, des stades à franchir.
En fait elle n’est pas du tout facile d’accès. La Salvia n’est pas gratifiante, elle est intransigeante et cette intransigeance se ressent dès les premières expériences, que l'on soit allé loin ou pas. Je pense que c’est davantage ce ressenti qui met mal à l’aise. On est clairement pas dans l'amour universel ou dans la béatitude.
La Salvia sélectionne ceux à qui elle ouvre son monde et il y a moyen de se faire éliminer de manière assez violente psychologiquement.
Y a un truc que tu notes dans ton livre, et qui semble se retrouver dans la majorité des premières expériences avec la Salvia : à peine quelques secondes après l’avoir fumée, on oublie totalement le monde duquel on vient, on oublie même d’avoir fumé une plante, et pire encore, on est incapable de se souvenir de son corps et de sa personnalité… Le rire hystérique qui s’empare du fumeur désœuvré et accompagne cette triste scène donne à voir un tableau assez pathétique ! Cette impression d’être soudain devenu parfaitement fou et de risquer de le rester pour toujours (ouais, en plus, y a ce truc de la boucle, aussi, pire hantise du drogué !), est-ce que c’est une étape inévitable avec la Salvia ? Si oui, comment on en sort ?
Je crois que c’est une étape cruciale de son enseignement et que ouais, il faut y passer. Après même s’il y a des thématiques récurrentes, ça sera de toute façon très spécifique à la psyché de chacun, selon sa configuration. Il y a des expériences assez communes que moi je n’ai jamais eues, comme le fait de se retrouver transformer en objet quelconque, ou de voir le monde version Legos. Mais je me suis tapé des boucles à n’en plus finir et j’ai dû m'accrocher pour y retourner. C’est un processus.
En plus de te faire oublier de quelle réalité tu viens, je pense que l’état de folie spécifique à la Salvia est dû au fait que tout d’un coup, la conscience se prend la structure fractale de l’espace-temps en pleine poire, c’est le gros vertige existentiel et elle n’est plus capable d’appréhender quoi que ce soit. Le seul moyen de naviguer dans ces espaces-là est d’apprendre à se déconditionner des modalités de perception habituelles, surtout que le monde de la Salvia échappe au référentiel humain, bien plus que les autres psychédéliques.
Il faut lâcher prise avec la notion d’identité, ce qui est je pense le plus difficile pour la plupart des gens. Avec la Salvia, mieux vaut ne pas trop rester dans une tentative de compréhension psychologique de l’expérience, ou on risque de rester coincé dans une boucle. Il faut développer la capacité de se dissocier du fait d’être quelqu’un de spécifique, dans un espace, à un moment.
C’est un enseignement ; en tout cas moi c’est avec ces dispositions que j’ai pu passer à d’autres phases. Il faut presque y voir une sorte de défi pour la conscience, tant que l’on a l’impression d’avoir quelque chose à en retirer. Il ne faut pas se faire du mal non plus.
J’aimerais à présent qu’on aborde le thème de la personnalité de la Salvia. Une fois de plus, à peu près tout le monde s’accorde sur son caractère, ou du moins, sur la façon dont elle se présente à ceux qui la fument lors de leurs premières visites dans son monde. Terrifiante d’intelligence, effroyablement impressionnante, intransigeante, moqueuse, malicieuse… Y a pas à dire, ça donne envie de la rencontrer celle-là ! L’une de ses particularités, je te cite, est de tordre et distendre la réalité pour montrer à quel point notre perception tridimensionnelle est limitée et dérisoire. On reviendra largement sur cet aspect de la Salvia dans la suite de l’interview, mais la question que j’ai envie de te poser maintenant, c’est : Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’accrocher malgré la difficulté de l’expérience ? Tu sentais qu’il y avait un truc à la clé ?
Du coup j’ai déjà un peu commencé à répondre. Prendre une plante maîtresse, c’est une rencontre avec un esprit, une relation qui se crée. Il y a des affinités ou pas, voire des natures qui sont en conflit. À mon sens il faut déjà bien se connaître avant de vouloir entrer dans ce type de relation, et de toute façon elle sera perturbante et redéfinira pas mal de choses.
Moi bizarrement j’ai tout de suite été attiré par la personnalité de la Salvia. Et j’ai senti qu’elle était attirée par la mienne aussi, ce qui est plus une façon de parler car je ne pense pas que les plantes nous perçoivent fondamentalement comme des individus au sens où on l’entend. Elle a sa manière très particulière d’aimer ceux qu’elle appelle à explorer son monde, mais elle est très généreuse. À chaque retour de session j’étais hyperstimulé par ce à quoi j’avais eu accès, même si c’était éprouvant. Et c’est exponentiel.
Pour moi son potentiel est évident dès le départ et se révèle amplement à mesure que se développe la relation et la complicité avec cette plante.
Comme on l’a vu, la répétition est un élément récurrent de la Salvia, ainsi que la sensation d'être piégé dans un cycle pour l’éternité, sans compter l’histoire des Legos, schème diabolique de cette plante qui personnellement m’effraie encore plus que tout le reste ! Dans ton livre, tu évoques aussi une réalité imprimée encore et encore sur des feuilles de papier par une photocopieuse, encastrée dans une roue qui tourne sans cesse… Et puis y a aussi les expériences où on se retrouve à être un objet ou encore une partie d’un objet, comme un barreau de chaise ! Que signifie ce petit jeu auquel se livre la Salvia avec les êtres humains ? Est-ce une sorte de test qui écrème direct les candidats qui souhaitent la rencontrer, en éliminant d’emblée ceux qui ne seront pas assez couillus et marteau pour persévérer dans son monde ?
C’est clair que la Salvia joue. De la même manière qu’un réalisateur joue avec le spectateur pour lui faire faire une expérience, même si à la fin ce dernier n’a pas forcément saisi tous les codes et les symboliques utilisés dans le film, qui sont souvent propres au réalisateur. Certains films demandent plusieurs visionnages pour être appréhendés selon les intentions du réalisateur. Et en fait aucun visionnage n’est la même expérience, selon comment on se sent, ce sur quoi on porte son attention, les liens que l’on va faire. Entre la première fois où on voit un film et la troisième ou quatrième fois, notre perception aura pu beaucoup évoluer et nous faire accéder à une autre lecture, une autre dimension du film.
Dans l’idée, la Salvia serait plus du Lynch ou du Aronofsky, le genre de propositions qui feront quitter la salle à la moitié des spectateurs avant la fin, qui seront une révélation pour certains et trop hermétiques, trop dérangeantes ou sans intérêt pour d’autres. Là où par exemple les champignons ou le LSD s’adressent à mon sens à un plus large public.
Après, l’intention même des plantes en tant qu’esprit nous reste mystérieuse et je ne me targue pas du tout de pouvoir la traduire. Je pense juste que leur “but” est de toute façon évolutif.
Comme dans beaucoup de pratiques chamaniques (ou même, soyons honnête, dans toute consommation festive de dope), le set & setting est quelque chose de primordial si on souhaite vivre au mieux l’expérience. Quel est le set & setting idéal de la Salvia ? Et comment ça se passe, le retour à la réalité de base ?
Là encore, dame Salvia aime se démarquer. Avec elle tout stimuli extérieur est rapidement très perturbant, surtout en redescente. De toute façon au plus fort des effets on est complètement déconnecté de la réalité de base. Donc pas de musique, silence maximal, obscurité complète. Un gardien qui récupère la pipe et qui veille sans interagir, qui n’intervient que si nécessaire comme par exemple en cas de panique. L’expérience est courte, donc dans l’absolu un “bad trip” n’aura pas le temps d’aller trop loin. Bon, je connais quand même quelqu’un qui a démoli sa chambre en se voyant tuer sa mère, mais c’était en ayant fumé un paquet entier d’extrait (si si). Je ne sais plus exactement à quel niveau de concentration.
Il y a d'autres aspects que j’évoque dans le bouquin mais ça reste plus personnel, donc je ne sais pas dans quelle mesure ça peut être utile pour d’autres. Mais je suis curieux des retours.
La redescente des effets est toujours un moment perturbant, on ne sait pas à quelle réalité se référer pendant quelques instants, on ne sait pas si les choses vont rester comme elles sont, mais on revient quand même vite et bien, avec même le petit effet neurostructurant de la Salvia qui est assez stimulant.
Les choses sont susceptibles de changer à mesure que l’on se familiarise avec la plante et que l’on appréhende l’expérience ; on réajuste, on teste, on se crée son rituel perso à défaut de tradition de référence.
Pour conclure cette première partie de l’interview, ce serait cool que tu nous parles de ta démarche d’avoir écrit un livre sur la Salvia (poussé au cul par moi, ouais, j’avoue). Avant de te laisser la parole, j’aimerais revenir sur un aspect de cette plante que tu évoques, à savoir : sa consommation ne peut véritablement s’inscrire ni dans la recherche d’un trip, ni dans une véritable quête spirituelle, et probablement encore moins dans un but thérapeutique (même si les explorations qu’elle nous amène à faire finissent fatalement par avoir un aspect de guérison, comme à peu près toute exploration de la conscience, cela dit, mais on y reviendra plus en détails). Et c’est justement ce qui la rend si fascinante et fait qu’elle mérite un ouvrage de vulgarisation comme le tien. Alors, dis-nous un peu. Toi, quel est ton but en publiant ce livre ? Qu’est-ce que tu espères avec lui ?
Pour moi ce n'est rien d’autre qu’une relation inter-espèces. Il n’y a pas de but personnel à atteindre. À mon sens le but est global, c’est en ce sens qu’il y a une forme de transcendance. Dans le réseau du Vivant, l’interconnexion entre toutes les formes de vie est un but en soi. C’est ce que font les plantes, naviguer et interagir à travers le réseau planétaire, elles font le lien entre toutes les espèces. Pour entrer dans une vraie relation avec le Vivant, il faut s’envisager soi-même comme un élément du réseau, par lequel circule de l’information. C’est dans l’interconnexion que se trouve la vraie spiritualité, la vraie guérison, qui à mon sens ne peut être que globale. Et ça se passe au niveau de l’ADN, l’expression fondamentale de la conscience.
Dans ce bouquin je parle de ma propre relation avec la Salvia mais elle ne fait que remplir une fonction dont je ne suis pas la finalité. Ce que j’en retire comme expérience personnelle n’est que le processus qui me conduit à en prendre conscience.
Ce qui m’intéresse en partageant mon expérience, c’est que d’autres partagent à leur tour la leur avec moi afin de pouvoir dégager ce qui est commun dans la relation de cette plante avec l’espèce humaine. Nos expériences personnelles n’ont pas d’importance en soi, elles ne sont qu’un prisme. C’est dans une perspective collective que l’on peut vraiment comprendre l’esprit d’une plante, qui est lui-même une entité collective.
J’ai écrit dans un but de recherche, une démarche de compréhension de la nature de la relation entre la Salvia et l’interface humaine, qui est bien particulière dans le monde des plantes maîtresses.
UN CHEMINEMENT PERSONNEL AVEC LA SALVIA DIVINORUM
A présent qu’on a fait le point sur toi et la Salvia de façon succincte, on va attaquer en profondeur le thème de ta relation personnelle avec cette plante. A ce niveau, ton livre est plutôt bien foutu puisqu’il relate dans l’ordre chronologique les étapes de ton alliance avec elle, depuis tes premiers pas dans son royaume jusqu’à votre amitié actuelle. De mon côté, je ne vais pas forcément respecter l’ordre chronologique de ce processus, mais y aller à la freestyle, comme à mon habitude. Bref, le premier truc que j’ai envie de mettre en lumière, c’est le côté Trickster de la Salvia. Tu la présentes toi-même comme une sorte de Gardien du Seuil (du moins dans ses premières manifestations) qui fait subir un examen d’entrée, sorte de froide et austère mise à l’épreuve qui te fait sentir que tu n’es pas spécialement le bienvenu, à ceux qui prétendent pénétrer son monde. Parle-nous de tes premières incursions dans son univers ainsi que de l’archétype du Trickster que la Salvia incarne si bien.
Je pense que la Salvia recherche des caractéristiques bien spécifiques de la psyché. Ses effets dissociatifs nous disent déjà quelque chose. Je sais qu’on y viendra.
Franchement pour s'y retrouver dans le genre d’expérience que fait vivre cette plante il faut déjà avoir un rapport assez particulier à la réalité, déjà quelque peu inconfortable. Il faut avoir perçu “l’inquiétante étrangeté” qui sous-tend ce qui nous apparaît comme normal et habituel. C’est là où pour moi le processus que fait traverser la Salvia est complètement lovecraftien. Le récit lovecraftien archétypal, c’est la recherche de compréhension d’un personnage, généralement versé dans quelque science, qui va être amené à explorer la dimension profondément dérangeante voire terrifiante de la réalité, non-appréhendable pour la conscience humaine, et qui va sombrer dans la folie, frappé de terreur existentielle. C’est l’aspect le plus connu des récits de Lovecraft. Mais certains de ses personnages vont transcender la folie pour accéder à autre chose.
Chez lui, l’humanité insignifiante s’agite sur son îlot d’ignorance dans un Univers habité par des entités incommensurables, manipulé par elles, voire engendré par elles. L’impact qu'a cette découverte sur la psyché traduit assez bien la stupéfaction qui frappe l’expérienceur de Salvia, surtout les premières fois. C’est le sol de la réalité tangible, stable et “rassurante” qui se dérobe sous nos pieds et ça change la perception à jamais, qu’on le veuille ou non.
Moi ce qui m'a marqué dès la première expérience, c'est l'évidence de ce que sont les choses. Comme si une partie de moi avait toujours su ce qui se tramait en arrière-plan. Bizarrement, c’est ce sentiment qui accompagnait mon hilarité, genre “tadaaaaaa !”
Comme si les trois visages qui m’observaient venaient de me faire une grosse blague et que je découvrais le pot-aux-roses. “Haha, elle est bien bonne”. À la limite on ne comprend même pas pourquoi on retourne se la faire faire encore.
L’archétype du Trickster, c’est le visage grimaçant de la réalité de notre condition, qui nous balance en pleine face l’absurdité de toute cette mascarade sur laquelle on essaye désespérément de plaquer du sens avec notre perception limitée. Je crois que c’est un archétype propre à l’inconscient collectif humain (je ne crois pas qu’il ait lieu d’être pour les animaux), que la Salvia utilise comme véhicule de son enseignement, là où d'autres plantes se présentent sous des atours plus accueillants. Elle ne cherche pas à se rendre engageante. C’est marrant parce que c’est exactement comme ça que Lovecraft écrivait, en dissuadant d’office ses lecteurs potentiels.
Il y a une idée qui revient souvent dans ton livre, et qui à vrai dire pourrait s’appliquer à pas mal de psychédéliques, mais qui semble encore davantage prégnant dans l’expérience de la Salvia : celle de “sortir de la matrice, d'ôter un casque de réalité virtuelle” pour enfin ouvrir les yeux sur le “vrai monde”. Si beaucoup de gens pensent avoir connu cette impression, il apparaît qu’avec la prise de Salvia, cela acquiert un éclat de vérité démultiplié (probablement multiplié par le nombre de mondes qu’elle ouvre !). J’aimerais t’entendre sur le sujet. Qu’est-ce que ça fait exactement, de quitter la matrice, et quelles interprétations tu poses dessus ?
J’ai l’impression que le monde de la Salvia est ce qu’il y a de plus éloigné des modes de perception habituels dans le corpus des expériences psychédéliques. Je ne suis pas non plus un expert en la matière, mais entre ce que j’ai expérimenté et ce que j’ai lu ou entendu, je dirais qu’il y a un continuum entre tous les types d’expériences que l’on peut faire avec différentes molécules. Je pense que la psilocybine, la DMT ou le LSD procurent des expériences que l’on peut relater en utilisant le même champ lexical des états modifiés de conscience, en termes d’impressions sensorielles, de ressentis.
Avec la Salvia on se rend compte qu’il n’est plus vraiment approprié. En ce qui me concerne c’est beaucoup plus difficile de décrire (et de se rappeler) une expérience de Salvia que de quoi que ce soit d’autre, à forte dose. Par ailleurs en rendre compte dans le bouquin a été assez compliqué et j’ai dû faire des choix, procéder par analogie et utiliser beaucoup de guillemets. Par exemple ça me semble improbable qu’un film en VR tente de restituer une expérience de Salvia comme Jan Kounen l’a fait pour l’Ayahuasca ; pourtant il y a bien un monde. Ce qui marque avec la Salvia, c’est à quel point on est dans quelque chose de totalement étranger, comme si elle n’était même pas vraiment faite pour les humains. C’est ça qui me fait utiliser la formulation “sortir de la matrice”.
Il y a quelque chose de très cru dans l’expérience, de très abrupt. Encore une fois Lovecraft vient à ma rescousse pour tenter de restituer ce que ça fait avec sa notion de “cosmicisme”. Ce vertige existentiel de faire face à quelque chose d’incommensurable qui peut déchirer notre réalité, la désintégrer, faire même qu’elle n’ait jamais été. J’ai d’ailleurs du mal à utiliser le terme “d’enthéogène” pour définir la Salvia. Ou alors les notions de “spirituel” ou de “divin” sont encore trop anthropocentristes.
En même temps, c’est, en termes d’impressions, les expériences les plus “concrètes” que j’aie pu faire. Ma sensation “d’aller quelque part”, de “changer de dimension”, d’avoir affaire à d’autres entités, est effectivement extrêmement “réelle”. On n’est plus vraiment dans un monde visionnaire qui se déploie là où on est. Quand je suis “là-bas”, c’est paradoxalement la réalité normale ; elle a juste été remplacée sans transition.
Selon tes propres termes, les entités qui peuplent le monde de la Salvia font fréquemment référence à notre réalité comme étant “la surface” ou encore “la grande surface”, avec tout ce que ce concept implique. Est-ce qu’elles considèrent le monde humain comme superficiel, ou bien pensent-elles que nous traitons le Vivant comme un produit de consommation ?
Quand on regarde la surface de l’eau depuis l’extérieur, on voit surtout ce qui s’y reflète. Ce reflet, c’est ce que nous percevons de la réalité. La Salvia fait plonger sous la surface et se rendre compte de toute la profondeur qu’il y a en dessous. Franchement, c’est plus ou moins une analogie.
Effectivement on dirait que quand on est une entité des profondeurs, la surface n’est que la projection d’images plus ou moins nettes et claires selon la distance à laquelle on se trouve. Je pense que perçue à travers l’interface humaine, la réalité est à la fois une parodie et un film d’horreur, dont le titre pourrait être “La Grande Surface.” C’est toujours cet aspect Trickster qui s’exprime et qui permet peut-être à ces entités de manier un cynisme très humain, avec des concepts propres à notre monde et en langue française s’il vous plaît.
Difficile de faire la distinction entre ma psyché, les entités et la Salvia pendant l’expérience, s’il y en a une à faire, mais il y a une ambiance d’aversion générale pour la condition humaine qui même moi me laisse dans un certain malaise.
Tu parles souvent des paliers que la Salvia t’a fait franchir les uns après les autres, sorte de processus d’initiation constitué de tests passant par différents niveaux de “jeu”, auxquels tu ne pouvais accéder qu’en comprenant certaines choses. Sans ça, la Salvia te faisait revivre encore et encore la même scène. Je dois dire que cette initiation me fascine, autant par sa forme que par ses enseignements sur la nature de la conscience. Je pense notamment à ces phrases que je trouve magnifiques : Il n’y a ni intérieur ni extérieur ; il y a seulement la conscience. Il y a seulement la conscience qui observe la conscience. Tu peux nous raconter rapidement les étapes que tu as traversées ? Celle de “la maison d’enfance”, “la ville”, et surtout les clés de fonctionnement que tu as acquises en cours de route ?
Encore une fois je ne sais pas dans quelle mesure ce processus m’est personnel, mais déjà il semblerait que se retrouver en enfance est un schème récurrent avec la Salvia. En me basant sur le paradigme qui place l’espace-temps “à l’intérieur” de la conscience, j'émets l’hypothèse que les chocs survenant dans l’enfance sont susceptibles de créer des brèches dans la psyché et que ces brèches sont des sortes de “portails”.
En ce qui me concerne il a fallu que je revive une scène familiale énigmatique jusqu'à réussir à m’en servir comme portail avant d’arriver dans cette “ville” où je me faisais assaillir par les habitants jusqu'à trouver encore comment en sortir. Dans le bouquin j’essaye d’analyser ces niveaux de réalité successifs mais ce qui importe dans l’absolu c’est qu’on est obligé de garder à l’esprit que toute réalité est une projection de la conscience, plus ou moins individuelle, plus ou moins collective, et que ce sont nos dispositions qui déterminent la nature de l’expérience. C’est le seul moyen de rester centré et de ne pas se laisser accaparer par ce qu’il se passe. Surtout quand on est pris dans une boucle.
On apprend à se connaître soi-même en tant que système de navigation et on se rend compte que c’est valable à chaque instant, quelle que soit la réalité qu’on est en train de vivre. On est en permanence dans une expérience psychédélique.
Fatalement, on en arrive à la notion “d’identité”, qui est selon moi le thème majeur de ton livre, et peut-être de l’enseignement de la Salvia tout court. Pour commencer, j’aimerais citer à mon tour cette réplique de Ghost in the Shell que tu as mise dans ton livre : Nous évoluons dans un environnement dynamique. Vouloir rester ce que tu es te limite. Je sais que cette citation est importante pour toi, car ton rapport à l’identité est très particulier. Alors vas-y, parle-nous en. Et raconte-nous comment la Salvia a travaillé sur cet aspect de toi.
Franchement, c’est le propos que j’appréhende le plus à évoquer comme ça, en interview, parce que tout le bouquin est déjà une tentative en soi de rendre concise la manière dont je l’envisage. La question de l'identité est notre plus grosse problématique en tant qu’expérience subjective de conscience de la conscience. On est piégés dans cette subjectivité qui nous persuade que l’on est un individu spécifique et unique. Et là la Salvia vient nous montrer à quel point on est loin du compte. Elle vient semer tellement de chaos et de confusion dans le rapport à l’identité qu’elle la rend complètement insignifiante.
Mais il y a quelque chose de libérateur là-dedans. On se rend compte qu’effectivement, “qui” on est n’est pas si important que ça. C’est même une forme d’aliénation, comme une addiction. Quand je vois à quel point à notre époque on revendique tellement telle ou telle identité (ou plutôt identification à la Persona, au sens jungien) que ça en devient un enjeu idéologique et politique, pour moi c’est symptomatique. Ça exprime que collectivement on est plus en train de s’enfermer davantage dans notre condition que de s’en émanciper. C’est l’inverse du processus d’individuation dont parlait Jung.
Et ouais, si vous ne connaissez pas, regardez Ghost in the Shell (l’anime japonais de 1995 ; la version américaine de 2017 trahit complètement le propos).
Dans ton livre, tu dis qu’un nouveau champ de connaissances et d’expériences est accessible à un niveau de conscience supérieur à travers la transcendance de la notion d’individualité. Selon toi, voilà la véritable nature du processus traversé avec la Salvia. Mais concrètement, transcender son individualité, à quel type d’expériences est-ce que ça donne accès ?
Je précise que je ne parle pas de “mort de l’ego”, qui est selon moi une formule très romantique si ce n’est un abus de langage utilisé un peu à tort et à travers.
Pour moi transcender la notion d’individualité, ou l’étendre, c’est surtout le seule issue à ma claustrophobie existentielle. Déjà dans la relation avec l’esprit des plantes il y a une forme de fusion qui s’opère, je parle même de symbiotisme, qui étend la psyché à une sphère plus vaste. On peut voir ça version matriochka. À mon sens ce qui circonscrit la psyché, ce ne sont que des filtres. En en enlevant une partie on l’étend à un champ plus collectif, à différents degrés.
Selon les pouvoirs spécifiques des plantes et nos affinités, en quelque sorte, on peut naviguer en dehors de la sphère humaine, interagir avec celle des animaux ou d’autres manifestations de la conscience à travers l’espace-temps. En soi naviguer dans le réseau du Vivant signifie ne plus être qu’un être humain. C’est ce que font les “chamans”, avec ou sans plantes.
En l'occurrence je crois que la Salvia a le pouvoir spécifique de donner accès à d'autres versions de “soi”, dans d'autres temporalités voire dans d’autres mondes. En ce qui me concerne c’est dans un monde complètement exogène qu’elle a fini par systématiquement me ramener, à travers l’expérience d’un autre “moi” qui en fait partie.
C’est donc le bon moment pour évoquer ton autre identité dans le monde de la Salvia. En effet, au stade où tu es parvenu désormais, la quasi-totalité de ton vécu sous Salvia se déroule dans une dimension où tu es quelqu’un d’autre : un alter non-humain, amnésique, schizophrène, pourvu d’une famille, qui sait même parler une autre langue ! Ce serait un plaisir que tu nous parles des êtres de ton monde de Salvia et de celui que tu es là-bas...
À ce stade je ne cherche plus à savoir si cet être est plus “moi” qu’autre chose ; ça n’a plus vraiment de sens, mais je crois qu’il existe bel et bien en dehors d’une projection de ma psyché. Ce qui n’a pas été si simple à accepter. Pour le présenter il s’agit d’une entité appartenant à une espèce pseudo-amphibienne, à tendance protéiforme. Il semble avoir une histoire qui lui est propre, mais dont je pense qu'elle est interconnectée à la mienne via une mémoire plus ou moins commune. C’est comme si chacun était l’alter de l’autre, dans sa strate d’espace-temps.
Il y a aussi le fait de faire l’expérience d’un autre corps. C’est un peu Avatar, mais en plus bordélique pour la conscience. Surtout qu’effectivement mon alter est en proie à une certaine confusion mentale. C’est comme si ma réalité présente était ses épisodes schizophrènes à lui, et qu’il en émergeait à chaque fois que je devenais lui dans le monde de la Salvia, entouré par des entités qui attendent son réveil.
Elles sont trois la plupart du temps, une féminine et deux masculines, qu’en étant cet alter je reconnais comme ma famille. Elles n’ont rien à voir avec des “guides” ou quelque chose dans le genre. Avec eux l’atmosphère est solennelle et sévère, et aussi empreinte d’une certaine tristesse. Je ne sais pas pourquoi quand je me réveille dans ce monde, je me sens désolé, voire accablé. C’est quelque chose que je continue d’explorer. Avec le temps j’ai malgré tout fini par éprouver une certaine exaltation à devenir cet être.
Dans le bouquin j’essaye de comprendre la nature de ce changement de réalité, ce qu’il veut dire déjà pour moi. Le fait d’écrire la dernière partie en diète de plante (en fait il y en aura eu deux au cours de la rédaction du livre), aura été vraiment intéressant pour la récapitulation de tout ce processus, de l’impact qu’il a eu sur ma psyché.
Un truc intéressant dans ton parcours avec la Salvia, c’est son évolution graduelle. Qu’il s’agisse des étapes par lesquelles tu es passé (ou qu’elle t’a fait passer), des conditions dans lesquelles tu l’as prise ou encore de ta manière de la consommer (je pense aux différences de concentration des feuilles en salvinorine A), on peut dire que l’éventail de ta pratique avec elle est foutrement large ! Et il se trouve que tu as aussi présenté cette plante à d’autres personnes, à l’époque où tu vivais dans un écolieu… Sans compter que tu as commencé à la consommer dans d’autres conditions, notamment en forêt, dans le but d’apprendre à garder conscience de la réalité de base lors d’un voyage. J’ai donc plusieurs questions : Qu’est-ce que ça t’a appris, de donner de la Salvia aux autres ? Et comment as-tu peaufiné la maîtrise psychique et corporelle de tes incursions dans son monde ?
Les deux premières années j’étais seul dans mon coin à explorer les effets de la Salvia sur la psyché, avec juste mon expérience de l’Ayahuasca pour m’aider à comprendre ce que je vivais. Quand on est tout seul avec ce genre d’expériences, on n’est jamais sûr de ne pas être parti dans son délire, surtout quand c’est aussi perturbant. Dans les débuts je n’ai même pas spécialement été fouiller internet pour voir ce que je pouvais trouver comme infos parce que chez moi ce n’est pas du tout un réflexe. En jetant un coup d’œil par la suite, je n’ai pas trouvé tant de témoignages que ça qui faisaient écho à ce que j’expérimentais, surtout que la plupart des gens qui publiaient n'avaient pris la Salvia au maximum qu’une poignée de fois. Après un certain nombre de sessions j’ai commencé à penser être en train de me révéler des troubles psychiques, ou de les déclencher. C’est le genre de truc qui peut arriver avec les psychédéliques quand on prend sans cadre.
Quand je suis parti vivre en écolieu et que mon entourage s’est intéressé à mes expériences, ça a été pour moi l'opportunité d’avoir des retours en directs. Le plus important pour moi était de commencer à comprendre ce qui était commun et récurrent dans l'effet de la plante sur la psyché ; ça a été assez prolifique, même s’il y avait peu de personnes vraiment réceptives. Par ailleurs j’ai pu observer que certains schèmes très récurrents ne s’étaient jamais produits pour moi. Ça a été très intéressant aussi de voir que mon accompagnement et mes conseils avaient des effets positifs sur la manière d’appréhender l’expérience. Et ce fut mes premières sessions avec un, voire des gardiens, à un moment où ça devenait assez nécessaire. Avec les premiers retours quant à mon comportement quand j’avais complètement déconnecté, comme par exemple avoir baragouiné un truc qui pouvait ressembler à une langue non-identifiée.
Plutôt que de maîtrise, je parlerais d’aisance dans la navigation. Le principe de base c’est de ne pas se laisser accaparer par la réalité qui se projette. Quand on porte son attention sur quelque chose, on densifie l’espace, alors plus on interagit avec (ne serait-ce qu’en le percevant), plus on est en quelque sorte pris dedans ; comme englué. Et plus l'espace est peuplé, plus c’est difficile de s’en “déconnecter”. C’est pour ça que même dans la réalité de base, max un gardien c’est mieux pour les sessions (et aussi d’où le set & setting silence/obscurité pour réduire tout ce qui peut y connecter). C’est un peu ça le didacticiel, pour ceux qui connaissent le jargon du jeu vidéo.
Pour moi ça a vraiment été un entraînement de ne pas me laisser accaparer par le moindre son, surtout. Et par la suite j’ai appris à l’utiliser pour modifier l’espace, le rendre malléable ; c’est grisant, même si je ne sais pas forcément ce que je fais.
Quant à mon corps dans le monde de la Salvia justement l’intérêt est de le densifier pour me le rendre “tangible”. Plus j’y arrive, plus je me sens “dedans” et plus cette réalité m’est “palpable”.
Il y a quelque chose que t’as tenté, et que moi, sérieux, aussi cramée de la cervelle que je suis, j’aurais pas osé : le mix de la Salvia avec de la kétamine, de la DMT et de l’Ayahuasca (pas les quatre en même temps, je vous rassure !). Plusieurs éléments intéressants ressortent de ces surprenantes expériences : le fait que la Salvia se serve de la kétamine comme d’un support de stabilité pour envoyer son plein potentiel, le fait que les entités de la DMT et celles de la Salvia ne soient pas franchement copines, et enfin l’interaction entre l’Ayahuasca et la Salvia qui se servent de ta psyché comme interface de communication... La Salvia est décidément incroyable ! Fais-nous un peu le point là-dessus : comment t’est venue cette idée de marier cette plante à d’autres psychotropes ? N’as-tu pas redouté son courroux ? Qu’est-ce que t’as tiré de ces expériences ?
L’idée n’est pas de moi ! Ça ne me serait jamais venu à l’esprit ; pour moi c’était le truc genre carrément profane dans le rapport aux plantes maîtresses. Par contre j’ai un ami très résistant aux molécules en général qui du coup teste toute sorte de mélanges pour trouver celui qui va l’envoyer dans les étoiles. C’est lui qui m’a fait découvrir la Salvia, et des années plus tard le mix avec la kétamine, quand j’étais installé sur son terrain au Pérou.
J’étais devenu, moi, très sensible à la Salvia qui était devenue limite trop intense même à faible dose et j’étais dans une phase de doutes quant à la finalité de tous ces “switch” d’identité qui me faisaient me sentir toujours plus étranger au monde. Mon ami m’a parlé de ce mix comme ayant des effets stabilisants et je me suis dit “faut que je voie ça avec la Salvia”.
Ça a été super probant et ça m’a permis d’accéder à une nouvelle phase. Franchement même la Salvia a kiffé. Du coup je me suis senti libre de voir ce que ça donnait avec d’autres molécules que je connaissais déjà un tant soit peu. Le mélange avec l’Ayahuasca (avec laquelle je traversais aussi une période compliquée) a été l’apogée et après deux fois je dois dire que je n’ai pas éprouvé le besoin de réitérer.
J’ai approché une frontière qui je crois ne peut être franchie qu’à la mort.
Toi et moi, on a souvent parlé de notre rapport global au Vivant, et c’est d’ailleurs l’un des points qui nous relient dans notre travail avec les plantes maîtresses. Alors que beaucoup de gens ne les considèrent que dans un but utilitaire, c’est-à-dire thérapeutique ou à visée “spirituelle”, nous, on les voit plutôt comme des êtres à part entière qui n’ont pas forcément pour fonction de nous aider dans nos quêtes plus ou moins égocentriques de guérison ou “d’élévation spirituelle” (je mets le terme “spirituel” entre guillemets car on va y revenir). Entre nous, on s’est souvent dit : Ouais, l'alliance avec les plantes, c’est comme l’amitié. Est-ce qu’on demande toujours à nos potes de nous aider, de nous sauver, de nous apporter quelque chose ? Nope. On se contente d’apprécier leur compagnie et d’échanger des idées, basta… Aussi, je pense qu’il serait intéressant qu’on revienne sur ça, qu’on redéfinisse ce qu’est véritablement l'alliance avec les plantes sacrées, leur “fonction” ainsi que la nôtre au cœur du Vivant, et enfin qu’on décortique ce terme de “spirituel” qui nous hérisse l’un comme l’autre, car son usage forcené de nos jours ne fait qu’appuyer la distinction erronée qu’on fait entre l’Homme et le monde…
Déjà il suffit de voir comment la notion de “spiritualité” est différente pour par exemple les Shipibo, que toi et moi on connaît un tant soit peu. En Occident c’est la surface projective de tous nos espoirs, nos désirs, de ce que l’on voudrait être et ce que l’on voudrait que le monde soit. C’est toujours la quête du paradis, l’attente d’un sauveur ou vouloir être soi-même un sauveur, quelle que soit la forme que ça prend.
Pour les Shipibo, c’est surtout apprendre à être vigilant et autonome, car les autres mondes sont une continuité du nôtre, ou plutôt du leur, la jungle, qui garantit leur survie mais qui est aussi inhospitalière. Je ne suis pas en train de dire que leur paradigme est le meilleur, mais qu’il rend leur rapport à la réalité indéniablement plus pragmatique. Ils n’ont pas le choix. Il suffit de voir ce que font les Occidentaux de l’Ayahuasca par rapport à ce qu’est la tradition. La relation des Shipibo aux plantes maîtresses est très technique et ils ont bien du mal à comprendre que les Gringos fassent des cérémonies pour partir en expérience “mystique”. Et je ne crois pas non plus qu’ils relationnent avec les “esprits” pour relationner. Eux guérissent, ou retirent du pouvoir, souvent les deux, un point c’est tout. Ils n’ont pas de vision romantique de la Nature.
Nous j’ai l’impression qu’on se situe un peu entre les deux. Il y a certains aspects de la “spiritualité” moderne dans lesquels je peux me retrouver, même si j’ai souvent bien du mal à supporter la manière dont c’est amené et le champ lexical qui l’entoure. De la même manière que j’ai beaucoup de mal avec le rapport des Shipibo aux animaux.
De toute façon l’être humain étant ce qu’il est (en tout cas l’espèce d’hominidés qui a colonisé le monde), il ne peut à mon sens y avoir de paradigme idéal. La réalité n’est pas idéale.
Plus haut j’ai déjà plus ou moins évoqué la manière dont je perçois la relation au Vivant. C’est un processus évolutif global dont j’ai l’impression qu’il est plus une tentative de la Nature qu’un dessein établi. J’y vois fondamentalement une compensation à l’entropie qui est à l’origine même de toutes les formes de vie. Ce processus n’a peut-être aucune finalité.
LES DIMENSIONS PSYCHIQUES, PHYSIQUES ET MÉTAPHYSIQUES DE LA SALVIA DIVINORUM
La réalité que nous connaissons est une expérience psychédélique à laquelle nous sommes habitués. L'expérience subjective d'avoir conscience d'une réalité est psychédélique en soi, dans le sens étymologique de ce qui "révèle la psyché". La conscience qui se révèle à elle-même, ça me semble être une bonne manière de définir l'existence même. Je crois que la subjectivité de la conscience qui à travers un filtrage de la perception interprété par les sens, procure l'expérience d'un "moi", peut être vécue bien différemment sans filtres, ou avec d'autres filtres correspondant à d'autres types de perception, d'autres modalités de la réalité. Et la transition d'un mode à l'autre, dans un système de vases communicants spatio-temporels, n'est qu'une question d'adaptation. Ou de ré-adaptation. Peut-être sommes-nous suradaptés à notre expérience de la réalité.
Cette citation est de toi. Elle met en exergue une idée qui me fascine, que j’ai découverte chez Nietzsche il y a des années, explorée de fond en comble avec l’Ayahuasca, et qu’on retrouve aussi chez Lovecraft (sans compter nombre de penseurs actuels que tu évoques toi-même largement). Pour commencer cette nouvelle partie de l’interview, ce serait génial que tu t’exprimes à ce sujet. Vas-y en freestyle, comme tu le sens.
J’ai juste envie de citer Philip K. Dick :
Je parle souvent dans mes romans et nouvelles de mondes contrefaits, de mondes à moitié réels, autant que de mondes personnels détraqués qu’habite généralement une seule personne, les autres restant dans leur monde à eux, ou bien étant progressivement happés dans l’un de ces mondes déréglés. C’est un thème que j’ai souvent abordé au cours de mes vingt-sept années d’écriture […] ; je pense à présent en comprendre l’origine. Ce que je sentais, c’était la pluralité des réalités partiellement actualisées et situées tangentiellement à ce qui, de toute évidence, est le réel le plus actualisé, celui que la majorité d’entre nous […] acceptons de voir comme tel […]
Les psychonautes de notre espèce se rejoignent tous sur un truc : l’expérience psychédélique est bien souvent 100 fois plus réelle que le réel ! C’est quelque chose que t’évoques dans ton livre, cette idée que pour la conscience, faire une expérience quelle qu’elle soit, c’est la réalité, même temporairement. Il semble que la conscience soit complètement disposée à accepter comme “réel” ce qu’elle expérimente, même si c’est carrément ouf ! Selon toi, qu’est-ce que cette propension de la conscience révèle à son sujet ?
J’aime bien en revenir aux rêves, parce que rêver en dit déjà beaucoup sur le rapport à la réalité. Et on verra vite ce que l’évolution de la VR dira aussi du rapport à la réalité.
On ne peut jamais parler de réalité en soi, juste de l’expérience qu’on en fait selon son état de conscience et son mode de perception. Pour moi c’est la “sensation” de réalité qui est plus intense sous psychédélique, parce que le mode de perception est élargi ; mais ça n’a pas vraiment de sens de dire que la réalité de l’état de veille est moins “réelle”. C’est juste que le prisme subjectif est insuffisant. Quand je parle de “matrice” pour faciliter les choses, ce n’est pas non plus pour dire que ce n’est pas la réalité (la question de “ce qui est réel” et “ce qui ne l’est pas” est selon moi une impasse sémantique). Par contre ce qu’on projette dedans individuellement et collectivement, nos constructions mentales, nos filtres, nos représentations, nos biais, là c’est autre chose.
Toute réalité est virtuelle et “temporaire”, avec plus ou moins d’amplitude selon le champ de conscience/perception. Et là en termes de modalités et de possibilités, je vois l’Univers comme une espèce de boîte de Pandore existentielle.
LA Réalité en tant que telle est intrinsèquement inaccessible à la conscience “individuelle” et éventuellement réside dans la somme des perceptions de toutes les formes de conscience existantes, pour tenter une approche conceptuelle.
Une autre idée fascinante qu’on trouve à plusieurs reprises dans ton ouvrage, c’est la question du Temps. Tu pourrais nous expliquer ta théorie de la “lentille-conscience” qui se déplace du présent dans une autre temporalité et permet parfois la reviviscence complète du “passé” ? Cette extension de la conscience du présent qui fait entrer dans son champ une temporalité plus vaste ?
C’est la métaphore du CD, qui contient des informations stockées en suite de trames qui sont lues par un faisceau laser projeté sur la surface du disque par une lentille. Donc en gros, le faisceau c’est la conscience projetée par la lentille du présent sur les trames de l’espace-temps. La lentille passe le long du CD-Univers qui tourne sur lui-même en lisant les trames.
Le passé est ce qui a été lu, le futur ce qui ne l’est pas encore ; c’est l’expérience de l’écoulement du temps. On peut relire une trame en faisant reculer la lentille, on peut sauter un segment en l’avançant, on peut changer de trame en la déplaçant latéralement. Dans l’idée.
Justement, cette possibilité de reviviscence du passé que semble offrir la Salvia (et d’autres plantes maîtresses comme l’Ayahuasca) ouvre peut-être vers une vertu thérapeutique de cette plante… Comme on l’a vu avec tes propres avancées au cœur du monde de la Salvia, le fait d’apprendre à manœuvrer sa conscience pour la détacher de ce qu’elle vit et la rendre observatrice d’elle-même est en soi déjà infiniment thérapeutique, mais là, on entre dans un autre domaine de la plante que j’ai envie d’appeler “quantique”, puisqu’il est carrément question d’un saut dans l’espace-temps qui permettrait de défaire des boucles ou de “guérir” les traumas du passé en les “réalignant”. Comme tu es très bien placé pour en parler, ce serait cool, si tu le sens, que tu racontes ton cas très personnel, qu’il s’agisse de ta quasi-noyade ou encore du quasi-meurtre de ta mère (ces situations “limites” m’apparaissent clairement comme révélatrices). De quelle manière la Salvia et son potentiel quantique t’ont aidé à ce niveau ?
L’aspect thérapeutique n’est vraiment pas un aspect que je me sens légitime à aborder parce qu’il est très délicat et peut entraîner sur de mauvaises pistes des personnes qui sont en recherche. En ce qui me concerne je parle plus d'un processus cathartique que thérapeutique. Sinon je pense qu’il faut se pencher sur la tradition mazatèque qui en a fait une toute autre utilisation que celle des Occidentaux (considérée comme sacrilège) ou sur les travaux de Daniel Siebert, qui est aussi pharmacologue.
Mais effectivement je pense qu’il est possible d’intervenir dans la trame de notre existence par des actions “rétrocausales”, c’est-à-dire le fait d’envoyer de l’information vers ce qui est le passé pour notre conscience “d’ici et maintenant”. Je ne voudrais pas reprendre à ma sauce les travaux de Philippe Guillemant ou Romuald Leterrier par exemple, donc je renvoie vers eux.
En tout cas je crois que les boucles vécues avec la Salvia sont des segments de trames d’espace-temps qui ont besoin d’être actualisés car une partie de la conscience y est piégée, potentiellement par un trauma. C’est comme ça que je pense avoir traversé les différentes phases, à partir de la boucle où je suis enfant, dont je pense qu’elle se situe dans une trame potentielle. Maintenant je suis projeté dans ce que je crois être les conséquences du trauma d’un “moi” exogène. Si j’avais le choix j’aimerais bien juste aller dans une trame où Guillermo Del Toro a réalisé Les Montagnes Hallucinées de Lovecraft.
Quand on parle traumas, on est forcé de parler de “fracture” de la conscience et de dissociation de la psyché. Dans les cas les plus graves (mais peut-être pas seulement, en fait…), il se produit même une sorte de “fragmentation” de la psyché en un ou plusieurs alters (que la majorité d’entre nous connaissent via le Trouble Dissociatif de l’Identité). Il s’agit d’une stratégie du subconscient pour contenir le trauma et, dans une certaine mesure, protéger l’identité de la victime. Aussi surprenant que ça paraisse de prime abord, c’est un truc que le chamanisme et le projet MK-Ultra maîtrisent tout à fait. Les bâtards du MK parce qu’ils savaient le provoquer afin de s’en servir dans des buts tout sauf bienveillants, les chamans parce qu’ils naviguent dans les strates de la psyché afin de la guérir. Ton cas est particulièrement intéressant, car d’une part tu considères que la Salvia n’est pas venue résoudre ton problème de dissociation mais au contraire l’exploiter. Et d’autre part parce que tu as appris à utiliser ta dissociation pour entrer dans la multidimensionnalité, en te faufilant dans la fracture de ta conscience comme portail interdimensionnel, sorte de point d’intersection spatio-temporel te permettant de travailler sur les lignes temporelles dont on parlait plus haut. Est-ce que tu penses que ce serait une piste thérapeutique pertinente à suivre ? Des trucs comme l’hypnose travaillent-ils déjà à ce niveau ?
Là encore, sujet extrêmement délicat, que je ne maîtrise pas et dont la manière dont je le vis et l’envisage n’engage que moi.
Je ne connais de tels états de dissociation que sous les effets de la Salvia, donc je ne les subis pas au quotidien et c’est important pour comprendre quel est mon rapport à ça. Par contre je suis très familier de certains symptômes de dissociation, comme la déréalisation.
La tendance à la dissociation dans l’enfance a toujours été exploitée à travers le chamanisme et l’ésotérisme, pour guérir ou pour du pouvoir, comme avec les rituels de possession. C’est la faculté à être investi par des “esprits” ou des “divinités” en obtenant leurs aptitudes. Même quand Jung parle d’inflation par un archétype, dont il dit qu'elle est une grande source d’énergie, c’est une forme de dissociation. L’hypnose qui fait faire et dire des choses qui nous sont inaccessibles à l’état ordinaire, c’est ce qu’elle exploite aussi.
Le fait que la dissociation soit une fonction d’auto-préservation de la conscience veut dire quelque chose. Il y a de toute évidence des ressources auxquelles elle permet d’accéder, mais je ne sais pas si elle peut en tant que telle aboutir à une forme de guérison. Je crois que dans mon cas c’est ce terrain psychique qui m’a prédisposé à pouvoir aller loin avec la Salvia, qui entre dans la catégorie des substances dissociatives, comme la kétamine. Je ne suis pas sûr que ce soit indiqué pour les personnes qui souffrent précisément de trouble dissociatif. Ni même probablement aucun psychédélique.
En accédant à l’inconscient qui est atemporel, l’hypnose est effectivement un outil puissant de navigation dans le “passé” afin d’actualiser ce qui y est enfoui. Et je crois que la Salvia permet d’appréhender la dimension probabiliste de l’espace-temps en faisant naviguer non pas dans le passé que l’on a vécu, mais spécifiquement dans les trames potentielles.
