Chamanisme, Archétypes Zoë Hababou Chamanisme, Archétypes Zoë Hababou

Le Voyage du Héros version Ayahuasca

Le corps et l’esprit disposent de tout un arsenal de moyens pour tirer la sonnette d’alarme, en mode “magne-toi le cul de faire quelque chose, sinon ça va péter !”. Dépression. Burn out. Ulcère. Rupture amoureuse. Accident. Alcoolisme. Ou d’une manière plus soft mais non moins chiante, un ras le bol général qui prend des proportions démesurées, te poussant soit au replis total, soit à deux doigts du meurtre de masse, selon ton profil psychologique, disons. Le replis, c’est l’introverti. Celui qui sort sa kalachnikov pour tirer dans le tas, c’est l’extraverti. Les deux sont des sociopathes, hein, désolée de vous flinguer le suspens. Ça, c’est ce qui concerne ce qui t’arrive à toi, très personnellement, mais “la vie trouve toujours un moyen”, comme dirait Goldblum dans Jurassic Park, et donc il est statistiquement plus que probable que les situations et “évènements” qui t’entourent se mettent aussi à bien déconner…

Le Voyage du Héros, ou Monomythe, ça vous dit quelque chose ? Ce concept en 12 étapes déterré par Joseph Campbell, auteur du Héros aux mille et un visages, acclamé par Carl Jung, présent dans tous les contes, légendes, mythes et récits initiatiques du monde entier, et que les petits malins d’Hollywood reprennent en boucle histoire de nous sortir des blockbusters qui tiennent à peu près la route ?

Mais pourquoi ce truc devrait être réservé à Hercule et Bruce Willis, hein ? Personnellement, je pense que tout le monde sur cette fichue planète se doit d’écrire sa propre légende et vivre son odyssée, vu que c’est le seul moyen de donner un sens aux années qui s’empilent l’une après l’autre, implacablement, jusqu’à la fin qu’on connait tous…

L’autre jour, je réfléchissais au fait que toute personne qui s’embarque dans le monde de l’Ayahuasca se lance sans le savoir dans une véritable quête faite de défis, d’obstacles, de prises de risque, d’audace et de détermination, et que cette quête la confronterait immanquablement à des étapes qui… oui, voilà. J’avais mis le doigt dessus. Des étapes qui correspondaient pile poil aux Fameuses 12 Étapes du Voyage du Héros.

Dans un monde où les rites de passage ont disparu de nos vies, et si vous envisagiez de créer votre propre parcours initiatique ? Et si entrer dans la Quête de la Medicina était l’un des ultimes moyens qui nous restent de vivre une splendide aventure intérieure, excitante, inspirante, en mesure de nous rendre notre pouvoir personnel et de l’exalter (ce qui explique sans doute pourquoi l’Ayahuasca est illégale, soit dit en passant) ?

Qu’on se le dise, ce Voyage du Héros version Ayahuasca est une vraie dinguerie, un pur lâchage qui n’a pas vocation de se prendre au sérieux (parce que ça commence à me gonfler, qu’on se prenne tous tellement au sérieux…). Si cet article balance tout de même quelques vérités qui font mal et d’autres qui font du bien, il n’empêche que sur n’importe quel autre blog, ce truc ferait l’objet d’une déferlante clignotante de trigger warnings, tant il risque d’offenser dans le fond comme dans la forme. Vous voilà prévenus.

Mais ça veut pas dire pour autant que ce qui est décrit ici n’est pas dangereusement réel. Au contraire.

Je vais donc vous demander de retirer votre balai, d’attraper ce seau de pop-corn extrêmement mauvais pour la santé, et de vous installer confortablement, vous et votre second degré, dans votre canapé… et de me laisser vous emporter au cœur d’une furieuse épopée… dont VOUS êtes le héros !

Les 12 étapes du Voyage du Héros en mode Medicina : De Zombieland à la Liberté

Le voyage du héros version ayahuasca

 1 - LE MONDE ORDINAIRE

D’emblée, je vais dresser un triste état des faits : le monde ordinaire est le même pour chacun d’entre nous. La vie a été si bien muselée qu’elle en est devenue insipide. Je sais qu’en règle générale, quand on dit que l’Homme est un loup, c’est pour le côté négatif du truc. Mauvais, cruel. Dangereux. 

Déjà, les vrais loups ne sont pas du tout comme ça. Ensuite, on peut tout à fait retourner la situation pour qualifier les choses ainsi : l’Homme est un loup. Sauvage, beau. Puissant.

Sauf que la marque de fabrique du système, c’est de réduire mécaniquement ce loup à l’impuissance. En le détruisant dans sa tête. Dans la vision qu’il a de lui-même. Justement pour qu’il en ait plus du tout conscience, de sa puissance.

Le sentiment d’impuissance qu’éprouve l’Homme-Loup dans ce qu’est devenue sa vie est un truc qui lui déchire l’âme en deux. Y a rien de pire que de se sentir infoutu de maîtriser quoi que ce soit. Payer l’essence une blinde parce qu'IL FAUT aller travailler. Faire un boulot de merde parce qu’IL FAUT bien remplir le frigo. Bouffer de la daube parce que PAS LE TEMPS NI LE FRIC pour s’alimenter sainement. Entretenir des relations moisies parce que TOUT LE MONDE est mal dans sa peau. Rester dans cette merde parce que PLUS ASSEZ D’ÉNERGIE pour imaginer faire autre chose.

Ouais, je vois ce que vous voulez dire. Je vois le mot FATIGUE clignoter dans vos cerveaux.

Ce putain de statu quo, pas vrai ? Cette saloperie est si bien ficelée, dans tous les aspects de la vie, qu’il semble carrément impossible de lui échapper. 

Zombieland

La vie, parlons-en ! On se traîne là-dedans comme des putains de morts-vivants. La déconnexion d’avec soi-même et le monde est si brutale que c’est à peine si on le sent, l’appel féroce de la liberté qui hurle à la lune dans nos consciences pour qu’on sorte de là !

Bordel, même pas sur tes propres pensées, t’as du pouvoir ! Même ce putain de mental te contrôle ! Comme si c’était pas suffisant d’être le boulon d’une saloperie de machine, faut en plus que tu t’en trimballes une en permanence en plein cœur de ta tête, qui poursuit nuit et jour son lent travail de sape, dévorant le peu d’énergie qui te reste, encore plus vicieuse, plus toxique, que celle dont t’es le pantin dehors !

Nan, y a pas à dire, c’est VRAIMENT la merde.

Le loup que t’es oscille entre deux attitudes contradictoires qui n’aident pas franchement à trouver le moyen de s’échapper : d’un côté, ce terrifiant manque de sens engendre en toi une sorte de tristesse carrément transcendantale et une immonde, une paralysante lassitude. Et de l’autre, la faim de liberté qui gronde en toi en te labourant sans trêve les boyaux provoque une sorte de frustration, de COLÈRE, qui n’a rien de précisément constructif en ce qui concerne l’équilibre de tes relations, qu’il s’agisse de celles que t’entretiens avec les autres, ou avec toi-même.

Loup hurlant à la liberté

Le monde n’est pas ce qu’on t’a dit qu’il était. Même si t’attends plus grand-chose de la vie, t’es tout de même foutrement DÉÇU.


2 - L’APPEL DE L’AVENTURE

Et puis, il va se passer un truc. Ça peut être un truc positif, mais soyons honnête deux minutes. Dans cette vie de chiotte, ce sera plus probablement un truc négatif, telle la crotte finale sur le gâteau de merde, ouaip.

Une maladie. Pas forcément grave. Mais suffisamment prégnante pour que ce soit difficile de l’ignorer et de continuer à fonctionner comme si de rien n’était. Physique ou psychique, peu importe. Le corps et l’esprit disposent de tout un arsenal de moyens pour tirer la sonnette d’alarme, en mode “magne-toi le cul de faire quelque chose, sinon ça va péter !”.

Dépression. Burn out. Ulcère. Rupture amoureuse. Accident. Alcoolisme.

Ou d’une manière plus soft mais non moins chiante, un ras le bol général qui prend des proportions démesurées, te poussant soit au replis total, soit à deux doigts du meurtre de masse, selon ton profil psychologique, disons. Le replis, c’est l’introverti. Celui qui sort sa kalachnikov pour tirer dans le tas, c’est l’extraverti. Les deux sont des sociopathes, hein, désolée de vous flinguer le suspens.

Sortir sa kalachnikov

Ça, c’est ce qui concerne ce qui t’arrive à toi, très personnellement, mais “la vie trouve toujours un moyen”, comme dirait Goldblum dans Jurassic Park, elle est roublarde, et donc il est statistiquement plus que probable que les situations et “évènements” qui t’entourent (dans la vie d’un zombie, y a tout de même peu d’évènements notables, mais passons) se mettent aussi à bien déconner, dans le sens à la fois positif et négatif du terme, ce coup-ci.

Des exemples ? 

Une rencontre ou une expérience faite “par hasard” qui va te donner l’impression d'être Jim Carrey dans Truman Show, quand il passe de l’autre côté du décor à la fin.

Homme-allumettes qui va exploser

Une perte humaine ou matérielle qui va soudain te faire réaliser à quel point la vie est précieuse, que t’as plus le temps de renâcler dans ton box, qu’il te faut t’élancer sur la piste de l’existence et la vivre MAINTENANT. 

Ou encore, entendre parler d’une certaine Plante qui se trouve là-bas, en Amazonie, dont on raconte qu’elle aurait le pouvoir de guérir la vie… et sentir… comme un appel vers elle.

D’une manière générale, beaucoup d'éléments vont commencer à se foutre à cul, telles d’infimes incisions dans la croûte que tu croyais solide, immuable, de ta réalité. T’incitant à un timide début de reconsidération des choses.

Non, rien à faire, t’hallucines pas ! Synchronicités, rêves, lectures, rencontres improbables, parfois même jusqu’à ta putain de série Netflix qui, incompréhensiblement, se met à parler d’Ayahuasca et radoter l'écho de ce que tu perçois partout ailleurs ! Voilà que le monde entier est ligué contre toi pour te gueuler la même injonction : CHANGEMENT…

En Alchimie, on dit que c’est là que tu captes ce que c’est, le Miroir de l’Art. Le fait que ton monde extérieur n’est qu’un reflet de ton monde intérieur.