Pour terminer sur le thème des dimensions, j’aimerais que tu racontes un peu aux personnes qui ne connaissent absolument pas la Salvia comment se présente la réalité de ce monde-là. J’ai été saisie par tes descriptions de l’imbrication des différentes dimensions façon bibliothèque d’Interstellar, des tunnels de réalité, et enfin de la façon dont on ne se déplace pas dans ces tunnels, mais dont on se “densifie” d’un espace à l’autre… Allez, fais-nous rêver !
C’est hyper compliqué de tenter des descriptions. Tout ça se passe complètement en dehors du mode de perception habituel et dès que l’on cherche à interpréter on ne peut le faire qu'avec celui-ci, surtout que la mémoire consciente est impropre à restituer l’expérience dans son entièreté. Du coup il faut toujours garder à l’esprit que l’on reste dans l’analogie. Moi je me suis relativement limité dans cet aspect justement pour ne pas faire confondre au lecteur l’analogie et l’expérience en soi. Souvent par facilité je fais référence au cinéma qui on dirait cherche parfois vraiment, consciemment ou inconsciemment, à retranscrire ce type d’expérience, mais le plus important n’est pas tant ce que l’on perçoit que comment on perçoit. Ce que le langage, conditionné par la tridimensionnalité et le temps linéaire, est impropre à traduire.
En tout cas j’ai essayé de comprendre certaines “règles” qui ont cours dans ce type d’espaces et qui sont éventuellement plus proches de celles des rêves. Mais là où dans les rêves on peut encore se faire croire qu’il y a par exemple des objets solides et de la gravité, avec la Salvia ça ne tient plus du tout.
J’ai repris l’expression “tunnel de réalité” au sens le plus littéral parce que c’est vraiment comme ça que je fais la transition d’un monde à un autre, par un changement de mode de perception. Il y a un effet “tunnel” entre deux modes, comme si la conscience s’étirait en longueur avant de se recondenser “dans” un nouvel espace. Pour moi c’est accompagné de la sensation de se décoller et de se recoller comme un morceau de scotch. Et l’immersion dans le monde de la Salvia est assez proche de la sensation d’être dans du liquide.
Pour moi le plus intéressant c’est qu’il semble y avoir un comportement de la “matière”. C’est-à-dire que je peux interagir avec l’espace et le voir se modifier en fonction. Il y a une certaine densité, qui donne un aspect presque tangible à l’environnement ; ce ne sont pas juste des visions éthérées. L’espace a une certaine texture et une architecture, même si encore une fois il ne faut pas la penser en trois dimensions. Quand je suis “là-bas” je manipule spontanément cette “matière” et en modifie la structure. À vrai dire je n’ai aucune idée de ce que je fais mais cela semble très naturel pour mon alter.
C’est vraiment tout un panel d’impressions et de sensations (dont d’autres que j’ai renoncé à essayer d’évoquer) que j’ai complétement découvert avec la Salvia, encore bien différentes de celles que me procure l’Ayahuasca par exemple, et que le fait de retrouver à chaque fois rend familières et que je me suis approprié pour naviguer.
Toi et moi, on a souvent causé de mettre en place une sorte de protocole expérimental autour des plantes. Perdus au fond de la jungle dans un labo végétal où il ne serait absolument pas question de thérapie ou de “quête spirituelle”, quelques passionnés dans notre genre seraient réunis pour de longs mois d’exploration psychique et métaphysique en compagnie des plantes, tout en rapportant leurs expériences individuelles et collectives avec la rigueur des plus purs procédés scientifiques. Il y avait cette idée qui revenait souvent, due à certaines histoires lues ou entendues, telle celle que conte Romuald Leterrier qui a croisé un autre participant d’une cérémonie d’Ayahuasca en plein cœur de ses visions (et l’autre l’a vu aussi !), celle de notre ami commun qui connaît un chaman capable de transporter toute la maloca et ses membres sur une autre planète et de les y faire se rencontrer, ou encore celle que tu racontes toi-même dans ton livre… Ma question est : Quel type de protocole scientifique tu envisagerais avec la Salvia, et quel serait son but ?
Moi je vois cinq personnes enfermées dans un sous-sol, qu’on exploite en les mettant sous Salvia contre leur gré. Mon bouquin offert à la première personne qui a la ref.
Sinon, n'étant pas scientifique, ce n’est pas vraiment sous cet angle-là que j’imaginerais un projet du genre. Bon déjà ça ne se ferait pas en France parce que ça serait illégal.
L’idée ne serait pas de fixer un but dès le départ, mais plutôt déjà de regrouper les expériences pour arriver à voir, comme je l’évoquais, ce qui ressort de commun. Pour les reviviscences de l'enfance par exemple, ça serait intéressant de voir qui en a et qui n’en a pas ; qui vit des boucles et qui n’en vit pas ; qui devient un objet et qui n’en devient pas ; qui “switch” en une autre identité et qui perd juste la sienne, qui retourne dans un monde spécifique… Ce genre de choses.
C’est aussi intéressant de voir les effets qui concernent la conscience humaine en général que de voir ce qui est spécifique à la psyché d’une personne. Mes questionnements sont basés sur ce que je connais comme type d’expérience, pour l’avoir vécu ou pour en avoir eu des retours, mais je serais très intéressé d’en découvrir que je ne connais pas.
Tenter des expériences partagées pourraient être l’évolution d’un tel projet ; ça demanderait juste que chaque expérienceur soit déjà bien familiarisé avec la plante. Ça serait carrément passionnant de chercher comment mettre en place un set & setting propre à de telles expériences. Pour en avoir vécu une accidentellement (disons une et demi), je me dis que ça ne doit pas être si inaccessible.
Pour conclure notre rencontre, et puisque notre amitié a démarré avec l’Ayahuasca, je pense qu’il serait de bon ton qu’on leur fasse honneur, aux plantes. J’aime particulièrement tes idées au sujet de la nature de la relation entre la conscience végétale et les autres formes de vie. L’exploration du Vivant et le fait d’apprendre à entrer en relation avec lui (on parle au niveau animal et végétal principalement, car ce sont les domaines que tu connais bien) est pour toi capital, et je sais que lorsque tu parles d’intelligence végétale, tu ne le fais pas à la légère. Je te laisse donc le micro pour t’exprimer comme bon te semble sur ce thème, et peut-être, si le cœur t’en dit, envoyer un message au monde que nos potes les plantes apprécieront…
Je crois que c’est important de sacraliser la relation aux plantes, comme toutes les relations, avec humilité mais dans un rapport d’égal à égal, de forme de vie à forme de vie. C’est effectivement souvent soit de l’utilitarisme pur et simple, soit une forme de soumission à une autorité. On aura facilement tendance à en faire des êtres “supérieurs” en tombant dans une fascination qui est encore une forme de déification ; c’est plus ou moins la tendance, en voulant s’en remettre à quelque chose de plus vaste ; la compensation à notre finitude. Une petite vision chatoyante et nous voilà “missionnés”, prêts à convaincre le monde qu’on a vu la vérité, quand d’autres vont y voir les manipulations de l’astral.
Mais tout ça n’est que l'interface de notre conscience collective à travers laquelle interagissent avec nous tout un tas d’êtres selon leurs propres natures. Il n’y a pas de supériorité ou d’infériorité, il n’y a que des modalités d’existence. Tout ce bordel dimensionnel organisé n’est que l’Univers qui tend à se complexifier et à se stabiliser pour compenser l’entropie, que chaque forme de vie a pour fonction de contenir.
Nous ne sommes pas spéciaux. Nous sommes une possibilité.
Tout ce que nous pouvons projeter comme représentations n’est qu’un filtre qui brouille plus ou moins la communication entre les plantes et notre espèce. Elle n'ont pas besoin qu’on en fasse des caisses. Si je dois avoir un message, en gros voilà.
Wop, une dernière chose ! Est-ce que t’aurais deux ou trois bouquins à conseiller à ceux qui aimeraient explorer plus en profondeur les thèmes abordés dans cette interview ?
Démons et Merveilles, de H.P. Lovecraft
L’Exégèse, de Philip K. Dick
Pourquoi le matérialisme est absurde, de Bernardo Kastrup
L’ABIME PLONGE AUSSI SON REGARD EN TOI : UNE EXPLORATION DU MONDE DE LA SALVIA DIVINORUM
Yan Darcy n'est pas spécialiste en thérapies psychédéliques ni de quelque formation scientifique, mais il est un explorateur authentique des états modifiés de conscience, avec ou sans plantes. Il a ainsi passé presque deux ans en Amazonie péruvienne où il s’est immergé dans la tradition des natifs Shipibo.
« J’avais compris avoir affaire à tout autre chose que ce que j’avais connu jusque-là. Pourtant l’impression d’une étrange familiarité était évidente alors que j’avais oublié de quelle réalité je venais. »
Ce livre parle d’une relation inter-espèces, entre l’auteur et une plante, connue pour ses propriétés hautement psychoactives. Mais la Salvia Divinorum reste finalement très méconnue, comparativement à d’autres enthéogènes. L’intensité et l’étrangeté de l’expérience qu’elle procure sont dissuasives, alors que sa consommation n’est devenue illégale que depuis quelques années. C’est parce que l’auteur, loin de faire l’apologie de son utilisation, est passionné par le sujet de la conscience qu’il cherche à comprendre la nature des effets très particuliers de cette plante, et par là même, la nature de la réalité.
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Decriminalize Nature débarque en France et devient DNF !
Parfois, il est nécessaire que quelques têtes brûlées foutrement déterminées se bougent le fion ensemble pour débloquer les clés et les armes retenues en otages par un système économique et politique complètement déconnant, afin de rendre aux êtres humains le pouvoir qu’ils sont censés détenir naturellement sur eux-mêmes… Ces clés et ces armes constituent des besoins légitimes, mais surtout des putains de droits. Tel le droit inaliénable de l’être humain à pouvoir disposer de lui-même et des contenus de la conscience, par les moyens naturels mis à sa disposition…
La Nature. L’Être Humain. La Conscience.
Êtes-vous certain que ces trois entités méritent d’être séparées ?
Regardez le monde autour de vous. Observez comment tout est divisé. La difficulté croissante des relations humaines. Les lois de plus en plus coercitives. Notre santé, notre bonheur et notre liberté abandonnés aux mains d’un système malade, dont la seule visée est économique.
Et la Nature, perçue comme étrangère, ce qui nous pousse à la craindre et à la détruire, en oubliant qu’elle est le reflet extérieur de ce que nous sommes à l’intérieur.
Comment vous sentez-vous dans ce monde-là ? N’avez-vous pas la sensation qu’il vous manque une partie essentielle de vous-même ?
Depuis l’aube des temps, l’Être Humain et la Nature savent communiquer et s’entraider grâce à des ressources telles que les plantes et les champignons enthéogènes.
Ces outils leur permettent de se rencontrer dans la Conscience.
Les substances enthéogènes ont été diabolisées, stigmatisées, injustement jugées comme “drogues”, sans nuances ni réflexion.
Leur potentiel est précisément l’inverse : libérer l’Homme en le reliant au monde, en lui offrant la maîtrise de sa santé, de sa vie, et surtout de son bonheur.
Dans un pays comme la France qui réfute encore le droit inaliénable de l’Être Humain à disposer de lui-même en tant qu’être de la Nature, libre d'interagir avec elle afin d’explorer la Conscience, une Association apparait. Elle se lève et s’engage à rétablir la connexion perdue avec le Vivant.
S’appuyant sur la recherche scientifique internationale et la connaissance des peuples indigènes, gardiens des traditions liées aux plantes enthéogènes, la mission de cette Association consiste à ressusciter et honorer la dimension sacrée d’une Nature rendue interdite car soi-disant criminelle, afin de redonner à l’Être Humain son droit à la santé et à l’épanouissement individuel et collectif.
Le nom de cette Association, c’est DECRIMINALIZE NATURE FRANCE.
La Nature n’est pas un crime. Il est temps de restaurer nos racines.
MES RAISONS PERSONNELLES DE M’ENGAGER DANS DECRIMINALIZE NATURE FRANCE
C’est pas mon genre de m’associer à d’autres personnes, et encore moins de faire partie d’un “mouvement”. D’une manière générale, je crois très peu à la lutte collective, car je considère le monde comme un simple reflet des êtres humains qui le créent. Le niveau de conscience collectif s’apparente au niveau de conscience individuel. Si le monde est merdique et au ras des pâquerettes, ça signifie donc que l’être humain moyen casse pas trois pattes à un canard niveau transcendance, et qu’on est loin d’avoir atteint cette fameuse masse critique qui permettrait de sérieusement faire switcher le bordel.
Cependant, si je reste convaincue que seule l’élévation individuelle engendrera une élévation collective, comme répercussion mécanique, disons, le macrocosme s’alignant automatiquement au microcosme de chacun, reste que certaines initiatives communautaires peuvent justement permettre à l’individu de travailler davantage sur lui-même, ce qui, à terme, devrait enfin faire changer les choses.
Et parfois, il est nécessaire que quelques têtes brûlées foutrement déterminées se bougent le fion ensemble pour débloquer les clés et les armes retenues en otages par un système économique et politique complètement déconnant, afin de rendre aux êtres humains le pouvoir qu’ils sont censés détenir naturellement sur eux-mêmes…
En réalité, ces clés et ces armes dont je cause constituent des besoins légitimes, mais surtout des putains de droits. Tel le droit inaliénable de l’être humain à pouvoir disposer de lui-même et des contenus de la conscience, par les moyens naturels mis à sa disposition.
Quand on parle des contenus de la conscience, on peut vite s’égarer dans des grandes phrases qui n’auront de lumineuse que l’apparence. Et vu que j’aime que les choses soient dites clairement, je vais vous la faire courte : c’est dans et au travers de la conscience que réside la liberté de l’être humain.
La conscience est l’unique moyen dont l’Homme dispose pour se connaître lui-même et connaître le monde. Et c’est grâce à cette connaissance qu’il pourra commencer à se guérir, individuellement et collectivement, et donc à savoir prendre soin de la Terre qui le porte et de tout ce qui vit à sa surface (Hommes, animaux, plantes) à la même échelle : celle du Vivant.
L’Homme est Nature. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de différence.
Cette réunification est l’unique voie vers l’épanouissement individuel et collectif, et vers l’harmonie.
Or, en France, putain de royaume des dinosaures, certaines parties du Vivant telles que l’Ayahuasca, l’Iboga, les cactus à mescaline et les champignons magiques sont interdites. Y accéder est illégal. Passer au-dessus de la loi est jugé comme un crime. Et je pense que je vous apprends rien en disant que quand on commet un crime, y a de fortes chances que les choses finissent plutôt mal derrière.
Je partirai pas dans un brûlot à la Terrence McKenna ici. L’idée n’est pas de pointer du doigt un quelconque complot anti-transcendance. Partons simplement du fait qu’il y a eu erreur dans le classement de certaines substances naturelles (des détails sur le truc plus loin dans cet article), et qu’il est plus que temps de rectifier le tir et réparer cette confusion...
Vous savez tous à quel point je crois en la medicina qui est la mienne : l’Ayahuasca et les Plantes Maîtresses. A quel point je la défends bec et ongles et corps et âme. A quel point c’est important pour moi de révéler la beauté et la puissance de ces plantes enseignantes, et de prouver que les indigènes qui les emploient sont loin d’être des péquenauds scotchés à des croyances obsolètes folkloriques.
Voilà pourquoi, personnellement, j’ai choisi de m’engager dans DECRIMINALIZE NATURE FRANCE.
LA MISSION DE DECRIMINALIZE NATURE FRANCE
DECRIMINALIZE NATURE FRANCE (DNF pour les intimes) est la toute nouvelle branche française de DECRIMINALIZE NATURE fondée en 2018 aux États-Unis.
Suivant les principes fondateurs de DN, l’Association DNF a pour objet de sensibiliser les réfractaires et les convaincus aux particularités des substances psychédéliques et enthéogènes naturelles.
DNF poursuit plusieurs objectifs :
Revendiquer le droit de se soigner avec le trésor qui est à nos pieds, les plantes médecine, trésor gratuit qui appartient à tous pour le bien commun, pourvu que ces plantes ne remplissent pas les critères de définition de ce qu’est un “stupéfiant” (addiction, dangerosité, inutilité).
Demander, en l’argumentant sur la base des données de la recherche scientifique, le droit d’utiliser de façon responsable les substances psychédéliques et enthéogènes provenant de la Nature, par la légalisation populaire de l’utilisation des plantes enseignantes, telle que pratiquée pendant des millénaires, au titre de la liberté que devrait avoir chacun d’explorer et d’utiliser les contenus et processus de sa conscience comme il le veut, tant qu’il ne nuit à personne ; mais aussi au nom de la liberté de culte, du droit pour chacun de définir et d’utiliser le sacrement qui lui convient le mieux.
Appendre à connaître et respecter l’intelligence et le savoir-faire des cultures ancestrales avec leurs rites et traditions, cultures qui, elles, n'ont jamais perdu leur lien avec le Vivant, et qui sont aujourd'hui nos derniers guides fiables et nos médiateurs avec les plantes, pour ne pas sombrer dans une approche uniquement biomédicale, mécaniciste et sans âme, se restreignant à une compréhension uniquement chimique des plantes, les dépouillant de leur pleine efficacité et des guérisons holistiques qu’elles permettent. Il s’agit de préserver ce savoir plurimillénaire et ces pratiques des dérives actuelles irrespectueuses et dangereuses qu’elles connaissent, afin de prendre soin à la fois des individus et du Vivant.
Insister sur les propriétés spirituelles (enthéogéniques) de l’expérience des plantes et champignons et de leur rôle dans l’évolution de la conscience humaine, mais aussi dans l’apparition des branches mystiques des religions, des initiations aux Mystères, et des spiritualités orientales.
Amener à reconnaitre et s’inspirer de l’intelligence de la Nature, qui peut nous enseigner et nous soigner, soit par observation (ex. par le biomimétisme), soit par un échange conscient entre elle et nous (communication inter-espèces), nous rendant ainsi nous-mêmes plus intelligents ; en fait, il s’agit de restaurer notre capacité de communiquer avec l’intelligence de la Nature afin d’améliorer la sagesse, la santé, le bonheur et le bien-être humain.
Militer pour une remise à jour de la réglementation des substances psychédéliques et enthéogènes qui tienne compte de leur différence d’avec la définition actuelle des stupéfiants en France.
Promouvoir la décriminalisation de l'utilisation des psychédéliques et enthéogènes à travers des organisations politiques et communautaires, de l’éducation et du plaidoyer.
Diffuser la connaissance et proposer une autre vision de la société, dans laquelle les individus et communautés sont reconnectés à la Nature par le biais de l’utilisation ancestrale des plantes.
Faire prendre conscience que tout est relié, que notre connexion à la Nature peut être grandement enrichie et que notre collaboration avec elle peut être plus consciente et plus profonde, grâce aux cadeaux qu’elle nous offre, grâce à ces messagers chimiques psychédéliques qu’elle a su créer pour pouvoir communiquer avec nous.
Promouvoir un changement de paradigme, appelé “modèle post-matérialiste”, parce que celui-ci s’avère mieux à même d’expliquer le rôle central de la Conscience dans l’action des enthéogènes.
Restaurer le droit inaltérable à l'exploration de la Conscience et de l’intelligence de et dans la Nature, à des fins de soins et d’épanouissement humain individuel et collectif, comme cela a été fait depuis des millénaires et existent encore chez certains peuples. L'angle d'approche majeur est légal / de lobbying citoyen et politique, au sens où la mesure de l'efficacité de l'action sera le changement de la législation, la dépénalisation effective à des fins traditionnelles, spirituelles, etc…
Éditer et publier tout ouvrage ou publication, sur tout support, payant ou non, conforme à l’objet social de DNF.
Salarier ou rémunérer des intervenants, accompagnateurs, prestataires, dans le cadre de ses activités.
Organiser des événements culturels (conférences, excursions) et des interventions pédagogiques, payants ou non.
Pratiquer la médiation, qu’elle soit culturelle, juridique ou scientifique. Organiser toutes autres activités annexes ou connexes permettant de développer l’activité de l’Association dans le respect des lois et en accord avec l’objet de l’Association.
En résumé, les objectifs de DNF sont d’enseigner, de renseigner, de faire profiter le plus de monde du trésor naturel qui est à nos pieds, mal connu, méprisé, objet de projections de peurs et de malentendus. De préserver et de diffuser le savoir ancestral et/ou spirituel qui encadre l’usage respectueux intelligent et sécurisé de ces produits du Vivant. De soutenir le droit à chacun d’explorer et d’utiliser tant les processus que les contenus de sa Conscience, grâce à ces cadeaux de la Nature, pourvu qu’il ne se mette ni lui ni les autres en danger.
La mission de DNF est donc de sensibiliser un large public en France à l'importance des substances psychédéliques et enthéogènes, en mettant en lumière leur dimension éducative, curative et spirituelle dans un contexte de respect, aussi bien envers ces substances qu'envers les personnes qui les utilisent.
L’idée majeure est de permettre à chacun de comprendre le rôle potentiel des enthéogènes dans les futurs changements économiques, énergétiques et environnementaux mondiaux.
Ainsi, DNF vise à accompagner tous ceux qui sentent que le matérialisme capitaliste n'a plus de sens, à se réapproprier l'histoire de l'usage des plantes sacrées ; mais aussi d’aider la Nature à reprendre sa place vis à vis de nos politiques...
LES FONDATEURS DE DECRIMINALIZE NATURE FRANCE
OLIVIER CHAMBON
Olivier Chambon est psychiatre, psychothérapeute, ancien chef de clinique des universités, ancien psychiatre des hôpitaux. Il est l'auteur de nombreux ouvrages de référence sur les psychédéliques et enthéogènes, ainsi que sur le chamanisme et la psychothérapie.
BALTHAZAR BENADON
Fondateur de la chaîne YouTube La Gazette de l’Abîme, artiste et intégrateur d’expériences psychédéliques, Balthazar Benadon travaille depuis 2019 à la production d’un contenu informatif et culturel visant à mieux faire connaître au plus grand nombre la question du psychonautisme et de l’exploration de la conscience.
LOIC TERINISIEN
Loïc Ternisien, scientifique de formation, s'est reconverti comme naturopathe au Canada. Il consulte au sein de son cabinet et en téléconsultation en France et au Québec. Créateur de la Naturopathie Quantique®, il est également fondateur du centre de formation Navae, conférencier, auteur à succès et créateur de divers supports d'apprentissage.
MARIE-ODILE RIFFARD
Marie-Odile Riffard est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle pratique une approche intégrative et éclectique, en évolution permanente.
STEPHAN SCHILLINGER
Stephan Schillinger est artiste-auteur, conférencier, enseignant. Ancien gestionnaire de fortune, sa vie bascule après la rencontre de l'Ayahuasca. A l'origine de plusieurs ouvrages de référence sur le sujet, il se passionne pour la dimension spirituelle et enthéogène des psychédéliques et leur rôle dans l'histoire de l'humanité.
GUILLAUME DUPONT
Touché par la maladie à 17 ans et condamné par la médecine, Guillaume Dupont part seul en quête de réponses. Découvrant les psychédéliques à 19 ans, il boit l'Ayahuasca pour la première fois un an plus tard. Cette expérience changera le cours de sa vie, et l'amènera à partir au Pérou. Il est aujourd'hui créateur de contenu axé sur la spiritualité et la santé.
LUDOVIC MATTERN
Entrepreneur et formateur dans le digital, Ludovic Mattern fait la rencontre en 2019 d'un requin qui va complètement changer son rapport au Vivant. Depuis, il s'engage pour la protection du Vivant et le rétablissement d'un lien avec la Nature et la spiritualité, à titre personnel comme dans son activité pro.
BAPTISTE FRANCOIS
D'un profil entrepreneur, Baptiste François a été créateur d'une malterie, puis de sa distillerie, avant de créer un centre de formation. L'envie de transmettre et partager ses passions l'a toujours animé, que ce soit pour une visite de son entreprise, une leçon de comptabilité ou pour un moment autour de la table. Un conteur de gouttes, un germinateur d’esprits, un dompteur de rêves.
ZOË HABABOU
Moi, Zoë Hababou, je suis écrivain-voyageuse. Je passe la moitié de ma vie en Amérique latine. Licenciée de philosophie et fascinée par le phénomène de la Conscience, c’est au Pérou que j’ai trouvé ma voie à l’âge 20 ans, lors de ma rencontre avec l’Ayahuasca. Depuis, je suis engagée dans la pratique, le partage et la défense de la medicina amazonienne dans son contexte traditionnel, et j’ai publié une série de fiction littéraire sur le sujet.
FOCUS SUR LA QUESTION DE LA DIFFÉRENCE ENTRE “STUPÉFIANTS” ET “PSYCHÉDÉLIQUES / ENTHÉOGENES”
Depuis 1970, les USA ont classifié les substances psychédéliques dans la catégorie des produits qui seraient : inutiles, dangereux, addictifs, et qu’il faut interdire pour le bien de la société.
Côté français, le 7 janvier 2022, le Conseil constitutionnel a précisé ainsi les critères de définition d'un produit “stupéfiant” : substance psychotrope qui se caractérise par deux critères cumulatifs : un “risque de dépendance" et des “effets nocifs pour la santé”. Et il classe bien sûr automatiquement les psychédéliques dedans, sans vraiment porter attention à la réalité des faits.
De plus, en appelant les psychédéliques des “hallucinogènes”, on implique de facto que les phénomènes visionnaires, spirituels et mystiques qu’ils peuvent créer sont inutiles et pathologiques, et donc à proscrire.
Si les psychédéliques et enthéogènes répondaient à cette définition, il serait bien évidemment irresponsable d’en prendre ! Mais est-ce que c’est bien le cas ?
Voici les 5 Good News établies par les faits, par suite de la recherche clinique scientifique moderne :
Les psychédéliques ne sont pas inutiles, mais traitent au contraire avec une grande efficacité de nombreuses pathologies mentales et physiques. A vrai dire, ils sont même capables de traiter des pathologies résistantes aux traitements classiques.
Les psychédéliques ne sont pas dangereux lorsqu’ils sont pris dans un cadre sécurisé et qu’ils sont bien accompagnés lors de leur prise, en respectant les consignes désormais bien connues pour créer un bon set & setting. Ils ne sont pas toxiques physiologiquement, il n’y a pas d’overdose mortelle, ils sont même aussi sûrs, voire même moins dangereux, que les médicaments classiques légaux (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques). Et bien sûr ils causent bien moins de troubles que les drogues légales (alcool, tabac…).
Les phénomènes visionnaires, spirituels et mystiques que créent les psychédéliques et enthéogènes ont une influence positive sur l’intensité et la durée des effets thérapeutiques et sont donc à prescrire.
Ces substances ne sont pas addictives, mais aident au contraire à guérir des addictions aux drogues comme l’alcool, le tabac, les opiacés, la cocaïne, les amphétamines. Elles ne créent pas de dépendance physique, ni de syndrome de sevrage, ni de besoin impulsif irrépressible de consommer.
Interdire les psychédéliques ne rend pas service à la société, car leur illégalité les rend d’usage moins éduqué, moins efficace (maladie, développement personnel ou spirituel) et moins sécurisé. En gros, ils ne sont pas interdits car dangereux, mais dangereux car interdits (impurs, de dosage inconnu, liés à mafia, etc…). De plus, leur utilisation augmente la conscience sociale et écologique, avec plus de respect et de connexion aux autres et à la Nature. Ils ont même un effet favorable sur la santé publique (comportements suicidaires l’année précédente, risque de dépendance aux opiacés inférieur à la moyenne, probabilité réduite de comportements délictueux et de récidive criminelle). Ceci est démontré par des statistiques issues des services d’urgence, ou encore par l’étude épidémiologique de la population générale. Ils sont donc bons pour la société !
Conclusion : Les substances psychédéliques et enthéogènes ne sont pas des stupéfiants et ne devraient pas être interdites.
DERNIÈRES RÉFLEXIONS PERSONNELLES…
En Amazonie et au cours de mes voyages en Amérique latine, j'ai rencontré tellement personnes que les plantes ont profondément aidées que pour moi, continuer d'en interdire l'accès en France, c'est là qu'il est, le putain de crime.
C'est Einstein qui disait que pour trouver la solution à un problème qui semble inextricable, il faut obligatoirement changer de niveau de réflexion, s'extraire du paradigme dans lequel le problème a été créé.
Attendez, voici les citations exactes :
"Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu'il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau".
"Vous ne pouvez pas résoudre vos problèmes en utilisant la même façon de penser qui vous a mis dans ce problème en premier lieu".
Selon moi, on est en plein dedans.
Des souffrances mentales ne peuvent être soulagées avec davantage de mental. Tous ceux qu'ont essayé, ils ont eu des problèmes !
Pareil en ce qui concerne les maladies physiques qui se répètent. Au bout d'un moment, il faut comprendre que la racine qui fait que les maladies émergent se trouve à un autre niveau que le simple corps physique.
Et ça, c'est sans parler des addictions, des dépendances, des dépressions, et des traumatismes que les psychothérapies purement vocales ne règlent absolument pas.
J'ai rencontré beaucoup, beaucoup de personnes dépressives, violées, alcooliques, en perte totale de sens, qui ont été véritablement aidées, si ce n'est guéries pour de bon, grâce à l'Ayahuasca, aux champignons et au Bufo, notamment.
Parce que les expériences qu'induisent ces enthéogènes font entrer la personne dans un niveau de conscience complètement différent de celui d'où a émergé le problème, ce qui leur a permis de faire trois choses :
- Cesser de s'identifier et de se définir par leurs traumas, en réalisant que leur être est bien plus vaste que ça.
- Identifier la racine de leur souffrance et trouver la force de la regarder en face.
- Se relier au pouvoir curatif de leur propre conscience en apprenant à réécrire leur histoire, à redéfinir la nouvelle personne qu'elles souhaitent devenir, et à découvrir la maîtrise qu'elles peuvent avoir sur leurs pensées, leurs schémas et leurs intentions.
Voilà, j'avais juste besoin d'établir avec un peu plus de clarté la raison pour laquelle j'ai le désir de rendre les plantes maîtresses accessibles à ceux qui le souhaitent en France, en ouvrant un panorama plus général au passage : celui de la nécessité pour l’Être Humain d'avoir accès à la transe, niveau d'expérience et de conscience sans lequel il pédale dans la semoule.
Et à vrai dire, c’est sans doute le monde entier qui devrait changer de paradigme pour sortir de la crise…
Hâte de commencer à vous offrir des articles, des conférences, des témoignages, des rencontres, des ouvrages et des reportages qui montreront au paysage français que la Nature est tout sauf un crime, mais au contraire une sacrée bénédiction !
FAIRE PARTIE DU MOUVEMENT DNF !
Je vais pas vous faire un dessin, si vous croyez en notre projet, que vous vous reconnaissez dans les valeurs qu’on défend, que la vision du futur qu’on vous propose vous fait rêver et que vous avez confiance dans les membres qui portent le mouvement DNF, la plus belle façon de nous soutenir est de devenir adhérent de l’Association ! Pour ça, on a mis en place un helloasso qui vous permet de contribuer selon vos ressources et la ferveur de votre foi via différentes formules. Ça se passe ici :
YEP, CARRÉMENT QUE JE CROIS EN DECRIMINALIZE NATURE FRANCE !
Et pour suivre nos avancées, vous tenir au courant de nos projets, découvrir nos publications, ne pas manquer nos conférences et nos rencontres, voire même nous proposer des idées de collaboration ou mettre en avant vos initiatives qui résonnent avec notre mission, c’est sur notre site que ça se passe, et évidemment sur tous nos réseaux sociaux... C’est parti !
Le Voyage du Héros version Ayahuasca
Le corps et l’esprit disposent de tout un arsenal de moyens pour tirer la sonnette d’alarme, en mode “magne-toi le cul de faire quelque chose, sinon ça va péter !”. Dépression. Burn out. Ulcère. Rupture amoureuse. Accident. Alcoolisme. Ou d’une manière plus soft mais non moins chiante, un ras le bol général qui prend des proportions démesurées, te poussant soit au replis total, soit à deux doigts du meurtre de masse, selon ton profil psychologique, disons. Le replis, c’est l’introverti. Celui qui sort sa kalachnikov pour tirer dans le tas, c’est l’extraverti. Les deux sont des sociopathes, hein, désolée de vous flinguer le suspens. Ça, c’est ce qui concerne ce qui t’arrive à toi, très personnellement, mais “la vie trouve toujours un moyen”, comme dirait Goldblum dans Jurassic Park, et donc il est statistiquement plus que probable que les situations et “évènements” qui t’entourent se mettent aussi à bien déconner…
Le Voyage du Héros, ou Monomythe, ça vous dit quelque chose ? Ce concept en 12 étapes déterré par Joseph Campbell, auteur du Héros aux mille et un visages, acclamé par Carl Jung, présent dans tous les contes, légendes, mythes et récits initiatiques du monde entier, et que les petits malins d’Hollywood reprennent en boucle histoire de nous sortir des blockbusters qui tiennent à peu près la route ?
Mais pourquoi ce truc devrait être réservé à Hercule et Bruce Willis, hein ? Personnellement, je pense que tout le monde sur cette fichue planète se doit d’écrire sa propre légende et vivre son odyssée, vu que c’est le seul moyen de donner un sens aux années qui s’empilent l’une après l’autre, implacablement, jusqu’à la fin qu’on connait tous…
L’autre jour, je réfléchissais au fait que toute personne qui s’embarque dans le monde de l’Ayahuasca se lance sans le savoir dans une véritable quête faite de défis, d’obstacles, de prises de risque, d’audace et de détermination, et que cette quête la confronterait immanquablement à des étapes qui… oui, voilà. J’avais mis le doigt dessus. Des étapes qui correspondaient pile poil aux Fameuses 12 Étapes du Voyage du Héros.
Dans un monde où les rites de passage ont disparu de nos vies, et si vous envisagiez de créer votre propre parcours initiatique ? Et si entrer dans la Quête de la Medicina était l’un des ultimes moyens qui nous restent de vivre une splendide aventure intérieure, excitante, inspirante, en mesure de nous rendre notre pouvoir personnel et de l’exalter (ce qui explique sans doute pourquoi l’Ayahuasca est illégale, soit dit en passant) ?
Qu’on se le dise, ce Voyage du Héros version Ayahuasca est une vraie dinguerie, un pur lâchage qui n’a pas vocation de se prendre au sérieux (parce que ça commence à me gonfler, qu’on se prenne tous tellement au sérieux…). Si cet article balance tout de même quelques vérités qui font mal et d’autres qui font du bien, il n’empêche que sur n’importe quel autre blog, ce truc ferait l’objet d’une déferlante clignotante de trigger warnings, tant il risque d’offenser dans le fond comme dans la forme. Vous voilà prévenus.
Mais ça veut pas dire pour autant que ce qui est décrit ici n’est pas dangereusement réel. Au contraire.
Je vais donc vous demander de retirer votre balai, d’attraper ce seau de pop-corn extrêmement mauvais pour la santé, et de vous installer confortablement, vous et votre second degré, dans votre canapé… et de me laisser vous emporter au cœur d’une furieuse épopée… dont VOUS êtes le héros !
Les 12 étapes du Voyage du Héros en mode Medicina : De Zombieland à la Liberté
1 - LE MONDE ORDINAIRE
D’emblée, je vais dresser un triste état des faits : le monde ordinaire est le même pour chacun d’entre nous. La vie a été si bien muselée qu’elle en est devenue insipide. Je sais qu’en règle générale, quand on dit que l’Homme est un loup, c’est pour le côté négatif du truc. Mauvais, cruel. Dangereux.
Déjà, les vrais loups ne sont pas du tout comme ça. Ensuite, on peut tout à fait retourner la situation pour qualifier les choses ainsi : l’Homme est un loup. Sauvage, beau. Puissant.
Sauf que la marque de fabrique du système, c’est de réduire mécaniquement ce loup à l’impuissance. En le détruisant dans sa tête. Dans la vision qu’il a de lui-même. Justement pour qu’il en ait plus du tout conscience, de sa puissance.
Le sentiment d’impuissance qu’éprouve l’Homme-Loup dans ce qu’est devenue sa vie est un truc qui lui déchire l’âme en deux. Y a rien de pire que de se sentir infoutu de maîtriser quoi que ce soit. Payer l’essence une blinde parce qu'IL FAUT aller travailler. Faire un boulot de merde parce qu’IL FAUT bien remplir le frigo. Bouffer de la daube parce que PAS LE TEMPS NI LE FRIC pour s’alimenter sainement. Entretenir des relations moisies parce que TOUT LE MONDE est mal dans sa peau. Rester dans cette merde parce que PLUS ASSEZ D’ÉNERGIE pour imaginer faire autre chose.
Ouais, je vois ce que vous voulez dire. Je vois le mot FATIGUE clignoter dans vos cerveaux.
Ce putain de statu quo, pas vrai ? Cette saloperie est si bien ficelée, dans tous les aspects de la vie, qu’il semble carrément impossible de lui échapper.
La vie, parlons-en ! On se traîne là-dedans comme des putains de morts-vivants. La déconnexion d’avec soi-même et le monde est si brutale que c’est à peine si on le sent, l’appel féroce de la liberté qui hurle à la lune dans nos consciences pour qu’on sorte de là !
Bordel, même pas sur tes propres pensées, t’as du pouvoir ! Même ce putain de mental te contrôle ! Comme si c’était pas suffisant d’être le boulon d’une saloperie de machine, faut en plus que tu t’en trimballes une en permanence en plein cœur de ta tête, qui poursuit nuit et jour son lent travail de sape, dévorant le peu d’énergie qui te reste, encore plus vicieuse, plus toxique, que celle dont t’es le pantin dehors !
Nan, y a pas à dire, c’est VRAIMENT la merde.
Le loup que t’es oscille entre deux attitudes contradictoires qui n’aident pas franchement à trouver le moyen de s’échapper : d’un côté, ce terrifiant manque de sens engendre en toi une sorte de tristesse carrément transcendantale et une immonde, une paralysante lassitude. Et de l’autre, la faim de liberté qui gronde en toi en te labourant sans trêve les boyaux provoque une sorte de frustration, de COLÈRE, qui n’a rien de précisément constructif en ce qui concerne l’équilibre de tes relations, qu’il s’agisse de celles que t’entretiens avec les autres, ou avec toi-même.
Le monde n’est pas ce qu’on t’a dit qu’il était. Même si t’attends plus grand-chose de la vie, t’es tout de même foutrement DÉÇU.
2 - L’APPEL DE L’AVENTURE
Et puis, il va se passer un truc. Ça peut être un truc positif, mais soyons honnête deux minutes. Dans cette vie de chiotte, ce sera plus probablement un truc négatif, telle la crotte finale sur le gâteau de merde, ouaip.
Une maladie. Pas forcément grave. Mais suffisamment prégnante pour que ce soit difficile de l’ignorer et de continuer à fonctionner comme si de rien n’était. Physique ou psychique, peu importe. Le corps et l’esprit disposent de tout un arsenal de moyens pour tirer la sonnette d’alarme, en mode “magne-toi le cul de faire quelque chose, sinon ça va péter !”.
Dépression. Burn out. Ulcère. Rupture amoureuse. Accident. Alcoolisme.
Ou d’une manière plus soft mais non moins chiante, un ras le bol général qui prend des proportions démesurées, te poussant soit au replis total, soit à deux doigts du meurtre de masse, selon ton profil psychologique, disons. Le replis, c’est l’introverti. Celui qui sort sa kalachnikov pour tirer dans le tas, c’est l’extraverti. Les deux sont des sociopathes, hein, désolée de vous flinguer le suspens.
Ça, c’est ce qui concerne ce qui t’arrive à toi, très personnellement, mais “la vie trouve toujours un moyen”, comme dirait Goldblum dans Jurassic Park, elle est roublarde, et donc il est statistiquement plus que probable que les situations et “évènements” qui t’entourent (dans la vie d’un zombie, y a tout de même peu d’évènements notables, mais passons) se mettent aussi à bien déconner, dans le sens à la fois positif et négatif du terme, ce coup-ci.
Des exemples ?
Une rencontre ou une expérience faite “par hasard” qui va te donner l’impression d'être Jim Carrey dans Truman Show, quand il passe de l’autre côté du décor à la fin.
Une perte humaine ou matérielle qui va soudain te faire réaliser à quel point la vie est précieuse, que t’as plus le temps de renâcler dans ton box, qu’il te faut t’élancer sur la piste de l’existence et la vivre MAINTENANT.
Ou encore, entendre parler d’une certaine Plante qui se trouve là-bas, en Amazonie, dont on raconte qu’elle aurait le pouvoir de guérir la vie… et sentir… comme un appel vers elle.
D’une manière générale, beaucoup d'éléments vont commencer à se foutre à cul, telles d’infimes incisions dans la croûte que tu croyais solide, immuable, de ta réalité. T’incitant à un timide début de reconsidération des choses.
Non, rien à faire, t’hallucines pas ! Synchronicités, rêves, lectures, rencontres improbables, parfois même jusqu’à ta putain de série Netflix qui, incompréhensiblement, se met à parler d’Ayahuasca et radoter l'écho de ce que tu perçois partout ailleurs ! Voilà que le monde entier est ligué contre toi pour te gueuler la même injonction : CHANGEMENT…
En Alchimie, on dit que c’est là que tu captes ce que c’est, le Miroir de l’Art. Le fait que ton monde extérieur n’est qu’un reflet de ton monde intérieur.
Attention, ça va se mettre à swinguer…
3 - LE REFUS DE L’APPEL
Naturellement, vu que t’es qu’un zombie, ta première réaction va être le refus. Comme un môme buté qui croise ses bras sur son ventre, rouge jusqu’aux oreilles, et secoue la tête obstinément d’un air parfaitement con.
Pour oser répondre un grand OUI dionysiaque à l’appel sauvage de la Vie, comme dirait ce vieil enfoiré de Nietzsche, encore faut-il être vivant, c’est le problème.
Le truc marrant chez l’être humain-zombie, c’est qu’il trouve toujours un tas de raisons bien rationnelles, bien adultes, bien lâches, pour se défiler face à l’injonction de l’univers de se reprendre en main et d’arrêter deux minutes de nous casser les couilles à jouer les victimes.
Puisqu’on est dans le domaine de l’Ayahuasca, le tableau précis n’est pas dur à esquisser, car une fois de plus on fait tous face aux mêmes écueils quand il s’agit d’aller, oui ou merde, rencontrer l’Abuelita dans la selva.
Pas envie de se confronter à l’incompréhension de tes proches. Les discussions à n’en plus finir avec ta mère au sujet de la différence entre une drogue et une plante psychotrope te terrassent rien qu’à l’idée.
Tu flippes, t’as peur, toute ton âme tremble littéralement d’appréhension devant la radicalité de l’expérience proposée.
De plus, la partie feignante du zombie en toi te susurre que le travail qui s’annonce est bien trop relou, pas loin des 12 travaux d'Astérix (elle n’a pas tout à fait tort), et qu’étant donné que t’as déjà passé toute ta putain de vie à TRAVAILLER, comment dire, c’est pas super bandant.
Et en plus t’as pas d’argent.
Et bref, on s’en fout de tes raisons, le seul truc net, c’est ta tentative pathétique de maintenir autour de toi l’enfoiré de statu quo à coup de “ça ne va tout de même pas si mal que ça”, parce que la vraie vérité, c’est que tu te chies dessus en imaginant les changements qu’une telle entreprise risqueraient de provoquer dans ta vie.
Et ce qu’ils impliqueraient pour ton avenir.
Dommage, jusqu’à présent il était tout bien tracé, ton futur, ligne droite sécurisée, bien balisée, tout droit vers la mort, hop c’est réglé, et maintenant voilà que tu commences à le remettre en question, lui aussi.
Je compatis.
C’est dur d'être vivant.
4 - LA RENCONTRE AVEC LE MENTOR
“Quand l’élève est prêt, le maître apparaît”. Ça te dit quelque chose, cette maxime ?
Même si la phase 3 ne le laissait pas clairement supposer, en réalité, le sournois message de la vie a accompli son chemin en toi, presque à ton insu, appelant à toi la personne qui va faire sauter ta dernière résistance. S’il te fallait une nouvelle preuve que ce que tu vis dans la matière n’est que le reflet de ton état intérieur, c’est en cette personne que tu l’as trouvée. Et votre rencontre sonne comme une évidence.
Quand elle te parle de l’Ayahuasca, c’est comme si toutes tes cellules faisaient une bringue d’enfer dans ton système. Ton cœur crie “oui, oui, oui !”, ton cerveau clignote comme un petit fou d’excitation, et l’appel qui résonne dans tes tripes redouble de puissance en faisant des loopings.
Mais le plus cinglé, c’est que t’as le sentiment qu’une partie de toi connait déjà tout ça. Que les mots de ton “mentor”, tu pourrais presque les prononcer en même temps que lui. C’est ça que ça fait, quand tu décides enfin de te réaligner. Tout coule de source. Tout est naturel, évident.
Tout n’est que confirmation de ce que tu savais déjà.
Ta décision est prise. Elle a été prise depuis fort, fort longtemps, comme si c’était ton Toi du futur qui t’avait envoyé tous ces signes pour que tu te diriges vers lui…
Le reste n’est qu’une formalité.
5 - LE PASSAGE DU SEUIL
Aussi sensé et rationnel qu’on se prétende, toute affirmation dionysiaque du OUI À LA VIE se résume finalement par un très sobre et très kamikaze : “Nique sa mère, j’y vais !”.
Ne dérogeant pas à la règle, c’est donc avec un certain panache et une narquoise ambition de liberté que tu choisis de partir en Amazonie rencontrer l’Ayahuasca. Voilà, t’es passé de l’autre côté. Dans ta tête. Dans ta vie. Mais aussi dans tes relations. Y a qu’à voir la gueule qu’ils tirent, tous. Ta décision de quitter Zombieland n’est pas loin d’être perçue comme PURE PROVOCATION. “Mais pour qui il se prend, celui-là, à s’imaginer pouvoir abandonner la Machine d’un simple claquement de doigt, alors que nous, on reste dedans ?”.
A ce niveau, j’ai envie de dire, chacun pour soi. Ceux qui osent profiter de leur liberté d'Homme-Loup ont toujours bizarrement tendance à agacer ceux qui ne font pas mine de vouloir en disposer. Ils te disent que toi, tu peux te le permettre. Que TOI, T’AS DE LA CHANCE, alors qu’eux, tu comprends, avec le taff, les crédits et les gosses, balablabaaa…
Ouais, ouais… On est au courant, les gars, vous fatiguez pas. Y a mille et une putains de bonnes raisons de rester un robot. Alors, que vous dire ? C’est cool, profitez bien !