Attention, ça va se mettre à swinguer…


3 - LE REFUS DE L’APPEL

Naturellement, vu que t’es qu’un zombie, ta première réaction va être le refus. Comme un môme buté qui croise ses bras sur son ventre, rouge jusqu’aux oreilles, et secoue la tête obstinément d’un air parfaitement con.

Pour oser répondre un grand OUI dionysiaque à l’appel sauvage de la Vie, comme dirait ce vieil enfoiré de Nietzsche, encore faut-il être vivant, c’est le problème.

Mort-vivant

Le truc marrant chez l’être humain-zombie, c’est qu’il trouve toujours un tas de raisons bien rationnelles, bien adultes, bien lâches, pour se défiler face à l’injonction de l’univers de se reprendre en main et d’arrêter deux minutes de nous casser les couilles à jouer les victimes.

Puisqu’on est dans le domaine de l’Ayahuasca, le tableau précis n’est pas dur à esquisser, car une fois de plus on fait tous face aux mêmes écueils quand il s’agit d’aller, oui ou merde, rencontrer l’Abuelita dans la selva.

Pas envie de se confronter à l’incompréhension de tes proches. Les discussions à n’en plus finir avec ta mère au sujet de la différence entre une drogue et une plante psychotrope te terrassent rien qu’à l’idée.

Tu flippes, t’as peur, toute ton âme tremble littéralement d’appréhension devant la radicalité de l’expérience proposée.

De plus, la partie feignante du zombie en toi te susurre que le travail qui s’annonce est bien trop relou, pas loin des 12 travaux d'Astérix (elle n’a pas tout à fait tort), et qu’étant donné que t’as déjà passé toute ta putain de vie à TRAVAILLER, comment dire, c’est pas super bandant. 

Et en plus t’as pas d’argent.

Et bref, on s’en fout de tes raisons, le seul truc net, c’est ta tentative pathétique de maintenir autour de toi l’enfoiré de statu quo à coup de “ça ne va tout de même pas si mal que ça”, parce que la vraie vérité, c’est que tu te chies dessus en imaginant les changements qu’une telle entreprise risqueraient de provoquer dans ta vie. 

Et ce qu’ils impliqueraient pour ton avenir.

Dommage, jusqu’à présent il était tout bien tracé, ton futur, ligne droite sécurisée, bien balisée, tout droit vers la mort, hop c’est réglé, et maintenant voilà que tu commences à le remettre en question, lui aussi.

Je compatis.

C’est dur d'être vivant.


4 - LA RENCONTRE AVEC LE MENTOR

Rencontrer son mentor

“Quand l’élève est prêt, le maître apparaît”. Ça te dit quelque chose, cette maxime ?

Même si la phase 3 ne le laissait pas clairement supposer, en réalité, le sournois message de la vie a accompli son chemin en toi, presque à ton insu, appelant à toi la personne qui va faire sauter ta dernière résistance. S’il te fallait une nouvelle preuve que ce que tu vis dans la matière n’est que le reflet de ton état intérieur, c’est en cette personne que tu l’as trouvée. Et votre rencontre sonne comme une évidence.

Les paroles du mentor qui inspire le héros

Quand elle te parle de l’Ayahuasca, c’est comme si toutes tes cellules faisaient une bringue d’enfer dans ton système. Ton cœur crie “oui, oui, oui !”, ton cerveau clignote comme un petit fou d’excitation, et l’appel qui résonne dans tes tripes redouble de puissance en faisant des loopings.

Mais le plus cinglé, c’est que t’as le sentiment qu’une partie de toi connait déjà tout ça. Que les mots de ton “mentor”, tu pourrais presque les prononcer en même temps que lui. C’est ça que ça fait, quand tu décides enfin de te réaligner. Tout coule de source. Tout est naturel, évident.

Tout n’est que confirmation de ce que tu savais déjà.

Ta décision est prise. Elle a été prise depuis fort, fort longtemps, comme si c’était ton Toi du futur qui t’avait envoyé tous ces signes pour que tu te diriges vers lui…

Le reste n’est qu’une formalité.


5 - LE PASSAGE DU SEUIL

Aussi sensé et rationnel qu’on se prétende, toute affirmation dionysiaque du OUI À LA VIE se résume finalement par un très sobre et très kamikaze : “Nique sa mère, j’y vais !”.

Les zombies cherchent à retenir le héros

Ne dérogeant pas à la règle, c’est donc avec un certain panache et une narquoise ambition de liberté que tu choisis de partir en Amazonie rencontrer l’Ayahuasca. Voilà, t’es passé de l’autre côté. Dans ta tête. Dans ta vie. Mais aussi dans tes relations. Y a qu’à voir la gueule qu’ils tirent, tous. Ta décision de quitter Zombieland n’est pas loin d’être perçue comme PURE PROVOCATION. “Mais pour qui il se prend, celui-là, à s’imaginer pouvoir abandonner la Machine d’un simple claquement de doigt, alors que nous, on reste dedans ?”.

A ce niveau, j’ai envie de dire, chacun pour soi. Ceux qui osent profiter de leur liberté d'Homme-Loup ont toujours bizarrement tendance à agacer ceux qui ne font pas mine de vouloir en disposer. Ils te disent que toi, tu peux te le permettre. Que TOI, T’AS DE LA CHANCE, alors qu’eux, tu comprends, avec le taff, les crédits et les gosses, balablabaaa…

Ouais, ouais… On est au courant, les gars, vous fatiguez pas. Y a mille et une putains de bonnes raisons de rester un robot. Alors, que vous dire ? C’est cool, profitez bien !

Fuck la Machine !

Quoi qu’il en soit, toi de ton côté, t’es pas non plus au bout de tes peines. La vie ne rigole pas. Direct, tu vas devoir prouver ta volonté. Entre les thunes à réunir, les congés à négocier, l’organisation du voyage en mode “réservation de diète, billets d’avion, je mets quoi dans mon sac à dos”, tes “potes” jaloux qui font semblant d'être contents pour toi tout en cherchant sans cesse à te dissuader de te barrer et ta mère qui n’a décidément que le mot DROGUE à la bouche et reste de ce fait persuadée que dans la jungle, tu vas crever, autant dire que la Machine n’a pas l’intention de te faciliter la tâche, ce qui, cela dit, ne fait qu'attiser ton désir de la larguer.

Et ça, c’est sans compter ce qui se passe à l’intérieur de toi…

Les Grandes Décisions, c’est comme Domino Day. Suffit d’une pichenette sur un pauvre bout de plastique en rectangle et tout le reste est entraîné dans la chute, impossible de faire marche arrière. Donc à l’intérieur de toi, c’est chamboule-tout.

Le passage du seuil, étape décisive du voyage du héros

Tu dois lutter contre l’appréhension qui tournicote dans tes intestins, et rien que ça, c’est déjà confrontant, comme expérience. Ta peur primale de l’inconnu émerge. 

Au fond de toi, quelque chose sait que ta décision de t’engager dans la medicina peut potentiellement changer toute la donne, et tu goûtes un curieux cocktail mêlant à parts égales crainte, enthousiasme, et putain d’excitation.

On y est. Les étincelles commencent à grésiller sous ta carapace de robot-zombie. Tel un bon coup de pied dans une fourmilière, la vie commence à s’agiter sous l’envers de ta peau. 

C’est là que ton monde accepte enfin de se mettre au diapason.

Les synchronicités s'enchaînent. Des coups de bol incroyables jalonnent ton chemin. Tes vrais amis, ceux qui sont vraiment foutus d'être heureux pour toi, t’affirment, l’œil ému, que t’as pris la bonne décision. Plein d’éléments semblent indiquer que oui, la medicina t’attend. 

Autrement, comment expliquer ces rêves étranges que tu fais presque chaque nuit, où cette jungle que tu ne connais pas encore murmure pourtant déjà à ton âme des visions d’un autre monde ?


6 - TESTS, ALLIÉS ET ENNEMIS

Te voilà dans la jungle, jeune Guerrier ! L’émerveillement est total. Ton nouvel environnement est si différent de celui que t’as quitté que tu peines à en croire tes yeux, et dois régulièrement te pincer pour être certain que t’es pas en train de rêver. 

L'arrivée du héros dans la jungle

Tu te demandes comment c’est possible qu’il existe une telle autre réalité sur une seule et même planète, inimaginable pour les zombies qui sont restés dans la Machine, dont tu faisais toi-même encore partie juste quelques jours en arrière. T’en viendrais presque à ressentir de la pitié, de la COMPASSION pour les robots trop pétochards laissés derrière toi, tellement agrippés à leur illusion de sécurité qu’ils n'oseraient jamais faire un pas au-delà de leur prison, même si la porte est ouverte… Mais cet élan de générosité ne dure pas. Tu es trop occupé à kiffer avec toi-même, avec ton nouveau monde. 

Tu te sens tel un nouveau-né béni des dieux.

Le chaman a de bonnes vibes. L’Amazonie est magnifique. Tu adores ta petite cabane appelée “tambo” où tu vas bientôt t’isoler tranquillement pour faire connaissance avec toi-même. Même la première assiette de bouffe qu’on te présente te ravit, tant l’optique de prendre enfin soin de ton corps à base de riz, de lentilles et de concombre te réjouit. Bref, tu souris si fort à la vie que ça te fait mal aux zygomatiques.

Et puis, vient l’heure de la première cérémonie d’Ayahuasca. La rencontre tant attendue avec l’Abuelita.

Partons du principe que cette fois-là, elle va se montrer très belle et très accueillante. T’étreindre dans la chaleur de ses bras multiples. Transfuser ton cœur d’amour. Saturer ton être d’une confiance, d’une foi, qui vont te régénérer de la tête aux pieds.

Le héros rencontre l'Ayahuasca

Ce qui fait que le lendemain, t’es limite insupportable pour les autres, voire parfaitement imbuvable. Trop extatique. Trop fier de toi. Comme si la Plante t’avait fait une faveur spéciale, rien qu’à toi…

C’est le problème avec toutes les conneries qu’on lit sur internet. A force d’entendre parler de ces niaiseries de dissolution de l’ego et d’expérience de mort symbolique, si tu vis pas ça la première fois que tu bois, direct tu t’imagines que c’est parce que l’Ayahuasca t’adore et t’a choisi pour être une sorte d’élu.