Quoi qu’il en soit, toi de ton côté, t’es pas non plus au bout de tes peines. La vie ne rigole pas. Direct, tu vas devoir prouver ta volonté. Entre les thunes à réunir, les congés à négocier, l’organisation du voyage en mode “réservation de diète, billets d’avion, je mets quoi dans mon sac à dos”, tes “potes” jaloux qui font semblant d'être contents pour toi tout en cherchant sans cesse à te dissuader de te barrer et ta mère qui n’a décidément que le mot DROGUE à la bouche et reste de ce fait persuadée que dans la jungle, tu vas crever, autant dire que la Machine n’a pas l’intention de te faciliter la tâche, ce qui, cela dit, ne fait qu'attiser ton désir de la larguer.
Et ça, c’est sans compter ce qui se passe à l’intérieur de toi…
Les Grandes Décisions, c’est comme Domino Day. Suffit d’une pichenette sur un pauvre bout de plastique en rectangle et tout le reste est entraîné dans la chute, impossible de faire marche arrière. Donc à l’intérieur de toi, c’est chamboule-tout.
Tu dois lutter contre l’appréhension qui tournicote dans tes intestins, et rien que ça, c’est déjà confrontant, comme expérience. Ta peur primale de l’inconnu émerge.
Au fond de toi, quelque chose sait que ta décision de t’engager dans la medicina peut potentiellement changer toute la donne, et tu goûtes un curieux cocktail mêlant à parts égales crainte, enthousiasme, et putain d’excitation.
On y est. Les étincelles commencent à grésiller sous ta carapace de robot-zombie. Tel un bon coup de pied dans une fourmilière, la vie commence à s’agiter sous l’envers de ta peau.
C’est là que ton monde accepte enfin de se mettre au diapason.
Les synchronicités s'enchaînent. Des coups de bol incroyables jalonnent ton chemin. Tes vrais amis, ceux qui sont vraiment foutus d'être heureux pour toi, t’affirment, l’œil ému, que t’as pris la bonne décision. Plein d’éléments semblent indiquer que oui, la medicina t’attend.
Autrement, comment expliquer ces rêves étranges que tu fais presque chaque nuit, où cette jungle que tu ne connais pas encore murmure pourtant déjà à ton âme des visions d’un autre monde ?
6 - TESTS, ALLIÉS ET ENNEMIS
Te voilà dans la jungle, jeune Guerrier ! L’émerveillement est total. Ton nouvel environnement est si différent de celui que t’as quitté que tu peines à en croire tes yeux, et dois régulièrement te pincer pour être certain que t’es pas en train de rêver.
Tu te demandes comment c’est possible qu’il existe une telle autre réalité sur une seule et même planète, inimaginable pour les zombies qui sont restés dans la Machine, dont tu faisais toi-même encore partie juste quelques jours en arrière. T’en viendrais presque à ressentir de la pitié, de la COMPASSION pour les robots trop pétochards laissés derrière toi, tellement agrippés à leur illusion de sécurité qu’ils n'oseraient jamais faire un pas au-delà de leur prison, même si la porte est ouverte… Mais cet élan de générosité ne dure pas. Tu es trop occupé à kiffer avec toi-même, avec ton nouveau monde.
Tu te sens tel un nouveau-né béni des dieux.
Le chaman a de bonnes vibes. L’Amazonie est magnifique. Tu adores ta petite cabane appelée “tambo” où tu vas bientôt t’isoler tranquillement pour faire connaissance avec toi-même. Même la première assiette de bouffe qu’on te présente te ravit, tant l’optique de prendre enfin soin de ton corps à base de riz, de lentilles et de concombre te réjouit. Bref, tu souris si fort à la vie que ça te fait mal aux zygomatiques.
Et puis, vient l’heure de la première cérémonie d’Ayahuasca. La rencontre tant attendue avec l’Abuelita.
Partons du principe que cette fois-là, elle va se montrer très belle et très accueillante. T’étreindre dans la chaleur de ses bras multiples. Transfuser ton cœur d’amour. Saturer ton être d’une confiance, d’une foi, qui vont te régénérer de la tête aux pieds.
Ce qui fait que le lendemain, t’es limite insupportable pour les autres, voire parfaitement imbuvable. Trop extatique. Trop fier de toi. Comme si la Plante t’avait fait une faveur spéciale, rien qu’à toi…
C’est le problème avec toutes les conneries qu’on lit sur internet. A force d’entendre parler de ces niaiseries de dissolution de l’ego et d’expérience de mort symbolique, si tu vis pas ça la première fois que tu bois, direct tu t’imagines que c’est parce que l’Ayahuasca t’adore et t’a choisi pour être une sorte d’élu.
Rien n’est plus faux. T’es simplement en train de faire face à ton premier ennemi : ton putain d’ego.
Et le chaman va vite te faire déchanter. Pendant que tu planais dans ton trip en t’imaginant être le fiston spécial, le petit chouchou de la Madre, il t’a lu, lui. Il a regardé en toi. Il a convoqué les Plantes Maîtresses pour savoir laquelle souhaitait travailler avec toi. Il a vu les sales énergies que tu te traînais, tes blocages corporels, psychologiques, affectifs. Spirituels. Et même s’il a la décence de pas te présenter la facture dans le détail, l’enfoiré se débrouille quand même pour te faire comprendre que tu vas avoir un sacré taff à fournir si tu souhaites sincèrement aller mieux.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a le mérite de te faire redescendre. Tu captes brutalement que ta guérison ne sera ni facile ni rapide. Que ce qui va se passer ici a finalement peu de choses à voir avec la magie. Que ta volonté de guérir va être maintes et maintes fois éprouvée, que ça va être long et difficile.
Qu’il va falloir t’accrocher.
Le début des épreuves commence.
(Ah, et dans la version où avec l’Ayahuasca, ça s’est mal passé, tu te transformes en larve catatonique qui se demande quelle connerie de folie lui a pris de venir se baiser tout seul dans cette jungle de merde, et les épreuves commencent aussi. Voilà.)
Tu vas donc entrer dans une phase de nettoyage. Enfin, nettoyage, le mot est faible. Il serait probablement plus juste de parler de récurage intensif, de décrassage, de dératisation même peut-être, comme quand tu laisses ta baraque à une entreprise d’anti-nuisibles qui se trimballe avec une grosse blatte en latex sur le toit de la camionnette, et que des hommes fringués en cosmonautes de labo posent des scellés tout autour de ta turne pour interdire à quiconque d’y foutre le nez durant les trois prochains jours, sous peine de se métamorphoser instantanément en alien tout vert et tout glauque. Et tout comme j’imagine que ça se passe dans ce genre de tuerie de masse à domicile, les bêbêtes qui pullulent dans ta maison-corps-esprit vont passer un sale quart d’heure.
Le manque de bol, c’est qu’au passage, toi aussi.
Tes pensées vont te faire chier. Tes souvenirs vont te faire chier. Ton corps, lui aussi, va bien chier. Et tes émotions, ces petites folles stupides, risquent fort de s’embarquer pour des montagnes russes passant du Space Montain (bien) au Train Fantôme (pas bien). Oui, comme chez Mickey, sauf que c’est moins fun.
Que ce soit en cérémonie ou tout seul dans ton tambo, ça va pas être une partie de plaisir. Beaucoup d’éléments que jusqu’à présent t’avais préféré foutre sous le tapis sont en train de repointer leur nez. Et c’est là que tu réalises l’ampleur des dégâts. La force que tous ces trucs refoulés ont acquise durant tout ce temps où tu refusais de les regarder. La moisissure qui les a fait enfler jour après jour, année après année, tandis que tu foulais le tapis en ignorant superbement que ça commençait à bien schlinguer là en-dessous, et que le putain de truc faisait une drôle de bosse au milieu du salon.
C’est dur, en effet, mais personne t’a dit que ce serait facile.
En Alchimie, on dit que ton Feu secret vient de s’éveiller, tu commences doucement ton Œuvre au noir et tu es prêt à te salir les mains.
Dieu soit loué, tu n’es pas tout seul au cœur de ces dissolutions. Pour tout dire, il se passe même des choses franchement intéressantes, au niveau de ton timide début d’alliance avec les plantes…
7 - L’APPROCHE DE LA CAVERNE
Après la phase de nettoyage vient celle du travail. Tu croyais t’être offert de chouettes vacances psychédéliques au Pays des Merveilles en bookant cette petite diète dans la jungle, hein ? Perdu ! Et si t’estimais t’être déjà tué à la tâche dans ta vie de zombie, tu vas vite piger que t’avais pas la moindre idée de ce que le mot TRAVAIL signifie…
Travailler vers l’extérieur, c’est facile. Easy. Travailler en dedans, sur toi-même, ça se situe dangereusement plus proche du 10 sur l’échelle de Richter, mais qui a décrété que les secousses étaient un truc qu’il fallait craindre ? Après tout, y a quelques situations dans cette chienne de vie où se faire secouer n’est pas si désagréable… genre sur le taureau qui tourne à la fête foraine (héhé, je t’ai eu).
Le truc important à pas perdre de vue ici, c’est que peu importe dans quelle mesure l'œuvre à laquelle tu te dévoues peut sembler ardue, ça en vaut la peine, parce que les bénéfices que t’en retireras seront à la hauteur du sacrifice consenti, voire carrément au-delà.
Alors, tu t’y mets, conscient que ce que t’es en train de faire revient à affûter tes lames avant le Grand Combat. Ou encore courir dans les escaliers comme Rocky (à toi de voir si tu préfères te visualiser comme un samouraï ou comme un boxeur, les deux fonctionnent très bien).
Soutenu, guidé et inspiré par le chaman et les plantes, tu travailles ton centrage, ton ancrage. Tu travailles ta concentration et ton alignement. Tu travailles à maîtriser ton mental. Tu travailles à reprendre contact avec ton corps. Tu travailles à faire gaffe à tes rêves et à tenter leur analyse, et donc à créer un pont entre ton conscient et ton inconscient, afin que ton intuition s’aiguise et t’offre un nouveau prisme à travers lequel sentir le monde et décrypter ta psychologie. Tu travailles à l’affinage de ton écoute de ce qui est subtil. Tu travailles à prendre confiance en la plante que tu diètes, à savoir recevoir et incorporer ses messages. Tu travailles à renforcer l’alliance entre trois parties de toi qui jusqu’à présent moulinaient bêtement chacune de son côté : Ton cœur. Ton esprit. Ta volonté. Tu travailles à extraire les qualités cachées de tes défauts, prenant appui sur l’ombre pour t’élever vers la lumière. Tu travailles à te détacher, à pardonner, à accepter. A lâcher prise.
Et durant tout ce long et profond processus opéré dans le labo de ton corps-esprit, les plantes t’aident. Elles t’aident à affûter ton âme, pour qu’elle renvoie enfin la lumière.
Et peu à peu, tu sens que tu t’éveilles à ta propre puissance…
Tu prends conscience que ta guérison, ton bien-être, les relations qui composent ta vie, les rêves que tu vas ou non réaliser, les idées que tu vas concrétiser, les choses que tu vas changer, les sentiments et les pensées que tu vas accepter ou rejeter… que tout ça est, et a toujours été, entre tes mains.
Tu prends conscience que le conditionnement n’est plus pour toi une fatalité.
Parce que c’est toi, l’unique responsable de toute ta vie.
Et même si c'est une idée qui peut paraître effrayante, tu réalises que ce pouvoir concentre en lui ce que l’Homme-Loup et le robot-zombie ont toujours secrètement désiré : la Liberté.
8 - L'ÉPREUVE SUPRÊME
C’est là que tu percutes enfin que le trésor que tu cherches a toujours été en toi. Cette liberté qui fait hurler les loups, Graal du robot, hantise de la Machine, c’est rien qu’une perfidie supplémentaire du système que de t’avoir fait croire que tu devais la chercher à l’extérieur, dans la quête effrénée d’une quelconque réussite sociale qui t’élèverait au-dessus du troupeau, rien qu’un nouveau mensonge de l’ego, cet enculé, qui te fait désirer une chose que t’as toujours possédée…
Le seul ennui avec les trésors intérieurs, c’est qu’ils sont encore mieux planqués, encore mieux gardés qu’un coffre de pirates rempli d’or, perdu sur une île déserte avec un monstre planté dessus, au cœur de l’océan. Mais c’est un truc que ta diète de plantes t’a forcément déjà révélé : les pires démons qui existent, c’est ceux qui squattent dans ton cerveau et sous ta peau. Donc qu’il s’agisse de l’or à gagner ou des monstres à buter, tout va devoir se passer dans l’invisible…
Et voilà, t’es bien parti pour t’embarquer dans un combat schizoïde avec toi-même ! La plus belle partie de ton âme est jalousement gardée et retenue prisonnière par cette autre partie de toi, la plus vile et la plus stupide, qui t’en barre l’accès.
Comment l’Ombre et la Lumière peuvent-elles coexister ainsi au sein d’une même personne ? Comment c’est possible, PUTAIN DE MERDE, qu’il faille entrer en guerre contre toi-même pour récupérer un truc qui t’appartient de droit ?
Je te le concède, c’est une vraie dinguerie, mais tout Guerrier doit en passer par là. Cependant, l’idée serait peut-être de ne pas considérer ce combat d’un point de vue binaire qui, comme chacun sait, est l’apanage des esprits étriqués ou bien encore d’une sorte très spéciale de daltoniens qui ne peuvent discerner que le blanc et le noir.
Certes, d’un côté, il y a le Soi. Cette partie de toi que tu rêves d’atteindre et d’incorporer. Cette partie qui signifie Conscience et Liberté.
Et de l’autre, il y a le moi. Ce petit pervers polymorphe d’ego qui prend tout de même souvent les atours d’un Bon Gros Pervers Narcissique en s’éclatant avec toi à base de manipulation, soumission, inspiration de la peur, j’en passe et des meilleurs.
Le trésor gardé par le Soi, c’est de l’or en barre : foi, confiance, pouvoir créateur sur le monde, paix, lumière et tutti quanti.
L’ego qui dans cette fable fait office du dragon gardant le seuil de l’accès à ce trésor, c’est précisément sur la mécanique inverse qu’il joue : peur, doute, impuissance, inquiétude, noirceur, ce qui se résume peu ou prou à la pire question qu’un Homme puisse se poser quant à ses avancées : Et si tout n’était qu’illusion ?
Cette question est tout à fait légitime, navrée. A vrai dire, y a qu’une fois que t’auras vraiment goûté au pouvoir créateur de la conscience sur la réalité que cette pute en forme de point d’interrogation te lâchera réellement les baskets. En attendant, tu vas devoir accomplir un acte parfaitement insensé : croire malgré le doute.
C’est schizo, pas vrai ?
En effet. C’est ce qu’on appelle un Acte de Foi. Commencer à croire alors que la réalité n’a pas encore changé. Commencer à agir comme si le Soi était déjà aux commandes alors que pour le moment, c’est cet enfoiré d’ego qui s’agrippe aux manettes.
Disons que c’est une manière de tendre vers une sorte de… réconciliation.
9 - LA RÉCOMPENSE
Du coup, tu sors du côté binaire et limité du truc. Parce que c’est là que tu captes que cet ego-dragon n’est ni plus ni moins que ton meilleur initiateur, le parfait maître d’armes, le seul qui sera en mesure de t’amener aussi haut que tu souhaites aller, en te permettant justement de prendre appui sur lui…
Parce que l’obscurité n’est rien d’autre qu’un endroit où la lumière n’est pas encore passée. Les monstres n’existent dans le placard que tant que t’as pas allumé ta lampe de chevet pour réaliser, soulagé, qu’il ne s’agit que d’un tas de fringues auquel les ténèbres prêtaient un aspect illusoirement menaçant. L’Ombre qui te suit, c’est pas un dangereux psychopathe qu’attend que le prochain coin de rue pour te sauter sur la râble et t’agresser comme un forcené. L’Ombre est une partie essentielle de toi-même, qui s'allonge derrière toi quand la lumière déclinante du soleil couchant te fait face. Sous les feux de midi, quand les rayons t’irradient, l’Ombre est quasiment invisible. Mais elle est toujours là.
Celui qui souhaite accéder à la totalité de lui-même ne peut en aucun cas refuser d'incorporer son Ombre et d’écouter le message qu’elle véhicule de par son existence.
Les défauts de l’ego existent pour attirer ton attention sur des qualités qui n’ont pas encore été révélées. Les situations de merde dans la vie existent pour pointer du doigt des schémas qui ne te conviennent pas. La maladie débarque et te pourrira ton groove jusqu'à ce que tu sois prêt à reconnaître la souffrance spirituelle qu’elle dévoile et symbolise.
L’ego est le chemin vers l’accomplissement du Soi.
Il existe une légende qui dit que quand on accepte de les écouter, les démons se transforment en sages…
Leurs douleurs sont réelles. Leurs cris sont légitimes. Leur existence doit être reconnue. L’Ombre est ta plus belle alliée car elle seule ne craindra jamais de te dire la vérité telle qu’elle est, sans ronds de jambe, sans pincettes, sans fioritures.
La Réalité nue.
Ça dépend que de toi d’avoir le courage de la rencontrer. Et d’oser la regarder en face dans toute l’ampleur de sa féroce vérité.
Ça, c’est ce qu’on appelle une seconde naissance. Tu viens enfin d’accéder à ta totalité. Ton nouvel axe est aligné entre le moi et le Soi, en une sorte de fusion harmonieuse des différentes parties qui te composent. Les dissolutions passent au stade supérieur. Tes défauts transmutés deviennent des qualités. Tes ombres sublimées révèlent enfin leur lumière cachée.
En un mot comme en mille, tu viens de foutre la main sur la putain de Pierre philosophale, mec, et plus rien ne sera jamais comme avant.
Enfin… c’est ce qu’on va voir.
10 - LE CHEMIN DU RETOUR
Tu te sens fier de toi.
Ta diète est réussie. Tu sens la puissance de ta plante tankée dans tes épaules, fichée telle une épée érigée dans ta colonne vertébrale. Remonté à bloc après le succès de ton dernier combat, transfusé d’une VIE que t’avais pour ainsi dire jamais sentie, ta foi en ta renaissance n’a d’égale que celle en ton avenir.
Tu tiens le monde entre tes mains, mais, persuadé que désormais, seules les plus hautes vertus t’animent, pas une seule seconde tu ne doutes de savoir employer ton nouveau pouvoir uniquement en dévotion à la cause du Bien. Tu te sens tel un redoutable chevalier au service d’une sagesse supérieure, qui t’a choisi pour la représenter. Les plantes elles-mêmes t’ont élu comme l’un de leurs gardiens, et tu frétilles d’impatience à l’idée de revenir dans ton monde, chez les zombies, pour colporter la bonne parole et leur montrer la voie vers une liberté dont tu es désormais l’un des plus beaux exemples vivants.
Quel bonheur d'être enfin porteur d’une mission ! Tu as trouvé le sens de ta vie et n’as plus qu’une idée en tête : le gueuler sur tous les toits afin que l’univers entier le sache aussi.
Oui.
Tu te sens beaucoup, beaucoup trop fier de toi…
11 - LA RÉSURRECTION
L’ego polymorphe a ça de terrible qu’en vertu de sa polymorphie, justement, ce misérable renégat est en mesure d’emprunter toutes les formes qu’il juge les plus adéquates pour te faire sans cesse retomber dans ses filets. Ce truc est une putain de mutation sur pattes, et Dieu sait que ton instinct de vigilance ne doit surtout pas se relâcher au moment de cette phase ô combien délicate, car l’hybride à peine né du dur labeur dont tu te croyais débarrassé n’attend qu’un seul instant d’inattention de ta part pour te jaillir à la gueule et se mouler sur ton visage façon nouvelle persona tel un affreux bébé alien dégénéré !
Attention les yeux ! Je vous demande d’acclamer le clone le plus fourbe, le plus laid et le plus vicelard du Fils de pute en Chef… Mesdames et messieurs, L’EGO SPIRITUEL !
Mais nom d’un chien, comment lutter contre une telle abomination ? Si même les vertus les plus belles peuvent se parer de lumières trompeuses, si même les plus nobles intentions peuvent n’être qu’une nouvelle chute dans le dédale de l’hypocrisie, comment, AU NOM DU CIEL, être un jour jamais sûr qu’on chemine bel et bien sur la bonne voie, et non sur un sentier qui, pas après pas, nous éloigne toujours plus de la tant souhaitée vérité ?
Seule une chose ne trompe pas : les actes.
Les idées, les intentions, les paroles, les pensées, toutes peuvent être trompeuses. Car tant qu’elles ne sont pas incarnées jusqu’à la garde dans la preuve irréfutable de la matière en action, c’est rien de plus que le bullshit qu’un Homme se raconte à lui-même. Et sans me la jouer trop Dr. House : TOUT LE MONDE MENT.
Ouais, je sais ce que vous allez dire. Certains actes mentent également. C’est vrai. Le monde est rempli de gestes “altruistes” qui dissimulent la pathétique tentative de valorisation de l’ego de leurs auteurs...
Ça brille dehors, ça schlingue dedans.
Quand je parle d’actes, je parle d’observer la vie d’une personne dans le détail. La qualité de ses relations avec ses proches. Le genre de bonheur qui la fait rayonner. Le nombre de ses mots jetés dehors qui trouveront bel et bien une réalisation. C’est pas si compliqué. Pour savoir si la “spiritualité” de quelqu’un est vraiment vivante en lui, il suffit de regarder sa vie.
Certains n’ont que de la gueule. D’autres la ferment et agissent.
A quel clan souhaites-tu appartenir ?
D’ailleurs, non, pause !
Et si t’allais plus loin que ça ? Et si tu décidais de cesser de vouloir à tout prix te définir ?
Et si l’accomplissement du Soi était précisément hors de toutes limites, de celles qui t’incitent à te coller une étiquette sur le front et brandir un panneau plein de slogans afin de clamer bien haut et bien fort LA PERSONA que tu te sens si fier d’incarner ? Y a de l’idée, pas vrai ?
Garde bien ça en tête pour la suite des réjouissances, mais en attendant, tu décides, toi, là, maintenant, de ne pas basculer dans la facilité de l’ego spirituel.
Fuck off, man, no way. Hors de question.
Toi, nouveau Guerrier, comme un grand, sans l’aide de personne, TU DÉCIDES que les conneries s'arrêtent ici. Tu décides que les choses ne seront plus jamais comme avant. Que l’expérience que t’as vécue dans la jungle avec la medicina ne restera pas une jolie parenthèse enchantée que d’ici quelques mois t’auras complètement oubliée. Tu décides de te comporter entièrement différemment avec ton ego, peu importe les masques qu’il s’amusera à se foutre sur la gueule pour te berner et tenter de te faire vaciller.
TU CHOISIS d’appliquer MAINTENANT les leçons de cette expérience à toute ton existence.
Tes grands idéaux deviennent AUJOURD’HUI les qualités fondamentales de celui que tu es.
Tes hautes valeurs deviennent AUJOURD’HUI la façon juste dont tu vas traiter les autres aussi bien que toi-même.
Tes belles intentions et tes nouvelles croyances deviennent AUJOURD’HUI la manifestation terrestre de ce que ton âme a choisi d’incarner.
AUJOURD’HUI, tu décides d'être le créateur de ta putain de nouvelle réalité.
Et de t’engager à jamais dans la Voie du Guerrier.
12 - LE RETOUR AVEC L’ÉLIXIR
Welcome back to Zombieland !
Putain, ça t’avait pas manqué. Si y a bien un truc de sûr avec la Machine, c’est que plus toi tu changes, plus elle, elle reste pareil.
Sacrée dinguerie de constater que pendant que toi tu bataillais avec les forces du Mal en pleine Amazonie, tout maigre dans ton tambo, la tête farcie de visions célestes ou apocalyptiques en compagnie de l’Ayahuasca, bah les autres, qu’il s’agisse des robots que t’as jamais portés dans ton cœur, mais malheureusement aussi de tes vrais potes, de ta famille, en gros donc des gens à qui tu souhaites que le meilleur, eh bien les autres, en vrai, ça a pas bougé d’un poil pour eux.
Te revoilà en train de lutter contre une sensation tenace d’irréalité. Comme lors de ton débarquement dans la jungle, faut maintenant que tu te persuades que ce voyage n’était pas juste un simple rêve, juste un clignement d’œil qui t’aurait fait entrevoir le paradis alors que tu te vides toujours de ton sang sur un trottoir après qu’une garce de bagnole t’ait percuté.
Non, mec, accroche-toi, c’était bien réel.
Simplement, ça va demander encore un peu d’efforts pour tenter de faire comprendre aux autres ce qui s’est passé pour toi, et essayer de partager avec eux un brin de ta nouvelle “sagesse”.
On va pas se mentir. La majorité d’entre eux, qu’ils soient polis et se le gardent pour eux, ou qu’ils soient bâtards et te le claquent à la gueule avec mépris, te prennent pour un illuminé. Personne kiffe les illuminés, moi la première. Sont horripilants, ces cons-là. Mais pour le coup, ça va être à toi de faire en sorte, de par l’application dans ta vie des trucs dont on a causé plus haut, de leur montrer, petit à petit, sans en faire des caisses ni te la raconter, que non, tout ça, c’est pas des conneries.
Au fond, t’as personne à convaincre, de toute façon. T’es pas un messie. T’es pas un putain de sauveur. Et t’es pas non plus un enfoiré de chevalier. Si tu t’es barré, ça a jamais été pour sauver le monde, mais uniquement toi-même, pas vrai ? Donc où est le sens à présent de vouloir prouver aux autres que ta voie est la bonne ? Prouve-le toi à toi-même, déjà, et on pourra commencer à dire que t’es pas qu’un branquignole plein de fake qui cherche qu’à en foutre plein la vue aux autres.
T’as du pain sur la planche, pépère.
Là-bas, on est d’accord que t’as travaillé à fond sur tes croyances. Les limitantes, les frustrantes, les aberrantes, les rageantes et les humiliantes. Donc logiquement, puisque t’as pris conscience que c’est toi le créateur de ta putain de réalité, cette même réalité susnommée devrait rapidement se mettre au diapason. Si tu ne constates rien de tel dans les mois qui suivent ton retour, c’est que le boulot est loin d'être terminé.
D’autre part, maintenant que tu sais où se trouve ton axe, y va te falloir constamment réajuster ta posture, dans un jeu d'équilibriste permanent, afin que ton alignement coïncide avec cet axe qui te relie de la Terre au Ciel. Pour la faire courte, que ton cosmos intérieur soit en accord profond avec le macrocosme au-dessus de ta caboche. Que ton être soit au diapason de l’univers, quoi.
Ça ne va pas être facile. Mais souviens-toi que la vie est mouvement, danse au bord du gouffre, constant rééquilibrage, ajustement. Comme quand tu marches. Si tu t’arrêtes la jambe en l’air, tu te vautres. Si tu poursuis vaillamment, tu te démerdes pas si mal, coco.
Donc voilà le taff qui s’annonce, sachant que la vie te présente ni plus ni moins que l’expérience de la manifestation de tes croyances, en live, afin que tu puisses en prendre conscience, puis les étudier pour voir si elles te rendent heureux ou non, tout bonnement : nourrir en toi les croyances qui matchent avec ce que tu veux vivre. Dégager les autres. Mais surtout, endosser la pleine responsabilité de ta réalité… et te démerder pour aimer ça.
HONORER TA LIBERTÉ, PARCE QUE C’EST POUR ELLE QUE TU T'ES SI SAUVAGEMENT BATTU !
Mais n’oublie jamais que c’est ici que ça se passe. Ici, dans cette incarnation. Dans ton corps, cette vie. Dans ton cœur et dans tes sentiments.
Beaucoup, beaucoup de personnes s’égarent et parfois même se perdent à tout jamais dans les hautes sphères du “monde spirituel”. Il s'agit d’une autre forme, très sournoise, de déconnexion. Elles oublient que la racine de toute vie se trouve dans la terre. Que c’est cette racine, la source primale de l’énergie. Et que notre tâche d’Homme n’est pas et ne sera jamais de renier nos origines. Sinon, on serait nés extraterrestres, sans déconner !
Maintenant, tu tiens en main les clés pour investir la Conscience dans tous les domaines, tous les aspects de ton existence. Tu as des guides : les plantes, ton inconscient, le Soi. Tu sais utiliser le pouvoir curatif de la Conscience, et si ta vie se remet à déconner (et elle le fera, sois-en sûr, parce que c’est loin d'être facile de demeurer à jamais le maître de son microcosme), tu seras en mesure de réagir rapidement.
Tu pourras également tenter de révéler ce pouvoir aux autres. Qu’ils prennent conscience que personne en dehors de nous ne nous guérit jamais. Au mieux, les autres nous soignent et soulagent nos plaies. Mais guérir va bien au-delà de juste foutre un pansement sur une putain de blessure.
Guérir, en Alchimie, signifie connaître l’Art des Transmutations.
Sauf que c’est un processus qui recommence indéfiniment.
Comme la vie, quoi…
BORDERLINE : VOYAGE CHAMANIQUE D’UN ANTI-HÉROS
Borderline, c’est ma version à moi du Voyage du Héros version Ayahuasca. Une saga littéraire qui met en scène la sanglante odyssée d’un jeune hors-la-loi au cœur de la medicina.
Ceux que ça interpelle, cliquez sur l’image.
Les autres, ceux qui se cherchent un mentor pour foutre en branle leur aventure dans la selva, z’avez qu’à me contacter.
Top 20 des Vidéos sur le Chamanisme, les Enthéogènes et les États Modifiés de Conscience
Il me semblait urgent de proposer un espace virtuel où des vidéos de qualité seraient réunies ensemble afin de garantir que les explorateurs de la conscience bénéficient des bonnes clés pour découvrir cet univers, creuser leurs thèmes favoris à la fois dans le passé, dans le présent et dans le futur, aller plus loin dans leurs recherches grâce à des informations rares et authentiques, mais aussi se marrer avec deux ou trois divertissements bien perchés qui sont en eux-mêmes des expériences de conscience modifiée... Interviews, reportages, conférences, films d’animation, documents d’archives, attention, ça part dans tous les sens !
YouTube est à la fois un souk et un bordel. On y trouve aussi bien des objets rares et précieux que des merdes produites en série façon “made in Taïwan”, sans compter les vidéos putaclic qui te laissent avec l’impression atrocement frustrante d’avoir perdu de précieuses minutes de ta vie que tu pourras jamais récupérer.
J’imagine que tous les domaines rencontrent le même problème, mais concernant le chamanisme, les enthéogènes, et donc les états modifiés de conscience, un paquet de vidéos valent pas un pet de lapin, et il m’a semblé urgent pour le monde des psychonautes de tenter de rectifier le tir…
C’est-à-dire, proposer un espace virtuel où des vidéos de qualité seraient réunies ensemble afin de garantir que les explorateurs de la conscience, novices ou confirmés, bénéficient des bonnes clés pour découvrir cet univers, creuser leurs thèmes favoris à la fois dans le passé, dans le présent et dans le futur, aller plus loin dans leurs recherches grâce à des informations rares et authentiques, mais aussi se marrer avec deux ou trois divertissements bien perchés qui sont en eux-mêmes des expériences de conscience modifiée.
Interviews, reportages, conférences, films d’animation, documents d’archives, ça part dans tous les sens ! Vous trouverez ici des heures et des heures de contenu qui extasiera vos neurones avides de savoir scientifique, votre curiosité affamée de découvertes, et votre âme en quête de sens…
VOICI DONC MON TOP 20 DES MEILLEURES VIDÉOS SUR LE CHAMANISME, LES ENTHÉOGÈNES ET LES ÉTATS MODIFIÉS DE CONSCIENCE !
Y a des vidéos en plusieurs langues, parfois traduites en français directement, ou sinon disposant des sous-titres automatiques.
A la fin de la présentation des vidéos, je vous propose les livres écrits par les intervenants afin que vous puissiez facilement poursuivre votre exploration, ainsi que des liens vers leurs sites web ou d’autres vidéos.
Le slogan du psychonaute, c’est VERS L’INFINI, ET AU-DELÀ, PAS VRAI ? Avec le matos de fou réunit ici, le voyage s’annonce très très bien…
Et après être ressorti de cette furieuse épopée youtubesque dans l’univers de la conscience, je vous garantis que vous aurez la même gueule hallucinée que ce crapaud rose, le cerveau inondé de DMT endogène libérée par votre glande pinéale au fil des heures de visionnage…
Les meilleures vidéos jamais produites au sujet du chamanisme, des substances psychédéliques et des états modifiés de conscience
STEPHAN SCHILLINGER : PSYCHÉDÉLIQUES, ENTHÉOGÈNES ET SPIRITUALITÉ
Stephan Schillinger est écrivain et conférencier, mais c’est surtout un putain de monument du monde psychédélique ! Son livre, La Sagesse Interdite, dans lequel il révèle les origines enthéogèniques de la religion, est une référence incontournable pour tout explorateur de la conscience, et lui-même fait figure de phare pour la révolution psychédélique en cours.
Personnellement, j’ai été totalement happée par la conversation qu’il entretient ici avec Balthazar Benadon…
Si je partage l’interview de Stephan en premier (par la suite, le classement risque de devenir assez anarchique, je vous préviens !), c’est parce que si je devais tenter de faire comprendre la richesse et la valeur de la quête psychonautique à quelqu'un qui n'y aurait jamais mis un pied, c'est cette vidéo-là que je lui montrerais. Stephan Schillinger est redoutable dans sa manière posée, réfléchie et extrêmement documentée, tant au niveau historique que scientifique, d'aborder ce sujet parfois complexe à saisir dans toute son ampleur...
La rencontre commence avec des définitions simples et pourtant très détaillées de ce qu'est une expérience psychédélique, puis bifurque vers la différence entre un psychédélique et un enthéogène (100 % d'accord avec vous au sujet du Bufo, les gars, c’est une expérience radicale qui nous propulse illico en pleine conscience universelle, et qu'on n'a pas spécialement envie de retenter dans l'immédiat derrière !), et continue avec les "origines botaniques" de la religion, les breuvages mythiques décrits dans les textes fondateurs des religions orientales, les anciens mystères, les plantes sacrées, les états modifiés de conscience des plus grands prophètes et l’analyse des traditions initiatiques du monde entier, puis aborde enfin la résurgence contemporaine des psychédéliques...
Stephan Schillinger nous partage ses réflexions pointues, ses positions souvent subversives et ses hypothèses révolutionnaires sur la nature de la réalité et la véritable quête de soi, et c’est juste un bonheur, en fait !
Le livre de Stephan Schillinger : LA SAGESSE INTERDITE
Son site web : PAR UN CURIEUX HASARD
RICHARD EVANS SCHULTES - PSYCHOPHARMACOLOGY DOCUMENTARY
Richard Evans Schultes, c’est tout simplement Indiana Jones avec supplément psychotropes ! Sans lui, on serait même pas en train de causer de ces plantes aujourd’hui, et il est considéré comme le plus grand explorateur du XXe siècle… Ce mec, c’est le père de l’ethnobotanique, et c’est lui qui a écrit l’encyclopédie Les plantes des dieux, cet ouvrage de référence absolu. Explorateur infatigable et initiateur d’une anthropologie participative, il voyageait tel un aventurier à la recherche des plantes enthéogènes, et c’est tout bonnement le premier Blanc que de nombreuses tribus ont rencontré !
A une époque raciste et pleine de préjugés, où les anthropologues ne prenaient pas les Indiens au sérieux car tout le monde pensait qu’ils n’étaient qu’une bande de losers attardés, voire des obstacles au progrès, Schultes a accepté de les écouter, de consommer leurs plantes avec eux, convaincu qu’il y avait énormément à apprendre d’eux… En bref, il a compris que les Indiens étaient ce qu’il appelait “un chemin vers la connaissance”, et eux-mêmes le respectaient immensément. Richard Evans Schultes est celui qui a apporté leurs plantes sacrées et médicinales à l’attention du monde extérieur, décrivant l’usage médical de 2000 d’entre elles jusqu’alors inconnues de la science, ce qui fait de lui une véritable révolution !
Réalisé par Wade Davis, anthropologue, explorateur botanique et biographe de Schultes à qui l’on doit le génialissime ouvrage One river, ce reportage est un fascinant parallèle entre l’histoire de Schultes et celle de Davis, marchant dans les traces de son mentor. Cette quête aura d’ailleurs inspiré un film, L’étreinte du serpent, que le monde entier considère comme un joyau.
Du désert américain chez les Navajo à la recherche du Peyotl, en passant par les montagnes mexicaines chez les Mazatèques en quête de Champignons Magiques, jusqu’aux jungles amazoniennes chez les Cofan à la découverte de l’Ayahuasca, ce documentaire passionnant conjugue révélations historiques, images d’archives, pénétration de rituels secrets et interviews super enrichissantes d’acteurs clés du mouvement psychédélique, car il a l’intelligence de croiser les recherches de Schultes, qui débutèrent en 1936, avec les changements que ces nouvelles connaissances commençaient peu à peu à imprimer au monde…
Les intervenants sont nombreux et leurs interviews des pépites ! On croise Weston LaBarre, Gordon Wasson, Albert Hofmann, Jeremy Narby, Timothy Leary, Aldous Huxley, William Burrough, Ken Kesey, et même la CIA qui étudiait elle aussi ces substances, dans l’ombre du terrifiant projet MK-ultra, en pleine époque de guerre…
Ce reportage est mythique, et ça me fait vraiment plaisir de pouvoir partager ici la vie de cet homme si dévoué à sa quête et si respectueux du savoir indigène, dont l’héritage éclaire encore notre route aujourd’hui…
Le livre de Richard Evans Schultes : LES PLANTES DES DIEUX
Le livre de Wade Davis : ONE RIVER
Le film inspiré de cette histoire : L’ÉTREINTE DU SERPENT
Une vidéo qui est en réalité un document d’une richesse démentielle pour les amoureux des plantes : RICHARD EVANS SCHULTES - THE FATHER OF MODERN ETHNOBOTANY
D’UNE MÉDECINE À L’AUTRE - RENCONTRE AVEC LE DR JACQUES MABIT
Jacques Mabit est un ancien médecin occidental qui s’est formé à la médecine traditionnelle amazonienne. C’est le fondateur du célèbre centre de medicina Takiwasi basé à Tarapoto au Pérou, qui reçoit des patients souffrant de toxicomanie ainsi que des personnes souhaitant diéter des plantes maîtresses pour apprendre à mieux se connaître elles-mêmes.
Dans l’univers de l’Ayahuasca, Jacques Mabit est une légende, et bien que certaines de ses positions me laissent perplexe, il n’empêche qu’il est le seul à pouvoir s’exprimer d’une façon aussi claire, précise et détaillée, due à sa très longue carrière et au sérieux de sa pratique, au sujet de l’Ayahuasca et de son corpus de plantes sacrées. Pour la faire courte, cette interview est la plus pertinente et la plus complète qu'il m'ait été donné d'écouter sur l'Ayahuasca, les Plantes Maîtresses et la médecine indigène. Il s’attaque ici à des questions très variées et extrêmement subtiles qui mettent en parallèle la médecine classique occidentale par rapport à la médecine traditionnelle amazonienne.
Ce qui m'a le plus marquée ? Sa réponse à la question de l’échec des cures de désintox occidentales, qui sont incapables de prendre en compte la totalité de l'individu qu'elles prétendent guérir de ses addictions, et son positionnement à l'encontre de la récupération de l'Ayahuasca par les Occidentaux qui se figurent pouvoir la réduire à ses seules molécules chimiques en rejetant le rituel qui l'accompagne comme s'il n'était qu'un folklore primitif.
Selon moi, cette interview devrait être consultée par toutes les personnes qui s’intéressent de près ou de loin à l’Ayahuasca, c’est-à-dire les ayahuasqueros confirmés ou les novices qui n’y connaissent rien, car ses réponses éclairent des aspects de cette médecine dont bien peu d’entre nous ont entendu parlé (je pense aux différents corps, physique, énergétique, spirituel, que soignent les plantes), reviennent sur l’importance et la signification de la purge, dévoilent la nature des entités, le sens des visions…
Bref, cette vidéo est un must, et tous ceux à qui je l’ai montrée le confirment !
Une autre vidéo de Jacques Mabit que j’adore : ENTRETIEN AVEC JACQUES MABIT SUR LE TABAC
Le site web de Takiwasi : CENTRE TAKIWASI - MÉDECINE TRADITIONNELLE AMAZONIENNE
DMT : THE SPIRIT MOLECULE
La star de cette vidéo, c’est la DMT (diméthyltryptamine) en personne ! Une molécule extrêmement simple que n’importe quel organisme peut synthétiser, incroyablement disponible chez les plantes et les animaux (nous compris), mais dont personne ne s’explique la fonction…
Pourquoi la DMT est-elle présente dans notre corps ? Quel est son rôle dans la nature ? Comment se fait-il qu’elle ait de tels effets sur la conscience humaine ?
Au fil de ce reportage qui présente une profusion d’explications chimiques, on découvre que la DMT, d’abord considérée comme un simple bruit physiologique, pourrait en réalité être le langage des plantes, sorte de molécule messagère que celles-ci utilisent pour entrer en relation avec d’autres organismes dans l’environnement…
Mais pourquoi les humains, via leur système nerveux, sont-ils câblés pour recevoir cette expérience ? Y aurait-il des informations importantes à en tirer, à en apprendre ? Puisque rien dans la nature n’existe par accident, on est forcé de se dire que cette foutue DMT possède une réelle fonction, qui pourrait être celle de créer un langage moléculaire sur une base commune, celle de la résonance, entre tout ce qui est vivant… Sans compter que la DMT est sans conteste l’outil le plus puissant pour explorer la question : Qu’est-ce que la conscience ?
Tout au long de nombreuses interviews, étoffées d’images psychédéliques très parlantes, ce reportage basé sur les travaux de Rick Strassman s’attache à nous dévoiler l’histoire de cette “molécule de l’esprit” qui fascine les intellectuels, les scientifiques, les artistes, les philosophes, et évidemment les psychonautes…
Et si les enthéogènes pouvaient finalement conduire à une science de l’esprit ?
Inévitablement, la glande pinéale, cet organe en forme de petite boule, niché en plein centre du cerveau, a droit à son étude aussi, car elle a toujours été l’objet d’un immense intérêt et même d’une certaine vénération au sein du département de physiologie, et son rapport avec la production de DMT est justement le thème des recherches de Rick Strassman, qu’il aborde dans son livre DMT - La molécule de l’esprit.
Il relie cette glande aux états mystiques spontanés. Méditation, jeûne, chant, danse, isolement, traumatisme, NDE, sont connus pour engendrer des phénomènes qu’on nomme “hallucinatoires”, explicables par la présence de composés connus comme produisant des hallucinations. Et les seuls composés qu’on connait qui puissent le faire sont les hallucinogènes, naturellement !
Rick Strassman avance donc l’idée que la glande pinéale, sous un certain stress ou une stimulation secrète, pourrait libérer un flux de DMT endogène qui serait à l’origine des expériences mystiques… Et il a été le premier à commencer les études cliniques auprès de volontaires. Je vous laisse imaginer leurs témoignages imagés dans ce documentaire…
C’est carrément ouf !
Le livre de Rick Strassman : DMT - LA MOLÉCULE DE L’ESPRIT
IBOGA, LES HOMMES DU BOIS SACRÉ
Mallendi, un jeune guérisseur gabonais, nous entraîne dans un voyage initiatique au fond de la forêt équatoriale africaine, sur les traces de l’Iboga, cette plante divinatoire et maîtresse qui envoie les initiés en voyage dans l’univers des ancêtres, et leur permet de renaître en Hommes neufs, riches de connaissances nouvelles grâce auxquelles ils pourront réévaluer leur présent et en tirer des leçons pour leur vie future…
J’aime bien ce type de reportage où on est en pleine réalité du terrain, de la récolte de la plante et sa préparation jusqu’à son incorporation rituelle. On découvre les différentes phases de l’initiation au Bwiti, comment on demande d’abord à la plante la permission de l’utiliser, puis cette sorte de baptême dans la rivière où on se nettoie et confesse ses anciens péchés, avant de se ceindre d’un pagne rouge symbolisant le sang (au début de l’accouchement, la mère perd les eaux, puis ensuite vient le sang), et enfin l’entrée dans la phase initiatique pure et dure avec trois jours de rite, de musique et de prise d’Iboga.
On apprend pas mal de choses, comme la distinction entre l’initiation à l’Iboga et celle au Bwiti, les différentes préparations du Bois Sacré, la volonté qui préside à la rencontre avec lui - celle de s’ouvrir à soi-même, revoir son histoire, et devenir clairvoyant sur son futur -, l’importance de la musique qui élève les vibrations de l’esprit, ces fameux vaccins aussi, réalisés avec une lame de rasoir…
On suit également une Occidentale qui va se faire initier et un ancien toxico qui témoigne.
Et enfin, comme dans le documentaire sur le Bufo Alvarius et celui sur la DMT, la question de l’ibogaïne synthétisée par rapport à la prise d’Iboga pur est abordée, chose qui me semble toujours pertinente pour replacer la médecine dans son contexte traditionnel.
STANISLAV GROF - THE WAY OF THE PSYCHONAUT
Stanislav Grof est psychiatre, et c’est un véritable pionnier de la recherche autour des états de conscience modifiés ! Cet homme est le père fondateur de la psychologie transpersonnelle, l’inventeur de la respiration holotropique et l’auteur de nombreux ouvrages dont le fameux Psychologie Transpersonnelle que je recommande à tout le monde dès que j’en ai l’occasion !
Grof distingue 3 niveaux dans la psyché :
Le biographique et l'inconscient individuel.
Le domaine périnatal.
Le domaine transpersonnel, qui concerne les états de conscience non ordinaires et l'inconscient collectif, et qui couvrent une vaste dimension de la psyché : expérience d'unité, identification à d'autres personnes, conscience de groupe, identification à des animaux, des végétaux et à des processus botaniques, conscience planétaire, expériences embryonnaires et fœtales, expériences ancestrales, expériences d'incarnations passées, expériences spirites et médiumniques, phénomènes énergétiques du corps subtil, expériences de séquences mythologiques, expériences d'archétypes universels.
Stanislav Grof a révélé la structure profonde, le modèle archétypal du processus de vie tel qu’il s’incarne et se réincarne en nous en tant qu’individu. Ses travaux ont été salués par Joseph Campbell lui-même, auteur du Héros aux mille et un visages, qui comprit, grâce aux découvertes de Grof, pourquoi toutes les cultures du monde nourrissent le fameux monomythe et les rites de passage qui le jalonnent…
Ce modèle archétypal du processus de vie, c’est celui des quatre matrices périnatales, que l’enfant rencontre peu de temps avant sa naissance, rattachées aux expériences de naissance et de mort. Celles-ci démarrent avec l’expérience de l’unité cosmique, quand il ne fait qu’un avec son environnement (le ventre de sa mère), transitionnent vers l’enfer sans échappatoire (quand les contractions commencent mais que le col de l’utérus n’est pas encore ouvert), puis vers le purgatoire avec la libération en vue, où on est à la fois la victime, le bourreau et le témoin (quand l’enfant est engagé dans le canal pelvien), et culminent enfin vers la liberté et un nouveau sentiment de connexion (quand le gosse est enfin dehors en train de téter sa mère !). Pour faire simple, Grof est celui qui a donné sens à l’expérience psychologique et psychédélique, même la plus horrible !