Rien n’est plus faux. T’es simplement en train de faire face à ton premier ennemi : ton putain d’ego.

Et le chaman va vite te faire déchanter. Pendant que tu planais dans ton trip en t’imaginant être le fiston spécial, le petit chouchou de la Madre, il t’a lu, lui. Il a regardé en toi. Il a convoqué les Plantes Maîtresses pour savoir laquelle souhaitait travailler avec toi. Il a vu les sales énergies que tu te traînais, tes blocages corporels, psychologiques, affectifs. Spirituels. Et même s’il a la décence de pas te présenter la facture dans le détail, l’enfoiré se débrouille quand même pour te faire comprendre que tu vas avoir un sacré taff à fournir si tu souhaites sincèrement aller mieux.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a le mérite de te faire redescendre. Tu captes brutalement que ta guérison ne sera ni facile ni rapide. Que ce qui va se passer ici a finalement peu de choses à voir avec la magie. Que ta volonté de guérir va être maintes et maintes fois éprouvée, que ça va être long et difficile. 

Qu’il va falloir t’accrocher.

Le début des épreuves commence. 

(Ah, et dans la version où avec l’Ayahuasca, ça s’est mal passé, tu te transformes en larve catatonique qui se demande quelle connerie de folie lui a pris de venir se baiser tout seul dans cette jungle de merde, et les épreuves commencent aussi. Voilà.)

Tu vas donc entrer dans une phase de nettoyage. Enfin, nettoyage, le mot est faible. Il serait probablement plus juste de parler de récurage intensif, de décrassage, de dératisation même peut-être, comme quand tu laisses ta baraque à une entreprise d’anti-nuisibles qui se trimballe avec une grosse blatte en latex sur le toit de la camionnette, et que des hommes fringués en cosmonautes de labo posent des scellés tout autour de ta turne pour interdire à quiconque d’y foutre le nez durant les trois prochains jours, sous peine de se métamorphoser instantanément en alien tout vert et tout glauque. Et tout comme j’imagine que ça se passe dans ce genre de tuerie de masse à domicile, les bêbêtes qui pullulent dans ta maison-corps-esprit vont passer un sale quart d’heure. 

Nettoyage des parasites à base d'Ayahuasca

Le manque de bol, c’est qu’au passage, toi aussi.

Tes pensées vont te faire chier. Tes souvenirs vont te faire chier. Ton corps, lui aussi, va bien chier. Et tes émotions, ces petites folles stupides, risquent fort de s’embarquer pour des montagnes russes passant du Space Montain (bien) au Train Fantôme (pas bien). Oui, comme chez Mickey, sauf que c’est moins fun.

Que ce soit en cérémonie ou tout seul dans ton tambo, ça va pas être une partie de plaisir. Beaucoup d’éléments que jusqu’à présent t’avais préféré foutre sous le tapis sont en train de repointer leur nez. Et c’est là que tu réalises l’ampleur des dégâts. La force que tous ces trucs refoulés ont acquise durant tout ce temps où tu refusais de les regarder. La moisissure qui les a fait enfler jour après jour, année après année, tandis que tu foulais le tapis en ignorant superbement que ça commençait à bien schlinguer là en-dessous, et que le putain de truc faisait une drôle de bosse au milieu du salon.

C’est dur, en effet, mais personne t’a dit que ce serait facile.

En Alchimie, on dit que ton Feu secret vient de s’éveiller, tu commences doucement ton Œuvre au noir et tu es prêt à te salir les mains.

Dieu soit loué, tu n’es pas tout seul au cœur de ces dissolutions. Pour tout dire, il se passe même des choses franchement intéressantes, au niveau de ton timide début d’alliance avec les plantes… 


7 - L’APPROCHE DE LA CAVERNE

Après la phase de nettoyage vient celle du travail. Tu croyais t’être offert de chouettes vacances psychédéliques au Pays des Merveilles en bookant cette petite diète dans la jungle, hein ? Perdu ! Et si t’estimais t’être déjà tué à la tâche dans ta vie de zombie, tu vas vite piger que t’avais pas la moindre idée de ce que le mot TRAVAIL signifie…

Le héros approche de son centre

Travailler vers l’extérieur, c’est facile. Easy. Travailler en dedans, sur toi-même, ça se situe dangereusement plus proche du 10 sur l’échelle de Richter, mais qui a décrété que les secousses étaient un truc qu’il fallait craindre ? Après tout, y a quelques situations dans cette chienne de vie où se faire secouer n’est pas si désagréable… genre sur le taureau qui tourne à la fête foraine (héhé, je t’ai eu).

Le truc important à pas perdre de vue ici, c’est que peu importe dans quelle mesure l'œuvre à laquelle tu te dévoues peut sembler ardue, ça en vaut la peine, parce que les bénéfices que t’en retireras seront à la hauteur du sacrifice consenti, voire carrément au-delà.

Alors, tu t’y mets, conscient que ce que t’es en train de faire revient à affûter tes lames avant le Grand Combat. Ou encore courir dans les escaliers comme Rocky (à toi de voir si tu préfères te visualiser comme un samouraï ou comme un boxeur, les deux fonctionnent très bien).

Le travail intensif du héros avec les plantes

Soutenu, guidé et inspiré par le chaman et les plantes, tu travailles ton centrage, ton ancrage. Tu travailles ta concentration et ton alignement. Tu travailles à maîtriser ton mental. Tu travailles à reprendre contact avec ton corps. Tu travailles à faire gaffe à tes rêves et à tenter leur analyse, et donc à créer un pont entre ton conscient et ton inconscient, afin que ton intuition s’aiguise et t’offre un nouveau prisme à travers lequel sentir le monde et décrypter ta psychologie. Tu travailles à l’affinage de ton écoute de ce qui est subtil. Tu travailles à prendre confiance en la plante que tu diètes, à savoir recevoir et incorporer ses messages. Tu travailles à renforcer l’alliance entre trois parties de toi qui jusqu’à présent moulinaient bêtement chacune de son côté : Ton cœur. Ton esprit. Ta volonté. Tu travailles à extraire les qualités cachées de tes défauts, prenant appui sur l’ombre pour t’élever vers la lumière. Tu travailles à te détacher, à pardonner, à accepter. A lâcher prise.

Et durant tout ce long et profond processus opéré dans le labo de ton corps-esprit, les plantes t’aident. Elles t’aident à affûter ton âme, pour qu’elle renvoie enfin la lumière. 

Et peu à peu, tu sens que tu t’éveilles à ta propre puissance…

Tu prends conscience que ta guérison, ton bien-être, les relations qui composent ta vie, les rêves que tu vas ou non réaliser, les idées que tu vas concrétiser, les choses que tu vas changer, les sentiments et les pensées que tu vas accepter ou rejeter… que tout ça est, et a toujours été, entre tes mains. 

Tu prends conscience que le conditionnement n’est plus pour toi une fatalité.

Parce que c’est toi, l’unique responsable de toute ta vie.

Et même si c'est une idée qui peut paraître effrayante, tu réalises que ce pouvoir concentre en lui ce que l’Homme-Loup et le robot-zombie ont toujours secrètement désiré : la Liberté.


8 - L'ÉPREUVE SUPRÊME

C’est là que tu percutes enfin que le trésor que tu cherches a toujours été en toi. Cette liberté qui fait hurler les loups, Graal du robot, hantise de la Machine, c’est rien qu’une perfidie supplémentaire du système que de t’avoir fait croire que tu devais la chercher à l’extérieur, dans la quête effrénée d’une quelconque réussite sociale qui t’élèverait au-dessus du troupeau, rien qu’un nouveau mensonge de l’ego, cet enculé, qui te fait désirer une chose que t’as toujours possédée…

Héros en lutte contre son ego, en quête de son trésor intérieur

Le seul ennui avec les trésors intérieurs, c’est qu’ils sont encore mieux planqués, encore mieux gardés qu’un coffre de pirates rempli d’or, perdu sur une île déserte avec un monstre planté dessus, au cœur de l’océan. Mais c’est un truc que ta diète de plantes t’a forcément déjà révélé : les pires démons qui existent, c’est ceux qui squattent dans ton cerveau et sous ta peau. Donc qu’il s’agisse de l’or à gagner ou des monstres à buter, tout va devoir se passer dans l’invisible…

Et voilà, t’es bien parti pour t’embarquer dans un combat schizoïde avec toi-même ! La plus belle partie de ton âme est jalousement gardée et retenue prisonnière par cette autre partie de toi, la plus vile et la plus stupide, qui t’en barre l’accès.

Comment l’Ombre et la Lumière peuvent-elles coexister ainsi au sein d’une même personne ? Comment c’est possible, PUTAIN DE MERDE, qu’il faille entrer en guerre contre toi-même pour récupérer un truc qui t’appartient de droit ?

Je te le concède, c’est une vraie dinguerie, mais tout Guerrier doit en passer par là. Cependant, l’idée serait peut-être de ne pas considérer ce combat d’un point de vue binaire qui, comme chacun sait, est l’apanage des esprits étriqués ou bien encore d’une sorte très spéciale de daltoniens qui ne peuvent discerner que le blanc et le noir.

Certes, d’un côté, il y a le Soi. Cette partie de toi que tu rêves d’atteindre et d’incorporer. Cette partie qui signifie Conscience et Liberté.

Et de l’autre, il y a le moi. Ce petit pervers polymorphe d’ego qui prend tout de même souvent les atours d’un Bon Gros Pervers Narcissique en s’éclatant avec toi à base de manipulation, soumission, inspiration de la peur, j’en passe et des meilleurs.

Le trésor gardé par le Soi, c’est de l’or en barre : foi, confiance, pouvoir créateur sur le monde, paix, lumière et tutti quanti.

L’ego qui dans cette fable fait office du dragon gardant le seuil de l’accès à ce trésor, c’est précisément sur la mécanique inverse qu’il joue : peur, doute, impuissance, inquiétude, noirceur, ce qui se résume peu ou prou à la pire question qu’un Homme puisse se poser quant à ses avancées : Et si tout n’était qu’illusion ? 

Cette question est tout à fait légitime, navrée. A vrai dire, y a qu’une fois que t’auras vraiment goûté au pouvoir créateur de la conscience sur la réalité que cette pute en forme de point d’interrogation te lâchera réellement les baskets. En attendant, tu vas devoir accomplir un acte parfaitement insensé : croire malgré le doute.

C’est schizo, pas vrai ? 

L'épreuve du héros, entre ombre et lumière

En effet. C’est ce qu’on appelle un Acte de Foi. Commencer à croire alors que la réalité n’a pas encore changé. Commencer à agir comme si le Soi était déjà aux commandes alors que pour le moment, c’est cet enfoiré d’ego qui s’agrippe aux manettes.

Disons que c’est une manière de tendre vers une sorte de… réconciliation.


9 - LA RÉCOMPENSE

L'ego-dragon, gardien du seuil alchimique

Du coup, tu sors du côté binaire et limité du truc. Parce que c’est là que tu captes que cet ego-dragon n’est ni plus ni moins que ton meilleur initiateur, le parfait maître d’armes, le seul qui sera en mesure de t’amener aussi haut que tu souhaites aller, en te permettant justement de prendre appui sur lui…

Parce que l’obscurité n’est rien d’autre qu’un endroit où la lumière n’est pas encore passée. Les monstres n’existent dans le placard que tant que t’as pas allumé ta lampe de chevet pour réaliser, soulagé, qu’il ne s’agit que d’un tas de fringues auquel les ténèbres prêtaient un aspect illusoirement menaçant. L’Ombre qui te suit, c’est pas un dangereux psychopathe qu’attend que le prochain coin de rue pour te sauter sur la râble et t’agresser comme un forcené. L’Ombre est une partie essentielle de toi-même, qui s'allonge derrière toi quand la lumière déclinante du soleil couchant te fait face. Sous les feux de midi, quand les rayons t’irradient, l’Ombre est quasiment invisible. Mais elle est toujours là.

Celui qui souhaite accéder à la totalité de lui-même ne peut en aucun cas refuser d'incorporer son Ombre et d’écouter le message qu’elle véhicule de par son existence.

Les défauts de l’ego existent pour attirer ton attention sur des qualités qui n’ont pas encore été révélées. Les situations de merde dans la vie existent pour pointer du doigt des schémas qui ne te conviennent pas. La maladie débarque et te pourrira ton groove jusqu'à ce que tu sois prêt à reconnaître la souffrance spirituelle qu’elle dévoile et symbolise.

L’ego est le chemin vers l’accomplissement du Soi.

Il existe une légende qui dit que quand on accepte de les écouter, les démons se transforment en sages…

Leurs douleurs sont réelles. Leurs cris sont légitimes. Leur existence doit être reconnue. L’Ombre est ta plus belle alliée car elle seule ne craindra jamais de te dire la vérité telle qu’elle est, sans ronds de jambe, sans pincettes, sans fioritures. 

La Réalité nue.

Ça dépend que de toi d’avoir le courage de la rencontrer. Et d’oser la regarder en face dans toute l’ampleur de sa féroce vérité.

Le moi et le Soi alignés

Ça, c’est ce qu’on appelle une seconde naissance. Tu viens enfin d’accéder à ta totalité. Ton nouvel axe est aligné entre le moi et le Soi, en une sorte de fusion harmonieuse des différentes parties qui te composent. Les dissolutions passent au stade supérieur. Tes défauts transmutés deviennent des qualités. Tes ombres sublimées révèlent enfin leur lumière cachée.

En un mot comme en mille, tu viens de foutre la main sur la putain de Pierre philosophale, mec, et plus rien ne sera jamais comme avant.

Enfin… c’est ce qu’on va voir.


10 - LE CHEMIN DU RETOUR

L'alliance avec les plantes sacrées et l'Ayahuasca

Tu te sens fier de toi.

Ta diète est réussie. Tu sens la puissance de ta plante tankée dans tes épaules, fichée telle une épée érigée dans ta colonne vertébrale. Remonté à bloc après le succès de ton dernier combat, transfusé d’une VIE que t’avais pour ainsi dire jamais sentie, ta foi en ta renaissance n’a d’égale que celle en ton avenir.

Le héros tient le monde entre ses mains

Tu tiens le monde entre tes mains, mais, persuadé que désormais, seules les plus hautes vertus t’animent, pas une seule seconde tu ne doutes de savoir employer ton nouveau pouvoir uniquement en dévotion à la cause du Bien. Tu te sens tel un redoutable chevalier au service d’une sagesse supérieure, qui t’a choisi pour la représenter. Les plantes elles-mêmes t’ont élu comme l’un de leurs gardiens, et tu frétilles d’impatience à l’idée de revenir dans ton monde, chez les zombies, pour colporter la bonne parole et leur montrer la voie vers une liberté dont tu es désormais l’un des plus beaux exemples vivants.

Quel bonheur d'être enfin porteur d’une mission ! Tu as trouvé le sens de ta vie et n’as plus qu’une idée en tête : le gueuler sur tous les toits afin que l’univers entier le sache aussi.

Oui. 

Tu te sens beaucoup, beaucoup trop fier de toi…


11 - LA RÉSURRECTION

L’ego polymorphe a ça de terrible qu’en vertu de sa polymorphie, justement, ce misérable renégat est en mesure d’emprunter toutes les formes qu’il juge les plus adéquates pour te faire sans cesse retomber dans ses filets. Ce truc est une putain de mutation sur pattes, et Dieu sait que ton instinct de vigilance ne doit surtout pas se relâcher au moment de cette phase ô combien délicate, car l’hybride à peine né du dur labeur dont tu te croyais débarrassé n’attend qu’un seul instant d’inattention de ta part pour te jaillir à la gueule et se mouler sur ton visage façon nouvelle persona tel un affreux bébé alien dégénéré !

Attention les yeux ! Je vous demande d’acclamer le clone le plus fourbe, le plus laid et le plus vicelard du Fils de pute en Chef… Mesdames et messieurs, L’EGO SPIRITUEL !

L'ego spirituel

Mais nom d’un chien, comment lutter contre une telle abomination ? Si même les vertus les plus belles peuvent se parer de lumières trompeuses, si même les plus nobles intentions peuvent n’être qu’une nouvelle chute dans le dédale de l’hypocrisie, comment, AU NOM DU CIEL, être un jour jamais sûr qu’on chemine bel et bien sur la bonne voie, et non sur un sentier qui, pas après pas, nous éloigne toujours plus de la tant souhaitée vérité ?

Seule une chose ne trompe pas : les actes.

Les idées, les intentions, les paroles, les pensées, toutes peuvent être trompeuses. Car tant qu’elles ne sont pas incarnées jusqu’à la garde dans la preuve irréfutable de la matière en action, c’est rien de plus que le bullshit qu’un Homme se raconte à lui-même. Et sans me la jouer trop Dr. House : TOUT LE MONDE MENT.

Ouais, je sais ce que vous allez dire. Certains actes mentent également. C’est vrai. Le monde est rempli de gestes “altruistes” qui dissimulent la pathétique tentative de valorisation de l’ego de leurs auteurs...

Ça brille dehors, ça schlingue dedans.

Quand je parle d’actes, je parle d’observer la vie d’une personne dans le détail. La qualité de ses relations avec ses proches. Le genre de bonheur qui la fait rayonner. Le nombre de ses mots jetés dehors qui trouveront bel et bien une réalisation. C’est pas si compliqué. Pour savoir si la “spiritualité” de quelqu’un est vraiment vivante en lui, il suffit de regarder sa vie.

Certains n’ont que de la gueule. D’autres la ferment et agissent.

A quel clan souhaites-tu appartenir ?

D’ailleurs, non, pause !

Et si t’allais plus loin que ça ? Et si tu décidais de cesser de vouloir à tout prix te définir ?

Et si l’accomplissement du Soi était précisément hors de toutes limites, de celles qui t’incitent à te coller une étiquette sur le front et brandir un panneau plein de slogans afin de clamer bien haut et bien fort LA PERSONA que tu te sens si fier d’incarner ? Y a de l’idée, pas vrai ?

Garde bien ça en tête pour la suite des réjouissances, mais en attendant, tu décides, toi, là, maintenant, de ne pas basculer dans la facilité de l’ego spirituel.

Fuck off, man, no way. Hors de question.

La résurrection du héros à la fin de son voyage

Toi, nouveau Guerrier, comme un grand, sans l’aide de personne, TU DÉCIDES que les conneries s'arrêtent ici. Tu décides que les choses ne seront plus jamais comme avant. Que l’expérience que t’as vécue dans la jungle avec la medicina ne restera pas une jolie parenthèse enchantée que d’ici quelques mois t’auras complètement oubliée. Tu décides de te comporter entièrement différemment avec ton ego, peu importe les masques qu’il s’amusera à se foutre sur la gueule pour te berner et tenter de te faire vaciller.

TU CHOISIS d’appliquer MAINTENANT les leçons de cette expérience à toute ton existence.

Tes grands idéaux deviennent AUJOURD’HUI les qualités fondamentales de celui que tu es.

Tes hautes valeurs deviennent AUJOURD’HUI la façon juste dont tu vas traiter les autres aussi bien que toi-même.

Tes belles intentions et tes nouvelles croyances deviennent AUJOURD’HUI la manifestation terrestre de ce que ton âme a choisi d’incarner.

AUJOURD’HUI, tu décides d'être le créateur de ta putain de nouvelle réalité.

Et de t’engager à jamais dans la Voie du Guerrier.


12 - LE RETOUR AVEC L’ÉLIXIR

Welcome back to Zombieland !

Putain, ça t’avait pas manqué. Si y a bien un truc de sûr avec la Machine, c’est que plus toi tu changes, plus elle, elle reste pareil.

Fin du voyage du héros, dragon-ego devenu allié

Sacrée dinguerie de constater que pendant que toi tu bataillais avec les forces du Mal en pleine Amazonie, tout maigre dans ton tambo, la tête farcie de visions célestes ou apocalyptiques en compagnie de l’Ayahuasca, bah les autres, qu’il s’agisse des robots que t’as jamais portés dans ton cœur, mais malheureusement aussi de tes vrais potes, de ta famille, en gros donc des gens à qui tu souhaites que le meilleur, eh bien les autres, en vrai, ça a pas bougé d’un poil pour eux. 

Te revoilà en train de lutter contre une sensation tenace d’irréalité. Comme lors de ton débarquement dans la jungle, faut maintenant que tu te persuades que ce voyage n’était pas juste un simple rêve, juste un clignement d’œil qui t’aurait fait entrevoir le paradis alors que tu te vides toujours de ton sang sur un trottoir après qu’une garce de bagnole t’ait percuté.