Ne rigolez pas, ces matrices expliquent un tas de bad trip, et apporte une signification à nos vies et même à nos déviances (toxicomanie, scatophilie) selon ce qu’on a vécu durant ces moments-là…
Au travers d’interviews, de reportages de ses stages où on voit les gens en plein voyage, le tout brillamment mis en scène avec des images évocatrices, on découvre le passé de cet homme, qui commença sa carrière de psychiatre en administrant des électrochocs 25 fois par jour (à l’époque, on pensait que les convulsions provoquées artificiellement pouvaient soigner la maladie mentale) et provoquait des comas à l’insuline 15 fois par jour aussi (soi-disant que ça traitait la schizophrénie !), jusqu’à ce qu’enfin le LSD débarque et qu’il commence à l’expérimenter sur ses patients, de même que la psilocybine et la mescaline.
Et c’est ainsi, en prenant soin de ses patients sous psychotropes, qu’il découvre les matrices périnatales.
Ses études sur le LSD aboutissent à l'idée que certains problèmes psychiatriques, classés comme psychoses, sont en réalité des expériences spirituelles et que les substances psychédéliques pourraient devenir de merveilleux outils de guérison en psychologie et en psychiatrie…
Mais ceci n’est que le commencement de ce que vous allez découvrir dans cette incroyable vidéo !
Le livre de Stanislav Grof sur les matrices périnatales et les expériences de conscience associées : PSYCHOLOGIE TRANSPERSONNELLE
Le livre sur ses propres expériences avec les psychédéliques : QUAND L’IMPOSSIBLE ARRIVE
AYAHUASCA KOSMIK JOURNEY EN VR VERSUS LA RÉALITÉ DE LA TRANSE
Jan Kounen, cinéaste-ayahuasquero à qui l’on doit le célèbre reportage D’autres mondes, a eu une idée folle : simuler une cérémonie d’Ayahuasca en réalité virtuelle ! Son but ? Comme il le dit lui-même, ramener et partager de l’info autour de cette médecine, parce que la VR permet de manière beaucoup plus précise de retranscrire la nature de l’expérience, à savoir d'être plongé dans un monde de manière vertigineuse.
Et c’est vrai que la transe de l’Ayahuasca et les visions qu’elle provoque sont difficilement traduisibles, que ce soit avec des mots ou au travers d’un simple film. Par nature immersif et tridimensionnel, l’univers de l’Ayahuasca est vraiment une autre dimension, que seule la réalité virtuelle pouvait mettre à la portée de ceux qui n’en ont jamais pris. Comme poursuit Jan Kounen, la VR s’imprime comme une expérience vécue.
Et il semble bel et bien que c’est ce qu'a ressenti mon pote Ben, en faisant l’expérience d’Ayahuasca Kosmik Journey avec son casque sur le tête. Quand il m’a contactée pour me mettre au courant de sa découverte, les mots semblaient buter sur sa langue, tant ce qu’il avait vécu l’avait bouleversé. J’ai donc eu l’idée de l’interviewer en podcast tandis qu’il était au cœur du jeu, pour creuser avec lui au sein de son expérience. Mais ce n’est pas n’importe quel podcast…
Vous allez VIVRE Ayahuasca Kosmik Journey en même temps que nous, grâce à la vidéo complète du film diffusée ici, en suivant les impressions d’un novice (Ben) pénétrant dans l’univers de l’Ayahuasca, accompagné d’une ayahuasquera (moi), qui va l’aider à comprendre ses visions et explorer la profondeur de ses impressions…
Prenez une grande inspiration et cliquez sur le lien : Bienvenue dans le royaume de l’Ayahuasca !
Les livres de Zoë Hababou (ouaip, c’est moi !) : LA SAGA BORDERLINE
INTERVIEW DE FREDERIKA VAN INGEN : LES PEUPLES RACINES
Frederika Van Ingen, écrivain et journaliste ayant été à la rencontre de très nombreuses cultures et traditions à travers la planète, est sans conteste la personne la plus qualifiée pour nous parler des Peuples Premiers. Tout au long de son incroyable interview, elle évoque avec simplicité et naturel les connaissances rares et parfois surprenantes qu'elle a acquises auprès d’eux.
Ainsi, Frederika nous apprend que tous les Peuples Racines se rejoignent sur l’idée que l’Homme n’est pas au-dessus du reste de la création, mais juste une espèce parmi d’autres. La sagesse de ces peuples, c’est de savoir observer la nature et les animaux afin de comprendre la vie, car dans leur vision du monde, les animaux sont les enseignants des humains. Tout ce qui vit sur Terre, Hommes, animaux, plantes, sont les cellules d’un corps vivant, chacune pourvue d’un rôle. En tant qu’Homme, notre devoir est de le trouver, savoir quelle est notre place, à quoi on va contribuer, car au contraire des autres êtres, nous, les Hommes, ne sommes pas finis, ce qui implique qu’on doive chercher notre mission.
Si la nature est un grand livre dans lequel tout est écrit, notre but est d’apprendre à le lire pour déchiffrer le savoir qu’il renferme…
Dans cette vision globale du monde, on est tous reliés, et c’est justement cette idée de “relation” qui est la clé permettant de comprendre la philosophie et la médecine de ces peuples, tout en nous ouvrant vers une nouvelle appréhension de ce qu’est la “santé”. En effet, selon eux, la santé ou la maladie ne doivent pas s’envisager au niveau individuel comme on le fait en Occident, car l’individu ne représente qu’une cellule d’un organisme bien plus grand.
L’important se situe dans la relation qu’on a au monde. Chez les Peuples Premiers, quand une personne va mal, ce n’est que le symptôme d’un dysfonctionnement dans le groupe. Tout déséquilibre provient du fait que notre relation avec quelque chose de beaucoup plus large n’est pas harmonieuse, la médecine a donc pour mission de s’attacher au rééquilibrage de notre lien avec la nature, afin de le réparer (c’est une idée qu’on retrouve aussi dans la vidéo sur l’alchimie).
C’est là que Frederika aborde la question du nettoyage des énergies, but des rituels pratiqués par ces communautés, qu’il s’agisse de prévention ou de soin, mais l’idée est de savoir fluidifier les énergies qui nous ont traversés avant qu’elles ne se cristallisent et ne deviennent néfastes, notamment par le chant et la danse.
Et puis Frederika nous parle aussi de ces chamans colombiens, les mamas, qui vivent dans une grotte depuis le jour de leur naissance jusqu’à leurs 18 ans, ce qui les rend aptes à percevoir le monde et utiliser leur conscience d’une manière tout à fait incroyable ! Elle nous apprend aussi comment, globalement, on devient chaman, comment le savoir sur les plantes a été acquis…
A l'heure actuelle, tenter de comprendre ces traditions, qui ne sont rien d'autre que nos racines oubliées, et oser un retour vers elles, est selon moi la seule démarche de conscience en mesure de nous sauver.
Le livre de Frederika Van Ingen : CE QUE LES PEUPLES RACINES ONT A NOUS DIRE
Son site web : FREDERIKA VAN INGEN
BUFO ALVARIUS AND 5-meO-DMT
Je vous demande de faire un accueil chaleureux à notre petit héros du jour : le Bufo Alvarius ! Résident discret du désert du Sonora, qui couvre le nord du Mexique et une partie de l’Arizona, cet étrange spécimen vit sous terre la majorité de l’année, ne sortant qu’à la saison des pluies pour s’alimenter et se reproduire…
Comme vous pouvez le voir sur la photo, il est pourvu de glandes proéminentes qui contiennent une substance capable de nous transporter en quelques secondes dans la Conscience Globale : la 5-meO-DMT ! Le fameux Easter Egg du jeu de la vie, c’est ici et nulle part ailleurs qu’il se trouve ! Planqué dans la tête d’un crapaud du désert… Ouais, je suis d’accord avec vous. Y en a un qui doit se marrer, là-haut.
Petite précision : je ne tiens pas à encourager le business complètement forcené qui a lieu actuellement avec le Bufo. S’il est vrai que le crapaud ne souffre pas lors de l’extraction du liquide que contiennent ses glandes et qu’on le relâche gentiment ensuite, il n’empêche que je suis férocement contre l’élevage en ferme et la maltraitance qu’il connait dans ce contexte-là, et aussi contre la récolte sauvage qu’il subit dans le désert-même, à cause de gens qui ne le respectent pas et le font souffrir ou le tuent inutilement. Cet animal et la substance qu’il détient ne sont pas à notre disposition. Se rendre au Sonora pour fumer une fois du Bufo récolté respectueusement par les Comcaac (aussi appelés Seris), qui est la communauté vivant là-bas, oui. User et abuser de cet animal sans aucune considération pour son bien-être et les conséquences désastreuses que notre consommation de son venin pourraient avoir, non. Bien, à présent, reprenons notre analyse.
Ce documentaire est vraiment cool ! Ce que j’apprécie ? Il explore notre pote le crapaud du désert sous tous ses aspects en offrant la parole à un paquet de monde, et en plus, il est marrant !
Milieu naturel du Bufo, chimie du cerveau, différence entre 5-me0-DMT extraite du crapaud ou synthétisée en labo, expériences mystiques, intégration des enseignements, mais aussi sauvegarde de l’animal, ce reportage accompli un tour d’horizon très complet sans nous ennuyer une seconde, grâce à ses variations entre interviews, explications scientifiques, parties documentaires et extraits humoristiques.
S’il n’apprendra peut-être rien de neuf aux initiés, c’est un bon point d’entrée pour ceux qui n’auraient jamais rencontré le Bufo et l’expérience ineffable d’unité cosmique qu’il provoque. Sans jamais tomber dans le sensationnalisme (très fréquent dans beaucoup d’autres reportages qui traitent du Bufo Alvarius), c’est un compte-rendu très plaisant, réalisé avec sagesse et sensibilité, qui ravira les curieux tout en rouvrant les souvenirs des connaisseurs…
CORINE SOMBRUN - LA TRANSE CHAMANIQUE, CAPACITÉ DU CERVEAU ?
Corine Sombrun, c’est cette femme qui, de base, partait simplement faire un reportage sur le chamanisme en Mongolie pour la BBC. Mais en assistant à une cérémonie, voilà qu’au son du tambour, elle se met à trembler, à hurler comme un loup, et à sentir son corps se transformer en animal, processus sur lequel elle n’a aucun contrôle. Le chaman, très en colère, lui grogne : Mais enfin, pourquoi tu m’as pas dit que t’étais chaman, sacré nom d’une pipe ?
De là part son initiation à la frontière de la Sibérie (qu’elle ne peut pas refuser car le chaman la prévient que si elle ne devient pas ce que les esprits ont décidé pour elle, elle va avoir de gros gros problèmes…), où elle se rend plusieurs mois par an durant 8 ans, guidée par une femme chamane, Enkhetuya, de l'ethnie des Tsaatans, chargée de lui enseigner les techniques de transe. Son expérience donnera naissance à plusieurs livres, mais aussi à une fructueuse collaboration avec des scientifiques, premier protocole de recherche sur la transe étudiée par les neurosciences… testé sur elle-même avec des électrodes branchés sur le cerveau !
Cette courte conférence n’est qu’un avant-goût assez mignon des fabuleux travaux de Corine Sombrun, mais je me suis dit qu’une vidéo qui ne dure pas une heure vous changerait un peu comparé au matos bien balèze que je vous balance depuis le début. Pour aller plus loin, vous n’avez qu’à cliquer sur les liens qui suivent :
Le livre de Corine Sombrun sur son initiation : MON INITIATION CHEZ LES CHAMANES
Son livre sur la transe : LA DIAGONALE DE LA JOIE
Une interview plus poussée de Corine Sombrun : LES SURPRENANTS EFFETS DE LA TRANSE
Son site web : CORINE SOMBRUN
LA REVANCHE DES CHAMANS
Pour être tout à fait franche, cette vidéo m’a mise un tantinet mal à l’aise. Réalisé par Laetitia Merli, docteure en anthropologie, hypnothérapeute et vidéaste qui a notamment suivi Corine Sombrun dans ses aventures en Mongolie, ce reportage nous présente les chamans de Touva, en Sibérie, berceau du chamanisme, qui, après des décennies de persécutions soviétiques, reviennent sur le devant de la scène.
On rencontre Kara Ool, grand chef chaman du centre Adyg Eeren (Esprit de l’Ours), responsable d’une dizaine de chamans de tout horizon qui vivent au centre. Adyg Eeren fonctionne comme un dispensaire qui propose des rituels et des guérisons, semblant s’attaquer principalement aux blessures de la vie quotidienne, et parfois à la formation de nouveaux chamans. Très différent du cliché qu’on s’en fait, la réalité de terrain parait de prime abord dénuée de tout folklore, s’inscrivant plutôt dans l’application d’une médecine pratique, réaliste, dans laquelle l’aide des esprits intervient sans fioritures.
Mais bien que le discours du grand chef clame une amitié chamanique au-delà des frontières dans le but d’aider l’humanité, qu’il déclare qu’il faut soutenir les chamans car ceux-ci soutiennent la nature, et que le boom et la mode du chamanisme en Occident est une bonne chose qui, à la longue, contraindra les gouvernements à aller dans le même sens, y a un truc qui me gène chez lui. Peut-être son côté mercantile camouflé, et son âme que je sens désabusée derrière ses beaux discours... J’ignore si ces impressions viennent seulement de moi, de ce chamanisme sibérien que je ne connais pas, ou alors s’il s’agit bel et bien d’une réalité révélant les bouleversements profonds que rencontre le chamanisme traditionnel en réponse à la frénésie qu’il connait en Occident.
Quoi qu’il en soit, à travers ce documentaire, j’avais envie de dévoiler une autre dimension du chamanisme moderne, assez éloignée des fantasmes romantiques qui polluent notre imagination. Je vous laisserais donc vous faire votre propre idée après le visionnage.
Les deux interviews de Laetitia Merli que j’ai réalisées : MÉDECINE DU TAMBOUR VS MÉDECINE DES PLANTES SACRÉES
Le livre de Laetitia Merli : DE L’OMBRE A LA LUMIÈRE, DE L’INDIVIDU A LA NATION - ETHNOGRAPHIE DU RENOUVEAU CHAMANIQUE EN MONGOLIE POSTCOMMUNISTE
Son site web : LAETITIA MERLI
APPRENDRE À PARLER AVEC LES PLANTES : LA DIETA (FEAT. ZOË HABABOU)
Balthazar Benadon avait depuis longtemps, semble-t-il, envie de réaliser une vidéo sur la diète de plantes maîtresses. Quand il a découvert mon travail, il m’a rapidement contactée pour m’interviewer, persuadé que j’étais une interlocutrice suffisamment expérimentée et éloquente pour partager mon expérience et mes connaissances avec passion et authenticité auprès de sa communauté de psychonautes.
Dans cette interview, j’explique donc ce qu’est une plante maîtresse ou enseignante, cette catégorie de plantes dotées d’un esprit dont les chamans se font des alliées en les diétant, afin que celles-ci leur transmettent une partie de leur savoir et de leur pouvoir, et leur apportent leur aide dans leur travail de guérisseurs.
Mais il se trouve que la pratique de la diète de plantes maîtresses n’est, de nos jours, plus seulement réservée à l’initiation des curanderos. De nombreux Occidentaux, dont je fais partie, se tournent désormais vers cette pratique afin de soutenir leur quête personnelle de sens, qui implique naturellement de se connaitre soi-même, et d’explorer le phénomène de la conscience, qui passe donc par l’étude de la conscience humaine, mais aussi celle d’autres êtres tels que ces fameuses plantes…
En tant que longue pratiquante de la diète, j’évoque donc le processus assez difficile dans lequel on s’engage avec une plante - isolement, restrictions et interdits alimentaires et comportementaux, engagement total de la volonté, et même dévotion - et ce que l’on est en droit d’en attendre, qu’il s’agisse d’un changement dans la relation qu’on entretient avec soi-même, mais aussi avec le monde.
En vrac, je parle aussi de la différence qui existe entre boire de l’Ayahuasca hors diète ou en pleine diète, je creuse les caractéristiques et les enseignements de certaines plantes enseignantes comme le Chiric Sanango, l’Ajo sacha, l’Ayahuma, le Chullachaki, le Bobinsana, et enfin, je parle de liberté intérieure et de connaissance de soi, qui sont, selon mon expérience, les plus grands bénéfices que trouve celui qui décide de devenir ami avec une plante…
Le site web de Balthazar Benadon : LA GAZETTE DE L’ABIME
Mon article des Plantes Maîtresses sur ce blog : PLANTES MAITRESSES AMAZONIENNES - L’INVENTAIRE ILLUSTRÉ
SAGESSE LAKOTA AVEC ERNIE LAPOINTE, ARRIÈRE-PETIT-FILS DE SITTING BULL
Ernie Lapointe, Homme Médecine Lakota, arrière petit-fils de Sitting Bull, partage sa culture autour de la quête de vision et de la sundance, nous raconte comment on devient Homme ou Femme Médecine, et nous parle des différences essentielles entre Indien et Homme blanc : si le natif américain est élevé dans le respect du vivant, l'Homme blanc est élevé dans la peur…
Bien que relativement court comparé aux autres vidéos partagées ici, le témoignage d’Ernie Lapointe n’en demeure pas moins dense et très inspirant ! En quelques minutes, il établit la différence entre spiritualité et religion, nous parle de spiritualité vivante, de la pipe sacrée qui ouvre la communication avec les esprits et nous permet de recevoir leurs message, nous demande d’être humble, tourné vers l’avenir et non le passé, nous apprend que prier c’est parler avec son cœur, explique le principe des offrandes qui consiste à donner et recevoir dans le commerce avec les esprits, nous dit qu’on est tous connectés, puis enchaîne sur la quête de vision, qui signifie en réalité “pleurer toute la nuit en espérant recevoir des visions”, la sundance sacrificielle qu’on entreprend en offrant sa sueur, son sang et ses larmes afin d’avoir des visions du futur et ainsi pouvoir le sauvegarder…
Ernie nous enseigne aussi que comprendre qui on est constitue la première marche vers la spiritualité, et qu’il ne faut jamais avoir peur, car c’est d’elle que naissent tous les maux de l’humanité, racisme, envie, jalousie, j’en passe et des meilleurs... Respect du vivant, des animaux, de la nature, des êtres humains… Même si ces mots peuvent sembler simplistes (l’essentiel n’a pas besoin de fioritures), Ernie a une façon de les dire qui les rendent beaux et vibrants, et quand il parle de connexion, va savoir pourquoi, ça résonne.
J’adore quand il dit que l’arme des Lakota est l’humour, parce que parvenir à faire rire, c’est faire comprendre, ancrer l’enseignement dans le cœur des gens. Il revient souvent sur cette idée que céder à la peur, c’est la laisser nous contrôler. Et puis, il rappelle cette leçon qu’on connait tous déjà sans vraiment parvenir à l’appliquer : chacun doit être son propre professeur, les messages ne viennent pas de l’extérieur, chacun doit faire l’effort de se regarder lui-même et c’est ainsi, paradoxalement, qu’on arrivera à être solidaires…
Et enfin, il dit que les Lakota sont tournés vers le présent et donc vers le futur, mais que le passé doit cesser d’être rabâché car ça ne fait que le répéter.
Le livre de Ernie Lapointe : SUNDANCER - SAGESSE ET VISIONS D’UN NATIF AMÉRICAIN
MARCOS DRAKE : ENTHÉOGÈNES, GUÉRISON, PEUPLES PREMIERS, SPIRITUALITÉ
Marcos Drake, qui se définit lui-même comme curandero et rebouteux, je le connaissais ni d’Eve ni d’Adam, c’est mon pote Stephan Schillinger qui m’a branchée sur cette chaîne, Lueur, où est diffusée son interview. Et je dois dire que la révélation a été totale ! Sous ses faux airs de gros nounours tout tendre, ce mec envoie du lourd et dénonce à tout va la bêtise et l’hypocrisie d’une société à la dérive : la nôtre.
Quand on lui demande quels sont les risques de la prise d’enthéogènes, il répond sans sourciller qu’on a tendance à confondre la vie et le système sociétal esclavagiste, et que les enthéogènes travaillent à nous retirer nos œillères tout en nous faisant sortir de la caverne, ce qui fait qu’y a de fortes chances qu’après leur prise, on refuse de jouer encore selon les règles, c’est-à-dire, taffer pour payer l’essence afin d’aller taffer.
Puis il enchaîne sur la récupération des substances psychédéliques par le système médical, qui, sous couvert de réhabilitation bienveillante, contrôle religieusement leur distribution, tout en cherchant à leur retirer leur aspect enthéogène (qui génère le sentiment de Dieu en soi), justement, chose que Stephan Schillinger dénonce également vertement. Marcos critique ce système qui ne cherche pas la guérison mais plutôt à atténuer les symptômes, coupant l’herbe sous le pied d’une saine prévention qui éviterait que le problème s’installe. Selon lui, le fait qu’on guérisse totalement n’intéresse pas le système (mention spéciale à la distinction entre soigner et guérir : “soigner” : nier le soi ; “guérir” : retrouver la joie). Au fond, celui-ci nous soigne dans l’unique but de nous réintégrer au plus vite dans la chose qui précisément nous fait mal. Il dit que ce système de “santé” nie les gens en les considérant d’un point de vue mécanique, dans la seule intention qu’ils retournent taffer et consommer.
C’est sur notre rapport complètement erroné à la vie que Marcos Drake nous ouvre les yeux (enfin, pour ceux qui squattaient encore dans le coaltar, mais y en a de moins en moins...), l’origine des pathologies se trouvant bien évidemment dans le système social et notre façon de vivre, dans cette perte de sens, de joie de vivre, dans cette négation des messages du corps et donc de soi, ce manque de temps pour les écouter, qui caractérisent la vie moderne au sein de ce putain de système…
Et que fait-on avec les enthéogènes ? On a décrié et vilipendé ces substances, on les a interdites, même aux Peuples Premiers qui les utilisaient depuis des millénaires, et voilà que maintenant on fait semblant de les découvrir, leur trouvant soudain toutes les qualités du monde, sans se préoccuper une seconde du mal qu’on a fait à ces Indiens devenus pauvres et/ou alcooliques qui n’ont même plus droit à leur culte !
On recommence les mêmes conneries avec les enthéogènes qu’avec le système de santé habituel. Attendre d’être en fin de vie ou en souffrance très grave pour avoir le droit d’y avoir accès… Comme le dit Marcos, tout ça, c’est rien que du palliatif, alors qu’ils devraient être utilisés en amont pour déprogrammer ce qui provoque la maladie, justement. Quand elle est trop installée, c’est trop tard ! Dans la vie traditionnelle, ces substances sont utilisées longtemps avant la catastrophe ou la mort, comme un reset avant la pathologie, ou en tant que rite de passage.
Bref, je pense que vous m’aurez comprise. J’aime le fait que ce mec remette les pendules à l’heure sur la façon dont on se réapproprie les psychédéliques tout en reniant sans vergogne le savoir et la propriété des indigènes. Et là, je vous ai fait un résumé de seulement la moitié de l’interview…
Et il y a un épisode 2 !
La suite de l’interview de Marcos Drake : MARCOS DRAKE, PARTIE 2 : ENTHÉOGENES, GUÉRISON, PLANTES, PANPSYCHISME
Son site web : MARCOS DRAKE
JAN KOUNEN - D’AUTRES MONDES
Bon, OK, ce documentaire de Jan Kounen est over connu, et c’est même lui qui est en grande partie responsable du “tourisme chamanique” que subit le Pérou depuis une quinzaine d’années. D’après ce que j’ai compris, Jan s’en mord les doigts, vu que ses intentions n’étaient pas du tout de transformer l’Ayahuasca en attraction spirituelle et les chamans en businessmen, mais au contraire, de faire connaître la richesse et la valeur de la culture des Shipibo et de leur medicina au monde, et tenter de les sauver en préservant leur savoir de la disparition dans les poubelles de l’Histoire…
Certes, c’est loupé, mais il n’en demeure pas moins que ce reportage, aussi problématique soit-il, reste un document très précieux et authentique témoignant de l’univers des Shipibo et de leur médecine, tout en nous offrant l’expérience touchante d’un Gringo en pleine découverte des plantes et de lui-même.
D’autres mondes est mythique, pas moyen que je le cale pas ici, navrée, et puis je connais encore quelques personnes qui l’ont jamais vu.
On y suit donc Jan Kounen, réalisateur encore jeunot, au tout début de son parcours d’ayahuasquero, qui raconte en voix off ses expériences, ses émotions, son voyage sans retour dans le monde de l’Ayahuasca. On le voit en cérémonie, on écoute ses pensées les plus intimes, on le suit dans sa quête tout d’abord scientifique puis davantage mystique. On découvre le bouleversement dans sa conception de la réalité qu’il expérimente, et aussi la vie quotidienne de la communauté indigène où il se trouve.
Beaucoup de chants shipibo, ce que j’apprécie énormément, des interviews de sommités du monde psychédéliques tels Stanislav Grof et Jeremy Narby, mais aussi de son maestro shipibo Kestenbetsa, des représentations graphiques des visions qu’il approfondira plus tard dans son film Blueberry et dans son jeu de réalité virtuelle Ayahuasca Kosmik Journey, qui contribuent à faire de ce documentaire une expérience assez immersive.
Bref, si ce reportage a eu l’effet qu’il a eu sur le monde, c’est pas pour rien, il méritait donc de figurer ici.
Le livre de Jan Kounen qui raconte son parcours : CARNETS DE VOYAGES INTÉRIEURS
Son tout nouveau livre : DOCTOR AYAHUASCA
DES PUTAINS DE LIMACES COSMIQUES - UN FILM D’ANIMATION PSYCHÉDÉLIQUE
Je vous le dis tout net, je vais pas m’étendre trois plombes sur ce film d’animation réalisé par Balthazar Benadon et Clément Hébert, car il est hors de question que je déflore la merveille que vous allez découvrir en cliquant sur la vidéo. Je me contenterai donc de dire qu’il s’agit de la rencontre entre un psychonaute et une entité spirituelle.
Le pitch, c’est ça : Balthazar (qui raconte ici une expérience réelle en prêtant sa voix au personnage principal du film), suivant les conseils avisés de Terence McKenna, décide de prendre une dose héroïque de champignons hallucinogènes, seul, dans le noir et dans le silence. S’ensuit un voyage hors de l’espace-temps bouleversant qui le mènera à la rencontre d’une entité mystérieuse, avec laquelle il s’engage dans une discussion métaphysique sur la nature de la conscience et de la réalité…
Et si ce n’est peut-être pas la réaction attendue par les créateurs, cette animation m'a curieusement émue !
Je sais pas si c'est la voix de Balthazar, tellement habitée, ces dessins dont le style est si particulier qu’ils rendent l'expérience vraiment intime, l'histoire en elle-même, celle d'un mec qui prend son courage à deux mains et décide de se rendre, seul et un peu effrayé, dans une autre dimension où tout peut arriver, ou encore la présence troublante et les enseignements de cette entité qu'il rencontre, qui résonnent d'une telle profondeur, rayonnent d'un tel éclat de vérité qu'un pauvre être humain ne peut que... ouvrir de grands yeux et acquiescer sans émettre un son ! Et puis cet humour, aussi, toujours présent bien que très subtil, dont Balthazar Benadon a le secret…
Mais au-delà de ça, il y a aussi ce qui se passe derrière la vidéo. Ce qu'elle représente, ce qu'elle symbolise. La volonté de faire vivre, de partager avec les autres, une expérience ineffable qui, de surcroît, risque souvent d'être mal perçue, mal comprise. Et surtout, la beauté de retranscrire ce vécu au travers de l’expression artistique, langage visionnaire, onirique, métaphorique, seul idiome en mesure de témoigner fidèlement de ce qu'il est, en s'adressant à une partie de nous qui comprend grâce à l'intuition plutôt qu'avec la logique.
C'est un travail admirable. Merci les gars !
L’interview de Balthazar que j’ai réalisée : LA VOIE DE LA TRANSGRESSION
OLIVIER CHAMBON : ÉTATS ÉLARGIS DE CONSCIENCE
Olivier Chambon est un médecin-psychiatre qui a basculé dans la marmite des psychédéliques sans espoir de retour ! Auteur de nombreux ouvrages qui sont des putains de références sur l'utilisation thérapeutique des psychédéliques, tels La médecine psychédélique, La révolution psychédélique et L’éveil psychédélique, cet homme est un brillant représentant du post-matérialisme, mais surtout un pionnier des méthodes de soins comportementales et cognitives pour les patients psychotiques chroniques.
Dans cette interview, il expose les éléments qui montrent aujourd'hui que la conscience est indépendante du cerveau et qu'elle survit à la mort physique. Il évoque notamment les cas d'expériences de mort imminente, le chamanisme, et d'autres phénomènes qui élargissent notre conscience et permettent de l'ouvrir à d'autres réalités.
Olivier Chambon nous parle de son parcours, de sa découverte de l’hypnose et de l’EMDR, des expériences extraordinaires qui l’ont mis sur la piste d’autres dimensions et incité à vouloir aller plus loin. Il évoque son étude et sa pratique du chamanisme, la façon dont il a intégré dans sa vie la méditation, le yoga, le Qi Gong, qui l’ont conduit à un approfondissement de la conscience dans son quotidien, mais qui l’ont surtout globalement amené à une autre vision de l’Homme, c’est-à-dire sa vie, ses épreuves, sa vraie nature, son essence…
En l’écoutant, on apprend que l’être humain dispose de 3 cerveaux remplis de neurones, logés dans les intestins, le cœur et la boite crânienne, recevant ou captant la conscience telle une télé le ferait avec les ondes, plutôt que la créant. Selon lui, contrairement à ce que la majorité du monde pense, le cerveau a besoin de la conscience pour vivre, alors que l’inverse n’est pas vrai, comme tendrait en effet à le prouver les NDE où le cerveau est out, mais la conscience plus vivace que jamais !
J’aime cette idée qui dit que l’état modifié de conscience, c’est pas celui sous psychotropes, mais au contraire celui de la réalité ordinaire, dans laquelle la conscience est rétrécie à la mesure du cerveau, l’étendue du réel comprimée et déformée par ce filtre réducteur qu’il est, ce qui fait qu’on ne capte qu’une toute petite parcelle de la réalité, comme une télé foireuse ne capterait qu’une seule chaine alors qu’il en existe plein d’autres, de multiples réalités invisibles et subtiles…
Une fois de plus, Olivier Chambon prend donc de plein fouet les partisans du matérialisme qui ne croient que ce qu’ils voient, tout en les teasant au passage avec le microscope et les champs électromagnétiques qui sont la preuve qu’avec de nouveaux instruments, on peut voir l’invisible… Il développe même l’idée que grâce à la physique quantique, on sait que les champs d’énergie sont bien plus importants que la matière tangible et que ce sont eux qui la structurent, la matière n’étant qu’une conséquence du déploiement de champs de conscience intelligents autodéterminés, utilisant l’énergie de manière structurée pour créer de la matière, justement.
Ça vous dépasse ? Alors regardez son interview, et au-delà de la complexité apparente des théories présentées ici, vous découvrirez un discours touchant et plein de bon sens, aussi motivant que rassurant, et indiscutablement fortifiant !
Les livres d’Olivier Chambon : LA MÉDECINE PSYCHÉDÉLIQUE, LA RÉVOLUTION PSYCHÉDÉLIQUE, L’ÉVEIL PSYCHÉDÉLIQUE
Son site web : OLIVIER CHAMBON
CHAMANISME ET PSYCHÉDÉLIQUES - ROMUALD LETERRIER ET STEPHAN SCHILLINGER
Romuald Leterrier, je l’adore ! Pour moi, c’est lui qui a écrit les meilleurs livres français sur l’Ayahuasca ! A la base, il est ethnobotaniste, mais son intelligence, son expérience du chamanisme, sa sensibilité et son intuition font de lui quelqu’un qui va bien plus loin que la simple étude des plantes, comme en témoigne ce livre, De la jungle aux étoiles, tellement foisonnant dans les pistes qu’il explore qu’il est impossible d’en faire un résumé.
Cette vidéo est une discussion passionnante entre Romuald et Stephan Schillinger, abordant des thèmes autour de l'Ayahuasca qui ne sont pas souvent traités...
Des exemples ? Eh bien, ce délire messianique qui s'empare fréquemment des nouveaux usagers de la Plante, qui voient leur ego spirituel (si si, ça existe !) enfler brutalement après une séance pleine de visions célestes (Romuald précise que les indigènes s'en cognent, de nos visions. Eux, ils s'intéressent au corps, à la purge, à la "détox transpersonnelle" que provoque une Ayahuasca qui travaille bien, car pour eux, rappelons-le encore, c'est une MÉDECINE).
Ils parlent aussi de la fascination ressentie par les Occidentaux pour ce monde du chamanisme, de la projection qu'ils font autour du personnage du chaman, souvent idéalisé, considéré comme un sage, un archétype de l'Homme de Savoir et de Pouvoir, et qui font face à une brutale redescente quand ils captent que ce n'est pas le cas...
Romuald nous met en garde de ne pas reproduire les mêmes erreurs que les hippies lors de la découverte du LSD, ce qui pourrait à terme provoquer la disparition de la liane... En se positionnant comme traditionaliste, il évoque les possibles dérives sectaires qui pourraient découler de l'usage de l’Ayahuasca en Occident, et insiste sur l'importance de la diète de Plantes Maîtresses, unique gage de la compétence d'un chaman, que bien peu d'Occidentaux comprennent...
Cette rencontre est tout simplement géniale, donc je vais m’arrêter là et vous laisser la découvrir par vous-mêmes.
Si vous voulez aller plus loin avec Romuald Leterrier, voici une autre interview de lui que j’ai beaucoup aimée : CHAMANISME ET PLANTES DE VISION | ROMUALD LETERRIER
Et voici le livre merveilleux dont je vous parlais : DE LA JUNGLE AUX ÉTOILES
CARLOS CASTANEDA - INTERVIEW WITH THEODORE ROSZAK
Nan, nan, ne commencez pas ! Je vous entends grogner d’ici, et gna gna gna, Carlos Castaneda c’est un menteur, il a tout inventé, Don Juan n’a jamais existé, et si oui c’était pas un Yaqui, blablabla… STOP ! Soyons honnêtes deux secondes, voulez-vous ? Les 3/4 d’entre nous, si on est là aujourd’hui sur ce blog, à causer substances psychotropes, réalité non ordinaire et conscience élargie, c’est grâce ou à cause de ce mec et de ses livres, d’accord ? Alors venez pas jouer les hypocrites et contentez-vous d’apprécier le document rare que j’ai dégoté pour vous et que je vous partage ici…
A vrai dire, je me demande si cette interview de Carlos Castaneda n’est pas la seule qui existe ! Et je sais pas vous, mais moi, j’ai pas l’impression d’écouter un menteur. S’il s’est certainement arrangé avec la réalité comme tout écrivain qui se respecte, les paroles qu’on entend quand il évoque sa rencontre avec Don Juan, la façon dont celui-ci l’a regardé, l’humour de cet homme qui se définissait lui-même comme “homme de connaissance” ou “celui-qui-sait”, résonnent comme un témoignage véritable, document précieux qui révèle le jeune anthropologue qu’il était à l’époque, face à cet étrange sorcier qu’avait toujours un train d’avance sur lui… Et si tout ça n’est rien d’autre que du fake, eh bien, soit, profitons de revivre l’épopée de ces livres qui nous ont transformés via la bouche de leur auteur !
Guidé par les questions précises de son interlocuteur passionné, Castaneda explique comment il s’y est pris pour accumuler tant de notes (aidé par le principe de récapitulation), parle des discussions fascinantes qu’il a entretenues avec Don Juan, raconte son expérience de vol après s’être transformé en corbeau, revient sur ce concept de réalité non ordinaire qui nous a tous marqués.
Il explore l’idée que ses expériences montrent que la réalité n’est qu’un consensus, la réalité ordinaire n’étant qu’un minuscule segment de la gamme totale du réel. Il dit que si on pouvait coder ou stimuler la réalité comme le fait un chaman, peut-être qu’on serait capable d’étendre notre connaissance de ce qu’on appelle “réel”. Prendre un stimuli comme “voler” pour le réadapter, c’est ça que Castaneda nomme “coder”.
Car ce que les Occidentaux définissent comme “hallucination” ou “démence”, les chamans, après des millénaires de pratique, le reclassent autrement. Castaneda dit que Don Juan lui a enseigné une autre façon de coder la réalité, la mettant dans un cadre propice lui offrant une autre interprétation. Cette histoire de vol, par exemple, et les réponses que Don Juan apporte aux interrogations de son apprenti, révèlent selon lui la sophistication du système de pensée de son maître, qui ramène l’expérience au ressenti. En effet, si la totalité de la réalité est perception, le réel n’est rien de plus qu’une construction, un consensus, donc ce que tu sens, c’est ça l’important !
Enfin, il parle aussi de sa rencontre avec le Mescalito, l’Esprit du Peyotl, qui a marqué des générations de lecteurs, moi la première, et conclut sur l’explication de la signification du “mourir comme un Homme” de Don Juan…
LE LIVRE de Carlos Castaneda, pour les quelques rares chanceux qui n’auraient pas encore goûté à sa prose : L’HERBE DU DIABLE ET LA PETITE FUMÉE (premier d’une longue série)
ALCHIMIE ET CHAMANISME - PASCAL BOUCHET
Vous vous demandez ce qu’une vidéo sur l’alchimie vient foutre là ? Mais les gars, pourquoi vous croyez qu’on consomme des psychotropes et qu’on se met dans des états inimaginables, à dégobiller au fin fond de la jungle, à s’évanouir après avoir fumé du Bufo, à se foutre en transe à base de Temazcal, de champis et de tambour, si ce n’est pour découvrir la pierre philosophale à l’intérieur de nous ? Faites-moi confiance… Cette vidéo va creuser, densifier et donner du sens à la quête que vous, les psychonautes, poursuivez.
On va donc causer alchimie avec Pascal Bouchet, que je ne saurais présenter autrement que comme un alchimiste, donc, et un écrivain-conférencier, qui va éclairer nos lanternes et nous apprendre que l’alchimie est loin de se résumer au trifouillage de métaux, loin s’en faut !
Selon Pascal, les alchimistes sont des philosophes de la nature, à la recherche de sa sagesse. La subtilité, c’est qu’il s’agit d’une science qui n’étudie pas la nature, mais vient de la nature elle-même, de la vie. Pascal Bouchet distingue deux voies en alchimie, deux castes sacrées radicalement différentes, deux orientations qui cherchent la pierre philosophale : les forgerons et les chamans.
L’un transmute les métaux, l’autre guérit l’être humain avec la médecine universelle.
On retrouve donc les protocoles chamaniques, car la racine de l’alchimie n’est ni plus ni moins qu’une quête ésotérique, philosophique, spirituelle, qui descend dans la matière…
L’école hermétique est liée à Hermès, le Mercure. Messager des dieux et patron des anges, intermédiaire entre l’Homme et la divinité, la Terre et le Ciel, ce type fait passer la conscience d’un état à un autre, c’est un initiateur, un passeur, ce qui fait de lui une excellente figure de chaman.
Ce que recherche l’alchimie dans la médecine universelle, c’est arriver à nettoyer, résoudre tous les maux. Ici, la maladie est prise au sens large, et la santé dans le concept de la médecine universelle englobe tous les aspects de nous : physique, psychique, émotionnel, mental, spirituel. L’un des fondements de l’hermétisme est que l’Homme est un microcosme fait à l’image du macrocosme, un univers modèle réduit. Alors quel est le taff de l’alchimie ? Condenser l’esprit universel pour le capturer dans notre microcosme. Pascal Bouchet nous dit que toute maladie, physique ou psychique, n’est que le phénomène d’une coupure entre microcosme et macrocosme, ce qui correspond tout à fait à la vision des Peuples Premiers qu’on découvre dans l’interview de Frederika Van Ingen…
L’alchimie, tout comme le chamanisme, part du principe que tout est vivant, que toute chose a un esprit, et que la matière est un reflet, une manifestation du spirituel. Selon ce point de vue, le monde matériel n’est rien de plus qu’un miroir de ce qui se passe dans le monde des esprits, donc le travail de l’alchimie est de relier les choses à leur esprit, rétablir, retisser le lien avec le macrocosme.
Ceci explique le travail des chamans, qui vont chercher les maladies à leur source, sur le plan spirituel, c’est-à-dire au niveau de l’esprit des maladies, au lieu de taffer sur leur manifestation.
Mais Pascal Bouchet évoque aussi cette lutte avec le dragon, racine de l’ego, que beaucoup de psychonautes ont expérimenté… Il parle du feu secret des sages, enfoui dans les ténèbres du corps, que la seule manière d’éveiller est de transpercer le dragon, c’est-à-dire déchirer le voile des illusions, affronter la peur de la mort… Selon lui, c’est le dragon, le gardien du seuil que le chaman doit affronter pour récupérer ses pouvoirs. En effet, quand un chaman veut devenir chaman, il doit éveiller le chaman qui est en lui, parvenir à le retrouver.
Car en définitive, l’obtention de la médecine universelle, n’est-ce pas de devenir soi-même la médecine universelle ?
L’interview de Pascal Bouchet que j’ai réalisée : PLANTES CHAMANIQUES & INITIATION ALCHIMIQUE
Le livre de Pascal Bouchet : LA VOIE DE L’ALCHIMIE
LE BONUS INATTENDU : MIDNIGHT GOSPEL !
Attention les yeux, voici Midnight Gospel, la série d’animation métaphysique sous psychotropes la plus chéper que votre pauvre cerveau aura un jour la chance d’expérimenter ! Quand un pote à moi m’a montré l’épisode dont vous avez l’extrait ici, j’ai HALLUCINÉ face au génie, à l’audace et surtout face à la profondeur que ce putain de dessin animé est capable de manier !
Réalisé par le comédien et podcasteur Duncan Trussell et le créateur Pendleton Ward, cette série disponible sur Netflix (on se demande ce qui leur a pris, sérieux) met en scène le bonhomme violet que vous voyez sur la photo, Clancy, qui voyage dans le multivers grâce à son simulateur en forme de vagin, afin d’aller interviewer des gens bizarres pour son podcast de l’espace, au cœur de situations complètement apocalyptiques !
Mais le truc vraiment terrible, c’est que les gens qu’on entend causer, c’est des vrais gens que Duncan Trussell a réellement interviewés pour son podcast, et j’aime autant vous dire qu’il est loin de choisir n’importe qui ! Lui-même gros consommateur de substances psychotropes et sacrément versé dans tout un tas de pratiques spirituelles, les conversations qu’il entretient avec ses invités tous plus fascinants les uns que les autres se révèlent être des putains d’enseignements philosophiques, métaphysiques, ésotériques et spirituels qui te scotchent à ton canapé et font travailler ta matière grise comme un monstrueux flash de DMT !!!
Cycles des réincarnations au cœur d’une prison spirituelle, mort de l’ego, DMT, simulation de la réalité par notre perception, personnage qu’on joue sans s’en rappeler comme si on était en pleine VR de World of Warcraft (c’est l’extrait que je vous ai mis, qui s’appelle L’annihilation de la joie), exploration de la toxicomanie et de la méditation en pleine apocalypse zombie (Le goût du roi), magie cérémonielle et quête de l’illumination sur une planète sous-marine (Des chasseurs déracinés), et enfin, l’épisode le plus bouleversant de la série où Clancy retrouve sa mère défunte pour parler avec elle du cycle qui conduit de la vie à la mort (La souris d’argent)…
Les mecs, cette série est une expérience de conscience élargie à elle toute seule, et c’est CARRÉMENT IMPOSSIBLE de pas avoir envie d’aller découvrir ensuite les invités que Duncan reçoit, tant ils sont génialement oufs, sans compter Duncan lui-même !
Et franchement, autoriser la diffusion de ce genre de dinguerie parfaitement hors des rails de la pensée mainstream et surtout totalement hors de TOUT CONTROLE, c’est pour moi le signe très certain que notre voix commence à se faire entendre…
Et ça, ça fait putain de plaisir !
La série d’animation Midnight Gospel sur Netflix : MIDNIGHT GOSPEL
Le site web de Duncan Trussell, où vous trouverez ses podcasts en intégralité et les liens vers ses tarés d’invités : DUNCAN TRUSSELL
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Rencontre avec un Chaman Shipibo
Quand le fameux Balthazar de La Gazette de l’Abîme m’a contactée pour m’annoncer que ma contribution à ce média serait bienvenue et qu’en plus, j’avais CARTE BLANCHE, en deux temps trois mouvements j’étais devenue une bête furieuse à l’affût de son prochain carnage chamaniquo-gonzo… Mais le truc, c’est que j’avais envie de m'attaquer à quelque chose d'inédit. Ça me disait rien de sortir un vieux texte convenu sur l’Ayahuasca qu'apprendrait rien à personne. Donc j’ai fait jouer mon réseau, que j’ai allègrement maudit quand je me suis retrouvée avec quatre pages de questions toutes plus intelligentes les unes que les autres… Jusqu’à l’illumination. J’ai appelé Balthazar. Il a dit banco.
Quand Balthazar Benadon - le mec qui m’avait interviewée au sujet de la diète de Plantes Maîtresses pour sa chaine Youtube La Gazette de l’Abîme - a sorti un blog, j’étais aux anges (parce que j’adore les blogs). Mais quand il m’a proposé d’y participer en lui pondant un article, ma cote de joie a direct pété tous les scores !
La Gazette de l’Abîme, c’est donc à la fois une chaîne Youtube dédiée à l’exploration de la conscience et au voyage psychédélique qui propose des interviews, des témoignages, des films d’animation, mais aussi des conférences et des entretiens, ainsi qu’un site qui est en réalité un média visant à unifier la communauté psychédélique francophone autour du partage et de la réflexion. En gros, un espace de parole où tout le monde peut s’exprimer sur ce sujet qui nous enflamme, le psychonautisme.
Alors quand le fameux Balthazar m’a contactée pour m’annoncer que ma contribution à ce média serait bienvenue et qu’en plus, j’avais CARTE BLANCHE, en deux temps trois mouvements j’étais devenue une bête furieuse à l’affût de son prochain carnage chamaniquo-gonzo…
Mais le truc, c’est que j’avais envie de m'attaquer à quelque chose d'inédit. Ça me disait rien de sortir un vieux texte convenu sur l’Ayahuasca qu'apprendrait rien à personne. Donc j’ai fait jouer mon réseau, que j’ai allègrement maudit quand je me suis retrouvée avec quatre pages de questions toutes plus intelligentes les unes que les autres… jusqu’à l’illumination.