Non, mec, accroche-toi, c’était bien réel.

Simplement, ça va demander encore un peu d’efforts pour tenter de faire comprendre aux autres ce qui s’est passé pour toi, et essayer de partager avec eux un brin de ta nouvelle “sagesse”.

On va pas se mentir. La majorité d’entre eux, qu’ils soient polis et se le gardent pour eux, ou qu’ils soient bâtards et te le claquent à la gueule avec mépris, te prennent pour un illuminé. Personne kiffe les illuminés, moi la première. Sont horripilants, ces cons-là. Mais pour le coup, ça va être à toi de faire en sorte, de par l’application dans ta vie des trucs dont on a causé plus haut, de leur montrer, petit à petit, sans en faire des caisses ni te la raconter, que non, tout ça, c’est pas des conneries.

Au fond, t’as personne à convaincre, de toute façon. T’es pas un messie. T’es pas un putain de sauveur. Et t’es pas non plus un enfoiré de chevalier. Si tu t’es barré, ça a jamais été pour sauver le monde, mais uniquement toi-même, pas vrai ? Donc où est le sens à présent de vouloir prouver aux autres que ta voie est la bonne ? Prouve-le toi à toi-même, déjà, et on pourra commencer à dire que t’es pas qu’un branquignole plein de fake qui cherche qu’à en foutre plein la vue aux autres.

T’as du pain sur la planche, pépère.

Là-bas, on est d’accord que t’as travaillé à fond sur tes croyances. Les limitantes, les frustrantes, les aberrantes, les rageantes et les humiliantes. Donc logiquement, puisque t’as pris conscience que c’est toi le créateur de ta putain de réalité, cette même réalité susnommée devrait rapidement se mettre au diapason. Si tu ne constates rien de tel dans les mois qui suivent ton retour, c’est que le boulot est loin d'être terminé.

D’autre part, maintenant que tu sais où se trouve ton axe, y va te falloir constamment réajuster ta posture, dans un jeu d'équilibriste permanent, afin que ton alignement coïncide avec cet axe qui te relie de la Terre au Ciel. Pour la faire courte, que ton cosmos intérieur soit en accord profond avec le macrocosme au-dessus de ta caboche. Que ton être soit au diapason de l’univers, quoi.

Ça ne va pas être facile. Mais souviens-toi que la vie est mouvement, danse au bord du gouffre, constant rééquilibrage, ajustement. Comme quand tu marches. Si tu t’arrêtes la jambe en l’air, tu te vautres. Si tu poursuis vaillamment, tu te démerdes pas si mal, coco.

Donc voilà le taff qui s’annonce, sachant que la vie te présente ni plus ni moins que l’expérience de la manifestation de tes croyances, en live, afin que tu puisses en prendre conscience, puis les étudier pour voir si elles te rendent heureux ou non, tout bonnement : nourrir en toi les croyances qui matchent avec ce que tu veux vivre. Dégager les autres. Mais surtout, endosser la pleine responsabilité de ta réalité… et te démerder pour aimer ça.

HONORER TA LIBERTÉ, PARCE QUE C’EST POUR ELLE QUE TU T'ES SI SAUVAGEMENT BATTU !

La fin de la quête du héros

Mais n’oublie jamais que c’est ici que ça se passe. Ici, dans cette incarnation. Dans ton corps, cette vie. Dans ton cœur et dans tes sentiments. 

Beaucoup, beaucoup de personnes s’égarent et parfois même se perdent à tout jamais dans les hautes sphères du “monde spirituel”. Il s'agit d’une autre forme, très sournoise, de déconnexion. Elles oublient que la racine de toute vie se trouve dans la terre. Que c’est cette racine, la source primale de l’énergie. Et que notre tâche d’Homme n’est pas et ne sera jamais de renier nos origines. Sinon, on serait nés extraterrestres, sans déconner !

Maintenant, tu tiens en main les clés pour investir la Conscience dans tous les domaines, tous les aspects de ton existence. Tu as des guides : les plantes, ton inconscient, le Soi. Tu sais utiliser le pouvoir curatif de la Conscience, et si ta vie se remet à déconner (et elle le fera, sois-en sûr, parce que c’est loin d'être facile de demeurer à jamais le maître de son microcosme), tu seras en mesure de réagir rapidement.

Tu pourras également tenter de révéler ce pouvoir aux autres. Qu’ils prennent conscience que personne en dehors de nous ne nous guérit jamais. Au mieux, les autres nous soignent et soulagent nos plaies. Mais guérir va bien au-delà de juste foutre un pansement sur une putain de blessure. 

Guérir, en Alchimie, signifie connaître l’Art des Transmutations.

Sauf que c’est un processus qui recommence indéfiniment. 

Comme la vie, quoi…


BORDERLINE : VOYAGE CHAMANIQUE D’UN ANTI-HÉROS

Borderline, c’est ma version à moi du Voyage du Héros version Ayahuasca. Une saga littéraire qui met en scène la sanglante odyssée d’un jeune hors-la-loi au cœur de la medicina.

Ceux que ça interpelle, cliquez sur l’image.

Les autres, ceux qui se cherchent un mentor pour foutre en branle leur aventure dans la selva, z’avez qu’à me contacter.


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La Voie du Guerrier

On raconte que quand tu commences à vibrer avec assez de puissance sur une nouvelle fréquence, ta réalité commence à se mettre au diapason… et donc à amener vers toi des personnes qui surfent sur la même longueur d’onde. C’est ce qu’il s’est passé entre Brice Amiot et moi. Deux Samouraïs au regard aigu et au sabre aiguisé qui auraient pu s’étriper sur un champ de guerre en d’autres circonstances, mais qu’ont eu la bonne idée d’échanger les livres qu’ils avaient écrits, en tombant réciproquement amoureux… de la fureur de vivre de l’autre ! Un qui opère dans la pratique et l’enseignement traditionnels des Arts Martiaux. L’autre qui traficote dans le domaine de la Medicina traditionnelle amazonienne. Lui et moi, on était faits pour devenir Alliés. C’est donc naturellement qu’on s’est mis d’accord pour s’attaquer à ce thème qui gouverne entièrement nos vies : La Voie du Guerrier.

On pourrait se dire qu’être un Guerrier à l’heure actuelle n’a plus aucune putain de signification.

Alors, certes, le terme “guerrier de lumière” est pas mal employé, mais c’est bien souvent pour combler un trou béant dans les tripes de celui qui l’emploie, sorte de poudre aux yeux qu’on balance en espérant vaguement que les paillettes scintilleront suffisamment fort pour masquer l’absence de véritable lumière de celui qui te les jette à la gueule.

Pourtant, aussi désuet que ça paraisse, moi, j’y crois toujours, au Guerrier. Peut-être même plus fort que jamais. Ouais, on est comme ça, nous les artistes. Suffit qu’on mate Ghost Dog ou qu’on lise Castaneda pour s’enflammer avec des idéaux que plus personne n’a le souci de porter. Et encore moins fièrement.

Plus personne, vraiment ? On raconte que quand tu commences à vibrer avec assez de puissance sur une nouvelle fréquence, ta réalité commence à se mettre au diapason… et donc à amener vers toi des gens qui surfent sur la même longueur d’onde.

C’est exactement ce qu’il s’est passé entre Brice Amiot et moi. Deux Samouraïs au regard aigu et au sabre aiguisé qui auraient pu s’étriper sur un champ de guerre en d’autres circonstances, mais qu’ont eu la bonne idée d’échanger les livres qu’ils avaient écrits, en tombant réciproquement amoureux… de la fureur de vivre de l’autre !

Un qui opère dans la pratique et l’enseignement traditionnels des Arts Martiaux. L’autre qui traficote dans le domaine de la Medicina traditionnelle amazonienne.

Je vous le fais pas dire. Lui et moi, on était faits pour devenir Alliés.

C’est donc naturellement qu’on s’est mis d’accord pour s’attaquer à ce thème qui gouverne entièrement nos vies : La Voie du Guerrier.

Et j’ai comme dans l’idée que la série d’interviews de ce mec, réunies ici en 4 vidéos, pourrait éveiller dans vos cœurs la force guerrière qui sommeille en eux…

Le Feu Sacré, ça vous dit quelque chose ? Voilà de quoi le réanimer.


LE GUERRIER

Qu'est-ce qu'un Guerrier ? En quoi consiste la discipline spirituelle ? Comment atteindre la réalisation personnelle ? Et si la vie était une série d'épreuves initiatiques destinées à nous faire évoluer ?

Les questions posées à Brice Amiot

  • Qu'est-ce qu'un Guerrier ?

  • Déconstruire une partie de soi.

  • Comment se reconnecter à son corps pour entrer en harmonie avec la Nature ?

  • Une discipline spirituelle.

  • La vie est-elle un chemin constitué d'épreuves initiatiques ?

  • Un Guerrier a-t-il besoin d'un maître ?

  • Un Guerrier combat-il le Mal ?

  • Transformer le Mal en énergie qui nourrit le Bien.

  • Quelle est la valeur de l'expérience personnelle ?

  • L'intention n'est pas une réflexion, c'est une conviction.

  • Qu'est-ce que la réalisation personnelle ?

  • La Voie du Guerrier est-elle Une ?


LES IMPLICATIONS DE LA VOIE

A quoi doit se préparer celui qui s'engage dans la Voie du Guerrier ? Quelles qualités et quelles valeurs doit-il incarner ? Quelle est la place de la volonté dans cette quête ? Et si l'unique adversaire du Guerrier n'était personne d'autre que lui-même ?

Les questions posées à Brice Amiot

  • Quelle place accorder à l’ascèse dans la Voie du Guerrier ?

  • Quelles sont les valeurs fondamentales d’un Guerrier ?

  • La volonté.

  • La différence entre se fixer sur ce qu’on veut obtenir et travailler à ce qu’on veut être.

  • L’isolement est-il indispensable à la connaissance de soi ?

  • Comment un Guerrier gère t-il correctement ses émotions ?

  • La colère !

  • Un Guerrier doit-il se défier lui-même ?

  • La responsabilité.

  • Que signifie “apprendre à mourir” ?

  • Et si le seul véritable ennemi du Guerrier était finalement… lui-même ?

  • Bonus enregistré hors interview !