J’ai appelé Balthazar. Il a dit banco.
Interview imaginaire d’un chaman shipibo disparu par son ancienne disciple ayahuasquera
L’entretien que vous allez lire est fictif. Si le chaman qui répond ici aux questions de l’auteure a réellement existé, le dialogue rapporté dans ces lignes n’a eu lieu que dans l’imagination de son ancienne disciple. Cependant, la véracité des informations révélées au cours de cet entretien ne doit pas être remise en question.
Wish et moi on s’est calés sur le plancher de la maloca, une bonbonne de flotte et un sachet de mapachos à portée de main, histoire d’avoir des munitions pour tenir tout le long de cette foutue interview. Vu le nombre de trucs que les gens voulaient savoir, on savait qu’on était bons pour y passer la soirée. Mais c’était l’occasion de papoter entre nous de notre sujet préféré, l’Ayahuasca, alors c’était pas si terrible que ça.
— Bon, j’imagine que le premier truc à faire, c’est de te présenter, nan ?
— Ça me paraît logique. Mais si je m’y colle, toi aussi va falloir que t’y passes.
— Tu fais chier…
— C’est simple, regarde : Je m’appelle Wish. Je suis chaman Shipibo.
— C’est un peu light…
— C’est suffisant pour le moment. A toi.
— OK. Je m'appelle Zoë. Je suis écrivain-ayahuasquera.
— Tu vois, rien de plus facile.
— Ça fait longtemps que t’es chaman ?
— Tout dépend de comment on voit les choses. Chez nous les Shipibo, on sait d’avance lesquels d’entre nous vont être curanderos. Les abuelos le voient dans les cérémonies. Du coup, quand un futur chaman est dans le ventre de sa mère, celle-ci doit boire de l’Ayahuasca avant même que le gosse naisse.
— Tu veux dire que la mère se tape des cérémonies quand elle est enceinte ?!
— Nan, pas des cérémonies. Elle boit juste une petite gorgée d’Ayahuasca, comme ça, de temps en temps. Histoire que le bébé soit imprégné avant même sa naissance.
— Attends, avant d’aller plus loin, faut qu’on précise un truc. Là d’où je viens, y a des gens qui s’offusquent qu’on emploie le terme “chaman”, qui vient pas d’Amérique du Sud, pour désigner les curanderos qu’utilisent l’Ayahuasca. C’est quoi ta position là-dessus ?
— Je m’en tape. Tu peux m’appeler chaman, curandero, magicien ou n’importe comment. C’est que des mots, tout ça. L’intérêt du terme “chaman”, c’est qu’à peu près tout le monde sait direct de quoi on cause. C’est un truc d’Occidentaux de se formaliser comme ça sur un putain de mot. On s’en cogne, nous, tu sais.
— D’accord. Merci pour la précision. Continue ton histoire de bébés.
— Bah ensuite, quand le môme est sorti, on lui colmate le nombril avec de la sève de Piñon Colorado. C’est un très bon cicatrisant, mais c’est surtout une plante maîtresse. Comme ça, une fois de plus, il a en lui l’essence de la medicina, tu comprends. Le nombril est un point majeur chez l’être humain. C’est son centre, c’est là qu’est concentrée son énergie. D'ailleurs, quand on chante un icaro, c’est là qu’on le fait. C’est là qu’on insuffle la médecine ou qu’on s’emploie à retirer le mal.
— Pourtant je te vois pas en train de me chanter au niveau du ventre tous les quatre matins ? Et puis avant la cérémonie, c’est plutôt vers le haut que tu me souffles du tabac. La tête, les épaules, les mains…
— Avant la cérémonie, c’est différent. C’est pour te protéger. Et aussi pour voir où t’en es avec l’Ayahuasca. Quand je te souffle sur la tête, si la fumée reste longtemps collée à ton crâne, ça veut dire que l’Ayahuasca t’aime et qu’elle te veut. Et je te garantis que c’est pas une question de cheveux. Ça marche aussi avec les chauves. Ensuite, pour ce qui est du nombril, t’as pas besoin que je vienne chanter pile dedans pour que mes icaros soient dirigés vers lui… Mais c’est bien là que je chante.
— D’accord. Continuons avec les bébés chamans.
— Tu veux savoir quoi ?
— Ben, comment on passe du bébé rafistolé avec du Piñon Colorado au vrai guérisseur, quoi.
— C’est un chemin atrocement long.
— Atrocement ?
— Ouais. En fait, la plupart d’entre nous n’ont pas spécialement envie de devenir guérisseur officiel de la communauté. Enfin, disons qu’à l’époque, c’était pas le cas. Maintenant, avec la folie que c’est devenu, tout le monde rêve que de ça, mais sans être disposé à faire les sacrifices qui vont avec… et surtout sans que ce soit dirigé vers la communauté elle-même.
— C’est un sujet qu’on abordera plus tard. Parle-moi plutôt du truc à l’ancienne.
— Traditionnellement, t’as donc un moutard tout à fait basique dont tout le monde sait à quoi il est destiné, sauf lui, dans le sens où y a de fortes chances qu’il rechigne avant d’embrasser sa destinée. Moi par exemple, et je suis loin d'être le seul, il a fallu un truc comme une maladie qui m’a presque tué avant que j’accepte de suivre ma vocation.
— Raconte.
— C’est une très longue histoire… Pour résumer, j’étais un vrai petit con à l’époque, et devenir curandero, ça me disait carrément rien. Une nuit pourtant j’ai fait un rêve qui m’annonçait mon futur. C’est un truc qu’arrive souvent aussi, ça. Les esprits nous appellent en rêve, c’est leur méthode préférée pour faire connaître leurs intentions. Et quand tu racontes ton rêve à ton abuelo, il te le décrypte et fait le point sur ce que les esprits attendent de toi. Bref, malgré ce rêve, je voulais toujours pas être chaman, et je me suis enfui de la communauté. C’est là que j’ai été frappé par le Chullachaki, l’esprit gardien de la forêt, et sans mon grand-père, je serais mort. Il est parvenu à moyenner avec lui en buvant de l’Ayahuasca chaque nuit jusqu’à ce que je me rétablisse. Il m’en a fait boire à moi aussi. J’avais huit ans. En gros, il a négocié ma guérison contre ma promesse d’embrasser ma vocation. Et il est devenu mon maestro.
— Putain, y aurait tant à creuser… Ce truc de frôler la mort par exemple, paraît que c’est quasiment indispensable pour devenir chaman…
— Ça fera l’objet d’une prochaine interview !
— T’as raison, essayons de rester focus. Je crois que ce qui intéresse vraiment les gens, c’est de savoir comment ça se déroule, l’initiation chamanique traditionnelle.
— C’est hardcore !
— Ça t'as traumatisé ou quoi ?
— Presque ! Sérieusement, faut être fort dans sa tête pour supporter un trip pareil. T’as intérêt à avoir une putain d’assise mentale, et les couilles bien accrochées, c’est moi qui te le dis. Y a des tas de fois où j’ai eu l’impression de devenir fou... Même en tant qu’indigène, alors qu’on a ça dans notre culture depuis tout bébé, ça reste un truc de malade. C’est peut-être aussi que j’étais trop jeune, mais bon, une fois lancé, il était pas question d’interrompre l’initiation en plein milieu...
— Allez, balance !
— Bah t’es là, paumé dans la jungle, tout seul comme une merde, à te vider par tous les côtés. Tu prends une plante, et elle te fait dormir comme un mort trois jours durant, avec des rêves comme t’en avais jamais eu de ta vie. T’en prends une autre, et elle te fait dégueuler encore et encore, alors que tu bouffes quasiment rien. Encore une, qui te donne des visions incroyables, des trucs épouvantables de puissance qui te collent au plafond. Et encore une, qui t’affaiblit à un point insurmontable, que tu peux même plus te lever ou bouger la tête pour changer de position dans ton hamac. Et puis une autre, qui elle, la salope, te donne des envies de baiser inimaginables, et t’es là comme un con avec ta trique qui menace de te crever ton ben, et tu penses sérieusement à aller enculer un arbre tellement t’en peux plus.
— Mais whaaaaat ?!!
— Je déconne pas ! C’est vraiment chaud comme truc. Mais bon, l’idée c’est qu’en gros tu vas t’isoler dans la jungle, dans un tambo, pendant plusieurs années, pour que les esprits des plantes t’acceptent et deviennent des alliés qui mettront leurs énergies à ta disposition pour que tu puisses voir et guérir.
— OK, on va essayer de classer ça correctement. Isolement. Diète de plantes maîtresses. Guérison. Pourquoi un tel isolement ? Tu vois vraiment personne pendant des années ?
— Seulement ton maestro. Le truc de l’isolement, c’est pour plusieurs raisons. Toute pratique qui vise la connaissance requiert un temps où on s'exclut volontairement du monde, ça, on n’a rien inventé. Quand t’es tout seul dans la selva, sans parler et sans distractions, ton être va commencer à faire le tri en toi. Tes pensées vont se modifier. Ton esprit va entrer dans une phase que la vie ordinaire interdit. Une sorte de silence intérieur, tu vois. Peu à peu, tu commences à t’habituer à regarder la jungle comme une extension de toi-même. En allant te balader, ça devient normal pour toi de te sentir comme une infime particule d’un gigantesque organisme enveloppant tout ce qui est, jusqu’aux être inorganiques comme les rochers ou l’eau de la rivière, le vent dans les cimes et la foudre qui tonne. Tu réalises que toi-même t’es qu’un fragment de tout ça, et que ta conscience porte en elle toute la conscience du monde, tout simplement parce qu’y en a qu’une seule, de conscience. La forêt te parle par signes, et les synchronicités dont tu fais l’expérience sont de plus en plus fréquentes. Ça s’arrête plus, en fait. La diète éveille en toi un instinct. Tes intentions produisent des signes qui se manifestent dans la jungle, et ces signes te renseignent sur ton âme. Certaines de tes pensées semblent faites de la même énergie que la vie elle-même, comme si la vie pensait… ou se pensait à travers toi. Et c’est comme ça que tu commences à communiquer avec ton être profond, la selva entre vous comme une sorte d’interface, de traductrice, sur laquelle vous projetez vos questions et vos réponses. En parlant avec le monde, c’est avec toi-même que tu parles, et inversement. Tout devient si étroitement lié, la conscience, l’énergie, la nature... À travers toi, c’est le monde qui parle avec lui-même. C’est ça que tu découvres. C’est ça, le but de l’isolement. C’est ça, devenir chaman. Ne plus se sentir séparé du monde. Mais évidemment, c’est une voie très difficile, parce que c’est bien plus flippant de se confronter à soi-même, à l’intérieur, plutôt que de chercher un sens à la vie en la considérant depuis l’extérieur. Tant que tu refuses de subir cette confrontation, et ça vaut pour tout le monde, chaman ou pas, tout ce que tu fais en croyant poursuivre un but, c’est que de la gnognotte, que du pipi de chat. Ça signifie que t’éludes le véritable combat, parce que tu cherches tes réponses en dehors de toi, par peur de creuser vers l’intérieur. Mais le problème, c’est que tant que tu l’as pas fait, la vie restera pour toi… absurde.
— La vache, c’est super puissant ce que tu dis…
— Toute personne qui souhaite devenir chaman est forcée d’accomplir ce travail-là. Ça n'a pas de sens, sinon. L’autre truc intéressant avec l’isolement, c’est que ça favorise les rêves. Ils deviennent plus profonds, plus significatifs. La diète fait remonter beaucoup de choses, comme tu le sais. Elle rend poreuse la paroi entre les mondes. Des échanges se créent entre eux, c’est ça qui permet d’amplifier ta conscience. En ouvrant des mémoires, les tiennes et celles de l’humanité en général, elle t’amène à voir ta personnalité et le monde autour de toi sous un jour nouveau. Elle ouvre tous tes sens, même ton sens intérieur, celui qui perçoit avec les yeux de l’âme. Du coup, c’est normal que les rêves affluent. C’est ça qui te rend plus libre et plus vrai, dans un sens. Et fragile aussi, bien sûr. Mais pour ce qui est des rêves, quand t’es en diète, faut profiter de l’éclairage qu’ils apportent. Les laisser travailler en profondeur. Ne pas hésiter à dormir quand t’en as envie. Les rêves sont de bons maîtres, ils ont des tas de trucs à nous apprendre.
— Ouais, ça je sais.
— Les actions symboliques des rêves ont autant de poids que les actes dans la réalité ordinaire, c’est pour ça que quand tu t’approches de la vérité, les rêves se font de plus en plus nombreux et de plus en plus intenses. Ça veut dire que ta personne entière est engagée dans le processus d’évolution, qu’aucune partie de toi n’est en sommeil ou en repos, et ça t’offre la possibilité de continuer le travail d’une autre façon. Quand tu diètes, les songes ont de plus en plus de présence en toi, même dans la journée, et ils en viennent à faire partie de toi comme de véritables souvenirs, au point d’occuper la même place dans ta conscience que des actes réels. Je sais que c’est difficile à comprendre pour les gens de ta culture, mais c’est vrai, pourtant. Alors à toi de voir si tu préfères faire les choses avec ta conscience classique ou dans tes songes, ou même pendant une cérémonie. Ça aura le même effet, à un niveau psychologique et à un niveau factuel. L’esprit est partout de toute manière, alors ça revient au même. Et donc, au bout d’un certain temps, les esprits des plantes commencent à te chuchoter leurs messages…
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Diète de Tabac : Near Death Experience
La douleur dans mon crâne et mon visage se déplaçait en pulsant d’ondes corrosives - quelque chose capable de dissoudre, de bouffer du métal – et descendait à présent dans les os de ma mâchoire. Mais le pire, c’est que le Tabac avait aussi commencé à s’attaquer à mes reins et au bas de mon épine dorsale. Aucune position n’était tenable. Les tentacules de la douleur irradiaient jusque dans mes jambes, dans les os de mes bras. C’est mon squelette entier qu’était dévoré par la fièvre, et tous les os de mon visage...
Récit Gonzo de la rencontre mortelle entre une Écrivain et l’Esprit du Tabac
JOUR 1
La veille de la première prise, durant la nuit, j’ai fait un rêve de Tabac. Peut-être parce que j’avais pris soin d’embrasser le bocal où il reposait avant de m’endormir. Ce rêve se passait au centre de medicina où je taffe en ce moment. Des pirates attaquaient la place, et je me cachais derrière la porte de ma chambre entrebâillée, dans l’angle, mon bocal de jus de Tabac à la main.
Je me souviens d’un bateau. Ils arrivaient par le fleuve.
Probablement qu’ils ont fini par me choper, parce que dans la scène suivante, je me trouvais de l’autre côté d’un immense grillage, sur une pelouse à l’herbe rase, avec comme un fort ou une tour de contrôle derrière moi, en compagnie d’autres personnes vraisemblablement heureuses d’être où elles étaient, soulagées. Les pirates se trouvaient de l’autre côté du grillage. Ils ne nous avaient pas abattus. Ils avaient simplement pris le centre pour s’y établir.
Mais moi, j’étais ni heureuse ni soulagée de cette situation. Et bien que tout le monde me disait que j’étais folle de vouloir y retourner, que c’était interdit, j’avais qu’une idée en tête : escalader ce foutu grillage et repasser de l’autre côté. Parce que cette séparation du monde entre pirates / gens biens me débectait, et que s’il fallait vraiment choisir, ces gens biens n’étaient de toute façon pas mon peuple.
C’est donc ce que j’ai fait dès que la foule a commencé à se disperser. Et une fois de l’autre côté, je me suis mise à quatre pattes et j’ai couru avec cette espèce de joie féline que j’associe au sentiment qu’a eu la Panthère en prenant possession de mon corps lorsque j’ai fumé du Bufo au Mexique. Moi, j’en garde aucun souvenir, vu qu’à ce moment-là ma conscience avait quitté mon corps pour fusionner avec la conscience universelle, mais les chamans m’ont raconté que j’avais feulé, marché à quatre pattes, et que je les avais même attaqués en mode furieux.
La lumière était belle, et je galopais comme une panthère.
Rien de spécial à signaler pour ce premier jour de Tabac. Légère nausée après la prise du matin, mais sans vomir. La belle énergie qui m’animait m’a incitée à nettoyer la maison que je pouvais prendre, et déménager toutes mes affaires dedans. Le truc étrange, c’est que j’étais même pas sûre de vouloir aller y vivre. Au moment où je transbahutais tout, je me suis fait la réflexion que c’était le Tabac qui voulait ça. Que c’était lui qui me disait que je devais m’écarter plus profond dans la jungle sur le terrain, dans un espace plus grand, et plus loin de mon collègue directeur du centre aussi.
En réalité, il m’a fait agir sans même y penser. Je me suis retrouvée à le faire, c’est tout.
JOUR 2
J’ai très bien dormi, ce qui m’a un peu étonnée vu que j’avais entendu que le Tabac provoquait des insomnies, et que j’avais décidé d’en boire un verre le soir aussi. J’ai fait des rêves assez tristes, mais au petit matin j’étais bien. En sortant de la douche, je me suis aspergée de ce parfum artisanal que Wish, mon ancien maestro aujourd’hui mort, m’a fait il y a trois ans, dans lequel je prends soin d’ajouter chacune des Plantes Maîtresses que je diète. En préparant mon bocal de jus de Tabac, j’en avais mis un morceau à macérer dedans. L’idée, en faisant ça, est de se rapprocher toujours plus de sa Plante, de la porter en soi, sur soi.
Deux heures plus tard, vers 9h du matin, j’ai commencé à avoir mal à la tête.
Une douleur poignante, dans les sourcils, les pommettes, les sinus. Et mon corps s’est mis à trembler de froid. Il faisait 40 degrés dehors, comme d’hab. J’ai tout de suite compris que c’était de la fièvre mais ça m’a pas alarmée. Le Tabac est réputé pour provoquer des suées, du mal-être, des migraines, une faiblesse généralisée. Et une certaine confusion mentale aussi.
Puisque son truc à lui c’est la rectitude de la structure physique et la clarté mentale, et que les Plantes Maîtresses commencent toujours par réveiller et exacerber tes troubles pour mieux les foutre dehors, c’est normal que la première phase de la diète te fasse vivre l’inverse des vertus qu’elle est censée offrir.
J’ai été chercher une couverture pour me planquer en dessous dans mon hamac, résolue à souffrir, et j’ai fermé les yeux.
Rapidement, je me suis rendu compte que l’espace mental où je me trouvais était différent de tout ce que je connaissais. Il était infiniment éthéré, très léger, comme dessiné avec une grande finesse. Vivre en lui revenait à flotter quelque part, dans un lieu intérieur caché dans une strate de ma conscience. Ça parait beau dit comme ça, et dans un sens ça l’était, mais c’était impossible d’en profiter. Parce que la souffrance qui envahissait mon corps devenait de plus en plus violente.
J’ai essayé de l’accepter, d’accepter de l’éprouver comme un enseignement, une épreuve qu’il m’était nécessaire de connaître, et au fond j’y suis plus ou moins parvenue, car je ne luttais pas du tout. Mais la souffrance est la souffrance, et quand on la ressent, elle nous laisse aucune chance de l’oublier. Il n’y aucun endroit où on peut fuir. Tout notre être est focalisé sur elle. Plus rien d’autre n’existe.
La douleur dans mon crâne et mon visage se déplaçait en pulsant d’ondes corrosives - quelque chose capable de dissoudre, de bouffer du métal – et descendait à présent dans les os de ma mâchoire. Mais le pire, c’est que le Tabac avait aussi commencé à s’attaquer à mes reins et au bas de mon épine dorsale. Aucune position n’était tenable. Les tentacules de la douleur irradiaient jusque dans mes jambes, dans les os de mes bras.
C’est mon squelette entier qu’était dévoré par la fièvre, et tous les os de mon visage...
Pourtant, mon esprit parvenait à rester relativement serein au vu des circonstances. Je ne geignais pas, ne grognais pas. Aucune plainte ne s’échappait de moi. La fièvre qui me possédait avait un sens, j’en étais sûre, et même si j’étais pas capable de le comprendre, la foi que j’ai en la medicina me permettait de me livrer à elle avec confiance.
J’ai passé des heures là-bas dans cet espace de clarté mentale qui ressemblait au vide. Une sorte de no man’s land, territoire du néant où la souffrance est partout, mais où l’esprit, Dieu seul sait comment, contemple sa propre lumière…
Et mon Allié humain était là. Il était là, partout.
Et il me parlait.
Impossible de rapporter ici tout ce qu’il a dit durant ces heures et ces heures d’expérience au cœur du rien, mais à aucun moment il ne m’a abandonnée. Qui pourrait dire ce qui était réel et ce qui n’était que la fièvre délirante d’une fille en pleine combustion intérieure ?
Cette histoire d’ancre qu’il avait promis d’être pour moi durant mes diètes, cette idée d’épée insérée dans ma colonne vertébrale, que j’étais en train d’expérimenter (sauf que cette épée, on était en train de me la faire passer dans le mauvais sens, la croix au niveau des reins et la pointe fichée en plein dans la moelle épinière), de même que cette expérience d’un Animal de Pouvoir qu’il avait eue dans les os et dans le visage, qui pourrait dire dans quelle mesure j’ai apposé nos idées sur ce que je vivais, pour trouver une justification à cette atroce douleur, trouver moyen d’y survivre en lui collant une signification, ou bien si, depuis le début, lui et moi on savait ce qui m’attendait grâce à je ne sais quelle stupéfiante faculté suprasensorielle ?
Les heures passaient et l’armure que le Tabac forgeait à même mon visage, comme s’il coulait de l’acier sous ma peau, et cette épée qu’il me rentrait par la garde depuis le coccyx jusqu’à la nuque faisaient irradier tout mon être d’une souffrance telle qu’aucun son ne sortait de moi.
Le pire, c’est qu’on était censés prendre de l’Ayahuasca avec mon collègue le soir-même, et qu’aussi fou que ça puisse paraître, j’avais pas encore dans l’idée d’y renoncer. L’Ayahuasca peut parfois faire des miracles au niveau de la souffrance, en évacuant d’un coup tout ce qui déconne après t’avoir fait comprendre de quoi il s’agit. C’était à peu de choses près le seul espoir que je nourrissais, même si la simple idée de boire la Plante ce soir-là me donnait des envies de meurtre.
J’ai fini par ramper jusqu’à mon lit, dans ma maison. Il devait être 16h. Malgré tout ce temps passé dans mon hamac, j’avais pas dormi une seule seconde, oscillant entre tentatives de lecture de La Pierre et le Sabre et escapades dans le néant en compagnie de mon Allié.
Une fois dans mon lit, les choses ont pris un tour encore plus étrange.
J’ai vu l’esprit du Tabac.
Cet être noir, immense, fondamentalement pur.
Il me parlait de guérison tout en semblant soigner des organes de mon corps en les faisant transiter par le sien pour les purifier. Je me souviens en particulier du cas de mes poumons. Il les a retirés, tout noirs, de ma poitrine, afin de les placer dans la sienne. Puis il me les rendus et ils étaient comme neufs (quelques jours plus tard, j’ai réalisé que cette méthode de guérison est largement employée dans plusieurs traditions chamaniques. Les guérisseurs opèrent sans instruments et sans anesthésie, tels des chirurgiens cosmiques, et retirent les organes malades du corps des patients pour les nettoyer, avant de les leur remettre dedans).
Mais surtout, il me parlait de la mort.
J’ai alors vu la possibilité que je meure ici dans la jungle. J’ai vu comment ma mère contactait mon Allié pour savoir pourquoi elle n’avait plus de nouvelles de moi. Je l’ai vu lui apprendre que j’étais morte. C’est là que j’ai compris que l’arrivée de ma mort était réelle.
J’ai ouvert les yeux en réalisant enfin ce que j’avais fait.
La nicotine est l’un des plus violents poisons au monde. Quand on la boit ou qu’on la fume, le corps arrive à la dégrader.
Mais pas quand on l’applique sur la peau.
Et moi, je m’en étais arrosée à fond la caisse le matin-même.
J’ai foncé voir mon collègue pour lui dire la connerie que j’avais faite. Il m’a bien évidemment engueulée, puis j’ai couru sous la douche. En revenant vers lui après, il a pris ma température et mon rythme cardiaque. J’avais plus de 39 de fièvre et le pouls à 110.
Il était 19h quand je me suis enfin douchée. J’avais souffert pendant dix heures, et c’était pas fini. Mais j’avais à présent un torchon plein de glace sur la tête, au minimum, et le corps enfin rincé du poison.
De toute façon, même si j’avais dû y passer, y avait pas grand-chose qu’on aurait pu faire. Avec cette pluie qui ne cessait de tomber, la route était impraticable en moto (seul véhicule dont on dispose), et pour se rendre à Iquitos en bateau, ça prend quatre heures. Je pouvais même pas prendre de paracétamol pour faire baisser la fièvre. D’une, parce que j’étais en diète et que c’est super dangereux de prendre des médocs pendant. De deux, parce que je crois à l’intelligence du corps qui a de bonnes raisons de maintenir la fièvre pour brûler le poison, et que je voulais pas aller contre sa sagesse. De trois, si je devais crever par le Tabac, qu’il en soit ainsi.
De toute façon, même après avoir réalisé ma bêtise, je pouvais pas m’empêcher de penser que tout était à sa place. Je suis extrêmement sérieuse avec les Plantes Maîtresses. Je respecte toujours mes diètes. Ça me ressemble vraiment pas d’avoir fait cette connerie, surtout qu’on en avait parlé la veille avec mon collègue, de ne jamais appliquer de nicotine directement sur la peau. Et pourtant j’avais foutu ce putain de morceau de Tabac en toute naïveté dans cette saleté de bouteille de parfum. De mon point de vue, y avait forcément une raison pour ça.
Le Tabac me voulait en mode hardcore, voilà tout.
Naturellement, on a annulé la cérémonie (il n’y avait aucun client au centre depuis notre arrivée, et il n’y en aurait pas avant le mois de juillet, donc on se gérait comme on voulait), et on a décidé que je dormirais dans la chambre de mon collègue, au cas où je crevais durant la nuit.
L’écouter me raconter comment le poison neurotoxique de la nicotine attaquait mes nerfs (ce qui expliquait la souffrance dans mon visage) et comment mes pauvres reins essayaient de le filtrer m’aidait pas des masses à me détendre, car je craignais des séquelles irréversibles. Et puis ça remettait aussi en cause les enseignements que j’avais cru recevoir au sujet de l’armure dans mon visage et de l’épée dans mon dos, sans compter la présence de mon Allié et celle de l’esprit du Tabac qui, en définitive, pouvaient n’être qu’un délire dû à la fièvre.
Mais y a toujours plusieurs niveaux lectures aux événements, pas vrai ?
Il n’y a pas de hasard.
Et TOUT est réel.
J’ai réussi à dormir, même si je me suis réveillée plusieurs fois dans la nuit pour aller pisser et surtout éliminer le poison, je pense.
Ce qui me faisait le plus de peine, c’est d’avoir rendu le parfum que Wish m’a fait rien que pour moi il y a si longtemps, dans lequel il a si souvent chanté ses icaros, mis des arcanes (protections) et aussi tout son amour et toute son énergie, inutilisable. Ce parfum, je l’emporte partout avec moi, j’y ai ajouté toutes les Plantes que j’ai diétées, c’est ma protection et mon pouvoir… Et maintenant voilà, c’est devenu un poison.
Mais y a un truc drôle, vous savez. Tout comme la nicotine, le venin du cobra est neurotoxique. Et ça me ramène à une réflexion que j’ai eue y a pas longtemps en découvrant que pour traiter le manque dû à l’addiction à l’héroïne, le venin de cobra fonctionne bien, apparemment.
Comment j’ai fait pour prendre de l’héro pendant trois ans sans vraiment devenir accro ? Et comment j’ai fait pour survivre au poison mortel de la nicotine alors que c’est l’un des pires au monde ?
Je suis un Cobra. Je crois que mon propre venin me protège des autres poisons. Peut-être que c’est ça aussi, transmuter le poison en médecine, l’un des thèmes centraux de mon apprentissage…
Quoi qu’il en soit, je dispose maintenant d’une bouteille de poison neurotoxique mortel, tout comme le cobra possède le sien.
Intéressant, n’est-ce pas ?
JOUR 3
Mal de tête disparu. J’ai bu mon verre de Tabac le matin-même, parce que malgré les événements de la vieille, hors de question d’interrompre ma diète. Toujours de la douleur dans les reins et la colonne vertébrale. Très faible, très fatiguée.
Nouveau verre de Tabac avant de dormir.
JOUR 4
Douleur dans le dos disparue, mais ma jambe droite me fait mal. C’est à cause de la sciatique, truc héréditaire qui me fait pas vraiment chier dans la vie de tous les jours, mais qui a tendance à se manifester quand je tire trop sur la corde. Je me suis dit que le Tabac était en train de la soigner.
Il devenait de plus en plus évident qu’il s’attachait à rectifier ma structure physique. En revanche, il est intéressant de noter que contrairement à ce que j’avais pu lire, je n’ai connu aucune confusion mentale, même durant la fièvre. Ce travail-là, je l’ai fait l’an dernier, lors de ma diète d’Ayahuma. Et depuis ma prise de Bufo, mon mental est incroyablement silencieux.
J’ai bu de l’Ayahuasca ce soir-là, après avoir repris un verre de Tabac. Entrer dans les détails serait long et bien trop personnel, alors je vais me contenter de pointer les éléments importants.
Le monde du Tabac est noir et or.
Quand son esprit est arrivé dans la cérémonie, je l’ai senti dans tout mon visage. Il est entré dans les mêmes os qui m’avaient tant fait souffrir. Mais cette fois-ci, ça me faisait plus du tout mal, bien au contraire…
Après avoir forgé l’armure dans mon visage, il la faisait maintenant étinceler, comme s’il la polissait tout en douceur, vérifiait que tout était en place, solide, prêt à renvoyer la lumière. J’ai adoré ça.
Quelque chose au niveau des épaules. J’ai pris conscience de la puissance de mes trapèzes. Mes épaules pesaient lourd, lourd de muscles, mais surtout de la responsabilité qui m’incombe désormais, en tant que chevalier servant du Tabac. C’est l’idée qui m’est venue.
Après la cérémonie, c’est comme si je sortais de l’ostéo. Mon squelette était tout fragile, comme s’il avait besoin de s’habituer à sa nouvelle réorganisation. Et puis, j’étais en putain de chute de tension. Je tenais pas debout. J’ai manqué m’évanouir à plusieurs reprises.
JOUR 5
J’ai dormi dix heures. Je me suis sentie faible et vaseuse toute la sainte journée.
JOUR 6
Je sentais que c’était le dernier jour de la diète, mais pour en être sûre, je devais vérifier auprès du Tabac en personne. Donc, j’ai fait une cérémonie d’Ayahuasca. De nouveau, voici les éléments fondamentaux.
Quand le Tabac s’est pointé, j’ai aisément reconnu son monde. Étrangement, je ne le trouve pas beau, son monde. Ce noir et cet or qui semblent se marier vraiment mal, cette violence latente qu’on sent derrière, la puissance effarante qui se dégage de lui, sont difficiles à supporter, comme si c’était démesuré pour un être humain.
Mon corps avait beaucoup de mal à l’accepter, si bien qu’au bout d’un moment, il a commencé à se tordre dans tous les sens, avec une pesanteur dans les épaules qui le clouait au sol, comme si la gravité avait doublé. Mais le Tabac m’a appuyé sur la tête tout en me disant que j’avais fait du bon boulot, qu’il était fier de moi. Qu’il m’avait bien rectifiée.
Les chamans ont ce geste parfois. T’appuyer sur la tête pour faire entrer la medicina en toi et colmater tes canaux.
Mais c’était dur, et c’est finalement mon Cobra qui m’a sauvé la mise en se glissant en moi. Je me suis mise à siffler, à cracher des flèches avec ma voix, à vibrer et à me secouer comme les sonnettes d’un serpent, tandis que mes jambes étaient crochetées l’une à l’autre comme si mon corps de reptile s’accrochait aux branches d’un arbre.
Il m’a aidée à gérer cette passation de pouvoir inhumaine que le Tabac me faisait subir.
Le Tabac m’a dit qu’il allait me rendre mon énergie. Que je pourrais revenir le rencontrer plus tard, afin d’aller plus loin avec lui, dans son monde, mais qu’il était désormais mon ami.
A la toute fin de la cérémonie, une marée noire de fumée opaque et tourbillonnante m’a enveloppée tout entière, se diffusant principalement dans mon ventre.
Et à présent, je la vois à chaque nouvelle cérémonie d’Ayahuasca. Elle est en moi et tout autour de moi. Apparemment, même les autres peuvent la sentir. On me dit que je pue la fumée à plein nez, encore pire que d’habitude !
C’est le Tabac. Il forme un nuage qui fait partie de moi.
A présent, je dois apprendre à l’utiliser comme arme et comme bouclier.
Vous pigez maintenant, quand je vous dis que la medicina amazonienne, c’est une putain de Voie du Guerrier ?
© Zoë Hababou 2023 - Tous droits réservés
Tout est relié
La question que je voulais poser à la plante ce soir-là était du genre cosmique. C’est marrant comment ça fait. Tu commences à t’intéresser à un sujet et ensuite la vie n’arrête pas de t’envoyer des signaux qui t'amènent à le creuser à fond. Ces derniers temps, toutes mes nouvelles rencontres, tout ce que j’avais pu entendre, regarder ou lire pointait la même direction. Et il y avait un livre, en particulier, que mon pote Jocelin Morisson et son acolyte de toujours Romuald Leterrier venaient tout juste d’écrire, qui m’avait fait forte impression, faisant éclore en moi de vastes et complexes réflexions, pistes inconnues que je brûlais de suivre... Je savais que l’ayahuasca avait le pouvoir de me faire m’y engager. Je veux dire, pour de bon. Au-delà de l’intellect. Au-delà des concepts. Elle seule était en mesure de me faire comprendre, de tout mon être, ces idées si belles qui m’avaient enflammée.
— C’est de la Cielo, pas vrai ? j’ai fait à Wish alors qu’il saisissait la bouteille.
— Ouais, il a répondu avec un sourire accompagné d’un clin d’œil.
Inutile d’ajouter quoi que ce soit. On se comprenait, lui et moi. La cérémonie avait de fortes chances d’être cosmique avec cette variété d’Ayahuasca.
Ça tombait bien. La question que je voulais poser à la Plante ce soir-là était du même tonneau. C’est marrant comment ça fait. Tu commences à t’intéresser à un sujet et ensuite la vie n’arrête pas de t’envoyer des signaux qui t'amènent à le creuser à fond. Ces derniers temps, toutes mes nouvelles rencontres, tout ce que j’avais pu entendre, regarder ou lire pointaient la même direction.
Et il y avait un livre, en particulier, que mon pote Jocelin Morisson et son acolyte de toujours Romuald Leterrier venaient tout juste d’écrire, qui m’avait fait forte impression, faisant éclore en moi de vastes et complexes réflexions, pistes inconnues que je brûlais de suivre...
Je savais que l’Ayahuasca avait le pouvoir de me faire m’y engager. Je veux dire, pour de bon. Au-delà de l’intellect. Au-delà des concepts. Elle seule était en mesure de me faire comprendre, de tout mon être, ces idées si belles qui m’avaient enflammée.
Wish a siffloté et chantonné longuement au-dessus de la bouteille, avant de lui souffler de la fumée de mapacho dedans. Ensuite il l’a refermée et l’a secouée doucement, puis s’est levé pour me souffler de la fumée sur moi aussi. Sur ma tête, sur chaque épaule, dans mes mains jointes. Il est retourné à sa place et m’a servi une tasse du breuvage. Après l’avoir icarisée aussi, il me l’a tendue.
J’ai fermé les yeux, laissant mon intention monter en moi afin que ma conscience s’en imprègne. C’est comme ça qu’on doit demander à l’Abuelita. Pas juste avec son mental. On doit lui parler avec son cœur. Mon esprit restait silencieux, concentré à l’extrême. Aucune pensée n’était émise.
Alors, sans paroles, s’adressant directement à celle de la Plante, ma conscience a demandé : Montre-moi comment tout est relié.
Et j’ai porté la tasse à mes lèvres.
Wish a bu à son tour, directement à la bouteille, puis il a soufflé la bougie.
Tout est relié : chronique-expérience du livre sous forme de cérémonie d’ayahuasca
Pendant la première demi-heure, Wish s’est contenté de siffloter, attendant de savoir quels esprits invoquer, à quelles énergies se relier. Assise en tailleur face à lui, ma tête était de plus en plus lourde et, lentement, je me suis enfoncée dans la transe.
Le chant de la jungle - ces milliards de sons distincts, stridulations d’insectes, bruissement de feuillages, coassements de crapauds, étranges et obsédantes mélopées d’oiseaux nocturnes, qui forment ensemble une musique hypnotique - s’infiltrait dans mon corps en le faisant résonner comme s’il faisait partie de lui. Je vibrais comme un caisson de basse saturé. J’aime quand la selva prend possession de moi comme ça.
J’avais intensément conscience du bruit de la rivière, en contrebas de la maloca. L’écoulement continu de l’eau le long des rives était un canoë qui m’entraînait de plus en plus profondément au cœur de la jungle.
Wish a entonné son premier chant et après quelques couplets, j’ai souri toute seule en réalisant qu’il chantait l’icaro de la Yacumama, cet esprit-serpent subaquatique, mère de toutes les créatures de l’eau, puissant allié des cérémonies. J’étais donc bien alignée sur la vibration de la medicina. Cette nuit, le voyage commencerait sur le fleuve.
La maréacion s’est accentuée et ma conscience est descendue d’un niveau. J’ai senti la variation de pression dans mes oreilles et dans ma mâchoire. Un peu comme quand on fait de la plongée. Derrière mes paupières closes, dans l’encre noire de ma psyché, un serpent a lentement commencé à se former. Il était gigantesque. Enfin, d’après ce que je pouvais en voir. Je me situais plus ou moins sur son dos, sa tête et sa queue demeuraient invisibles, tant il était long, mais son immense corps lisse et écailleux, couleur de pierre, ondulait sous moi pour m’entraîner au fil de l’eau. Cette eau calme et noire où les étoiles se reflétaient comme des lucioles.
C’était beau. La jungle endormie sur les rives semblait s’ouvrir en deux pour nous permettre de pénétrer en elle. Et puis, brusquement, mon serpent-pilote a plongé, et mon corps a inspiré de toutes ses forces comme si ça avait la moindre chance d’être utile dans cet autre monde…
On glissait maintenant loin sous la rivière, là où jamais la lumière du jour ne pénètre. Les abysses. Ça n’avait rien d’effrayant, pourtant. C’était même très apaisant d’évoluer lentement, en spirale, dans cette dimension infiniment silencieuse où toute perception était comme atténuée.
J’aurais du mal à expliquer pourquoi, mais je me sentais comme à la Nuit des Temps, pour peu que ça veuille dire quelque chose. C’était comme de retrouver un berceau de racines très anciennes, là où tout avait commencé. Cet endroit mythique où l'énergie primordiale dansait librement, longtemps, longtemps avant d’entreprendre de se complexifier en cet état qu’on appelait désormais la vie.
Guidé par les chants de Wish, de plus en plus lourds, de plus en plus primitifs, le serpent, la rivière et moi on a commencé à se confondre, à fusionner. L’icaro nous enroulait, imprimant des torsions à notre course comme dans ces photos qu’on voit de la Terre vue du ciel. Cette Amazonie tellement belle avec son fleuve brillant qui la sillonne, tellement belle qu’elle donne envie de pleurer. Et puis la Yacumama a franchi la barrière du sable qui couvrait le lit du fleuve.
C’était un passage. Une porte vers une autre dimension. Vers le passé, je crois, mais je n’en suis toujours pas sûre.
Je me trouvais maintenant dans une espèce de grotte, une caverne dont les parois étaient ornées de dessins étranges figurant des entités flottantes semblables à des… bactéries, peut-être. Ou alors à des extraterrestres. C’était le genre de vision qui ressemble au rêve lucide, si bien que je pouvais me balader dans la grotte et prendre le temps de déchiffrer les dessins. Les êtres cellulaires étaient enveloppés de nombreuses membranes où des formes en double hélice, comme des brins d’ADN, flottaient elles aussi.
Et puis sans prévenir, comme ça le fait souvent avec l’Ayahuasca, mon point de vue s’est modifié et tout s’est accéléré. Je voyais les choses comme si elles se produisaient à la fois séparément et simultanément. Une tribu dans le désert. Des Hommes qui m’ont fait penser aux Aborigènes d’Australie. Je ne suis pas certaine qu’ils étaient vraiment conscients de ma présence, pourtant j’avais le sentiment que c’était à moi que s'adressaient leurs actes et leurs pensées. Leurs rituels.
Différentes scènes flashaient très vite l’écran de ma psyché. C’était pas évident de comprendre le sens exact de ce qui s’y déroulait. Ces gens me montraient des sources, des mares, des nuages chargés de pluie. Ils semblaient connaître intimement le cycle de l’eau sur Terre, jusqu’au plus subtil de ses détails, et paraissaient y accorder une importance capitale. Ils me montraient comment les peintures des cavernes et l’eau de la Terre étaient connectées entre elles.
En faisant naître des visions dans ma tête, sorte de langage télépathique, ils me racontaient que les entités figurées sur les roches étaient des êtres spirituels, peut-être leurs ancêtres mythiques, et qu’ils se servaient de l’eau pour se manifester. Eux, les gens de cette tribu, avaient le devoir de les réanimer en rafraîchissant régulièrement les peintures, pour dialoguer avec eux. C’était comme ça que leurs chamans se connectaient à ces êtres, à travers le temps, apparemment. En tout état de cause, c’était par l’entremise de l’eau que cet échange d’informations, via un phénomène de conscience, était rendu possible.
La dernière vision dont je me rappelle concernant ce peuple est assez floue. Des Hommes sortaient d’un fleuve brumeux dans les flots duquel, comme prisonnières d’un miroir, se laissaient deviner ces entités. Est-ce que c’était elles qui, finalement, avaient engendré ces Hommes ?
Wish s’enflammait désormais comme un malade avec ses icaros, et même si je comprenais pas le Shipibo, la teneur des nouvelles visions qui proliféraient en moi telle une terrible jungle à la végétation carnassière ne faisait aucun doute ; il invoquait les esprits-guérisseurs du monde entier, passé, présent, et même futur, nom de Dieu. Impossible d’expliquer autrement le fait que je voyais soudain une véritable armada de chamans en tout genre, n’importe où que je tourne mon regard mental !
Certains tapaient comme des sourds sur des tambours, d’autres étaient attifés de plumes et de peaux de bête et virevoltaient autour d’un feu, d’autres agitaient des chacapas et soufflaient de l’agua florida, et d’autres encore, qui faisaient penser à des putains de cyborgs, fumaient des cristaux dans une pipe à crack en rejetant une fumée qui crépitait de code informatique…
Et toutes leurs médecines, et les esprits qui les animaient, apparaissaient et disparaissaient comme des hologrammes de fumée, la matrice des patterns leur offrant brièvement forme, avant qu’ils s’évaporent à nouveau : peyotl, bufo, fleurs de toé, champignons, le docteur sans tête de l'ayahuma, lianes d’ayahuasca, san pedro, l'esprit ténébreux du tabac et ces drôles de grenouilles kambo…
Mais le plus fou dans tout ça, c’est la façon dont ces guérisseurs, leurs chants, leurs instruments, leurs esprits alliés, leurs souffles, leurs plantes sacrées et finalement leurs intentions étaient… reliés entre eux.
Parce que chaque cérémonie qu’ils faisaient chacun dans leur coin, à travers les âges et les lieux, n’était en fait qu’une seule et éternelle cérémonie, un rituel aussi vieux que le monde, constant, permanent, immense, qui les unissait par-delà l’espace et le temps au moyen d’une sorte de toile cosmique à la brillance de cristal, gigantesque et infini réseau qui les connectait entre eux par la seule force de leurs intentions.
Même les plantes et les animaux y étaient reliés ! C’était pour ça qu’un chaman pouvait se transformer en jaguar ou encore incorporer l’essence d’une plante maîtresse avec sa diète !
J’en croyais pas mes yeux… Incapable d’émettre la moindre pensée, mon esprit recevait ces flots d’information de plein fouet tandis que ma bouche s’ouvrait toute seule d'émerveillement. J’étais subjuguée.
Mais le pire, c’est quand la Plante a réalisé son dernier réglage pour me montrer que même les esprits des morts et les êtres conscients d’autres planètes faisaient également partie du réseau…
J’ai chopé ma bassine et me suis mise à vomir. Encore. Et encore. Fallait que je fasse de la place en moi pour parvenir à intégrer ce que je venais de voir. Mes neurones étaient en surchauffe. Tout ça était trop énorme ! De longues vagues abrasives de nausée me soulevaient les entrailles. Agrippée à mon seau comme une perdue, je me vidais à n’en plus finir, tandis que mon esprit ripait encore et encore sur ce que la plante m’avait montré. Incroyable, je me répétais bêtement, bon sang, j’y crois pas, bordel !
A bout de souffle mais bien purgée, je me suis allongée en passant une main sur ma bouche pour en effacer les dernières traces de vomi.
De son côté, Wish attaquait déjà un nouveau chant. Heureusement, cet icaro-là était calme, aérien, et la façon dont il modulait sa voix, comme seuls les Shipibo savent le faire, imprimait des torsions aux patterns de mes visions, à la façon d’un charmeur de serpents capable de les faire danser au son de sa flûte.
Des filaments lumineux, flottant dans l’espace, s’aimantaient par couple pour s’entrelacer comme des reptiles amoureux ou encore… des brins d’ADN, ou alors une liane d’ayahuasca. La voix de Wish les hypnotisait, les faisait tournoyer sur eux-mêmes, s’enrouler ensemble, se multiplier, toujours en un mouvement circulaire, des spirales valsant au rythme de sa mélodie, animées de cet étrange double mouvement de descente et d'ascension, tout comme l’icaro de Wish, d’ailleurs, qui montait dans les aigus, descendait dans les graves, se faisant écho à lui-même avec la fin de la dernière phrase répétée au début de la suivante, comme font souvent les chants shipibo.
C’était tellement beau de pouvoir voir la musique comme ça ! De vraiment regarder comment Wish façonnait l’espace psychique où lui et moi étions immergés avec ses chants, transformant cette dimension en un lieu d’observation où les informations se structuraient en live sous mes yeux…
Mais cet étrange espace qu’on partageait, j’ai réalisé que c’était aussi mon cosmos intérieur. C’était comme… d’avoir le contenu de ma psyché ouverte en deux, exposé d’une façon visible et hautement intelligible.