ÊTRE UN GUERRIER MODERNE

Agir en tant que Guerrier dans le monde d'aujourd'hui, qu'est-ce que ça veut dire ? Un Guerrier actuel est-il fatalement subversif ? Son éthique le condamne t-il à mener une lutte solitaire ? Et si chacun s'engageait sur la Voie, quels changements seraient opérés dans le monde ?

Les questions posées à Brice Amiot

  • Que signifie être un Guerrier dans le monde moderne ?

  • Obéir à la morale ou suivre son éthique ?

  • Y a-t-il de plus en plus de gens qui se dirigent vers la Voie du Guerrier ?

  • Se définir par ce qui nous anime plutôt que par ce qui nous accable.

  • Comment se reconnecter à son feu sacré intérieur ?

  • Être un Guerrier moderne condamne t-il à la solitude ?

  • Si chacun suivait la Voie du Guerrier, à quoi ressemblerait le monde ?

  • La révolution intérieure n’est-elle finalement pas la seule révolution en mesure de changer le monde ?


QUESTIONS FUN AU GUERRIER !

Qu'est-ce que le QI ? Comment parvenir à cette impressionnante maîtrise du corps dont font preuve les artistes martiaux ? D'où viennent les styles animaliers qu'on observe dans le Kung Fu ? Et surtout... que voulait dire Bruce Lee avec son "sois comme l'eau" ?

Les questions posées à Brice Amiot

  • Comment se fait-il qu'un Guerrier s’intéresse à Carlos Castaneda ?

  • L’Iboga dans la tradition du Bwiti !

  • La différence entre drogues de synthèse et plantes sacrées.

  • Qu’est-ce que le QI ?

  • La vérité sur Shaolin.

  • Comment arriver à la parfaite maîtrise de son corps à travers les Arts Martiaux ?

  • Le Kung Fu des animaux !

  • Parallèle entre les enseignements martiaux et le chamanisme.

  • Les styles animaliers.

  • L’Homme et la Nature.

  • Les neurosciences.

  • S’identifier à la Nature.

  • Le Serpent !

  • BRUCE LEE !!!!!

  • Sois comme l’eau…

  • Que signifie “emprunter la force de l’adversaire”, “accompagner”, dans les Arts Martiaux et dans la vie ?

  • La philosophie des Arts Martiaux est-elle encore honorée aujourd’hui ?

  • En tant qu’enseignant d’art martial, comment diriger ses élèves vers la véritable essence du truc ?

  • L’effet des VRAIS Arts Martiaux sur les élèves !

  • Analyse d’un étrange combat…

  • Les 3 grandes géométries des Arts Martiaux : le cube, la sphère et la pyramide.

  • Le livre “Esprit Martial”.

  • Les ouvrages conseillés par le Guerrier !



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Trickster Warning (You Get What You Fucking Deserve)

Pire encore qu’une simple légende, on parle ici d’une figure devenue carrément mythique au gré de ses nombreuses incarnations. Le Trickster ne laisse jamais indifférent. Motivations troubles, propos offensants, humour cruel, comportement borderline, cet archétype est un véritable punk aussi scandaleux que fascinant.

Rares sont les mythes, tel celui du Trickster, qui perdurent avec tant de force au fil du temps.

Pire encore qu’une simple légende présente dans les racines de l’humanité, on parle ici d’une figure devenue carrément mythique au gré de ses nombreuses incarnations, spécialement dans le monde de l’Art.

A travers différents personnages, toujours hauts en couleurs, le Trickster ne laisse jamais indifférent.

Motivations troubles, propos offensants, humour cruel, comportement borderline… L’archétype du Trickster est un véritable punk aussi scandaleux que fascinant.

Impossible de s’en débarrasser. Son intrinsèque polymorphie le rend insaisissable et indéracinable, si bien qu’on en vient à se demander si son existence perturbante n’est pas en définitive quelque chose de nécessaire.

Trickster : Symptôme d’un monde au bord du nihilisme ou symbole d’une explosive énergie de renaissance ?

Cet article vous révèle les mystères du Fripon Divin, clown diabolique aussi détesté qu’idolâtré, qui n’a de cesse de défier le monde depuis des temps immémoriaux…


Mythe, Art, Psychologie et Société : Étude Croisée du Phénomène Trickster

Joker, le film qui incarne à lui seul toute l’essence frelatée du Trickster !


TRICKSTER : LES ORIGINES

Ça roupille ? Je vais vous secouer tout ça…

The Mask

Trickster signifie fripon, farceur ou encore bouffon.

Présent sous différents noms dans toutes les légendes du monde (en vrac, Loki en Scandinavie, Coyote en Amérique du Nord, Eshu en Afrique), cette figure intrigante restée inchangée à travers le temps représente un phénomène assez rare :

Très peu de mythes ont si peu évolué. Celui du Trickster semble faire partie intégrante de l’humanité et de l'inconscient collectif, comme si sa force d'attraction et sa légitimité n’avaient jamais été reniées.

The Mask, un trickster rigolo !

Pourtant, le Trickster est loin d'être un sujet très avenant : anarchique, rusé, cruel, individualiste, et pourvu d’un humour douteux qui ne fait bien souvent rire que lui, on pourrait croire que les Hommes se seraient empressés de le faire disparaître dans les poubelles de l’Histoire, comme on camouflerait une cicatrice honteuse, mais c’est l’inverse qui s’est produit.

Il ne cesse de renaître et de réapparaître sous de nouvelles formes, même très actuelles.

Ce petit comique tape l’incruste, y pas d’autre mot.

Un jour paysan au bonnet bicolore (Eshu) qui se balade crânement dans les rues du village en semant la discorde chez les habitants qui jurent que son chapeau est bleu pour certains, rouge pour d’autres (il est les deux, tout dépend de quel côté on regarde) jusqu’à les faire s’entre-tuer…

Le lendemain Coyote rusé et maladroit qui incendie la prairie sans le vouloir après avoir volé le feu aux dieux pour l’offrir aux Hommes, à qui on doit aussi le tout premier déluge (oups, la gaffe), et responsable du fait que les humains soient mortels (avant les Hommes renaissaient après la mort, mais ce couillon a malencontreusement fermé la porte de retour, c’est ballot)…

Le surlendemain le voilà devenu Loki qui s’amuse à insulter tout le monde parce qu’il est tout bonnement “fatigué de voir les jours se dérouler sans le moindre accroc”, et qui a le toupet de se transformer en saumon quand les dieux veulent le pécho afin de le punir…

Et enfin, Joker, qui s’éclate à foutre Gotham City à feu et à sang et à rendre Batman complètement chèvre… simplement parce que c’est drôle, mouhaha !

Bref, ce maudit Trickster est toujours le même fauteur de trouble, peu importe sous quels traits il se manifeste…

C’est d’ailleurs ce qui fait de lui un archétype, figure ou thème existant dans l'âme de chaque être humain, quelle que soit sa culture, telle une composante essentielle de son inconscient. Mais cette structure universelle se retrouve aussi dans l’inconscient collectif, d’où proviennent les représentations humaines, réelles et fantasmées.

Notre monde psychologique est en réalité articulé par des archétypes communs à tous les peuples, sans différenciation de religion ou d’époque, ce qui explique pourquoi et comment des concepts très similaires peuvent se retrouver dans des régions qui n’ont jamais eu de contact les unes avec les autres.

C’est tout à fait le cas du Trickster. Et comme tout archétype qui se respecte, il exerce son étrange pouvoir d’attraction-répulsion aussi bien à un niveau individuel que social. Eh ouais, ce clown aime apparaître sans qu’on le convoque pour semer la zizanie dans la tête des gens (rêve, lapsus, actes manqués) ou carrément dans le système social.

Et il se trouve que sa petite spécificité, à lui, c’est le bordel.

Sous ses airs de provocateur à moitié demeuré, ce satané Trickster possède en fait bel et bien une fonction : c’est un phénomène erratique pourvoyeur de bouleversements, semeur de chaos, et catalyseur de changements.

En gros, c’est un Fouteur de Merde.

ATTENTION : NITROGLYCÉRINE EN MOUVEMENT

Le désastre est une part naturelle de mon évolution.

Tyler Durden, Fight Club

Beetlejuice, le trickster dégueu !

Alors oui, ce bouffon fout la zone partout où il passe, provoquant intentionnellement le malaise et parfois la crainte, mais tout porte à croire que son côté “enfant terrible” est en réalité nécessaire à l’humanité qui ne peut visiblement pas se passer de lui, même si lui-même se comporte comme un indécrottable individualiste plein d’autodérision qu’en a rien à péter de rien.

Pourquoi ? Parce que son comportement force les autres à s'interroger sur le statu quo.

Fatalement, sa négligence des règles, son insouciance envers les lois, sa maladresse dont il rigole lui-même, contraignent ses spectateurs horrifiés ou charmés à adopter sans le vouloir une autre perception du monde.

L’absurdité qu’il révèle en l’engendrant et sa résistance envers les tabous les plus établis ne laissent jamais les autres indifférents.

Tel un enfant qui pousse ses parents à devenir adultes par le biais de ses questions innocentes ou inattendues, le fripon bousille les esprits encroûtés pour remettre de l’essence dans la machine. Non, la société et ses lois ne sont pas immuables, et apparemment, certains parviennent à vivre en dehors des rails.

Qu’on soit subjugué, éberlué, écoeuré ou révolté par ses agissements, il n'empêche que cette étrange personnalité nous force à considérer les choses d’un autre œil (tiens, tout comme l’Anti-Héros).

Et c’est peut-être ça le plus important : ce dérèglement qui attaque les fondations de la pensée, et l’oblige à se remettre en route, loin de ses schémas préétablis, poussiéreux et finalement, nocifs. 

THÉRAPIE PAR L’ABSURDE

Je crois que tout ce qui ne nous tue pas nous rend simplement plus… bizarre ! 

Joker, The Dark Knight

Qui eût cru que cette sorte de tornade insensée et imprévisible était ce dont l’humanité en générale, et l’individu en particulier, avaient besoin ? Et pourtant…

Vous connaissez cette notion qui dit qu’il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de Bien sans Mal ? On est en plein dedans.

Le Joker, trickster magnifiquement interprété par Joaquin Phoenix !

Ce générateur de conflit qu’est le Trickster est aussi utile qu’inévitable.