Cette phrase de Nietzsche m’est soudain revenue à l’esprit : Le sommet et l’abîme sont maintenant confondus.
Est-ce qu’il faut… plonger au fond de soi pour comprendre le cosmos ? j’ai chuchoté pour moi-même, toujours absorbée par les visions qui dansaient en moi. Est-ce que, quand tu sautes au fond du puits… celui où l’abîme te regarde… après avoir glissé dans le tunnel, tu te retrouves finalement… à la cime du monde ?
Le serpent, une fois de plus, se mordait la queue…
C’est Jung, je crois, qui disait que l’observation ultime du cosmos et des tréfonds de la matière permettrait à terme de percevoir la nature de l’esprit. Cette idée que la psyché se reflète dans la matière et inversement. A ce moment-là, je me demandais si l’introspection pouvait conduire à la connaissance ultime de la réalité. Si continuer les diètes de plantes maîtresses comme je le faisais depuis plusieurs années me permettrait un jour d’atteindre les dernières rives de la connaissance.
Quelques jours auparavant, Wish m’avait dit que c’est par le biais du psychisme que les entités intelligentes comme l’Ayahuasca ou les extraterrestres peuvent se manifester dans la conscience. Qu’il suffit juste de tourner le bouton pour capter la bonne fréquence. Ça m’avait rappelé Jan Kounen, qui dit, lui, que c’est par le biais de ce télescope végétal qu’est l’Ayahuasca que les chamans ont exploré et découvert une conception de l’univers qu'ils ont intégrée depuis des millénaires à leur mythologie…
Ces idées qui surnageaient à la surface de mon esprit se sont mises à prendre vie en moi, métamorphosant mes pensées en visions. Petit à petit, comme une araignée travaillant méticuleusement au tissage de sa toile, cet univers que je portais en moi, gravé dans mes cellules, s’est organisé en réalité expérientielle.
C’est difficile à décrire, et pourtant c’est un truc que fait fréquemment l’Ayahuasca. Permettre une double vision. Pouvoir regarder le monde sur plusieurs échelles à la fois, microscopique et macroscopique. Il faut le vivre pour savoir que c’est possible. Voir les choses séparément et aussi comme un tout, simultanément. L’expérience se télescope en une unité, sans perdre pour autant les détails de ce qu’elle montre.
La Plante me présentait un champ de neurones qui était également une représentation de l’espace et des planètes en trois dimensions. Par un subtil jeu d’images, le cosmos était devenu… un immense cerveau !
Les neurones étaient des galaxies, reliées entre elles par des milliards de synapses, acheminant des impulsions lumineuses d’informations comme pour innerver, nourrir l’ensemble du système, le tout constituant un réseau fantastique où chaque planète renvoyait l'écho de toutes les autres planètes, comme un système holographique, constituant une symphonie de reflets où chaque partie contenait le tout, chaque note portant en elle l’ensemble de la mélodie…
Cette musique était celle de la conscience qui apprend à se connaître elle-même en ricochant et se diffractant sur ses fragments, au cœur de ses incarnations qui la densifiaient des expériences et des vécus particuliers de chaque être, mais sans jamais perdre son lien avec elle-même, avec sa nature. Car elle était infiniment supérieure à la simple addition de ses parties.
J’étais totalement happée par la beauté et la signification de cette vision. Ma bouche s’ouvrait toute seule sur un râle d’extase silencieux, des larmes brûlantes inondaient mes joues face à tant de puissance, tant de signification, et mon front et le sommet de ma tête étaient bouillants, comme ceints d’une couronne de lumière, parce que le cerveau qui se planquait en plein cœur de ma tête était exactement la même chose que l’espace intersidéral, et je le sentais physiquement relié à la vision que la Plante m’en offrait ! Et cette planète sur laquelle je vivais, loin d’être une terre perdue et isolée dans le noir de l’infini, était elle aussi un maillon de cette chaîne dont chaque élément était connecté aux autres en reflétant en lui la totalité dont il faisait partie…
C’est alors que j’ai eu un flash extrêmement brutal de Ronin, l’anaconda mythique des Shipibo, cet Ouroboros créateur de la réalité. Ça n'a duré qu’une brève seconde, mais je l’ai vu dans toute sa vertigineuse signification.
Il était l’ADN. Il était l’Ayahuasca en liane, puis en breuvage, passant de la nature à la culture. Il était les kéné, ces dessins de l’art shipibo. Et il était aussi l’anaconda et le jaguar, ces deux puissants esprits mythiques du chamanisme amazonien, dont les tâches sur le pelage et les écailles sont tellement similaires… Mais surtout… il était l’emblème et le symbole parfait de la conscience qui, tel Shiva dans sa danse, dans sa boucle éternelle sans début ni fin, ne cesse de s’enrichir, de s’accroître, de s’expandre, de se densifier, de se complexifier à travers l’expérience des vivants incarnés, entraînée par un élan infini pour se nourrir d’elle-même.
L’esprit, la matière, la science, la philosophie, la foi, les archétypes et l’inconscient collectif n’étaient que les différentes manifestations, les vibrations sur différentes échelles, dans différentes dimensions, sur différentes fréquences, d’une seule et même chose.
Une seule réalité.
Je l’ai senti dans tout mon corps. Je l’ai compris avec mes cellules et mes organes, avec ma peau. Cette Ayahuasca Cielo que j’avais bue, c’était moi. Cette plante qui utilisait le langage visionnaire pour m’enseigner le monde. Ces chants que Wish envoyait avec une foi décapante vers l'espace. Ces esprits qui nous guidaient et accompagnaient nos efforts pour nous comprendre nous-mêmes. Tout ça, c’était la conscience. Et elle n’existait qu’au singulier. La selva et la médecine formaient une interface pour que la conscience apprenne enfin à dialoguer, puisse enfin communiquer avec elle-même.
Je me suis mise à rigoler toute seule. Vraiment fort. Et j’ai redoublé de rire quand Wish s’est joint à moi.
Faire exploser les filtres du cerveau pour que la réalité apparaisse enfin dans son entièreté ! Oui, c’était ça la solution ! Et alors, y avait plus de séparation entre le passé, le présent et le futur, et plus de distance spatiale non plus. Des Hommes du passé pouvaient me montrer leurs vies. Les esprits des plantes pouvaient m’enseigner leurs secrets. Le jaguar pouvait s’incarner en moi pour me prêter sa force. Et mon moi du futur pouvait guider mon moi présent jusqu'à lui en créant des signes sur mon chemin…
J’ai entendu Wish se lever alors je me suis redressée tant bien que mal pour recevoir son chant du mieux possible, toute recroquevillée sur moi-même. C’était un icaro rapide et fort, et il le scandait en me frappant doucement la tête avec sa chacapa et en me crachant du parfum dessus à plusieurs reprises. Je savais pourquoi il faisait ça. Pour me faire reprendre contact avec mon corps. Il devait sans doute considérer que j’avais été un peu trop loin pour mon propre bien.
Une fois le chant terminé, il m’a soufflé du mapacho sur la tête et dans le débardeur, puis est revenu sur le sommet de mon crâne pour lui insuffler de la fumée dedans en serrant sa main en cône, rapidement, à trois reprises.
Ça m'a apaisée. Il avait enfin refermé le passage, colmaté le canal qui m’avait permis de comprendre et de voir tout ça. Et c’était pas plus mal, parce qu’à force je me sentais vraiment comme un monstrueux ordinateur quantique en surchauffe ! (non, je ne sais pas ce qu'est un ordinateur quantique, mais c’est pas le problème).
— Merci, j’ai chuchoté en rigolant à moitié.
— De rien, Zoë.
On s’est marrés ensemble un petit coup et il est reparti à sa place, restant silencieux et fumant pensivement le reste de son mapacho. J’ai rampé jusqu’au tapis pour m’en prendre un moi aussi, mais j’avais la nausée au bord des lèvres et fumer n’arrangeait pas vraiment la chose. La Plante était toujours en moi, je la sentais déjà s’organiser pour un nouvel assaut.
J’ai posé le mapacho à peine fumé sur le plancher et me suis rallongée sur mon petit matelas, douillettement recueillie en moi-même. Cette médecine était vraiment incroyable ! Malgré mes nombreuses cérémonies, j’étais toujours aussi surprise et fascinée par le pouvoir de ce breuvage. On dira ce qu’on voudra, mais pour un Occidental, le fait que des plantes soient en mesure de communiquer avec nous en utilisant notre psyché reste quelque chose de fondamentalement mystérieux.
D’une, ça suppose que ces plantes soient animées d’un esprit, mais aussi d’une intelligence et d’une volonté de s’en servir pour, chose plus incongrue encore, nous aider. De deux, ça implique qu’elles sachent adapter leur langage à chacun de nous en lui présentant des visions à la portée de sa compréhension. Et de trois, cerise sur le gâteau, les informations qu’elles nous transmettent sont d’un niveau de sagesse si élevé que leur savoir synthétise en une sorte de méta-analyse tout ce que l’être humain a pu inventer comme moyens d’études du réel, surfant entre les domaines du mythe, de la physique, de la biologie et de la psychologie en orchestrant tout ça en une unité au maillage si serré que tout semble découler naturellement de tout.
Une fois, Wish m’a dit que l’Ayahuasca nous connecte aux archives de la vie. Il disait qu’en fait, l’Ayahuasca est le livre, et la Chacruna la langue qui permet de le lire. Ce soir-là, j’étais plus que convaincue qu’il avait raison.
Mais j’ai coupé court à ces pensées analytiques qui me fatiguaient déjà pour me laisser envoûter par les nouvelles images en train de se former.
J’étais dans une prairie, mais ma taille avait dû considérablement diminuer en chemin, parce qu’elle m’apparaissait immense, une véritable jungle. Les fleurs que je croisais étaient beaucoup plus grosses que moi, bon sang. Ça s'agitait de partout dans cette clairière. L’air vrombissait d’un millier de petites vies qui s’activaient en tout sens. J’étais comme en apesanteur, la Plante me baladait doucement dans ce monde végétal saisissant de couleurs et de détails. Et puis une abeille a été élue comme guide, et j’ai suivi ses déplacements de fleur en fleur.
Jusqu’à ce que je fusionne avec elle. Elle était en train de butiner quand ma conscience est entrée en elle. D’un coup, le monde a complètement changé de visage ! Le spectre de couleurs que mes yeux recevaient s’est brutalement appauvri, comme si je ne pouvais plus percevoir le rouge, je crois, mais cette perte était largement compensée par mon incroyable pouvoir d’appréhender le monde en une infinité de petites réalités qui, conjuguées ensemble, m’offrait une vision enrichie de mon environnement et surtout, par ma nouvelle capacité de détecter la symétrie. C’était ça que je cherchais dans les fleurs. Les plus symétriques d’entre elles indiquaient leur bonne santé, et donc de bonnes ressources pour moi.
Sans savoir comment, j’ai laissé l’abeille pour plonger dans une fleur. J’étais maintenant en pleines fractales hexagonales qui rappelaient un peu le début de l’expérience du bufo. Mon esprit se faisait ronger, dévorer par cette mosaïque vivante aux couleurs impossibles, en perpétuelle mutation. C’était loin d’être agréable, vraiment, d’autant plus que je souffre de trypophobie, cette bizarre et stupide peur des petits trous qui te donne envie de vomir quand t’en vois trop, mais j’étais en train de comprendre que ces formes alvéolaires étaient une structure essentielle du vivant, présente partout dans la nature, dans les yeux d’une abeille, dans les ruches, dans les pistils de fleurs, dans les parois cellulaires, comme si la symétrie et la duplication étaient des caractéristiques majeures de la vie.
Et puis, je sais pas, j’ai perdu pied. Ces fractales m’ont désintégrée. Je ne sentais plus mon corps et mon identité m’avait été comme dérobée. Ma conscience, ou alors mon cerveau, semblait à présent répandu, reparti dans mon corps entier, et c’est à travers ce corps-cerveau que j'appréhendais désormais l’univers. Je me sentais comme… une plante, je crois.
C’est dans cet état étrange que j’ai continué mon exploration. L’Ayahuasca était repartie dans ce type de vision absolument non-humain, où tout s’interconnecte simultanément. Il y avait une colonie de fourmis qui s’activaient comme des petites folles, et en surimpression une forêt fortement agitée par une énorme tempête, de celle prête à déraciner les arbres. Les fourmis s’excitaient, les arbres se tordaient sous l’impulsion du vent, et j’ai plongé chez les fourmis qui couraient à présent pour fuir la pluie martelant leur petit univers, qui m’apparaissait immense, pour le coup. A leur échelle, cette tempête, c’était l'Apocalypse !
Le pire, c’est que je me sentais vivre à l’intérieur de chaque fourmi mais aussi en tant que… qu’esprit collectif de la colonie. Certaines parties de moi mourraient, emportées par les rivières d’eau ou étouffées dans la boue, mais mon esprit global absorbait la mort d’un de mes membres, parce que mon existence…
J’ai pas eu le temps de transformer cette information en concept. La Plante a brusquement décidé de me faire changer de niveau et j’ai passé la barrière de la terre pour plonger à la rencontre du monde souterrain, là où proliférait… le mycélium.
Il était immense, nom de Dieu ! C’était un gigantesque réseau ! Et il vivait d’une vie carrément effroyable de vivacité !
C’était un organisme tentaculaire, une entité sans fin parcourue de nervures luminescentes, sorte de tissu structurant la vie en soutenant, alimentant, connectant toutes les plantes entre elles, et même, je crois bien, tout le vivant…
Cet être intelligent était capable de s’étendre pour rechercher l’eau et les nutriments, pour se connecter aux racines des plantes et des arbres, il dégradait et assimilait les cellules des autres organismes, et apparemment, il était aussi en mesure de transmettre de l’information par voie chimique et peut-être électrique, comme me le laissaient supposer ces impulsions lumineuses et décharges d’énergie qui le parcouraient, me faisant une fois de plus penser à des synapses en pleine activité.
C’était terrifiant… On aurait dit un gros alien caché sous la surface du monde, auquel aucun d’entre nous ne pouvait échapper !
Au fond de moi, pourtant, je savais qu’il était question de symbiose et non pas d’une relation parasitaire, mais la peur était entrée en moi et ce qui restait de mon mental s’est jeté dessus pour conceptualiser cette idée que j’avais lue dans une nouvelle d’Isaac Asimov, je crois : les plantes nous utilisent pour se répandre à travers l’univers.
Oui, l’Ayahuasca empruntait notre cognition, comme les fleurs utilisaient la mobilité des abeilles, pour ensemencer la planète. Enfin, pas vraiment l’Ayahuasca sur le plan physique. Plutôt son esprit. Beaucoup d’entre nous tombaient amoureux d’elle après l'avoir bue, et ne songeaient qu’à une chose, en faire tâter aux autres !
Est-ce que la nature cherche à se sauver elle-même par l’entremise de notre conscience ? j’ai murmuré dans ma tête en passant les mains sur mon visage, à moitié mortifiée. Un être humain qui boit de l’Ayahuasca voit fatalement sa conscience écologique s’élever et il veut plus causer aucun dommage à l'écosystème. Il veut même le protéger ! Et si plus d’humains boivent de l’Ayahuasca, plus d’humains sont éveillés. Est-ce que ce serait un moyen pour la Plante de se sauvegarder ? Pour survivre cachée à l'intérieur de notre conscience ?
Je me suis jetée sur ma bassine pour me remettre à vomir, littéralement infestée par ces pensées. Je me suis vidée des minutes entières, reprenant contact avec mon corps, rejetant maladivement hors de moi ces idées qui m’effrayaient tant. C’était plus fort que moi. Je me sentais parasitée.
Et j’ai entendu la Plante glousser.
Tout est conscience, elle a fait de sa voix sensuelle constituée de mille voix différentes. Toi, moi, la Nature, il n’y a pas de différence. La conscience ne veut que plus de conscience. Quand tu me bois, c’est toi-même que tu rencontres, et c’est toi aussi que tu sauves.
En un claquement de doigts, j’ai cessé de vomir. J’ai écarté ma bassine et me suis assise toute droite, en tailleur. Presque rigide. J’ignore pourquoi, mais les paroles de la Plante ont complètement redressé ma posture, à la fois physique et spirituelle. Ma colonne vertébrale s’est recentrée. Je me suis mise à respirer longuement, profondément. Et mon esprit s’est réaligné sur la vibration de la medicina.
Je comprenais le message de l’Ayahuasca. Je le comprenais avec tout mon être, mes tripes, mon cœur, mon âme. Et je le sentais, aussi. A ce moment-là, la conscience de la Plante fusionnant avec la mienne était une expérience, une réalité. C’est difficile à expliquer, mais on aurait dit que mon corps était une sorte d’antenne, de récepteur, une radio branchée sur les ondes de la médecine, recevant et émettant sa vibration, et… ça me faisait comme rayonner de l’intérieur.
Oui, tout était relié, tout était une seule et même chose, et ce monde de matière dans lequel j’allais retourner, lui aussi faisait partie de moi, et ma conscience pouvait y imprimer ses intentions. Parce que c’était elle qui le créait. La conscience était première. C’était la seule réalité.
Nourrie par mes réflexions, une autre dimension s’est ouverte à moi, et c’est la vision la plus belle et la plus incroyable que j’ai eue cette nuit-là. J’ai vu l’humanité entière, comme les cellules d'un organisme, disséminées sur l’ensemble de la planète, avec ces milliards de petits moi incarnés dans toutes ces personnes, tous connectés par des fils lumineux multicolores à des entités humanoïdes gigantesques qui flottaient dans l’espace. Des Soi, j’imagine. Mon point de vue s’est reculé pour que je réalise que ces Soi n’étaient eux aussi rien de plus que les pièces du puzzle d’une sorte de Super Soi unique, immense esprit de cristal dans lequel circulait sans fin une sorte de code informatique.
Non, je dois rectifier quelque chose. Je ne voyais pas la scène. J’étais la scène.
Y avait plus de démarcation entre moi et l’univers. A ce niveau de conscience, cette différenciation n’existait tout simplement plus. J’avais (si le “je” possède encore une quelconque signification…) replongé dans l’expérience pure, sans observateur, sans identité pour la vivre, et pourtant… elle était en train de se vivre. Et je sentais comment cette mécanique cosmique fonctionnait, la façon dont chaque petite vie individuelle alimentait les Soi, comment chaque Soi enrichissait la Supraconscience Primordiale, et aussi comment, dans un élan toujours renouvelé, cette Conscience s’incarnait à nouveau, en plein amour avec elle-même, pour se brancher sur l’expérience individuelle afin de toujours plus se densifier, se complexifier. S'expérimenter elle-même. Se connaître…
Et dire qu’on croyait tous lutter dans le vide comme des idiots aveugles, soumis à un hasard cruel et capricieux !
La peine qu’on ressentait, les batailles qu’on menait, la foi qu’on mettait à croire en nos valeurs et à les faire vivre, cette terrible liberté qu’on poursuivait à coup de pioche pour la déterrer de nous, l’amour insensé… dont chaque vie humaine était la manifestation… L’Amour était la clé de tout ça, son sens, la direction et la signification de l’existence, sa raison d’être…
On n’était pas là pour découvrir ce que d’autres connaissaient déjà. On existait pour donner du sens à la conscience, en temps réel, en créant la réalité depuis cette source à laquelle chacun de nous pouvait se relier, cette source à la fois transcendante et immanente, qui était NOUS, parce que…
… la conscience et la réalité sont les reflets mutuellement renvoyés d’une seule et même expérience… a chuchoté la Plante au creux de mon oreille.
— Bon sang, elle est vraiment cosmique, cette Ayahuasca Cielo… j’ai baragouiné en direction de Wish, qui s’est esclaffé sans retenue.
Et il a pris sa guitare pour commencer à nous faire redescendre doucement.
— Et si tout ça n’était qu’une vaste simulation ? j’ai demandé à Wish le lendemain.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Eh bien, je sais pas… j’ai fait en cherchant mes mots. Comme dans un rêve, quoi. Ou un jeu vidéo.
— Mais c’est un rêve, il a répondu à sa manière à la fois simple et énigmatique qui avait le don de m’agacer. Et c’est un jeu, aussi. Mais je te rassure, quand la partie sera finie, tu vas te réveiller.
Un long frisson m’a parcouru l’échine. Dans mon système, les restes d’Ayahuasca ont frémi, et une brève seconde, mon esprit a été la proie d’une inquiétante étrangeté.
Je me suis dit qu’il faudrait que je me replonge dans ce livre de Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, Tout est relié, afin de vérifier ce qu’ils en disaient, eux.
Ouais, c’est comme ça que ça marche. Même le savoir est une boucle. On découvre quelque chose dans un bouquin, puis on l'expérimente dans sa vie, et enfin on rouvre le livre, riche d’une nouvelle compréhension personnelle, pour s’apercevoir que notre seconde lecture est vachement plus vaste.
Merde, je me suis dit. Le monde entier est un putain d’Ouroboros.
Et j’ai allumé un mapacho et me suis avachie dans mon hamac en fermant les yeux pour essayer de pioncer.
Un immense merci à Jocelin Morisson et Romuald Leterrier qui m’ont offert la chance de lire Tout est relié en avant-première !
Cette cérémonie d’ayahuasca inspirée de l’ouvrage a attisé votre curiosité ? C’est ici que ça se passe :
"Tout ne fait qu'un", "tout est relié", nous disent de nombreuses traditions spirituelles. Un message qui semble aujourd'hui confirmé par la physique moderne. Pourtant, cette affirmation reste une abstraction pour beaucoup d'entre nous, une belle parole sans substance dans un monde qui semble au contraire plus divisé et catégorisé que jamais.
Dans ce nouvel ouvrage, les auteurs du best-seller Se souvenir du futur nous font découvrir un univers d'investigations entièrement méconnu, celui d'un vaste réseau d'interactions dont nous sommes les acteurs privilégiés. Tout d'abord, il existe pour les chamanes du monde entier une sorte d'Internet de la nature, qui permet d'entrer en contact avec les esprits du monde vivant, mais aussi avec les défunts. Les recherches récentes sur le vide quantique, les propriétés subtiles de l'eau, l'intelligence des plantes, l'univers-cerveau, la conscience comme "toile de fond" du réel, donnent ensuite corps à ce vaste entrelacs qui est aussi un réseau de connaissance tissé d'informations.
À partir de nombreux exemples issus des cultures natives, des traditions spirituelles et des dernières découvertes de la science la plus en pointe, le réseau cosmique se matérialise sous nos yeux et apparaît pour ce qu'il est : un vaste Esprit.
ROMUALD LETERRIER (retrouvez tous ses ouvrages dans le Top 15 Livres Chamanisme) est chercheur indépendant en ethnobotanique, spécialiste du chamanisme amazonien et des plantes de vision. Il a découvert le principe d'une mémoire du futur auprès d'un chamane shipibo et explore depuis plusieurs années le concept de la rétrocausalité sous ses différentes facettes.
JOCELIN MORISSON (découvrez sa fascinante interview ici !) est journaliste scientifique, auteur et traducteur, et travaille sur les ponts entre science, philosophie et spiritualité. Il est coauteur de La Physique de la conscience avec Philippe Guillemant, de La Révolution psychédélique avec Olivier Chambon, et auteur d'un essai philosophique : L'Ultime Convergence.
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Wanted Dead or Alive : Jocelin Morisson, Auteur-Journaliste Expert en Science, Philosophie et Spiritualité
Vous saviez qu’aujourd’hui, un vaste chantier interdisciplinaire s’attaque à établir une nouvelle cartographie de la psyché humaine ? L’heure est enfin venue de reconsidérer l’ancien paradigme, et c’est un séisme qui s’annonce ! Les premières secousses se font même déjà sentir… Preuve en est la curiosité renouvelée d’une immense partie de la population pour le développement personnel, la spiritualité et les anciennes traditions : méditation, chamanisme, loi d’attraction, plantes psychotropes, NDE, synchronicités, psychologie transpersonnelle… Et si je vous disais que les plus récentes découvertes scientifiques corroboraient leur message et leur apportaient même un important appui ?
Science et spiritualité semblent ennemies jurées. A vrai dire, la science s’est même bâtie en opposition à la spiritualité, en la stigmatisant comme irrationnelle. Résultat ? La majorité d’entre nous souscrivent à la vision d’un monde tristement mécaniste comme s’il était la réalité ultime, sans songer à le remettre en question, et en observant d’un œil critique, amusé, voire méprisant, tout ce qui sort de son cadre.
Le problème, c’est que malgré le temps qu’elle turbine, la science matérialiste est toujours incapable d’expliquer la totalité du réel. Certains phénomènes, tels ceux qui tournent autour des expériences de mort imminente ou des expériences psychédéliques, débordent radicalement son champ de connaissances. Le point commun à ces phénomènes inexpliqués ? La conscience bien sûr ! Pas de bol, il semblerait que ce soit elle, la clé de voûte de l’édifice du réel…
Vous saviez qu’aujourd’hui, un vaste chantier interdisciplinaire s’attaque à établir une nouvelle cartographie de la psyché humaine ? L’heure est enfin venue de reconsidérer l’ancien paradigme, et c’est un séisme qui s’annonce ! Les premières secousses se font même déjà sentir… Preuve en est la curiosité renouvelée d’une immense partie de la population pour le développement personnel, la spiritualité et les anciennes traditions : méditation, chamanisme, loi d’attraction, plantes psychotropes, NDE, synchronicités, psychologie transpersonnelle…
Et si je vous disais que les plus récentes découvertes scientifiques corroboraient leur message et leur apportaient même un important appui ?
Le temps n’est plus à des écoles de pensée qui s’affrontent. Le temps est à la réconciliation.
Et il y a des personnes géniales, engagées corps et âme, qui nous ouvrent la voie pour enfin franchir le pont entre des domaines en apparence hétérogènes et hermétiques… Journalistes, philosophes, explorateurs, auteurs, scientifiques et chercheurs de tout crin prêts à sortir des sentiers sclérosés.
Tel Jocelin Morisson.
Ce journaliste scientifique, auteur de nombreux ouvrages qui questionnent les phénomènes inexpliqués, va explorer ici, avec nous, des pistes aussi surprenantes qu’inspirantes, menant à une appréhension novatrice de notre conscience, et de son véritable pouvoir…
Qu’on souscrive ou pas aux idées nouvelles présentées dans cette interview n’a que peu d’importance. Le but de Jocelin Morisson n’est pas de défendre une quelconque idéologie, mais de chercher à questionner la nature de la réalité. Ce qui est en soi déjà révolutionnaire.
Quand Jocelin Morisson nous parle de la conscience à travers le prisme de la science et de la spiritualité
PRÉSENTATION DE JOCELIN MORISSON
Salut Jocelin et merci énormément d’avoir accepté cette interview ! C’est un honneur de te recevoir ici, tu es une révolution à toi tout seul ! Hyperactif présent sur tous les fronts, tes nombreuses contributions littéraires et médiatiques offrent un nouveau prisme avec lequel décoder le monde. De formation scientifique, tu es devenu journaliste, puis auteur, et maintenant rédac chef de la revue Natives dédiée aux peuples racines, collaborateur de l’INREES et de Vertical Project Media, auteur de nombreux articles pour le magazine Inexploré... Quel cursus ! Ça va, tu tiens le coup ? D’où tu tires le jus de tant de passion ? Tu veux bien nous parler un peu de toi et de la vocation dont ton travail est la preuve éclatante ?
J’ai peut-être l’air hyperactif mais je ne le suis pas tant que ça. C’est parce que je travaille sur ces sujets depuis 25 ans et donc je cumule les publications : articles, livres, traductions, interviews…, et des interventions dans des conférences ou les médias. Mais tout ça se fait au fil du temps, sans précipitation. Un autre aspect est aussi que les métiers de l’écriture sont mal payés, donc il faut enchaîner plusieurs collaborations pour avoir des revenus juste décents.
Ma vocation est née alors que j’avais commencé à travailler dans la presse professionnelle du secteur de la santé et j’ai découvert le phénomène des expériences de mort imminente. Ça a été un chamboulement pour moi et j’ai reconsidéré tout un ensemble de phénomènes que je ne prenais pas au sérieux, ou dont j’ignorais même l’existence, à commencer par ce qu’on appelle les états modifiés de conscience.
Ce qui me passionne est qu’on est à la frontière de la science, de la philosophie, de la spiritualité, de l’ésotérisme… Il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre, à comprendre. Mais pour moi c’est devenu aussi un chemin, une initiation, car ça n’a pas d’intérêt si ça reste seulement au niveau de l’intellect.
Pendant longtemps, j’ai gardé un pied dans le monde de la communication santé, pour des raisons essentiellement alimentaires, mais ça a aussi été pour moi une très bonne école de rigueur, que j’ai mise au service de mon travail sur les phénomènes inexpliqués. Je me destinais initialement à l’enseignement des sciences de la vie, avec un cursus universitaire qui menait au Capes et à l’Agrégation, mais j’ai bifurqué vers le journalisme qui est une autre forme de transmission. Après ma maîtrise de sciences et le service militaire, je n’avais plus envie de préparer les concours d’enseignement parce que j’avais vu au cours de ma formation qu’on demandait aux étudiants de connaître par cœur des listes d’insectes ou de plantes, mais jamais de s’interroger sur ce qu’était un élève, une classe… C’est pourquoi j’ai fait une deuxième maîtrise en sciences de l’information et de la communication scientifique.
Ce que j’aime particulièrement chez toi, c’est que tu es une sorte de pont entre plusieurs disciplines. En explorant les sujets abordés sous des angles variés, tes investigations font le lien entre des savoirs aussi bien ancestraux (comme la transe chez les peuples racines) qu’ultra-contemporains (comme la physique quantique). Pourquoi tu penses que c’est si essentiel, de nos jours, de relier, de réconcilier, voire d’unifier la philosophie et la science, le chamanisme et la physique, la spiritualité à… tout ?
Notre prochain livre avec Romuald Leterrier s’appelle Tout est relié (retrouvez la review de ce livre ici - ndlr) et porte précisément sur cette question de l’interrelation, de l’interdépendance de toutes choses. En fait, quand on creuse un peu les enseignements traditionnels, les courants mystiques et spirituels, mais aussi les descriptions de la réalité dans les chamanismes, on s’aperçoit en effet qu’il y a énormément de recoupements, y compris avec la science de pointe.
C’est important de mettre en avant ces passerelles parce que le savoir est hyper fragmenté. En science, on atteint de tels niveaux de complexité dans certaines disciplines que des spécialistes d’un domaine donné ne connaissent rien à ce que fait un collègue de la même discipline mais dans un autre domaine.
Je revendique d’être un journaliste scientifique généraliste, qui doit en effet faire les ponts, y compris en acquérant une culture en philosophie, dans les sciences humaines et les spiritualités. Je ne défends pas une idéologie, ce qui m’intéresse est comment les choses sont. Quelle est la nature de la réalité, de la conscience, de la matière, de l’espace et du temps…, et y a-t-il quelque chose derrière ce qu’on perçoit par les sens ?
Aujourd’hui, ces questions restent complètement ouvertes, contrairement à ce qu’on peut penser. Comme dit l’astrophysicien Avi Loeb, “ce que nous savons est une île dans un océan d’ignorance”.
LE PARADIGME SCIENTIFIQUE ACTUEL
L’ensemble de tes contributions (livres, articles, reportages, conférences) et l’ouvrage que j’aimerais disséquer aujourd’hui avec toi, Se souvenir du Futur, que tu as co-écrit avec Romuald Leterrier, se confrontent et remettent en question une vision du monde qui appartient au paradigme scientifique dominant, auquel la majorité des gens souscrivent sans vraiment songer à l'interroger. Ce paradigme a pour postulats de base ceux du déterminisme et de la causalité. Pour faire simple, le concept de déterminisme suppose que notre futur est unique et mécaniquement déterminé. Celui de causalité instaure que ce futur dépend exclusivement du passé. Ce que j’aimerais savoir, c’est comment ce paradigme et les concepts qui le soutiennent sont devenus notre seule grille de lecture du monde, qui nous fait voir comme impossible toutes les idées ou expériences qui n’y souscrivent pas et semblent les démentir. Comment l’humanité s’est-elle enracinée dans ce consensus ?
Ça tient principalement à deux choses. D’abord le fait que la science s’est construite en opposition aux croyances, jugées irrationnelles, superstitieuses, et qu’il fallait les reléguer dans les limbes de l’obscurantisme. La science a prétendu bâtir une vision objective du monde, c’est-à-dire la même pour tous. On revient de ça aujourd’hui car l’objectivité a du plomb dans l’aile. Le deuxième aspect est que la technologie, fille de la science, a connu d’indéniables succès, synonymes de progrès.
Dès lors, la science s’est crue en position d’expliquer la totalité du réel, alors même que des pans entiers de la connaissance sont vides. Par exemple, la matière visible ne représente qu’un très petit pourcentage (5 %) du contenu énergétique de l’univers. On parle de matière noire (27 %) et d’énergie sombre (68 %) pour expliquer la majorité de ce contenu. Ce sont des hypothèses dites “ad hoc” car elles viennent combler un trou mais on ne détecte pas cette matière et cette énergie directement.
La question de la conscience elle-même reste un grand mystère ; on ne sait pas expliquer comment elle “émergerait” de la complexification des cerveaux dans le règne animal, ce qui suggère que ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, on remet en cause le fait même que l’espace, le temps et la matière sont des données fondamentales de la réalité. On suppose qu’il y a quelque chose “derrière” qui est plus fondamental. Or, c’est ce que nous disent les grandes traditions spirituelles depuis des siècles et même des millénaires. Ce monde est seulement un monde d’apparences. Et derrière les apparences, il y a la place pour ce qui serait une sorte de supraconscience primordiale.
On a relégué la spiritualité dans le champ de l’irrationnel, comme relevant au mieux des religions et au pire des mouvements sectaires. Mais la spiritualité concerne la nature de la réalité et la nature de l’Homme. Et c’est par le champ des sciences que ces questions reviennent sur le devant de la scène, avec l’étude de la méditation, des états modifiés de conscience et de tout un ensemble de phénomènes qui remettent en question la vision strictement matérialiste du monde.
Cette remise en cause est plus facile dans les pays anglo-saxons qui ont une vision très pragmatique des choses, alors que la France est enfermée dans un paradigme soi-disant cartésien et moins ouverte à ce type de débat.
LA THÉORIE DE LA RÉTROCAUSALITÉ
Dans Se souvenir du Futur, on tombe sur cette phrase, que l’on doit à Philippe Guillemant, co-auteur avec toi de La Physique de la Conscience : “Nos intentions causent des effets dans le futur, qui deviennent les futures causes d’un effet dans le présent”. Cette citation est un résumé du concept de double causalité, aussi appelé rétrocausalité. En substance, voilà en quoi consiste cette théorie :
- Notre futur est déjà réalisé.
- Il peut changer.
- L’intention excite un nouveau futur.
- Celui-ci influence le présent.
- L’attention le fait entrer dans la réalité.
Avant d’aller plus loin, est-ce que tu pourrais nous raconter comment Romuald Leterrier, Philippe Guillemant et toi vous en êtes venus à élaborer une hypothèse aussi improbable ? A première vue, ça parait tellement anti-intuitif qu’on se demande comment une idée pareille a pu sauter dans la tête de quelqu’un !
Philippe Guillemant a élaboré ses idées à ce sujet à partir du phénomène de synchronicité, sur lequel beaucoup de grands esprits réfléchissent depuis longtemps, dont Carl Jung et Wolfgang Pauli dans les années 1930 à 1950. Philippe a proposé l’idée d’un temps “déployé” dans lequel le passé existe encore et le futur existe déjà, mais sous une forme qui peut changer.
Prenons par exemple la mémoire : la science n’a jamais pu démontrer que les souvenirs sont stockés dans le cerveau. Or, si ce n’est pas le cas, d’où tirons-nous nos souvenirs ? Eh bien, une façon de le comprendre est de dire que le passé existe sous forme d’informations situées dans un champ omniprésent, qui s’étend au-delà de l’espace-temps, peut-être dans le vide quantique, et le pénètre en tous points.
Dès lors, il n’y a pas de raison de penser que ce n’est pas le cas aussi pour les informations du futur. Si la voyance est possible, ou toute forme de prémonition, de rêve prémonitoire par exemple, il faut bien que cette information du futur soit déjà là sous une forme ou une autre. Il se trouve que beaucoup d’expériences ont démontré la réalité de ce qu’on appelle en parapsychologie la précognition. Donc il faut bien un modèle pour expliquer ça.
En ce qui concerne Romuald, il a fait beaucoup de travail de terrain auprès des Shipibos d’Amazonie péruvienne, et il se trouve que les chamanes lui ont dit grosso modo la même chose ! Il y a des dimensions de la réalité qui existent au-delà de l’espace et du temps, et qui sont porteuses d’informations, qui se manifestent dans les rêves, les visions, les signes… Pour eux, les mondes visibles et invisibles sont interpénétrés.
PRÉSENTATION DE L'HYPOTHÈSE DU LIVRE SE SOUVENIR DU FUTUR
Afin de t’éviter de répéter ce que tu as déjà évoqué moult fois ailleurs, je vais présenter aux lecteurs un bref résumé de l’hypothèse du livre. N’hésite pas à me corriger si je fais une erreur. En philosophie comme au sein de nombreuses traditions et spiritualités, on a coutume d’opposer le monde des phénomènes, perçu comme une illusion, au monde tel qu’il est, en deçà des apparences. Selon ta théorie, ce monde objectif, appelé “arrière-monde”, n’est pas soumis aux lois de l’espace-temps. Une partie de nous, le Soi (on reviendra sur sa définition), vit dans l’arrière-monde, au-delà de l’espace-temps, ce qui lui permet de se manifester où il veut au sein du continuum espace-temps puisqu’il se trouve en dehors de lui. Les synchronicités sont des messages du futur moi en communication avec le Soi. Elles nous montrent le chemin vers la meilleure version de nous-mêmes. D’autre part, le temps est en partie déjà déployé, le futur le plus probable en partie cristallisé. Les signes ou synchronicités reçues nous attirent comme un attracteur vers le meilleur chemin, car elles proviennent du meilleur futur qui nous guide tel un GPS. Ce GPS est en mesure de nous rappeler sur la bonne route si l’on s'égare. L’idée est donc de poser une intention dans le futur afin que ce futur nous guide vers lui via des synchronicités, qu’on doit s’efforcer de créer. Ce qu’on remarque donc ici, c’est que les synchronicités sont la clé de l’édification d’un nouveau futur. C’est Carl Jung, n’est-ce pas, qui a été le premier à les théoriser ? Peux-tu nous expliquer précisément ce que c’est, les synchronicités ?
C’est un très bon résumé. J’aime bien le fait que tu parles d’un arrière-monde “objectif “. Tu veux dire par là qu’il existe vraiment, dans le sens où chacun peut s’y relier. Mais pour moi il est essentiellement subjectif car le substrat de cet arrière-monde a la nature d’une conscience, d’un méta-esprit si on veut.
Oui c’est Jung qui a théorisé les synchronicités en proposant une définition du genre : la synchronicité est le lien entre un phénomène qui survient dans la sphère psychique (une pensée, une interrogation…) et un phénomène qui apparaît dans la sphère matérielle (une image, un son, un texte, une personne…). Les deux sont liés par un lien de sens et non de cause, selon Jung et Pauli, ce qui suppose une “articulation” entre la psyché et la matière, une forme de continuité.
La proposition de Philippe est qu’il peut y avoir une cause, mais qui vient du futur ! Romuald a ensuite élaboré un protocole pour tester et jouer avec ce phénomène, en lien avec ce que lui avaient appris les chamanes.
LE LIBRE ARBITRE
Une des difficultés majeures de l’application de la rétrocausalité dans sa vie, c’est le conditionnement. Cette croyance profondément ancrée au paradigme scientifique dominant qui nous fait penser que ta théorie est impossible. Ce conditionnement nous empêche d’exercer notre libre arbitre, car il nous empêche de voir qu’on est libres de nos choix, et que ce sont eux qui façonnent notre vie et notre futur de façon concrète, en amenant des potentialités multiples à s’actualiser en une seule réalité. Beaucoup d’entre nous ne pensent pas avoir le choix, ne se sentent pas libres, et semblent même parfois s’enchaîner eux-mêmes en refusant d’utiliser leur pouvoir ou en ne sachant pas comment faire, comme si leur destinée n’était absolument pas entre leurs mains. Tu peux nous expliquer en quoi consiste le conditionnement et de quelle manière il s’exerce sur notre mental ? Est-ce que tu connais des pistes pour s’en libérer ?
La seule façon de se libérer des conditionnements est de les reconnaître comme tels puis de lâcher l’intelligence de la raison pour laisser s’exprimer l’intelligence du cœur. On peut concilier ces deux formes d’intelligence, sans les opposer.
Le conditionnement c’est croire intégralement ce qu’on nous a appris à l’école et ce que dit la science “mainstream”, ce qui revient à croire que nous percevons le monde tel qu’il est vraiment et non, seulement, tel qu’il nous apparaît. Quand on est prêt à lâcher un peu cette croyance, sans basculer pour autant dans la “pensée magique”, eh bien une certaine magie opère en effet, comme dans les grandes synchronicités.
Il faut avoir confiance dans le fait qu’il existe quelque chose de plus grand que nous et qui est porteur de sens dans l’univers, et peut-être aussi d’une intention, d’un dessein, mais pas obligatoirement.
Cette confiance s’appelle la foi, car le véritable sens du mot “foi” est confiance et fidélité, et non “croyance”.
Dans le livre, tu dis que le libre arbitre est le véritable moteur de la réalité. Ça fait tellement de bien de lire ça ! Tu nous apprends que ce sont nos choix, conscients ou inconscients, ainsi que nos intentions, qui influencent notre destin en faisant bifurquer les lignes temporelles, c’est-à-dire en nous rendant capables d’obtenir des informations du futur. La rétrocognition serait donc un acte libératoire qui nous rendrait à nouveau maître de notre destinée. Mais pour ça, il faut que nos choix soient libres, non conditionnés, guidés par l’intuition. Comment se connecter à elle quand on est prisonnier d’un mental en plein bad trip qui nous étouffe dans la peur et le manque de foi ?
Le libre arbitre est un concept piégeux. Selon Spinoza, l’Homme libre est précisément celui qui sait qu’il n’a pas de libre arbitre et que, dès lors, il n’agit pas mais “est agi” par sa nature profonde et véritable. Et cette nature n’est autre que d’être une partie de la substance infinie qu’il appelle Dieu ou la Nature. Se conformer à sa nature est donc un choix qui n’en est pas un car ne pas le faire conduit à vivre contre-nature, ce qui expose à certains désagréments.
Pour dépasser la peur et l’absence de foi, donc de confiance, il faut lâcher prise et, encore une fois, accepter qu’il y a quelque chose de plus grand qui se joue et qui nous dépasse en tant qu’individu.
Donc nous avons bien une liberté d’agir, de faire des choix, mais elle est conditionnée à ce que nous sommes, à notre nature profonde. Elle n’est donc pas absolue.
LE MATÉRIALISME SPIRITUEL
J’ai eu la bonne surprise de voir que Romuald et toi mettiez en garde les lecteurs contre la popularité de la loi de l'attraction, proposition phare du développement personnel depuis de nombreuses années, qui réduit la rétrocausalité à du matérialisme spirituel. Beaucoup de gens pensent qu'émettre une intention forte et répétée à grand coup de pensée positive et de visualisation suffit à la manifester dans la réalité. Et qu’en gros, si on n’y arrive pas, c’est parce qu’on ne rêve pas assez fort. Ces gens croient aussi que la rétrocausalité peut être utilisée à des fins d'enrichissement ou de réussite personnelle, distordant la vie spirituelle à une version utilitaire qui ne fait que renforcer l’ego, la personne, c’est-à-dire le masque théâtral, l’image qu’on donne de soi-même, et non son être véritable. Ce qui a pour effet final de nourrir le processus d’individualisation et non d’individuation. Selon Carl Jung, l’individuation consiste à se confronter successivement aux archétypes de la persona (masque social), l’ombre (part inconnue et primitive de la psyché), l’anima/animus (archétype sexué), puis la lumière (connaissance de l'invisible). A l’issue de ce processus se révèle l’archétype du Soi (divin dans l’Homme). Selon cette grille de lecture, la rétrocausalité vise à établir cette liaison avec le Soi. Ça te dirait de rétablir la vérité sur le fonctionnement réel de la loi de l’attraction ?
C’est très bien résumé. La loi d’attraction est un authentique concept qu’on trouve aussi bien dans la Bible que dans l’alchimie ou l’hermétisme, mais qui a été maltraité par le New Age avec cette façon décomplexée qu’ont les Américains de privilégier avant tout le développement personnel, le “tout-à-l’ego”, la réussite individuelle, l’enrichissement, etc.
Or, développer la personne c’est en effet rester au niveau du masque, de l’apparence, alors que le véritable développement doit être transpersonnel, c’est-à-dire fondé sur une reliance à ce qui est au-delà de la personne et qu’on va appeler âme, esprit, Soi ou atman, selon les grilles de lecture qu’on privilégie.
La loi d’attraction fonctionne en effet quand elle repose sur une forme de foi et d’éthique, et pas quand il s’agit de s’enrichir ou de briller aux yeux des autres. Ça consiste à poser des intentions en ayant la conviction absolue qu’il existe un mécanisme qui va permettre d’attirer à soi les fruits de ces intentions, s’ils sont favorables à notre chemin de vie, s’ils respectent les lois du vivant, la nature, le cosmos, etc.
LA DIFFÉRENCE ENTRE LE MOI ET LE SOI
Avant d’aller plus loin, peux-tu nous aider à faire le point sur la grande différence entre le moi et le Soi établie par Carl Jung ?
Le moi est l’équivalent de l’ego et reste situé au niveau de la personne, alors que le Soi se situe au-delà de la personne en rassemblant le conscient et l’inconscient, ce dernier ayant une dimension personnelle et une dimension collective.
Le Soi est une totalité psychique impersonnelle qu’il faut intégrer au cours d’un chemin de vie et Jung a proposé ce concept en s’appuyant sur la notion d’atman dans l’hindouisme. L’atman est à la fois le souffle vital et le principe essentiel de l’individu, mais surtout il a la nature de l’Absolu, le brahman. C’est le cœur de l’enseignement des védas : atman est brahman.
Jung ne rejetait pas pour autant l’importance du moi qui doit rester fort et ancré dans le monde conscient.
Il y a quelques mois au Mexique, j’ai fumé du bufo, ce crapaud du Sonora dont les glandes regorgent de DMT, dont on extrait le liquide avant de le cristalliser pour le fumer. C’est l’expérience la plus transcendante que j’ai faite de ma vie ! Une expérience pure, sans expérimentateur. Il n’y avait plus de sujet ni d’objet, le "je" n'existait plus, et pourtant, l'expérience était en train de se vivre… D’une manière générale, la découverte de la non-dualité semble être l’expérience la plus révolutionnaire, dans le sens de bouleversements profonds tendant vers une évolution, qu’un être humain puisse vivre. Un ami à moi tient un centre d’ayahuasca au Pérou, et il a mis au point un test afin de mesurer le sentiment de dualité des patients qui viennent faire des diètes, avant et après. Il apparaît très clairement qu’après plusieurs cérémonies d’ayahuasca, la sensation de non-dualité est beaucoup plus ancrée chez ces personnes. Penses-tu qu’il faille nécessairement avoir recours aux états de conscience modifiés pour atteindre cette compréhension profonde d’une réalité non-duelle ?
Plusieurs amis m’ont raconté leur expérience avec le bufo et je suis fasciné de voir à quel point cela ressemble à une expérience de mort imminente. On atteint en effet un niveau qui est au-delà de la dualité sujet/objet et qu’on va décrire comme une expérience de “conscience pure” dans laquelle il n’y a pas de distinction entre soi et le monde.
Les états modifiés de conscience induits par la prise de psychédéliques ou d’enthéogènes sont une voie pour parvenir à cette réalisation, mais pour moi ce n’est pas la seule. L’advaïta vedanta dans l’hindouisme, le bouddhisme dzogchen ou chittamatra (yogacara), le shivaïsme du Cachemire, mais aussi le taoïsme ou les courants mystiques des religions d’Abraham sont tous porteurs d’un enseignement visant cette réalisation, qu’on appelle “éveil” dans les traditions d’Inde et d’Asie, transfiguration ou métanoïa ailleurs, dans des courants ésotériques.
Certains enseignements insistent sur le besoin d’une pratique, méditation, dévotion, prières, etc., alors que d’autres, plus radicaux, disent qu’il n’y a rien de spécial à faire car cette non-dualité est déjà notre nature, de toute éternité. Il suffirait donc de l’accepter comme telle. La clé et le paradoxe est que la non-dualité ne doit pas être “comprise” mais simplement reconnue pour être intégrée.
Je connais beaucoup de gens qui ont fait l’expérience de la non-dualité avec des substances psychédéliques mais qui ne sont pas du tout “éveillés”. Inversement, il y a d’authentiques éveillés qui n’ont pas vraiment vécu d’états modifiés de conscience mais sont parvenus à la réalisation par des pratiques de dévotion ou simplement un certain regard philosophique sur le monde.
Je pense que les expériences permises par les enthéogènes, cette sous-catégorie des psychédéliques qui “révèle Dieu à l’intérieur de soi”, permettent de toucher cette réalité primordiale non-duelle, comme les vraies extases mystiques ou certaines expériences de mort imminente, mais elles restent au niveau d’une expérience ponctuelle. La non-dualité, l’éveil véritable, doit être stabilisé et permanent, d’après les enseignements qui en parlent.
SE LIBÉRER DE L’EGO… OU PAS ?
En tant qu'exploratrice de la conscience, fumer du bufo était donc le truc le plus incroyable que j'aie jamais vécu. Pourtant, je ne suis pas pressée d'y retourner. D’une, ce type d'expérience est trop puissant pour qu'on veuille le répéter encore et encore. De deux, je suis désormais convaincue que cet état de non-dualité, où seule existe la conscience, sans sujet pour la posséder, est “l’endroit” ou “l’état” dans lequel je retournerai quand mon corps aura passé l'arme à gauche. Mais le truc le plus surprenant dans l'histoire, c'est que de savoir ça ne me fait pas du tout me désintéresser de l'existence humaine, avec toute la dualité qu'elle suppose. Au contraire. Être incarné sur Terre devient un jeu fascinant d'où toute peur a disparu. Dans une interview, tu as dit récemment qu’on peut vivre sur les deux plans à la fois, individu et absolu. Que l’ego ne doit pas être tué, mais qu’il doit plutôt redevenir le serviteur et non le maître (cette formule nous vient d'Einstein, si je ne m'abuse). De mon côté, j’ai découvert qu’en me reliant à l’universel, je m’aime davantage moi-même, ainsi que ma vie, mais pas d’une façon égotique. Est-ce que tu crois que c’est à cause de ce que dit Jung ? Que relier le moi au Soi, avec le moi à sa juste place, est ce qui permet au Soi de s’exprimer pleinement, en lui offrant la possibilité d’émettre des intentions libres et profondes ?
C’est un point extrêmement important, car les enseignements non-duels ont pu conduire certaines personnes à rejeter purement et simplement la réalité matérielle, et donc le corps et l’individu, comme une illusion sans importance. Or, en effet, la réalité matérielle est une illusion, appelée “maya” dans l’hindouisme, mais elle n’est pas sans importance ! C’est là aussi un paradoxe à dépasser.
La réalité ordinaire est comme un rêve dont on va se réveiller mais c’est un rêve qu’il nous faut vivre pour apprendre et comprendre certaines choses, à commencer par le fait même qu’il s’agit d’un rêve. Le rêve de l’incarnation est réel, mais il n’est pas la réalité ultime, c’est tout. Il y a quelque chose de plus fondamental derrière. L’ego “bon serviteur et mauvais maître” est une phrase récurrente dans les enseignements venus plutôt d’Inde, et peut-être qu’Einstein l’a citée mais je ne pense pas que ça vienne de lui.
L’aspect problématique dans les enseignements qui visent l’éveil est la négation de l’individu et de l’ego. Or, on peut en effet concilier les deux : oui nous avons la nature de l’absolu, comme la vague a la nature de l’océan, mais nous avons une expérience individuelle à vivre, qui va justement contribuer à enrichir cet absolu qui en fait se connaît lui-même à travers nous. Et cette connaissance passe aussi par le corps, qui est notre véhicule dans cette expérience.
À nouveau, le “truc” c’est qu’il n’y a pas véritablement d’effort à faire pour relier le moi au Soi, comme tu dis, parce que ce lien existe déjà. Donc pour moi ça relève plus d’un lâcher-prise, d’un pas de côté plutôt qu’en avant ou en arrière, pour révéler ce qui est déjà là et qui était simplement masqué, voilé. Dans le taoïsme on parle de “non-effort”. Dans les courants mystiques du judaïsme, du christianisme ou de l’islam, cette réalisation est tout de même le fruit non pas d’un effort stricto sensu mais d’un engagement total qu’on va appeler l’amour de Dieu. Donc c’est sensiblement différent.
Pour ma part, je suis réceptif au message central de l’advaïta vedanta qui nous dit que ce que nous cherchons est déjà là, et que c’est si proche de nous qu’il n’y a même pas de place pour une voie. Le fait même de “chercher” quelque chose induit une distance entre un sujet qui cherche et un objet à trouver, alors que les deux ne font qu’un et que cette distance est pure illusion. Au bout du compte, l’individu qui se reconnaît comme étant de même nature que la force qui le traverse à chaque instant peut pleinement s’épanouir à la fois comme individu et comme le tout.
C’est ce que Jung appelait “individuation”, et que le philosophe anglais Tim Freke appelle pour sa part “unividuation”, avec quelques nuances. Le piège de ce “retour du sujet” est le risque d’inflation de l’ego et le relativisme absolu, qui consiste à dire : rien d’autre que ce dont je fais moi-même l’expérience n’a de valeur, et donc je peux croire n’importe quoi.
Comment être sûr que les intentions qu’on émet proviennent du Soi et non de l’ego ? Quelles sont les qualités essentielles de ces intentions capables d’influencer le futur ?
On l’a beaucoup dit mais pour synthétiser disons que ces intentions doivent venir du cœur. Il faut donc faire taire un peu le mental et laisser s’exprimer l’intelligence émotionnelle, en posant des intentions qui vont être respectueuses des autres, de l’ensemble du vivant, de la terre, etc.
Ces intentions et les synchronicités qui en découlent sont associées à une certaine qualité de vibration, si on veut, de sorte qu’on ressent de la joie, de l’apaisement, du bien-être, ce genre de choses.
Tout ça se joue non pas en-deçà mais au-delà de la raison.
LE GPS ET LA TÉLÉCOMMANDE DE L’ESPACE-TEMPS
Selon Romuald Leterrier et toi, notre dimension temporelle est comme un chemin qu’on emprunte dans un vaste territoire. L'illusion du temps donne l’impression que la réalité est composée exclusivement de ce qu’on peut découvrir le long de ce chemin, alors qu’en fait, la “vraie réalité” est l’ensemble du territoire. Le truc, c’est qu’on ne peut pas voir les zones qu’on ne traverse pas, mais notre conscience du Soi, elle, peut naviguer partout, et nous guider tel un GPS. Ce qui veut dire qu’une partie de notre conscience est extratemporelle, c’est pourquoi elle peut observer l’espace-temps comme un objet et saisir l’ensemble de ce continuum d’un seul “regard”. Cette idée me fait penser à un concept qui circule, qui dit, en substance, que ce n’est pas le cerveau qui produit la conscience. Qu’il n’en est que le récepteur. J’aimerais que tu nous donnes ton opinion sur le sujet.
C’est pour moi une évidence depuis longtemps. En tout cas j’en suis convaincu parce que, comme je l’ai dit, la science n’a jamais démontré que le cerveau “produit” la conscience. D’ailleurs, une grande neuroscientifique, Susan Greenfield, a dit que le passage de l’activité des neurones à la conscience est comme la transformation de l’eau en vin. Autrement dit, c’est un miracle.
En outre, beaucoup d’expériences vécues suggèrent que la conscience accède à davantage d’information quand le cerveau est en tout ou partie “désactivé”. C’est pourquoi l’hypothèse du cerveau-filtre d’un vaste champ d’information, comme déjà proposée en leur temps par William James, Henri Bergson, Frederic Myers ou Aldous Huxley, revient en grâce.
Le psychologue cognitiviste américain Donald Hoffman explique que l’évolution a favorisé la survie de l’espèce en réduisant la quantité d’informations qui parviennent au cerveau, sans quoi il serait incapable de gérer toute cette information. On se retrouve donc avec une image du monde, ce qui apparaît à la conscience en temps normal, qui est en fait la projection-réduction de quelque chose de plus fondamental et de bien plus riche.
Le philosophe néerlandais Bernardo Kastrup explique cela très bien à l’aide de métaphores simples et parlantes. Son premier livre, que j’ai co-traduit, va paraître en français au printemps sous le titre : Pourquoi le matérialisme est absurde.
J’aime beaucoup ce que toi et Romuald appelez la "télécommande de l’espace-temps”, qui peut être manipulée grâce à trois étapes.
1 : Se déconditionner en favorisant l’effort et le doute positif, puis identifier son être intérieur par une attitude positive, et enfin faire une demande en s’appuyant sur la force de l’intention.
2 : Diminuer les voies causales ordinaires en cultivant le détachement, la confiance et le lâcher-prise.
3 : Favoriser les voies non-causales en ayant recours à la foi, au sens de confiance et de fidélité, en s’appuyant sur l’intuition et en cultivant le don de soi, expression du meilleur de nous-mêmes (c’est-à-dire le Soi, partie déjà réalisée de notre identité).
Je me permets de reproduire ici, afin que nos lecteurs comprennent bien, ces définitions simples données dans Se souvenir du Futur :
- Détachement : acceptation du changement.
- Lâcher-prise : idée de laisser agir.
- Confiance : capacité à sortir des sentiers battus.
- Intuition : aptitude à suivre son guide intérieur.
- Foi : nécessité de prendre des risques.
- Don de soi : donner le meilleur de soi-même.
Une fois qu’on a compris ça, quelle est la prochaine étape pour commencer à jouer avec la télécommande de l’espace-temps et exciter un nouveau futur ?
Je précise que la notion de télécommande de l’espace-temps, comme la métaphore du GPS, sont dues à Philippe Guillemant. Tu as bien résumé le principe, et l’étape suivante consiste donc à poser des intentions.
Certains diront que ça consiste à faire une demande à son ange-gardien ou à l’univers. Aucun problème pour dire les choses comme ça. Une fois l’intention posée, la difficulté est de se détacher du résultat, de ne pas être dans l’attente d’une réponse, un signe, une synchronicité, etc.
Dans l’évangile de Marc, on lit : “Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir”. Il n’est pas dit : “croyez que vous le recevrez” ou “que vous allez le recevoir”. La formulation suggère un mécanisme qui se joue de la temporalité.
Mais il faut aussi bien admettre que la réalité que nous vivons est le fruit d’une co-création collective, qui ne résulte donc pas que de nos seuls choix personnels. Nos intentions doivent donc être compatibles avec certaines lois de la nature et ce qui entre dans l’ordre du possible. Dans ce cadre contraint et limité, la magie peut tout de même opérer.
LES SYNCHRONICITÉS
En tant que voyageuse, j’ai remarqué que j'expérimente beaucoup plus de synchronicités quand je suis sur la route, “entre les mains du destin”, et c’est en lisant ton livre que j’ai découvert pourquoi. Pour que la synchronicité advienne, il faut qu’on soit ouvert à tout, réceptif, et que notre vie soit en train de changer, ou disons, fortement soumise au hasard. Dans ces circonstances, le futur se restructure et un nouveau futur déjà créé se potentialise en recevant la probabilité d'exister. Il provoque alors des coïncidences. Le truc étrange, c’est qu’à ce moment-là, le présent se met à être déterminé par le futur, et non l’inverse ! Pour ça, il faut être en dehors des conditionnements, presque en état d’instabilité émotionnelle et matérielle. Quand tout ne tient qu’à un fil, une rencontre de hasard, une décision prise dans l’urgence, la conscience parvient à sortir de ses habitudes et les potentiels choisis par le Soi se connectent au présent. Penses-tu qu’il nous serait bénéfique, à tous, de vivre d’une façon un peu plus freestyle, un peu moins control freak, pour permettre à nos vies de prendre le bon chemin ? Est-ce qu’on devrait en faire une sorte de ligne de conduite ? Apprendre à être plus ouvert à l'inattendu, à l’incroyable, est-ce que c’est une attitude qu’on devrait nourrir au quotidien ?
Je réponds oui à toutes ces questions. J’ai moi aussi vécu le plus de synchronicités, qui arrivent en cascade, dans des périodes où j’avais des choix importants à faire, et aussi lors de voyages où il y avait une dimension d’inconnu, d’imprévisibilité.
Ça semble logique dans la mesure où ce sont des périodes dans lesquelles on a besoin d’une forme de guidance, car plusieurs futurs s’offrent à nous. Ces futurs sont comme “superposés” dans un état quantique ; c’est juste une image. Parmi tous ces futurs, l’un est plus probable que les autres pour des raisons de stricte causalité, liés aux choix que nous avons faits en amont et aux données de la situation présente. Mais ce futur le plus probable n’est pas forcément le plus favorable pour nous. Donc l’intention posée va pouvoir modifier ces probabilités et attirer à nous, de façon cette fois-ci “rétrocausale”, le futur non pas le plus probable dans l’immédiat mais le plus favorable… à notre épanouissement, à notre apprentissage ou autre ; le plus conforme à notre choix d’incarnation diront certains.
Alors en effet il s’agit de vivre de façon plus “freestyle” comme tu dis, moins dans le contrôle parce qu’en fait on ne contrôle pas grand-chose. Mais c’est vraiment un équilibre subtil à trouver entre contrôle et lâcher-prise. Pour moi, ça consiste à se laisser traverser par la force de vie dont je reconnais qu’elle est aussi une suprême intelligence.
Dès l’instant où je m’identifie à cette force, tout en reconnaissant qu’elle me dépasse, mes choix sont inspirés de la meilleure façon qui soit et je ne peux pas me tromper. Se laisser guider par cette confiance (foi) revient à marcher sur un fil car l’ego reste susceptible à chaque instant de chercher à imposer ses choix. C’est pourquoi une autre clé est ce qu’Eckhart Tollé a appelé “le pouvoir du moment présent”.
On retrouve cette idée dans toutes les traditions spirituelles et ésotériques : l’attention à l’instant présent permet cette identification à notre nature profonde.
LE MULTIVERS QUANTIQUE
Selon la grille de lecture proposée dans ton livre, la conscience, avec son intention, actionne un des potentiels, une des virtualités du “multivers quantique”, pour ensuite le densifier dans la réalité du présent. Il apparaît donc que de nombreux futurs existent, en tant que virtualités, de façon simultanée. Est-ce que ça veut dire que le futur serait comme… une multitude de possibilités déjà existantes ? Tu pourrais expliciter ce concept de multivers quantique ?
Oui, j’ai déjà évoqué plus haut la notion de futurs multiples superposés comme dans un état quantique. J’ai précisé que c’est une analogie car on ne peut pas faire dire n’importe quoi à la physique quantique : la notion de superposition d’états s’applique stricto sensu aux objets et systèmes quantiques.
Pour redire les choses autrement, nous sommes sur une ligne de temps personnelle qui fait partie d’une ligne de temps collective que nous partageons avec tous nos contemporains, et nos lignes personnelles sont entrelacées avec les personnes avec lesquelles nous avons le plus d’interactions. Sur cette ligne de temps, la conscience agit en temps ordinaire comme une tête de lecture du présent.
Mais on voit bien que les états modifiés de conscience permettent de se déplacer sur cette ligne pour accéder à des informations du passé ou même du futur. Dans certaines circonstances, notamment les états élargis de conscience comme les expériences de mort imminente ou certaines expériences psychédéliques, la conscience devient capable de s’extraire de cette ligne et de l’observer depuis un point de vue extérieur. On a des témoignages d’expériences de mort imminente dans lesquels le témoin dit avoir observé toute sa vie comme un objet spatialisé dont il pouvait faire le tour.
Donc à chaque instant nous avons un futur déjà partiellement réalisé sur cette ligne, mais l’idée qui vient de la notion “d’espace-temps flexible” de Philippe Guillemant est que ce futur peut changer et se reconfigurer, d’où la métaphore du GPS qui recalcule un itinéraire pour se rendre à la même destination en changeant d’étapes, ou bien pour changer complètement de destination.
LE HASARD
La rétrocausalité pratiquée en conscience permet donc de densifier nos intentions dans la réalité du présent. Là où ça se corse, c’est que pour ce faire, le hasard s’avère indispensable, car il est un intermédiaire entre notre volonté et la matière. On a tellement coutume de considérer le hasard comme l’élément contrariant de l'équation, qui nous soumet à ses caprices sans rime ni raison, que cette idée a de quoi surprendre ! Le hasard serait-il donc le vrai gouvernail du réel ? Comment notre conscience peut-elle avoir une influence sur les processus indéterministes ?
C’est une idée qu’a bien creusée Romuald. Le hasard, l’aléatoire, l’indéterminisme, sont comme un support sur lequel du sens peut s’imprimer. Comme un signal qui apparaît dans du bruit, en électronique, ou de l’ordre qui émerge du désordre, en théorie du chaos.
Pour que notre conscience puisse agir sur des processus indéterministes et faire apparaître du sens dans le bruit, il faut penser une articulation entre conscience et matière, une articulation psycho-physique, comme l’ont fait Jung et Pauli, ou, mieux encore, considérer comme Bernardo Kastrup et les idéalistes contemporains que tout est conscience. La matière est quelque chose qui apparaît dans la conscience et la seule chose que nous puissions dire, fondamentalement, à propos de la matière est qu’elle est une expérience de conscience, fruit d’une perception.
Les idéalistes en concluent que la seule réalité ontologique est la conscience, que la matière est une catégorie secondaire qui apparaît dans celle-ci en tant que contenu de la perception, et que la physique est donc une science de la perception.
Je souscris à cette vision qui rejoint là aussi les intuitions, réflexions et observations de certaines philosophies de l’hindouisme et du bouddhisme, entre autres.
LA TRANSE ET LA PHYSIQUE MODERNE
Abordons maintenant le thème de la transe, et plus généralement celui des états de conscience modifiés. Chamanisme, plantes psychotropes, méditation, hypnose, NDE, hutte de sudation, son des tambours… Toutes ces pratiques et techniques ont pour but de créer une modification de la conscience. Aujourd’hui, l’étude de ces phénomènes constitue un grand chantier croisant les disciplines, afin de dresser une nouvelle cartographie de la psyché. Des questions se posent : comment ces états modifiés et ces phénomènes visionnaires peuvent-ils connecter notre conscience à des informations qui lui sont normalement inaccessibles ? Qu’il s’agisse de l’accès à d’autres niveaux de la réalité, aux mondes des plantes ou encore aux archétypes de l'inconscient collectif, la science matérialiste peine à expliquer ces expériences. Est-ce que le modèle du livre apporte une réponse à cette question ? De quelle manière les états de conscience modifiés sont-ils liés à la conscience rétrocausale ? Comment se fait-il que c’est souvent grâce à eux que la conscience semble révéler sa nature extratemporelle ?
Si notre conscience est une parcelle d’une supraconscience primordiale, l’hypothèse relativement simple est qu’un état élargi de conscience résulte de la suppression de la fonction de filtre du cerveau. En temps normal, le cerveau filtre le vaste flux d’informations qui lui parvient, ce qui résulte en un sentiment d’individualité et de situation dans l’espace et dans le temps.
Kastrup prend l’image d’un courant d’eau qui représente la vaste conscience, au sein duquel des tourbillons, des vaguelettes, etc., représentent les formes, la matière, les individus. Tout ça n’est que de l’eau, donc de la conscience. Quand cette fonction de réduction-filtrage du cerveau est levée lors de la transe, quel que soit son mode d’induction mais avec des degrés, la conscience individuelle rejoint le flux de la vaste conscience, comme un tourbillon qui disparaît dans l’eau. Alors on accède à la conscience primordiale, avec la notion d’identité individuelle qui disparaît, et en étant situé au-delà de l’espace et du temps, qui ne sont que des projections.
C’est comme ça que les chamanes entrent en relation avec l’esprit des plantes, des animaux, des défunts, des éléments, de la Terre, etc. Cette conscience primordiale est nécessairement extratemporelle puisque c’est d’elle que naissent l’espace et le temps. Elle est la source de tout ce qui est.
La physique moderne quantique rejoint le chamanisme ancestral. En tant que psychonaute versée dans les traditions indigènes, je trouve ça fabuleux ! Se dirige t-on vers une reliance de tout ? Est-ce que la science du futur sera nécessairement pluridisciplinaire ? Crois-tu qu'il soit possible de réconcilier et même conjuguer des domaines qui, jusqu’à présent, ont été considérés comme ennemis (science versus magie) ?
La science va rester hyper spécialisée parce que c’est la condition de nouvelles avancées. Aujourd’hui, la physique et les mathématiques nous parlent de structures géométriques situées en amont de l’espace-temps, qui auraient un nombre considérable de dimensions et constitueraient un réseau “d’agents conscients” derrière le monde tel qu’il apparaît. Ce n’est pas de la science-fiction et on a besoin de gens très pointus dans ces domaines pour que la connaissance progresse.
Mais il y a aussi besoin de gens qui font les liens et les passerelles entre les domaines de la connaissance, et qui ont une culture en sciences dures et en science humaines, et aussi dans les domaines mythico-magico-mystiques.
L’approche pluridisciplinaire et transdisciplinaire est indispensable mais elle ne peut pas être le fait des scientifiques spécialistes eux-mêmes. Si déjà ils ont un peu de culture philosophique, c’est formidable.
LE RÊVE
Grâce à toutes tes explications, on y voit déjà beaucoup plus clair. Il nous reste maintenant à aborder le dernier gros morceau de la rétrocausalité : le rêve ! Ici, on va avoir besoin de tes lumières, car c’est loin d’être évident à comprendre… Voici une citation du livre : “Quand j’observe dans le présent une synchronicité en lien avec une image d’un rêve se situant dans le passé, je repense à ce rêve et, ce faisant, je crée l'image de ce rêve dans le passé, qui, à son tour, va se manifester sous la forme d’un événement ayant pour fonction de créer un nouveau futur”. Est-ce que ça veut dire qu’avec ce type de rêve, on ne voit pas l’avenir, mais qu’on le crée ? Tout incite à croire que, plutôt que de matière, le monde physique serait en fait constitué d'informations, d'événements, dont la rétrocognition serait le processus mémoriel créateur. La frontière entre le monde physique et onirique s’estompe. Nos intentions modèlent aussi bien le rêve que la réalité, à rebours du temps. Notre conscience extratemporelle relie deux événements, onirique et physique, par le biais de synchronicités qui, comme on l’a vu, ont une signification au sens informationnel. Se souvenir du futur, c’est donc un acte de création d’un nouvel avenir ?
Dans les chamanismes, il n’y a pas de réelle frontière, en tout cas de rupture, entre le monde physique et les mondes oniriques, le monde de l’au-delà, des esprits, etc. Ces mondes forment un continuum et la notion unificatrice moderne est celle d’information. À l’échelle infinitésimale, la matière se réduit à de l’information. Or, l’information est aussi le “matériau” de la conscience.
Si tout est conscience, alors en effet la conscience crée le monde tel qu’il apparaît, et chacun de nous, en tant qu’individu conscient, contribue à cette co-création. Si la réalité matérielle est “comme un rêve”, alors il n’est pas surprenant qu’on puisse la modeler par la conscience comme dans un rêve lucide.
Nous co-créons le monde collectivement, et si nous ne le faisons pas consciemment, alors nous le faisons inconsciemment, ce qui revient à attirer à nous le produit de nos peurs : guerres, épidémies, destructions, etc.
Notre réflexion invite à reprendre le contrôle sur ce processus pour ne pas se laisser gouverner par nos peurs inconscientes.
L’IMPORTANCE DE LA CONSCIENCE COLLECTIVE : VERS UN NOUVEAU FUTUR GLOBAL
Jusqu’ici, on a surtout parlé des intentions personnelles d’un individu. Or, la conscience est une, et tu dis toi-même qu’elle n’existe qu’au singulier. Si l’on a dans la vie quotidienne l’impression que la nôtre est isolée, c’est parce qu’elle semble incarnée, soumise au mental d’un être singulier. Mais l’expérience de la transe nous révèle son caractère collectif. En transcendant les limites de l’ego, on s’aperçoit que le “je” disparaît au profit du tout. Partant de là, comme on l’a vu, il est essentiel de penser la conscience non plus seulement dans un but utilitaire qui nous permettrait de réaliser nos rêves personnels, mais plutôt comme un acte de création collectif qui nous serait bénéfique à tous. Juste afin d’étayer cette idée, j’aimerais rappeler cette histoire de séries de crash aériens, qui m’a fait forte impression. En 2014 par exemple, on recense pas moins de 16 catastrophes aériennes, ce qui est hautement improbable. Comment cela s’explique t-il ? Par un phénomène de co-création collective, réalisé de manière inconsciente. La médiatisation du premier crash attire l’attention collective. Quand elle constate un second crash, elle participe aux phénomènes improbables qui sont à son origine. Ce genre d'événements négatifs et traumatisants, en engendrant une sidération collective très forte, focalise l’attention tout en dézinguant notre libre arbitre, paralysant au passage la conscience collective. Mais que se passerait-il si nous étions capables de co-créer une réalité meilleure, en potentialisant volontairement, tous ensemble, des futurs alternatifs positifs ? Ça fait peur, en fait, parce que la crise du climat, qui est très réelle, ne nous incite pas à croire en un futur où l’humanité et la planète seraient sauves. J’ai entendu parler de la masse critique, ce pourcentage d’humanité qui pourrait faire basculer le monde dans le bon sens, mais je me dois d’être honnête : j’ai bien peur de participer moi-même à l’arrivée de la catastrophe, tant j’ai du mal à croire en la possibilité d’un avenir où on s’en sortirait. Comment faire pour recommencer à y croire ? Comment vaincre le conditionnement de la peur, quand toutes les études montrent que la situation est désespérée ? Et si on parvient à rêver d’un futur meilleur, comment agir tous ensemble pour le faire advenir dans le réel ?
Je pense que j’ai anticipé ces questions et déjà répondu en grande partie, mais on peut toujours reformuler les choses.
Le premier élément est d’accepter que l’avenir de l’humanité, de la Terre, de la biodiversité, etc., est une question qui nous dépasse en tant qu’individu. On ne peut agir qu’à sa propre échelle et essayer d’avoir des actions vertueuses en pariant sur l’exemplarité, c’est-à-dire montrer l’exemple sans se croire exemplaire. L’espoir, l’optimisme, ne peut venir que d’un abandon : celui de croire que je dois sauver le monde ou l’humanité.
En second lieu, il ne faut pas croire que “c’était mieux avant”. Le 20e siècle a été le théâtre de deux guerres mondiales et de guerres régionales qui ont tué environ 40 millions de militaires et un nombre indéterminé de civils, 200 millions selon certaines sources. Le monde n’a jamais été un champ de roses, c’est plutôt des rivières de sang à toutes les époques. L’humanité est résiliente, et la nature l’est encore plus.
La crise climatique, la biodiversité menacée, les inégalités croissantes, etc., sont largement dues à un modèle fondé sur la compétition entretenu par certaines élites qui en tirent profit. Je ne souscris pas, de façon générale, aux théories du complot parce que tout ceci se déroule à ciel ouvert. Simplement, il n’y a rien d’évident à mettre en place des alternatives au capitalisme ultra-libéral prédateur et destructeur. Les solutions ne peuvent pas être de revenir en arrière avec des modèles fondés entièrement sur la décroissance, même si des initiatives locales sont salutaires.
Je crois à la possibilité d’émergence de technologies disruptives, comme la fusion nucléaire qui est non-polluante, pour sortir de la dépendance aux énergies carbonées. Ce serait un bon début pour soigner la Terre et construire un nouveau monde.
Ma conclusion est de faire en sorte d’attirer à soi son meilleur futur qui est en même temps le meilleur futur pour l’humanité et la planète, grâce aux mécanismes évoqués dans cette discussion. Mais de ne pas se préoccuper de ce que font ou pensent les autres, en les accusant constamment de ne pas être assez comme ceci ou comme cela. De ce point de vue, on n’a pas à se dire qu’il faut agir “tous ensemble”. J’agis à mon échelle, à mon niveau, et tant mieux si je peux inspirer d’autres personnes. Je me laisse traverser par une force qui me dépasse, qui est fondamentalement une énergie d’amour, en étant présent à chaque instant dans la simplicité.
Encore un paradoxe, mais la simplicité est la clé, même quand on s’intéresse à des questions parfois très complexes en science et en philosophie. Si je vis simplement, avec bienveillance et respect, et que le monde s’effondre malgré tout, alors ça ne sera pas de ma faute !
Se changer soi-même c’est changer le monde parce qu’on se change en tant qu’individu, et donc en tant que consommateur et citoyen.
Sur ce dernier aspect, on cesse d’attendre des politiques ou des élites en général qu’ils soient des sauveurs. Le salut est en chacun de nous. Alors salut !
POUR ALLER PLUS LOIN…
Les sites internet :
Le site de Jocelin Morisson où vous trouverez ses livres, ses articles et son actualité.
Le site de la revue Natives dont Jocelin Morisson est le rédacteur en chef.
Le site de l’INREES, Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinaires.
Quelques ouvrages écrits par Jocelin Morisson :
Se souvenir du futur, co-écrit avec Romuald Leterrier.
La physique de la conscience, co-écrit avec Philippe Guillemant.
Tout est relié, co-écrit avec Romuald Leterrier.
Le super bonus :
Synchronicity, magnifique coffret de cartes illustrées qu’on peut utiliser comme oracle ou comme jeu, afin de s’amuser à créer des synchronicités dans sa vie ! Imaginé par Romuald Leterrier et Philippe Deweys.
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Ainsi vous contribuez sans effort à la vie de ce blog, en participant aux frais d'hébergement.
L’Ayahuma, le Cobra et Moi
Le Cobra est loin d’être l’animal le plus pété du cul au sein de la clique des animaux totem. C’est même un putain d’honneur d’être choisi par lui ! On dit qu’il n’apparaît que lorsque l’élève est prêt à recevoir son pouvoir. Sa qualité principale ? Le don de métamorphose ! Ce bâtard cosmique est le roi de la vie, de la mort et de la renaissance, en vertu de ce truc propre à lui, changer de peau, muer, en gros donc, savoir se débarrasser d’une ancienne partie de soi, étriquée, déjà morte et donc inutile et encombrante, pour glisser vers l’avenir avec une nouvelle version de lui-même. Pas mal pour quelqu’un comme moi qui cherche à se surpasser !
Reportage Gonzo d’un Écrivain en Cure de Plantes
PHASE 1
Et dire que je croyais que tout était foiré. C’est dingue à quel point on peut se planter total dans la vie. Faut dire, y me faut jamais beaucoup de temps avant de déclarer d'un ton sinistre que tout est perdu. C’est mon côté nihiliste. Accompagné d’une note de désespoir hystérique, comme dirait Tyler Durden.
La maloca où se déroulent les cérémonies d’ayahuasca
La scène se situe dans une maloca, quelque part en Amazonie péruvienne. La veille, j’ai remis ça avec l’ayahuasca après la débâcle de la Colombie.
Je vous ai pas raconté ? Là-bas, j’en ai repris pour la première fois après la mort de Wish, le Shipibo qui m’a initiée au truc. Ce chaman colombien, un Tikuna, était pourtant du genre sérieux. Simplement, il avait pas du tout la même approche de la plante que Wish, et sa préparation était trop soft pour moi. Certains indigènes considèrent que les visions, c’est un trip pour les occidentaux, qui selon eux, utilisent l’ayahuasca comme une drogue, et, comment dire… Ils mangent pas de ce pain-là. Ils la préparent donc avec très peu de chacruna, ces feuilles pleines de DMT induisant les visions.
Ajouté au fait que fumer était drastiquement interdit chez lui, bref, j’étais pas du tout dans mon élément. Dommage. Son endroit était génial, et son savoir encore plus.
C’est comme ça que je me suis retrouvée à tracer la route (enfin, le fleuve Amazone en l’occurrence) direction le Pérou. Débarquée à Iquitos. La ville a putain de changé depuis 15 ans que j’y ai pas refoutu les pieds. Y flotte. Je me dégote un hôtel. J’ai pas de plans pour l’ayahuasca, et pas la moindre intention de faire confiance à internet pour en trouver un. Ce bled regorge de faussaires, Google aussi. Pour le biz de l’ayahuasca, on fait pas pire qu’Iquitos, bordel.
Et puis je tombe sur cette Française. A l’hôtel, eh ouais, même pas besoin de bouger son cul. Elle me parle de cet endroit, à 7h de bateau. De la Maestra (elle s’appelle Alicia, mais tout le monde dit La Maestra), femme chamane qui officie là-bas.
Quand je vous dis que c’est toujours l’ayahuasca qui te trouve…
Gardel et la Maestra, les chamans, un soir en mode chill…
Pourtant, la première cérémonie que je fais, dirigée par un chaman mec (son nom est Gardel, c'est l'autre chaman du centre, la Maestra n’est pas là) a de quoi me déprimer. Ma conscience frémit, mon corps gronde, mais même avec deux tasses d’une ayahuasca drôlement forte, ça veut pas venir, putain. Durant la session, je chiale en pensant à Wish. Je suis pas chez les Shipibo ici, et les icaros sont franchement différents. Ça me manque. Je me dis que c’est peut-être pour que ça que ma transe n’arrive pas à décoller.
Le lendemain, le boss de l’endroit, un Italien, Fabrizio il s’appelle, nous propose à la Française et moi, et à quelques gringos qui se trouvent là, une cérémonie de mambé, cette poudre de feuilles de coca qu’on se colle sur la gencive après y avoir appliqué de l’ambil, pâte de tabac. Un truc sacré chez les Colombiens, qui vivent avec en continu, tout comme les Boliviens avec les feuilles elles-mêmes, qu’ils gardent toujours au creux de la joue. Le mambé te filant un petit coup de pied au cul, l’idée du truc est de parler de la cérémonie d'ayahuasca de la veille à cœur ouvert, chacun son tour, du style cercle de parole, sans jamais interrompre celui qui cause.
Voilà comment on en arrive là. A moi, désespérée, en train de chialer ma race devant tous ces inconnus. A leur dire que je crois que l’ayahuasca veut plus de moi, et que Wish me manque. Enfin, je m’éternise pas non plus des masses à pleurer sur mon sort. Je méprise l’autoapitoiement, et puis Fabrizio m’apprend qu’il m’a sondée la veille, durant la cérémonie. Ça fait 3 ans qu’il est là, qu’il a ouvert ce centre, et l’enfoiré cumule plus de 300 sessions d’ayahuasca, donc ce qu’il a vu sur moi m’intéresse.
J’oublierai jamais cette façon qu’il a eue de dire ça. Comme ça, sans préliminaires : You are so stroooooooooong !!!
Ouais. Apparemment, il a jamais vu quelqu’un d’aussi fort que moi. On peut dire que ça me remet en selle, d’autant plus qu’en évoquant mes bouquins, plus tard dans la cérémonie, je capte que j’ai trouvé à qui parler : un révolutionnaire, qui place la liberté au-delà de tout. Comme moi.
Et pour finir cette soirée foireuse, ce putain de yopo. Une poudre de graines d’un arbre brésilien, dont la concentration en DMT est super élevée, qu’on t’envoie dans le nez grâce à ces espèces d’insufflateurs qu’ils ont ici, dont on se sert principalement pour le rapé, tabac à priser local.
J’ai jamais été aussi proche du badtrip de ma vie, et pourtant j’en ai pris des trucs puissants ! Les visions que j’ai eues étaient proches de celles de l’ayahuasca, à part qu’elles étaient en mode fast & furious, un truc ingérable… Moi qui recommande toujours de pas lutter contre ce qui arrive (n’importe quoi qu’arrive) avec les substances, psychédéliques ou pas, bah ce coup-ci, j’en ai été incapable. Et y se trouve que Fabrizio, je considère qu’il m’a sauvé la vie. Il s’est passé un truc très fort entre nous quand je badtripais, et je me suis complètement accrochée à lui, psychiquement et physiquement.
Je crois que c’est ça, par-dessus tout, qui m’a incitée à revenir.
PHASE 2
Je suis rentrée sur Iquitos, j’ai prévenu tout le monde que je coupais contact pendant plusieurs semaines, j’ai fait mon baluchon et trois jours plus tard j’étais de retour dans la jungle.
Avec l’ayahuasca, chaque cérémonie est intéressante, mais y en a toujours quelques-unes qui se démarquent du lot. Celles qu’on a envie d’appeler des Grandes Cérémonies. Le genre d’expérience où tout s’emboîte, où les pièces du puzzle sont enfin réunies.
C’est ce genre-là auquel j’ai eu droit le soir même de mon retour. La Maestra officiait.
J’ai finalement compris ce que je voyais depuis ma toute, toute première cérémonie, quand j’avais 20 piges. 52 cérémonies plus tard, à 34 ans, vous me direz, il était temps.
Ces formes lumineuses en mouvement, qui dansent et se transforment au rythme des icaros. Cet or que mon ancien maestro plaçait en moi. Ces architectures organiques ou au contraire effilées, comme célestes, qui colonisent ma conscience…
Tout ça, c’est l’énergie. C’est elle que je vois depuis mes débuts avec l’ayahuasca. C’est le langage visionnaire qu’elle a choisi, qu’elle a créé, pour s’adresser à moi. Notre idiome, rien qu’à toutes les deux.
Les étagères de Medicina : ayahuasca, mambé, rapé, yopo, kambo… mapacho !
C’est en parlant avec les autres que j’ai réalisé que j’étais la seule à avoir ce type d’expérience. Pour eux, le schéma basique d’une cérémonie, c’est des fractales qu’ils finissent par dépasser pour entrer dans le monde des visions, qui s’apparentent en fait à des rêves. Des images réalistes. Des Hommes, des animaux, des univers. Des aliens. S’il m’est arrivé d’en avoir, c’est loin d’être ce qui constitue mon expérience majoritaire.
Ce que je vois, moi, c’est l’énergie.
Celle qui se dégage du chaman, de ses icaros, celle des plantes dont il entonne la chanson spécifique, celle des autres participants, celle de la jungle, et puis… celle des esprits.
Expliquer la façon dont j’ai tilté lors de cette session, ça va pas être possible. Avec l’ayahuasca, on sait les choses, point barre, et vu que cette compréhension ne provient pas de l’esprit logique et rationnel, elle demeure inexplicable.
Comprendre enfin la signification de mes visions, c’était une putain de révolution.
Mais c’était que le début.
Ceux qu’ont lu mes Carnets d’ayahuasca savent que des gestes, j’avais déjà commencé à en faire pas mal durant mes précédentes cérémonies. Alors que la plupart des gens se tiennent tranquilles, moi, j'arrête pas de bouger ! Recueillir la medicina dans mes mains, l’appliquer sur mon front, secouer mes épaules et sentir mes ailes pousser, frapper sur ma poitrine… Mais jamais encore j’avais été aussi déchaînée !
Mes mains se mouvaient toutes seules avec une vitesse stupéfiante pour agripper l’énergie des chants de la Maestra, m’en emparer, puis m’en parer, la faire tourbillonner autour de moi, me baigner avec, la faire danser à mon tour…
L’exemplaire de Borderline laissé au centre histoire de filer du grain à moudre aux futurs diéteurs…
Jusqu’à ce moment où j’ai placé la tranche de ma main droite contre mon front, où l’entièreté de mon esprit s’est concentrée en une ligne au centre de ma tête, aussi fine et coupante qu’une lame acérée, pour faire jaillir mon intention.
Ce serait d’ailleurs le moment d’en parler, de mon intention. Qu’est-ce qu’une meuf comme moi, sans problème particulier, s’en va foutre dans la jungle pendant trois mois ?
Eh bien, puisque cette meuf est écrivain et que l’idée qui la hante est de terminer sa saga Borderline en explosion digne d’Hiroshima, elle s’en va chercher du pouvoir. Et de l’inspiration. Mais surtout, une volonté, une rectitude, une droiture à faire pâlir d’envie le plus enfiévré et déterminé des samouraïs. Parce que c’est de ça qu’elle a besoin pour écrire comme Travis, l’anti-héros de ses livres. Pour se rapprocher toujours plus de lui. Et être en mesure, à la toute fin, de comprendre et de transcrire le dernier de ses choix…
Et donc, mon esprit est devenu une ligne, puis une flèche, mes mains ont saisi un arc, l’univers entier est devenu ma cible, et mon esprit a projeté la flèche de son intention vers l’infini.
C’est après ça que l’Ayahuma m’a appelée. J'en savais vraiment très peu au sujet de cette plante. Elle figure même pas dans Borderline. La Maestra s’est mise à entonner son icaro (en la citant plusieurs fois dans la chanson, qui était en espagnol), et moi… je me suis mise à suffoquer ! Assise face à la chamane, la bouche ouverte, l’esprit bloqué, l’air entrait en moi par à-coups, comme si… je sais pas, comme si j’inhalais l’esprit de cette plante. Sur le moment, j’en ai pas spécialement fait cas, et pourtant le message était on ne peut plus évident.
J’ai alors plongé dans quelque chose d’autre. Quelque chose d’empoisonné…
Le monde des serpents.
L’Ayahuma en personne.
Je les ai vus flotter dans leur berceau de terre, sentis glisser dans mon ventre, ils m’ont fait vomir acide pour goûter leur poison, j’ai tremblé en comprenant ce que ça voulait dire, de vivre avec ce venin en soi et d’avoir le pouvoir de donner la mort en un éclair.
C’est là qu’il s’est présenté. Celui que j’attendais plus. Cet esprit bien spécial, propre à chacun, dont tout le monde au centre se targuait d’avoir identifié le sien et d’être sous sa protection. Mon animal de pouvoir.
Un cobra.
Un putain de cobra, nom de Dieu…
Enfin, il était là ! Enfin il se faisait connaître, enfin il émergeait de cette fréquence de ma conscience à laquelle j’avais jamais été foutue de me connecter ! Et il était plus beau, plus digne, plus puissant que tout ce que j’aurais pu espérer…
Je l’ai vu en face de moi, j’ai senti sa couronne se déployer atour de ma tête, il m’a observé avec ses yeux de reptile dont on ne peut jamais deviner les intentions, ce regard froid, hypnotique, comme tourné vers l’intérieur, qui contemple un monde que nous, humains, on sera jamais fichus ne serait-ce que d’imaginer…
Mon esprit gardien, c’était lui. Et en le découvrant, il me semblait récupérer enfin une part essentielle de moi-même.
C’est sans doute pour ça qu’ensuite, j’ai vu ma propre énergie. Pas celle des chants, pas celle des plantes.
La mienne.
C’est en appliquant ma main sur mon front comme je fais souvent (au niveau du troisième œil, là où se planque la glande pinéale) que je l’ai vue. Je déconne pas, j’ai fait le test. Quand j’enlevais ma main, elle disparaissait. Quand je la posais à nouveau, elle revenait. L’énergie de ma main droite, celle qui détient toute ma force, avec laquelle je fais tout. Cette main dont la tranche s’est posée sur mon front pour cibler mon intention.
Le dernier dessin que mon pote alchimiste Bruno Leyval a fait de moi…
C’est une énergie d’un noir fumé, parcourue d’électricité bleue et rouge. Elle se meut comme la fumée d’un mapacho, et parfois elle brille comme si elle renfermait des diamants.
Elle était si belle que je suis tombée amoureuse de moi-même. Oh, je sais l’effet qu’une telle déclaration peut faire, et je vais pas me gêner pour enfoncer le clou : c’est un sentiment qu’est revenu maintes et maintes fois durant les cérémonies suivantes. C’est magnifique. C’est merveilleux de s’aimer de cette façon-là. Et vous savez quoi ? Ça n’a rien de malsain.
Cette découverte a rapidement été suivie par une autre. Ma main gauche, c’est de l’énergie blanche dorée qu’elle renferme. Cette main est beaucoup plus sensible, beaucoup plus faible que l’autre. C’est celle qui me sert pour sentir, et sa place est sur mon cœur. C’est le seul endroit qu’elle tolère. J’y reviendrai plus tard.
PHASE 3
Dès le départ, mon idée était de m’engager dans une diète de plante maîtresse en venant ici (si vous vous demandez pourquoi, filez lire cet article). Le tout était de savoir laquelle. Bien sûr, on peut toujours partir des infos qu’on a sur elles pour trouver la sienne, identifier ses problèmes personnels, et compter 1 + 1 = 2. Sauf que c’est carrément anti-intuitif, comme délire, et que la médecine amazonienne est bien plus subtile que ça.
La fleur de l’Ayahuma.
C’est l’Ayahuma qui m’a appelée. C’est elle qui m’a reconnue. Lorsque la Maestra a entonné son icaro, elle a cristallisé mon esprit et m’a fait suffoquer pour que je comprenne. Et il se trouve que cette plante (tiens tiens), c’est pas ce qu’on appelle une plante de guérison. C’est une plante de pouvoir (encore une fois, si vous êtes curieux, elle se trouve dans le Répertoire des Plantes Maîtresses).