Pour être complet, une société ou un individu doit se confronter à sa part d’ombre. Le refoulement individuel et le déni social sont extrêmement mauvais, j’imagine que je vous apprend rien, et c’est précisément là que cette figure devient thérapeutique : en acceptant cette ombre, cet enfant intérieur, cette partie primitive de l’âme humaine (rappel d’un stade ancestral où l’animal n’était pas si loin), moralement inférieure et intellectuellement puérile, l’être humain fait en réalité face à sa totalité psychique.

Le but de tout ça ? La recherche de sens.

Violer les interdits et remettre en question ses valeurs, individuelles ou sociales, signifie en réalité être en quête d’apprentissage.

Renverser l’ordre établi est une base pour la liberté et la renaissance. Pour l’évolution, en somme. Même si ses blagues ou ses farces paraissent inoffensives, cruelles ou grotesques, ce que met en lumière le Trickster est en fait radical. Comme Cartman dans South Park qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et plonge la ville dans l’inconfort d’une absurdité ou d’une hypocrisie révélée, ou encore le Joker de Todd Phillips qui réanime les instincts de vengeance d’une société opprimée au-delà de l’acceptable et catalyse l’esprit de révolte qui gronde en sourdine en lui offrant un moyen cathartique d’expression (jusqu’à devenir le leader des parias), sa manière de procéder est finalement plus efficace qu’un quelconque discours dogmatique et hautain :

Le Trickster ne prône rien, n’encense aucune valeur, et c’est précisément ce nihilisme drastique qui agit comme l'électrochoc le plus violent qui soit.

Tout comme à l'époque où les rois étaient à l’affût des signes d’un problème du peuple évoqué par une connerie de leur bouffon, le discours ambigu de ce clown éveille la conscience du monde sur quelque chose qui cloche.

Le Trickster est un signal d’alarme. 

CYNIQUE, MOI ? NAAA…

Je m’efforce de faire dans ma vie le contraire de tout le monde. 

Diogène de Sinope

Diogène, philosophe de la Grèce Antique qui se réclame de l’école cynique, est certainement le Trickster le plus célèbre du monde.

Il a commencé sa carrière de provocateur en produisant de la fausse monnaie comme le dernier des lascars, avant de se faire tej par la populace, ce qui l’a transformé en vagabond. Un jour, il est tombé sur une souris grise qui a éveillé sa désobéissance civile (cette petite avait l’air libre et heureuse, sans obéir à aucune loi, alors pourquoi ne pas l’imiter, non de non ?).

Diogène de Sinope, trickster philosophe et cynique le plus connu au monde !

Qui aurait parié qu’un mec qui vit à poil dans un tonneau en disputant sa bectance auprès des chiens galeux (et qui s’est permis, à 77 piges, de remettre Alexandre le Grand à sa place, avec sa fameuse phrase : Ôte-toi de mon soleil !), aurait connu une telle renommée ?

Eh oui, il semble bien qu’un vague clodo cynique comme Diogène peut lui aussi avoir des choses à apprendre aux autres, et ce, sans user d’un discours à la Socrate, que ce punk prenait pour un snob imbuvable.

C’est là tout l’art et toute la sagesse du bouffon : sa vie elle-même est un enseignement, qui, tel le maître bouddhiste illustrant par l’exemple de ses actions ce qu’il cherche à transmettre à son disciple, sans jamais user de dogme rationnel, atteint de plein fouet l’ordre établi et fait tomber les masques.

Sous ses airs d’idiot crasseux d’un village merdique, Diogène est survenu dans le quotidien des Grecs pour foutre le bordel et semer la merde dans leur tête. C’est bien connu : la tendance naturelle de l’Homme et de la société est de résister à tout changement, de se maintenir, coûte que coûte, dans une “normalité” ennuyeuse et sclérosée par la peur de la confrontation des tabous.

Par sa franchise exacerbée, ses propos acerbes (J’affronte le mal et les hypocrites avec la vérité et je leur dis la vérité sur eux-mêmes, et j’agite ma queue (comme un chien, pas comme un acteur porno, Diogène était très proche des animaux… Non, pas dans ce sens-là, putain !) devant les gens de bien et gronde devant les gens mauvais) et son cynisme éhonté, Diogène de Sinope, comme tout bon Trickster, éradique les filtres et la censure, et se révèle un initiateur de profond changement.

Et au final, c’est ça qui fait de lui un maître de sagesse, voire un mentor pour l’humanité.

UN MENTOR FOUTREMENT TORDU

- C’est par ici qu’il est passé.
- Qui donc ?
- Un certain lapin.
- Vous en êtes sûr ?
- Sûr de quoi ?
- Qu’il est passé par là.
- Qui donc ?
- Le lapin.
- Quel lapin ?  

Alice et le Chat de Cheshire, Alice au Pays des Merveilles

Le Chat de Cheshire, trickster qui s’amuse à te retourner la tête !

Parce que ouais, il se trouve que le mentor (celui qui prend le héros sous son aile dans les contes initiatiques et le guide dans sa quête en le confrontant à ses propres faiblesses et ses propres peurs) se comporte fréquemment comme un Trickster.

Les exemples sont légions : Yoda dans Star Wars, Tyler Durden dans Fight Club, Don Juan chez Carlos Castaneda, Merlin chez Arthur, et je pourrais aussi vous citer des exemples personnels de chamans qui sont réputés pour être des farceurs de première au discours ambigu, bref, toutes ces figures usent des louvoiements propres à ce thème pour faire évoluer le héros.

Omissions volontaires (ou non) de détails super importants pour la guerre qui s’annonce, propos cryptiques à double sens, cruauté soudaine et incompréhensible, humour foireux, les mentors ont la panoplie complète du parfait petit clown qu’on admire et qu’on déteste en même temps.

Mais voilà, une fois de plus, incruster des dogmes dans la tête d’un jeune Guerrier ne sert à rien. Ce qu’il faut, c’est qu’il apprenne à penser par lui-même, à se défendre seul, à trouver en lui les ressources qui lui permettront de réagir correctement aux situations nouvelles et imprévisibles…

Bref, à devenir libre. Et intelligent, aussi.

Yoda, exemple parfait du mentor façon trickster !

Pour le coup, Socrate ne se trompait pas (pardon Diogène) : enseigner la liberté, c’est pas faire les choses à la place de quelqu’un, mais lui apprendre à se défendre seul, à réagir ingénieusement à des situations inattendues, à avoir suffisamment d’esprit pour se montrer souple et réactif face au danger, bref, à ne pas attendre qu’un autre nous sauve les miches en permanence.

Et pour apprendre à penser sans béquilles, le mieux, justement, c’est que le maître y foute des coups réguliers, dans les béquilles.

A force de se rétamer, d’une on saura se relever, et de deux, on apprendra à ne plus tomber.

L’ARTISTE, UN GUIGNOL SUBVERSIF ?

- Vous êtes sans nul doute le pirate le plus pitoyable dont on m’ait parlé.
- Au moins on vous a parlé de moi. 

Jack Sparrow, Pirate des Caraïbes

Bon, jusqu’à présent on a surtout parlé des personnages de l’art.

Mais qu’en est-il des artistes eux-mêmes ? Peuvent-ils être les Tricksters de leur époque ? N’est-ce pas d’ailleurs le rôle de l’art, d’être subversif ?

Y a qu’à voir les réactions outrées qu’a provoqué le film Joker de Todd Phillips. C’est marrant, hein, mais ce putain de clown qui fait tomber les masques alors qu’il en porte un lui-même (ironie suprême, j’adore ça), dans le film comme dans la vie, engendre toujours des réactions violentes (amour fou, encensement dionysiaque, dégoût, rejet, dénonciation), et bordel, c’est précisément là qu’il atteint son but : on s’en fout que vous cautionniez son comportement ou pas.

Joker ne prône rien, il ne fait que montrer, et le seul truc qui importe, c’est que ça percute là en-dessous, foutredieu ! Que ça mette le feu aux poudres dans votre caboche !

Ce qu’il en résulte derrière, ça vous regarde, le Trickster s’en balance, et c’est pareil pour l’artiste. Son but n’est pas de vous faire ingurgiter une vision du monde, accepter ou aimer son histoire et ses personnages (c’est pas le président, bon sang !), l’endroit où il joue, lui, le domaine où il opère se situe bien au-delà :

Écarteler votre conscience étriquée pour y implanter quelque chose qui va déborder votre pauvre ego.

Rob Zombie, artiste trickster par excellence !

Bien sûr, je suis tentée d’évoquer Charles Bukowski, Hunter S. Thompson, Bret Easton Ellis, Marilyn Manson, Rob Zombie… ces artistes qui, de par leur œuvre et leur comportement, éveillent notre esprit critique, dans un mouvement punk, à la manière de Nietzsche, je dirais, en nous confrontant à des conceptions du monde diaboliquement éloignées de l’ordinaire. Et en passant, j’ai envie de citer cette réplique culte de Las Vegas Parano : Trop bizarre pour vivre, trop rare pour mourir, qui incarne à elle seule l’essence frelatée du Trickster.

L’artiste doit se défier de toute normalité pour créer quelque chose de véritablement unique, même si son but final n’est pas de révolutionner le monde. Simplement, faire fi de la censure, de la bien-pensance, aller là où on ne l’attend pas, choquer, surprendre, énerver même, peu importe. Ne jamais se laisser dicter son art par une quelconque norme ou institution autoproclamée.

Comme le dit Haruki Murakami dans sa brillante vision de l’originalité, le sentiment de répulsion engendré par une œuvre “différente” est parfois gage de l’avènement, de l’instauration d’une nouvelle norme. Et au fond, le Trickster est bel et bien celui qui excite le chaos et provoque le désastre pour forcer l’humanité à se confronter à ses démons et avoir une chance de renaître, ou d'évoluer. 

TRICKSTER, L’ENFANT TERRIBLE !


Je croyais que ma vie était une tragédie, mais maintenant je réalise que c’est une putain de comédie. 

Arthur Fleck, Joker

Si je place cette citation en dernier, c’est parce qu’elle symbolise un autre niveau de lecture de la personnalité fluctuante du Trickster.

J’aimerais faire le lien avec la théorie de Carl Gustav Jung, mec que j’adore par ailleurs, qu’il développe dans son livre Le Fripon Divin.