Direct, Gardel m’a mise en garde à son sujet. Voici ce qu’il m’a dit en vrac : attention à ne pas tomber dans le piège de la sorcellerie (c’est-à-dire, utiliser les enseignements de cette plante pour nuire), avec l’Ayahuma quand tu diras non, ce sera non, et enfin, j’espère que tu veux pas d’enfants (carrément pas !) parce que cette plante va te rendre stérile. Parfait.
Fabrizio avait déjà diété l’Ayahuma, mais il était chaud de remettre le couvert, c’est donc ensemble qu’on s’est engagés dans cette diète, sans savoir combien de temps ça allait durer. On partait sur un minimum de 10 jours. Plus tard, en pleine diète, l’Ayahuma lui a dit lors d’une cérémonie d’ayahuasca (c’est souvent comme ça que ça marche, les messages des plantes maîtresses nous sont véhiculés grâce à elle) que la diète devrait durer un mois minimum. Ce qui ne nous a aucunement dérangés.
Je compte pas donner tous les détails de cette diète, ni de chaque cérémonie d’ayahuasca, au rythme de deux par semaine, que j’ai faites là-bas. Mais puisque je vous ai parlé de Gardel y a quelques lignes de ça, sachez qu’il nous a bien chambrés tout le long du truc ! C’était tellement bon quand il s’adressait à nous durant les cérémonies, entre deux chants, du style : Et maintenant, un icaro pour les deux ayahumeros là-bas (ça nous tordait de rire Fabrizio et moi), avant de se mettre à chanter son icaro de l’Ayahuma, qui nous faisait rayonner de fierté !
L’Ayahuma et ses fruits.
Un autre truc cool avec Gardel, après une session d’ayahuasca où j’avais été particulièrement déchaînée, à bouger mes mains pour recueillir sa medicina et frapper mes cuisses et mon torse au rythme de ses chants, il m’a appris qu’il avait eu une vision de moi en guerrière de l’Ayahuma, portant un casque constitué de la coque du fruit sur la tête, de la peinture indigène rouge sur le visage, et mes mains qui jetaient des fleurs d’Ayahuma de partout.
On voulait en faire un portrait, de cette vision, me déguiser exactement comme Gardel m’avait vue, et ça aurait donner de la matière à Bruno Leyval (quoi, z’êtes pas au courant de la putain de collab que je fais avec lui ? Foncez vers La Gardienne de la Plante, nom d’un chien !), mais finalement on a eu la flemme.
Les enseignements ont été progressifs, mais d’une clarté redoutable. Rapidement, je me suis rendue compte que ce qui m’arrivait était complètement connecté à l’histoire de Travis (c’est loin d’être la première fois que ça m’arrive. Pour ceux que ça intéresse, Les Entrailles de Borderline sont là pour ça). Et que j’étais en train de récolter un matos pour l’écriture de Borderline 5 dont j’aurais jamais pu rêver…
Ma chambre, où j’ai écrit une grande partie de Borderline 5.
J’ai énormément écrit durant ces deux mois, incorporant directement mes expériences à mon livre. J’aurais pas pu imaginer la direction que ça allait prendre, et encore moins inventer ces idées qui me sont venues grâce à cette expérience. Quand je vous dis qu’un écrivain a besoin de VIVRE pour écrire convenablement, vous pigez ou quoi ? Ce putain de truc était un rêve éveillé ! J’ai plus évolué en 3 mois qu’en 10 ans. Et je tiens désormais la fin incendiaire que je voulais pour finir ma saga en guerre nucléaire.
Ce que je vivais était lié à Travis, mais pas que. J’ai tendance à penser ma vie selon celle de mon personnage, mais faut parfois aller plus loin qu’une simple “idée qui déchire pour son roman”.
Grâce à l’Ayahuma, j’ai travaillé sur mes croyances. Vous savez, ce concept qui décrète que c’est vous, votre conscience et vos intentions, qui créez la réalité qui vous entoure, aussi merdique soit-elle ? C’est pas que ma réalité soit dégueu, mais y avait encore quelques petits trucs qui bloquaient, et ce coup-ci, je sais que je les ai bel et bien réglés. Parce que tout ce que je veux, c’est que mon esprit soit encore plus libre, ma vie encore plus freestyle !
Assumer l’entière responsabilité de son existence, c’est fort, comme machin. Refuser catégoriquement d’être influencé, défini, étiqueté, et encore pire, déterminé par un quelconque passé, par ses peurs ou ses “traumatismes”, ça te donne un pouvoir dans le présent, une force que tu peux même pas imaginer. J’ai souvent parlé du statut de victime, opposé à celui de guerrier, dans mes articles (notamment ceux sur Nietzsche ou Bret Easton Ellis), c’est un truc qui me tient à cœur. J’étais en plein dans le thème.
Gardel et le fruit de l’Ayahuma !
L’Ayahuma, ce qu’elle m’a appris, en un mot, c’est la droiture.
Mobiliser sa volonté et son esprit, transformer son intention en flèche, viser la cible avec la rectitude d’un moine Shaolin, et tirer en plein dans l’univers. C’est comme ça qu’on devient créateur de sa putain de réalité.
D’ailleurs, elle m’a laissé une cicatrice de guerre. Je la sens lors des séances d’ayahuasca. Elle me traverse l’œil gauche et monte sur mon front, en biais, m’escaladant la tronche jusqu’au milieu de la tête. Et j'en suis putain de fière !
D’une certaine manière, tout me semble lié : l’énergie que je suis capable de voir et de manipuler. L’Ayahuma qui m’a transformée en machine de guerre. Et ce putain de cobra qui est revenu, à chaque bon Dieu de cérémonie, pour m’enseigner une nouvelle chose, au point que je l’identifie à présent comme mon maître…
Bordel, cet article ressemble de plus en plus aux délires d’un Raoul Duke à fond de mescaline.
Revenons à la Phase 3 :
L’Énergie
L’énergie, j’ai peu à peu appris à la gérer. Lors de ma troisième cérémonie, j’ai demandé à l’ayahuasca de m’apprendre à la contrôler, mais ça a été si intense que je suis restée paralysée, comme si la plante me disait : Arrête de te la péter, cocotte. Tu vois l’énergie, OK, mais t’es loin d’être assez forte pour commencer à jouer avec elle…
Un autre dessin de Bruno Leyval, étrangement évocateur…
Par exemple, j’ai tenté de sonder l’énergie de Frabrizio, mais je me suis fait tej par la Mucura (plante qu’il avait diétée peu de temps auparavant, en vue de se protéger de l’attaque de sorcellerie des jaloux qui manquent jamais de se manifester quand un centre d’ayahuasca marche bien pas loin de chez eux). Impossible de la lire. Je me suis fait foutre à la porte, énergétiquement parlant. Ce n'est que plusieurs sessions plus tard que j’ai finalement été en mesure de la voir, son énergie. Elle était comme le vent du désert, mouvante, insaisissable, un putain d'écran de fumée. Mais magnifique.
Puis, y a eu le truc avec les mains. Elles se sont mises à vivre leur vie propre en cérémonie. Ça commençait toujours par un fourmillement, quand la transe était en train de monter, ensuite elles s’élevaient toutes seules dans les airs et commençaient à faire leur truc. Je me doute que ça peut sembler cinglé… Lors de sa première session, un Norvégien a vu des rayons laser sortir de mes doigts. Ça vaut ce que ça vaut.
C’est que vers la fin que j’ai compris que ma main noire, très puissante, capable de se mesurer à l’énergie des autres, était celle qui me servait à faire, à agir, tandis que la main blanche, ultra-sensible, était là pour sentir, lire l’énergie du monde… Quand elles sont ensemble à s’agiter, tout va bien. J’imagine que ça crée un certain équilibre. Le problème, c’est quand la main blanche se retrouve seule. Elle supporte à peine ce qu’elle reçoit. Alors que la noire se déchaîne et joue les chefs d’orchestre cosmiques, la blanche, quand elle se tend timidement devant moi pour se mesurer au monde, elle tremble, se rétracte, et rapidement revient contre mon cœur, seul lieu où elle se sent en sécurité.
C’est un truc que je vais devoir travailler. Je suis loin de me considérer comme hypersensible, mais je peux pas nier ce qui se passe en cérémonie. Ces mains ne sont que des récepteurs. Elles me connectent à l’univers. Donc, quand la blanche se montre si faible face à ce qu’elle perçoit, c’est que c’est moi, en réalité, qui supporte pas de ressentir le monde…
Mais bordel, ce que fait la noire est incroyable, et ça aussi, c'est réel !
L’Ayahuma
Des diètes de plantes maîtresses, j’en avais déjà fait deux : l’Ajo Sacha y a 15 ans, la Numan Rao y a 3 ans. A l’aune de mon expérience avec l’Ayahuma, je comprends maintenant que j'ignorais ce que ça signifie vraiment, devenir ami avec l’esprit d’une plante, d’en faire un allié. Un enseignant. Et, dans une certaine mesure, un maître.
Les leçons de l’Ayahuma nous sont parvenus de différentes manières, à Fabrizio et moi. Parfois, l’un recevait un message qui s’adressait à l’autre. Ces messages, on les obtenait au travers d’un rêve, d’une vision d’ayahuasca, ou encore… directement dans la réalité ordinaire, comme le soir où c’était la dernière fois qu’on la buvait (le mois de diète était fini), et que, l’un comme l’autre, alors qu’on l’avait bue un mois entier sans broncher… on l’a vomie. Le dernier verre n’est tout simplement pas passé. La plante nous disait : C’est bon, mission accomplie, z’avez plus besoin de moi les gars !
Lors de la cérémonie d’ayahuasca de cette fermeture de diète, d’ailleurs, lui et moi on a reçu le même message : succès total. Couronnement. Bon boulot, les mecs.
Quelques jours plus tard, pas loin de la douche, alors que je faisais des plantations sur le terrain, je suis tombée sur ça : un tas de petits bébés Ayahuma qu’avaient poussés tout le long du temps où on s’était lavés avec le fruit de cet arbre, répandant les graines sans y faire attention, et sans remarquer à quoi la terre était en train de donner naissance… Une putain de forêt d’Ayahuma !
Je sais ce que vous allez dire. Des graines, normal que ça pousse quand on les sème pendant un mois en pleine jungle. Sauf que Gardel a donné un millier de bains d’Ayahuma dans sa vie, et qu’il a jamais vu ça. C’était le dernier cadeau que la plante nous faisait. Pendant un mois entier, tous les 3 jours, on s’était rendus à l’autre bout du village pour aller récolter l’écorce à faire bouillir et les fruits qui pèsent trois tonnes pour les boire et se laver avec. A présent, l’Ayahuma va croître directement au centre. C’est pas un putain de trésor, ça ?
Fabrizio a aussi rencontré l’esprit de cette plante, quelques jours après la fin de notre diète. Dans le chamanisme amazonien, faut savoir que chaque plante maîtresse a son esprit, qu’on appelle sa “mère”, qui, bien qu’elle puisse prendre une apparence différente selon la personne à qui elle se montre, n’en demeure pas moins connue et reconnue par beaucoup de chamans.
Par exemple, la mère de l’ayahuasca est un anaconda, celle du tabac un homme grand et ténébreux, celle de l’arbre Chullachaki, le fameux Chullachaki évidemment, Trickster de la Selva, ce nain avec un pied tourné dans le mauvais sens évoqué dans cette nouvelle… Bref, voyez le tableau.
Eh bien, Fabrizio, il a rencontré le Doctorcito sin cabeza, le Docteur sans tête, esprit de l’Ayahuma. Elle est marrante, sa vision. Fabrizio était comme un docteur lui-même, qui recevait une foule de patients qu’attendaient dans une sorte de salle d’attente. L’un d’entre eux était un grand type avec une capuche qui lui cachait toute la tête. Au moment de se présenter face à Fabrizio, il a retiré sa capuche et là… Y avait rien en dessous ! C’était le Doctor sin cabeza ! Fabrizio sentait son sourire et pouvait entendre son rire alors que l’enfoiré n’avait pas de tête, putain !
C’est le genre de vision que peut t’offrir l’ayahuasca, en te permettant de comprendre le sens de ta diète et en te connectant à l'esprit de ta plante. Ici, il pourrait être question d’avoir reçu le don de soigner, et d’être approuvé par l’Ayahuma en personne, qui peut pas s’empêcher de faire un petit trait d’humour au passage…
Tout ça peut sembler des détails sans importance, mais quand ils s’accumulent sur 3 mois (oui, ça a commencé avant la diète, et ça s’est poursuivi après…), y a plus de doute possible en ce qui concerne le lien qu’existe entre toi et ta plante.
Mais là, on parle que des trucs les plus évidents. Le gros du boulot, il se déroule en sourdine, dans le rapport qu’une personne entretient avec elle-même. Dans les variations qu’elle sent, les changements de perspective que sa conscience expérimente, les croyances qui s’ébranlent, l’énergie vitale qui monte, les schémas de pensée et de comportement qui mutent…
Et surtout, l’inspiration qu’elle retrouve envers sa propre vie.
Quand je dis que l’Ayahuma a fait de moi une guerrière pire que celle que j’étais avant, je le sais parce que durant toutes ces semaines, j’ai observé mon mental évoluer, depuis une cacophonie schizoïde jusqu’au silence. Je l’ai regardé tenter d’échafauder des plans puériles et pathétiques pour le futur, avant de se taire enfin face à la beauté, à la puissance du présent. Je l’ai senti entrer dans une paix, une force, une foi qu’il avait jamais connues.
Je l’ai vu mourir pour laisser vivre la conscience.
Petit à petit, je me suis approchée de mon rêve éternel, devenir un Surhomme, celui qui sait utiliser son pouvoir créateur pour engendrer sa réalité, entièrement responsable de chaque chose, pensée, idée, sentiment, qu’il laisse vivre en lui et… en dehors de lui (ce qui est la même chose).
Et donc, entièrement libre.
Je sais que c’est affreusement abstrait pour ceux qui ne maîtrisent pas ces notions…
Imaginez juste ceci :
Une fille déjà bien barrée, partie sur les routes du monde dans l’idée de s’inspirer pour écrire. Pour elle, s’inspirer, ça veut dire vivre, expérimenter. Mais encore pas mal de peurs la parasitent…
Celle d’être condamnée à faire serveuse-zombie à jamais, alors qu’elle rêve de consacrer sa vie entière à la seule chose qui ait du sens pour elle : écrire. Celle que ses livres ne rencontrent aucun succès, parce que ce qu’elle écrit est trop chelou pour être apprécié d’un large public. Et surtout, celle de passer son existence à tâcher de donner du sens à quelque chose qui n’a d’importance que pour elle, et que personne ne comprendra jamais.
A présent, prenez la même fille, 3 mois plus tard :
L’Ayahuasca, l’Ayahuma et le Cobra ont conjugué leur pouvoir afin de lui révéler la force qu’elle possède. Cette force, ils l’ont réveillée avec la danse de l’énergie, lui montrant qu’elle savait s’en servir pour rendre son intention plus efficace. Elle a dézingué les fausses croyances qui limitaient sa vie, comme celle lui chuchotant que les vrais artistes doivent en chier pour y arriver, que c’est une question d’honneur, de dignité. Et surtout, elle a réalisé que vivre sa vie comme elle le faisait, suivant sa propre route si spéciale, c’était la seule récompense, le seul accomplissement qu’y avait à désirer. Dans le présent. Parce que le présent, c’est tout ce qu’elle a, et c’est déjà pas si mal.
Voir la vie comme une lutte solitaire, c’est qu’une croyance, bordel, rien de plus. Ces conneries qu’on se raconte à soi-même. Elle peut très bien la voir comme un jeu déjanté où aucun mauvais choix n’est possible, où la seule règle est de s’éclater à mort et rien prendre au sérieux, et encore moins soi-même…
Le Cobra
Tout comme avec l’Ayahuma, ma relation avec mon animal de pouvoir, ou animal totem, s’est développée au fil du temps, jusqu’à recevoir un ultime enseignement la veille de mon départ, lors de ma dernière séance d’ayahuasca.
Cependant, il m’est interdit de dévoiler la teneur de ma relation avec lui, car les apprentissages d’un animal de pouvoir doivent rester secrets. Je vais donc me contenter de vous raconter ce que ce serpent signifie et symbolise dans le monde chamanique. C’est assez fascinant en soi…
Les personnes qui ont un serpent venimeux comme esprit gardien sont réputées pour se montrer agressives et intenses dans tout ce qu’elles font, frôlant parfois l’extrémisme et risquant de tomber dans des activités dangereuses et/ou illicites (sans déconner !).
Vives et intelligentes, ces personnes poursuivent ardemment ce qu’elles désirent, puis visent et tirent avec une précision mortelle quand la cible est en vue. Autant dire qu’il vaut mieux pas les vénère, car quand elles attaquent, elles ne manquent jamais leur proie et lui laissent des marques à vie.
Très à l’aise avec les sujets métaphysiques et ésotériques, elles peuvent avaler et absorber une grande quantité de “nutrition pour la tête” sans jamais souffrir d’indigestion.
Le Serpent apparait dans la vie d’une personne quand quelque chose en elle et dans sa vie est sur le point de mourir, et donc de se transformer. On parle ici d’un changement d’identité qui peut impliquer de transformer une toxicité en énergie de guérison, par exemple. Cette évolution dans un territoire créatif inconnu implique bien souvent un passage par les ténèbres. Quand la mutation est opérée, l’intuition et les visions deviennent plus précises.
Comme vous le voyez, le Cobra est loin d’être l’animal le plus pété du cul au sein de la clique des animaux totem. C’est même un putain d’honneur d’être choisi par lui ! On dit qu’il n’apparaît que lorsque l’élève est prêt à recevoir son pouvoir (oui, comme chez les bouddhistes : quand l’élève est prêt, le maître apparaît, et ça fonctionne pour un tas de situations dans la vie). Sa qualité principale ? Le don de métamorphose ! Ce bâtard cosmique est le roi de la vie, de la mort et de la renaissance, en vertu de ce truc propre à lui, changer de peau, muer, en gros donc, savoir se débarrasser d’une ancienne partie de soi, étriquée, déjà morte et donc inutile et encombrante, pour glisser vers l’avenir avec une nouvelle version de lui-même. Pas mal pour quelqu’un comme moi qui cherche à se surpasser !
Pour conclure, le Serpent incarne l’ouverture au monde cosmique, l’inspiration créatrice, et le pouvoir de guérison (il est vrai que certains lecteurs de Borderline considèrent que mes ouvrages recèlent un pouvoir curatif sur la conscience !).
Nuit après nuit, lui et moi, on s’est apprivoisés. Chaque fois, à chaque bon Dieu de cérémonie, il s’est pointé pour m’apprendre un nouveau truc de serpent, me faire pénétrer son univers, comprendre sa nature, et réveiller en moi son énergie…
Quand le Cobra devient ton animal de pouvoir, ça signifie que t’es prêt à réveiller ta puissance cachée, et à devenir… ton propre maître. C’est un alchimiste de l'âme humaine. Et j’en reviens toujours pas d’avoir été choisie par lui !
PHASE 4
J’étais loin d’être une novice de l’ayahuasca au début de cette aventure, mais pour le coup, je viens de passer mon master. A présent, elle et moi, c’est plus du tout le même délire.
L’ayahuasca, j’ai été la chercher en bateau dans un village paumé (avec Gardel et Fabrizio évidemment), puis j’ai accompagné Fabrizio en moto sur une route de la mort digne d’un sauvage rallye pour aller dégoter la chacruna, j’ai écrasé des kilos de lianes à coup de marteau pour la cuisiner durant deux semaines d’affilée, j’en ai bu de toutes les sortes différentes (cielo, negra, raiz), parfois sans chaman pour officier, et… j’ai même dansé et chanté avec elle. En pleine journée.
Quand on cuisine l’ayahuasca, il est d’usage d’en boire un petit verre de temps à autre, tout le long de sa cuisson (ça cuit pendant 3 jours). Une fois, Fabrizio et moi, on a fait ça une journée entière. En commençant à 11h du matin.
Le premier verre m’a foutue dans un drôle d’état, plutôt inconfortable, alors je me suis mis un peu de musique pour aider à faire passer. Sans savoir comment, je me suis retrouvée à jouer le DJ toute la journée, prise d’une frénésie impossible à contrôler ! Y avait que nous deux au centre cette semaine-là, et on a dansé comme des timbrés, en mode lâchage total, en tournoyant comme des derviches dans la maloca, avec moi qui chantais encore en plus, dans un état de transe indescriptible, reprenant un verre alors qu’on était toujours à fond, animés de cette espèce de démence qui prend possession des drogués s’alignant ligne sur ligne alors qu’ils sont déjà consumés par les effets de la dope.
A la fin de cette furieuse journée, 5 verres plus tard, allongée dans le hamac, j’avais des visions et mon esprit et mon corps nettoyés par la transe/danse étaient au summum du bonheur…
Et puis y eu l’anif de Fabrizio. Même recette. Jusqu’à 5h du matin. Faut absolument que je parle de ce moment-là…
Quand, alors qu’on se déchainait sur le hardcore le plus hardcore du monde, la Maestra (qu’était de la partie) s’est levée, entraînée par notre folie, pour danser avec nous…
Je sais pas si vous voyez le délire ! Voilà cette femme, plus de 60 balais au compteur, indigène corps et âme et un peu enrobée, chamane de surcroît, qui danse avec un dreadeux et une folasse à 2h du mat dans une maloca toute sombre en plein cœur de la jungle, sur la pire musique, la plus féroce, la plus violente et la plus rapide qu’existe sur Terre, comme si de rien n’était…
Putain, mais faut le voir de ses yeux pour y croire !
Merde, c’est pour ces instants-là que je vis. C’est pour ça que je voyage comme ça, que je continue à faire tous mes trucs de ouf. Je vous le dis, les gars, ça vaut tout le putain d’or du monde…
Maintenant, l’ayahuasca, c’est ma pote. Et c’est loin d’être fini entre elle et moi…
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Le Poète, Background : Une Histoire d’Inconscient
Les lézards incitent le Poète à regarder son rêve en face, qui n’en est en fait pas un ; entre souvenir et avenir, le premier élément quantique entre en scène. Le Poète sait des choses sans les savoir, son inconscient essaye de communiquer avec sa conscience, via l’interface du rêve. D’ailleurs, le Poète connait si bien le rêve qu’il a le sentiment de l’engendrer consciemment, comme pour tenter de le comprendre. C’est ce qu’il dit au sujet de la scène qui se répète : il parle de l’accident de voiture, et tente de savoir ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là. L’Ombre dans les ténèbres symbolise à la fois le Diable et l’Inconscient du Poète.
Écoute bien, Poète - Tout ça n’est plus de ton ressort - Tu as été choisi par lui - Il a marqué ton âme du sceau sacré - Des Esprits des Guerriers - Il t’attend pour commencer le combat
Genre : Poésie
Le Pitch
Un poète hanté par un souvenir d’enfance entend en rêve qu’il doit se rendre dans le désert pour rencontrer l’esprit du peyotl. Durant ce trip, le personnage sur lequel il tombe va lui expliquer son passé et lui faire des révélations sur son avenir.
La Genèse
Considérations rapides sur la Poésie
Un truc qui m’a marquée au sujet de la poésie, c’est ce qu’en dit Stephen King dans Écriture : Mémoire d’un métier. Sa femme et lui se sont rencontrés au bahut, et ont sympathisé lors d’un atelier poésie. A l’époque, les hippies avaient envahi le monde, et leur mentalité avec, si bien que lors de ce fameux atelier, la majorité des poèmes pondus étaient du genre ésotérique, ou du moins, plus ils étaient obtus, plus on les jugeait profonds. Et quand on demandait à l’auteur ce qu’il avait voulu dire, le fait qu’il ne le sache pas lui-même était considéré comme gage d’une véritable inspiration.
Or, y se trouve que King et sa future femme fonctionnaient différemment.
Sa future avait écrit un poème sur un ours, et donc, se pliant à la règle, elle l’avait lu devant la horde de prétendants poètes chevelus avant d’être interrogée sur le sens de ce qu’elle avait écrit. Eh bien, contrairement à tous les autres, elle savait précisément ce qu’elle avait voulu dire, et selon King, était plutôt bien parvenue à le faire.
Les références au printemps, aux abeilles, aux bâillements de l’ours et à je ne sais quoi signifiaient vraiment quelque chose pour elle, et elle était tout à fait au clair avec elle-même sur les raisons qui l’avaient poussée à choisir ces mots plutôt que d’autres.
C’est à ce moment-là que King est tombé amoureux d’elle. Parce qu’ils avaient la même vision de la poésie, et, à fortiori, de l’écriture et du travail de l’artiste.
Et si, comme dirait Nietzsche, certains “troublent leurs eaux pour les faire paraître profondes”, d’autres au contraire buchent sévère pour offrir le plus de clarté possible à leurs intentions.
Permettez-moi de conclure cette modeste introduction avec les sages paroles d’un autre poète nommé Bukowski :
En gros, ça disait que je manquais de cervelle. Et ce uniquement parce que je m’exprime avec clarté. Qu’ils aillent se faire foutre. Quand je veux crier, je crie.
Et donc, cédant à cette fameuse règle et envoyant chier au passage celle qui dit qu’un auteur ne doit jamais expliquer son œuvre, je vais éclairer ce que j’ai voulu dire, d’autant plus que visiblement, l’histoire du Poète est loin d’être claire quand on n’a aucune notion de la vie de Jim Morrison dont elle s’inspire, et passerait plutôt pour un délire à la David Lynch.
La trame
Lorsqu’il était enfant, au cours d’un trajet en voiture à travers le désert, le Poète et sa famille sont tombés sur les lieux d’un accident de voiture. Des Indiens morts ou en passe de le devenir étaient étalés partout sur le bitume.
Le Poète a fait un pacte avec le Diable : il a accepté d’échanger son âme d’enfant contre celle d’un Indien, afin que celle-ci lui offre le talent nécessaire pour connaitre la gloire.
Quelques années après, avant le début de sa carrière, le Poète est hanté par un rêve, toujours le même, où il revoit la scène de l’accident, mais il semble avoir oublié son pacte. Il prend fréquemment du LSD, qui l’ouvre à des visions lui montrant que cette scène continue à vivre en lui.
Un jour, il entend qu’il doit se rendre dans le Désert et consommer du peyotl (cactus à mescaline hallucinogène) afin de convoquer l’esprit du Diable, pour y voir plus clair.
Mais c’est sur le Nagual qu’il tombe. Au travers de visions, celui-ci lui montre l’ensemble de sa vie comme si la chronologie n’existait plus. Son enfance, sa vie, sa mort, tout y passe.
Enfin, il lui apprend que le prix à payer pour avoir emprunté cette âme indienne est le suicide, qu’il devra commettre jeune, en le faisant passer pour une mort naturelle.
Parallèle entre le Poète et Jim Morrison et analyse de la nouvelle
Je vous incite à ouvrir la nouvelle à côté de cette analyse, afin de pouvoir vous y référer tout le long de votre lecture. Les parties étudiées, séparées par des lignes comme dans la nouvelle, sont décortiquées dans l’ordre.
Lorsqu’il avait 19 ans, Jim Morrison s’est débarrassé tout ce qu’il avait écrit : journal intime, notes de lecture, croquis, citations, poèmes, allez hop, il a tout jeté à la benne !
Mais… pourquoi ? Voilà sa version :
Peut-être, si je ne les avais pas jetés à la poubelle, n'aurais-je jamais rien écrit d'original. Je pense que si je ne m'en étais pas débarrassé, je n'aurais jamais été libre.
Démarche intéressante, qui signifie que pour être libre et faire œuvre originale en tant qu’artiste, il faut savoir dire adieu à ses influences mais aussi à ses premières tentatives qui, soyons honnête, dépassent rarement le vulgaire plagiat et les clichés rebelles de l’adolescence. On retrouve cette idée développée maintes fois sur ce blog que tuer une partie de soi signe la naissance d’un nouvel être, indépendant, prêt à créer ses propres valeurs.
Et, ouais, Jim Morrison a vraiment vécu sur le toit d’un entrepôt de Los Angeles, et c’était un fervent lecteur de Nietzsche, comme le montre le deuxième paragraphe faisant explicitement référence à Zarathoustra.
Jim Morrison faisait souvent référence aux reptiles, qu’il s’agisse de serpents ou de lézards. En tant que lecteur de Carl Gustav Jung, très au fait des symboles et des archétypes, Morrison voyait le reptile comme une représentation de l’inconscient primitif, incarnant la lutte initiatique de l’Homme, qui le pousse à se défaire de ses influences passées.
Toujours selon Jung, le reptile est aussi un antagoniste du héros, c’est pourquoi, dans The Celebration of the Lizard, chanson expérimentale de 17 minutes mélangeant plusieurs poèmes, Jim Morrison s’engage dans un trip intérieur afin d’affronter ses propres démons, incarnés par les reptiles. C’est en les intégrant en lui-même qu’il devient pour finir le Roi Lézard, à ses yeux comme à ceux du monde.
Avec tous ces éléments, on part déjà sur une bonne base, pas vrai ? De plus, étant moi-même folle de ces bestioles, et cette nouvelle prenant place au sein du Désert, c’était pas très compliqué de forcer un peu le trait. Mais ces lézards-là ont des cornes sur la tête et leur peau est rouge sang : première référence au Diable !
Les lézards incitent le Poète à regarder son rêve en face, qui n’en est en fait pas un ; entre souvenir et avenir, le premier élément quantique entre en scène. Apparemment, le Poète sait des choses sans les savoir, autrement dit, son inconscient tente de communiquer avec sa conscience, via l’interface du rêve. D’ailleurs, le Poète connait si bien le rêve qu’il a le sentiment de l’engendrer consciemment, comme pour tenter de le comprendre. C’est ce qu’il dit au sujet de la scène qui se répète : il parle de l’accident de voiture, et tente de savoir ce qu’il s’est réellement passé ce jour-là.
L’Ombre dans les ténèbres symbolise à la fois le Diable et l’inconscient du Poète.
Le passé qui continue à vivre insiste sur la notion quantique, qui sera davantage explorée plus tard. Le personnage sent qu’il est enchaîné à un passé qui conditionne son avenir, et pour cause. Il se demande qui est vraiment mort sur la route le jour de l’accident. La réponse est : lui.
L’âme de l’Indien a été échangée contre la sienne.
Jim Morrison était un grand consommateur de LSD, qui permettait selon lui de “nettoyer les portes de la perception”, selon la formule de Willam Blake (c’est de là que les Doors tirent leur nom). Dans ce passage, il s’en sert plus ou moins consciemment pour interpréter son rêve à la lumière de la transe, zone poreuse où inconscient et conscient communiquent.
La référence n’est pas fortuite.
En effet, comme je l’ai dit, Jim était un grand lecteur de Sigmund Freud et de Carl Gustav Jung, et se passionnait pour la psychanalyse et les névroses. Il est donc logique qu’il cherche ici à se soigner lui-même grâce à l’acide, dans une sorte de thérapie psychédélique personnelle.
Vient ensuite la référence à l’Éternel Retour de Nietzsche, ici conjugué avec le temps non-linéaire quantique. Nietzsche se base sur la vision de l’Univers cyclique des Stoïciens pour poser cette question : si un démon venait dire à l’Homme que son existence devait se répéter indéfiniment, sans aucune variation, quel serait le sentiment de l’Homme envers sa propre vie ? Souhaiterait-il la vivre à nouveau ?
Si l’Homme répond “oui” au démon, c’est le signe infaillible que son existence est gouvernée par la joie et la volonté de puissance. Puisque Jim Morrison menait une vie assez dionysiaque, ça reste parfaitement cohérent.
En ce qui concerne la nouvelle, l’idée pertinente ici est que l’Éternel Retour est aussi une affirmation du présent, supérieur aux autres temporalités, car c’est dans le présent que le choix, l’action, la décision prédomine.
Cela aura son importance dans la suite de l’histoire.
Enfin, Morrison étudiait bel et bien la démonologie (et s’est même marié à une sorcière Wicca), ce qui dans la nouvelle le prépare à la rencontre avec le Sorcier, même s’il ne le sait pas encore…
Le perroquet du motel est une pure invention de ma part. Enfin, pas tant que ça ! Là où je vis actuellement en Colombie, il y a bel et bien un perroquet dans la cour commune, qui se comporte exactement comme celui de la nouvelle. C’est à la fois triste et terrifiant. Le syndrome du miroir auquel je fais référence existe, c’est une maladie humaine, rare mais véridique.
Évidemment, je ne l’ai pas tué comme le fait le Poète. Pourtant, il semble bien victime d’un mauvais sort qui le force à parler dans “l’idiome du Diable” (qui pour lui est celui des Hommes).
Si on est intuitif, on sent ici un rapprochement entre le Poète et le perroquet : aucun des deux n’est vraiment dans son monde, et cette scène préfigure même le destin du Poète. Être contraint de chanter des mots qui ne signifient plus rien pour lui, et désirer la mort…
Ce passage parle de mensonges, de fantômes, de souffrance et d’auto-stoppeur mort.
Jim Morrison mentait tout le temps, dans le sens où il ne révélait jamais entièrement qui il était. Selon la personne avec qui il se trouvait, il adaptait son comportement comme un caméléon pour n’offrir à l’autre qu’une infime parcelle de lui, jamais un accès total. Si bien que personne ne savait vraiment qui il était.
Ensuite, les fantômes et la souffrance humaine préfigurent le rôle qu’il tiendra plus tard, en tant que star, voire berger du peuple pour les hippies paumés.
Enfin, l’auto-stoppeur fait référence à Riders on The Storm et ce tueur sur la route qui fait du stop pour buter les gentilles familles.
Le poème du Serpent joue sur plusieurs tableaux. Évidemment, les fans auront reconnu les paroles de The End, “ride the snake” (chevauche le serpent). Mais le truc intéressant, c’est que le Serpent est aussi le Diable, ça je crois que tout le monde est au courant, et donc c’est ici que ce personnage s’exprime pour la première fois.
Le Diable vient donc chercher le Poète en passant par le rêve, ce rêve de l’accident qui s’est produit “le long de cette route”. Jim Morrison parlait souvent de “route”, il était fan de Jack Kerouac, et j’imagine que comme beaucoup d’entre nous, la route symbolisait aussi pour lui le cheminement spirituel. Manque de bol, il n’y aucune issue possible : le Diable a placé une âme indienne dans le Poète, et celui-ci devra la lui rendre, car il ne s’agit que d’un prêt.
Mais avant d’en arriver là, il lui faudra accepter la longue chevauchée en compagnie du démon, qu’on peut ici comprendre comme l’affrontement qui se prépare entre lui et et le Diable, mais aussi comme la gloire qui l’attend, le pouvoir qu’il va avoir sur ses fans, le culte, même, que ceux-ci vont lui offrir, sans pour autant le rendre heureux…
D’autre part, en tant qu’écrivain-ayahuasquera, le Serpent signifie aussi pour moi la sagesse chamanique, à laquelle Jim Morrison croyait également, comme le prouve la façon dont il dansait sur scène, très proche de la transe, et son intérêt général pour le monde indigène.
La vérité finit par se faire jour dans l’esprit du Poète. Aidé par le LSD, le rêve sort de la nuit pour contaminer le monde réel, et le Poète se rend à l’évidence : cette scène qui le ronge existe, elle prend source dans l’enfance, lorsqu’il avait cinq ans.
Le Serpent, qui emprunte ici les atours de celui de la Bible, et donc de celui qui fait mordre dans la vérité, est comparé à l’abîme nietzschéen :
Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi.
La Connaissance signe l’arrêt de la période d’innocence, et l’avènement de la responsabilité de l’Homme sur lui-même, qui choisit volontairement, librement, de faire le Bien ou le Mal. Mais comme de juste, cette liberté amène avec elle la souffrance. En ce sens, la Connaissance est aussi un abîme…
Enfin, la dernière phrase de ce passage révèle que le Poète ne croit pas aux accidents, et donc au hasard. L’Intentionnel duquel il parle est celui du destin, ce qui ici inclut sa volonté à lui (c’est lui qui a accepté le pacte avec Satan), celle de l’âme indienne entrée en lui (on apprendra plus loin qu’elle s’est sacrifiée volontairement), et bien sûr celle du Diable.
Les deux puissances, c’est le Bien et le Mal, engagée dans un combat dont on ne sent encore que les prémisses, puisqu’il est dit que celles-ci s’échauffent…
Mais si le destin du monde et du Poète est écartelé entre les deux, rien ne prouve qu’il y aura un jour un vainqueur.
L’âme indienne s’adresse ici directement au Poète à travers le crâne du mort auquel elle a appartenu. Il s’agit d’une vision, et non plus seulement d’un rêve, puisque la vérité est arrivée jusqu’à la pleine conscience.
Son message est limpide : le Poète est appelé à prendre du peyotl (le cactus) afin d’apprendre directement depuis le savoir des Anciens, et non plus du LSD ou de ses lectures comme celles du Philosophe (qui est Nietzsche, donc, suivez s’il vous plaît). Il est dit que le monde dans lequel vit le Poète n’est pas vraiment le sien (puisqu’il est désormais habité par une âme indigène). Les danses et les chants qu’il porte en lui (et qu’il exprimera donc plus tard sur scène en devenant chanteur) hurlent pour naître.
Le Poète doit se plier à la volonté du Diable qui l’a élu et lui a transmis un pouvoir guerrier via l’âme indienne. Apparemment, celui-ci l’attend dans le Désert en vue d’un combat. Pour ce faire, il doit le convoquer en prononçant son nom (tout comme lui a été convoqué, voyez le parallèle avec la nouvelle du Journaliste).
Fatalement, le Poète se tape donc du peyotl ! Ici, je me suis servie de mon expérience des plantes de pouvoir pour évoquer cette fameuse intention, la requête que tout être humain est censé présenter aux plantes sacrées avant de les consommer dans un cadre rituel (un article sur comment ça se passe avec l’ayahuasca ici).
Mais le Poète s’en cogne, et pour cause : il considère qu’il a été appelé quand il n’avait que cinq ans, et que ce n’est pas à lui de rendre des comptes sur ses motivations, mais bel et bien au Mescalito, l’esprit du peyotl, comme le prouve la dernière phrase de ce passage : Si tu veux nettoyer ma putain de perception, c’est maintenant, Mescalito ! (notez encore la référence aux portes de la perception de Blake).
C’est là que se pointe un type qu’il n’attendait pas. En effet, ce mec blanc en costume n’est ni le Diable, ni vraisemblablement le Mescalito (pour peu qu’on sache quelle tête il a, celui-là !). Le Poète note que son regard est habité d’une flamme qui ne semble pas être sienne, et pour cause ; c’est celle du Diable.
Ce personnage lui apprend qu’il s’est “rendu maître de Celui qui Enseigne”. Attention, ici il ne s’agit pas du Diable, mais du Mescalito, auprès duquel il a appris. Eh oui, ce type, c’est le Nagual, autre personnage des Chants du Désert, qui se trouve être inspiré de Carlos Castaneda (je vous conseille un de ces livres dans mon Top 15 des Livres sur le Chamanisme), et dont l’histoire promet une nouvelle très intéressante que je suis impatiente d’écrire…
Bref, le Poète prononce son nom afin de lui donner vie dans la conscience, de le faire “sortir de l’Ombre” de l’inconscient, référence à Jung et à son archétype de l’Ombre, partie primitive de la psyché humaine qui ne se connait pas elle-même.
Faisant ça, le Poète s’ouvre donc à sa totalité psychique, ainsi qu’à la transe, racine de l’Humanité, autorisant ses instincts et un savoir qui le dépasse (souvenez-vous, les lézards lui ont dit qu’il sait des choses sans les savoir) à se dévoiler en lui.
Le Nagual est accepté, il peut commencer le boulot.
C’est donc le Nagual, à la fois véhicule de la volonté du Diable dont il est le messager et représentant de l’esprit du peyotl dont il est désormais le maître, qui va produire les visions hallucinatoires dans la tête du Poète. Il s’agit d’un langage, tout comme l’ayahuasca délivre ses messages par les visions induites durant la transe. Le Poète assis face au Nagual est donc en pleine cérémonie, et les révélations qu’il attend lui seront transmises par ce langage visionnaire, auquel il est tout compte fait déjà habitué grâce au rêve et au LSD.
Il constate que le Nagual n’est pas lui-même, évidemment, puisqu’il est habité par deux entités. C’est tout l’intérêt du Nagual : il manipule des pouvoirs et est manipulé par des forces à tel point qu’il devient métamorphe. Difficile de dire qui il est réellement, c’est un peu l’Homme Mystère, et c’est ce qui le rend si intriguant…
Le poème qui suit ne requiert pas des masses d’explications, si ce n’est qu’il décrit le monde des visions et la nature du Désert. Puisque le Poète est enfin au clair avec ses intentions, il a sa place dans le “vrai monde”, la matrice du réel, celui qui se cache sous la perception ordinaire, que la prise de peyotl lui a ouvert.
Pour ceux qui sont coutumiers des psychédéliques, le message sera limpide. Pour les autres, rattrapez-vous avec quelques cérémonies d’ayahuasca ou encore un voyage virtuel en compagnie de la plante !
La dernière phrase fait explicitement référence au serpent de l’ayahuasca, qui avale le psychonaute pour le faire entrer dans son monde.
Ici, on saute véritablement dans le domaine quantique de l’histoire. J’aimerais établir ce que j’entends par là, puisque je fais souvent allusion à ce monde et à ce pouvoir de la conscience sans que ce soit forcément clair pour chacun.
Le regard de l’observateur influence ce qu’il observe. La conscience possède du pouvoir sur la réalité matérielle. L’intention d’un Homme est en mesure d’imprimer sa volonté sur la vie et donc de façonner le réel et l’expérience que l’Homme en fait. Ce pouvoir s’étend aussi bien dans le futur que dans le passé.
Mais si la conscience peut influencer l’avenir comme le passé, et agir à distance dans l’espace, cela signifie que la notion d’espace-temps classique, linéaire, chronologique, est bonne à jeter à la poubelle.
L’espace-temps apparait plutôt comme un continuum où tout coexiste en même temps.
C’est ce qu’expérimente le Poète (qui en avait déjà eu un avant goût avec le rêve) grâce au Nagual qui le balade dans ce continuum en lui montrant toute son histoire tour à tour comme si elle était déjà écoulée, en train de continuer à se produire, et déjà finie, puisqu’il lui montre aussi sa propre mort.
Bien sûr, le film d’Oliver Stone sur les Doors m’a énormément influencée ici.
Quand Jim Morrison part dans le désert avec sa nana et ses potes du groupe, ils prennent du peyotl, chantent cette magnifique chanson My Wild Love a capella, se racontent leurs peurs les plus intimes, puis, Jim finit par s’éloigner du groupe pour aller à la rencontre de sa propre mort. Il revoit le visage de l’Indien qui lui a offert son âme, et se voit dans la baignoire où il trouvera la mort (merci au réalisateur qu’est vraiment le meilleur niveau visions subliminales et subconscientes, comme il l’avait déjà prouvé avec Tueurs-nés et U-turn).
Bref, la scène de l’accident est toujours en train de se produire et d’influencer le cours de la vie du Poète.
Le Nagual lui rappelle le pacte qu’il a signé avec le Diable, enfant : échanger son âme avec celle de l’Indien mort, et utiliser ce pouvoir pour devenir le chanteur génial qu’il s’apprête à être. Mais il lui explique que tout ça ne sera que temporaire (ce que l’enfant ignorait sans doute au moment de signer, mais que voulez-vous, on parle de Satan, là !), et qu’il devra la rendre, cette âme.
Les termes “d’enfants fous” font ici référence à la chanson The End : “All the children are insane”.
Et on en arrive donc à la conclusion logique de l’histoire. Le Nagual lui montre sa vie entière, qui est désormais du domaine public : l’adulation dont Jim Morrison a été la proie durant sa vie et le culte qui lui sera rendu après sa mort, son alcoolisme qui l’a conduit à l’impuissance, la solitude éprouvée malgré les hordes de fans, la trahison de son propre groupe qu’a vendu les droits de Light My Fire à une compagnie de voitures pour en faire la musique d’une pub à la téloche...
Et enfin, la révélation du véritable prix à payer pour connaître cette vie : se suicider.
En faisant passer cet acte pour une mort naturelle.
Il semblerait que la lumière ait désormais été faite sur la mort de Jim. Il se serait suicidé avec un shoot d’héroïne, une overdose dans les chiottes d’un bar parisien, et ses “amis” auraient maquillé ça en crise cardiaque dans une baignoire, parce que son fournisseur de dope était mouillé jusqu’au cou dans le trafic international de la French Connexion et que son père était diplomate.
Le Nagual prévient le Poète qu’il devra obéir au Diable sans chercher à se défiler, et le Poète lui assure que crever est ce qu’il désirera le plus au monde à cet instant de son existence. Après avoir vu sa vie entière dans les visions, il sait qu’il sera totalement désabusé et écœuré de la gloire, et c’est effectivement là où en était Morrison sur la fin : déçu du mouvement hippie, sans plus de foi dans la chanson (il commençait à publier de la poésie), en bout de course à cause de la dope et de l’alcool qui lui avaient créé des problèmes cardiaques… Ouais, on peut dire qu’il était pas fâché que toute cette comédie prenne fin !
Cela dit, dans la nouvelle, le Poète considère que son courage envers la mort ne provient pas de lui mais de l’âme guerrière indigène qui l’habite.
La pirouette finale qu’il fait au Nagual, et donc au Diable, est de refuser de se rendre en enfer pour laisser les Indiens décider du sort de son âme quand il sera mort. Puisqu’en effet son âme n’est plus vraiment la sienne, elle revient de droit aux Indiens qui la placeront dans leur enfer à eux.
Et comme peu de Blancs ont connu ce destin, il sera peut-être le seul dans cet enfer-là, et y deviendra le roi.
Le tout dernier passage révèle simplement que le Diable ne se présente pas toujours en personne pour s’adresser aux âmes qu’il détient.
Je trouve l’idée intéressante.
Pas envie de jouer la facilité. Pas envie que les pactes signés avec Satan se ressemblent tous. Comme dans la vie réelle, le démon nous possède et s’adresse à nous via de multiples formes et même, malheureusement, via l’entremise de personnes qui vont influencer ou même déterminer le cours de notre destin.
Bref, si le Poète fait du stop pour rentrer à Los Angeles alors qu’il déteste ça, c’est parce qu’il est impatient de se mettre à écrire les chansons qui envahissent maintenant son âme.
Il est prêt à accomplir sa belle et triste destinée, et fonce à bride abattue vers… l’accomplissement de sa perdition.
Le Diable possède de nombreux visages, les façons dont il joue avec l’Homme en manipulant son psychisme sont aussi variées que les désirs intimes de ses proies… Parlant de désir et de jeux cruels, la nouvelle qui s’annonce creusera la tombe d’une âme hantée par l’amour dans un genre qui va brûler vos yeux aussi bien que votre imagination.