Jack Sparrow, trickster nonchalant et arrachiste que tout le monde kiffe !

Comme vu rapidement au début de cet article, cet archétype représente donc l’Ombre, partie primitive de l’Homme, animale, sorte d’enfant intérieur qui rejette le monde tel qu’il est tout en ayant besoin de lui, comme le prouve cette recherche constante d’attention propre au Trickster.

Voilà le parallèle que j’aimerais faire : l’adulte se croit en pleine tragédie, prenant tout désespérément au sérieux, n’osant pas faire un pas au-delà de la ligne de crainte de perdre ses acquis et sa reconnaissance sociale si chèrement obtenue.

L’enfant, lui, n’a que faire de ces conneries, et joue avec le monde en accordant autant d’importance à ses rêves qu’à la “réalité”.

Comme le disait Hermann Hesse, la maturité de l’Homme, c’est retrouver le sérieux qu’il mettait au jeu, étant enfant. Il me semble que le fripon possède ce pouvoir, cette métaphysique de la vie.

Ses bouffonneries, son humour, son cynisme même, incarnent une volonté de ramener les supposées valeurs de l’Homme à un niveau plus terrien. Quitte à jouer ou se jouer de la vie, la liberté de cet archétype, versatile, impulsive, capricieuse, réside dans sa capacité de transformation permanente.

Tel un enfant qui devient véritablement le héros qu’il imite, ou voit pour de vrai son ami imaginaire, le fripon est un puissant moteur de métamorphose psychique.

Autoriser l’énergie du Trickster à vivre en soi est selon moi une manière de maintenir vivant ce lien, ce dialogue avec le môme qu’on était, qui n’acceptait pas les choses telles qu’elles étaient sans poser de questions.

L’enfant divin, aussi terrible soit-il, doit continuer à vivre en nous, et exister dans la société, parce que la seule façon raisonnable de vivre en ce bas monde, c’est en dehors des règles (Joker, The Dark Knight).

Le Joker de The Dark Knight, trickster et dangereux semeur de chaos !

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L’Anti-Héros : Mais pourquoi est-il si Sexy ?

Dans un monde où tout un chacun devait avoir l’air tout joli tout le temps, ce mec-ci ne l’était pas.

Dans un monde où tout un chacun devait avoir l’air tout joli tout le temps, ce mec-ci ne l'était pas.

Chuck Palahniuk

On va pas se mentir, l’Anti-Héros nous fait tous fantasmer.

Peut-être parce qu’il ose se conduire comme on rêverait de le faire, sans prendre en compte l’avis des autres, sans se préoccuper de respecter une quelconque loi sociale ou morale. Ça sonne comme l’apologie de la psychopathie ? Pas forcément.

Si le personnage du Anti-Héros est tellement présent dans notre culture, et que c’est lui qui fait les meilleures recettes au box office, c’est parce qu’il répond à un besoin qui nous anime en profondeur, et qu’il suscite en nous une forme d’admiration honteuse qui nous fait saliver en secret.

Et si l’Anti-Héros était le seul être fondamentalement honnête dans un monde étouffé d’hypocrisie ?

Qu’on l’admette ou non, l’archétype du Anti-Héros représente une certaine forme de liberté. Et ça, y a rien à faire : ça fera toujours rêver le sale gosse qui survit en nous.

Qui est cet indécrottable rebelle qui vit selon ses propres lois ? Comment un loser asocial peut-il faire naître en nous cette étrange fascination et éveiller notre sympathie ? Quel est son moteur, quelles sont ses motivations ?

Et surtout… pourquoi est-il si sexy ?

Exploration d'un personnage anticonformiste qu'on adore détester : mise en lumière de l'ultime rebelle

Taxi Driver, exemple parfait d'un anti-héros sociopathe

VA TE COUCHER, SUPERMAN…

Soyons honnêtes.

Tout le monde en a soupé du héros conventionnel, bien sous tout rapport, beau, fort et courtois en toute circonstance, avec le brushing qui bouge pas d’un cheveux même au sortir d’un affrontement terrifique avec les forces du Mal et le sourire Colgate affiché comme une pub pour le bonheur.

Rien à faire, ce type est un fake, c’est criant.

Je veux dire, comment on pourrait s’identifier à lui quand notre miroir nous renvoie chaque matin l’image de Gargamelle plutôt que celle de Clark Kent ?

Et puis, ras la casquette de prétendre admirer ces valeurs soi-disant hautement humaines que ce fichu héros est bien le seul à défendre, quand nous, misérable lie de la société, nous roulons joyeusement dans la fange.

ET TU PEUX REMBALLER TON HYPOCRISIE !

Parlons-en, de ces valeurs.

Bien-pensance, bienveillance, et tous les mots qui commencent par bien-quelque chose et nous filent des envies de meurtre chaque fois (bien trop souvent de nos jours) qu’ils sont brandis tel un étendard de sainteté pour justifier les plus lâches formes d’hypocrisie.

La vérité, c’est que dans un monde où la norme est malade, tout écart est marginalisé, voire pathologisé, si bien qu’on se retrouve à incarner la figure du méchant alors que parfois on est juste vrai.

L’anti-héros, un personnage souvent solitaire et incompris.

Dans ces circonstances, pas étonnant que le fantasme du anti-héros super badass nous fasse de l’œil et nous apparaisse comme bien plus séduisant que la perfection éthérée du héros de base (qui se transforme alors en chien de garde de la norme radicale et anxiogène), impossible à copier, et de moins en moins désirable. Être gentil pour que tout le monde nous aime ? Pitié !

Quand le héros fait toc, l’anti-héros s’élève comme réel. Vivant et humain.

UN MODÈLE HUMAIN, DONC FAILLIBLE

Ouais, il est bourru, désenchanté, égoïste et mal rasé, et ses motivations sont troubles, mais est-ce qu’on en est pas tous là ?

Voilà un vrai point de départ pour une histoire qui se respecte, un point de départ réaliste, et qui suppose une possible (r)évolution, bien loin de l’idéal déjà réalisé du héros qui ne peut et ne veut plus changer, incarnant déjà la quintessence de tout ce qu’on est censé espérer en tant qu’Homme.

Bien sûr, il existe différentes figures d’anti-héros : le loser (Joker), l’anti-social (Travis Bickle), la personne ordinaire que les circonstances forcent à dérailler (Thelma et Louise), le gentil qui vrille (Harley Quinn), l’enfoiré notoire (Walter White), le flemmard dont la seule passion dans la vie se résume au bowling (Jeffrey Lebowski alias The Dude)…

Mais toutes ces caractéristiques induisent une chose qui fait cruellement défaut au héros simplement bon parce que c’est bien d’être bon : un questionnement. Que s’est-il passé pour que ce type-là devienne un étranger au sein de l’humanité ?

Et surtout, quel est son véritable moteur ?

FOU OU SAGE, L’ÉTERNELLE QUESTION… 

Walter White dans Breaking Bad, anti-héros aux motivations de plus en plus sombres…

L’anti-héros est bien souvent un être exclu, un paria.

Que ce soit de son fait ou de celui d’une société qui le rejette, le résultat est le même : il lui est impossible d’intégrer l’idéal conventionnel de vie ordinaire.

Si les autres le perçoivent comme un baltringue, un salopard, un loser ou un zombie inutile hantant les bords du monde, il leur retourne le compliment en refusant de faire semblant d’accepter leurs règles. Et plus on le côtoie, plus on apprend à le connaître, plus on a le sentiment qu’il est le seul être réel ou conscient au sein d’une société étouffée de bons sentiments, naïvement lobotomisée et heureuse de son sort.

En tant que marginal, il représente un être hors du monde.

Qu’il soit la cible de harcèlement, idiot, ermite ou clodo, voire sage désabusé, sa position unique lui permet de porter un regard extérieur sur ce qui se trame, puisqu’il n’en fait pas partie. Ce recul lui offre une vision originale et souvent instructive, bien que parfois teintée de cynisme, sur le spectacle de la connerie humaine, parce que son prisme de lecture est très personnel.

Alors que les autres se prélassent dans leur zone de confort, entourés de leurs semblables, biberonnés d’illusions douces (et n’osant pas faire un pas au-delà de la ligne sous peine de rejet ou de désamour, soit dit en passant), notre anti-héros a la vie dure et amère, et c’est justement cet état de fait qui pourra donner naissance à… autre chose.

UN HONNÊTE HOMME, DANS LE FOND. BIEN AU FOND.

D’autre part, le fait que ce mec ne se reconnaisse pas dans le discours ambiant et soit même bien souvent horripilé par les valeurs unanimement reconnues (je pense à Dr. House qui passe pour le méchant parce qu’il refuse de caresser les autres dans le sens du poil et les pousse à la réflexion, provoquant sans cesse leur outrage, alors qu’il a raison : tout le monde ment. Quand on gratte un peu, la pseudo bonté s’écaille pour révéler des motivations au moins aussi égoïstes que les siennes) le motive à chercher ses propres valeurs, ou du moins, un nouveau paradigme dans lequel ses actions et ses motivations pourraient prendre sens.

En d’autres termes, il va devoir créer ses propres lois.

JE SUIS LE CHAOS ET JE VIENS VOUS APPORTER LA BONNE PAROLE !

Arthur Fleck dans Joker, anti-héros loser qui finit par devenir leader !

C’est tout l’intérêt de cette figure, qui rappelle par moment celle du Trickster, archétype initiateur de chaos qui va forcer le monde à trouver un nouvel ordre après le désastre.

Ce personnage de prime abord perçu comme immoral ou même amoral, véritable psychopathe dénué d’empathie, incapable de faire la différence entre le Bien et le Mal, incarne un sens tout à fait différent quand il émerge dans une société malade où la morale est défaillante et où des notions telles que l’altruisme et la justice sont tronquées et sclérosées par l’hypocrisie et les jeux de pouvoir.

L’anti-héros devient alors celui qui remet les pendules à l’heure.

Par son comportement erratique et subversif, par son refus de l’autorité ou de la bienséance, il déglingue le prêt-à-penser lénifiant, dévaste la pensée unique oppressante et la lâcheté morale et intellectuelle pour tout remettre en question.

Qu’il ait renié la morale ou qu’il n'ait jamais été conditionné par elle n’est pas le problème : son existence même, le simple fait qu’il existe et qu’il soit l’avorton honteux d’une société qui désormais le rejette est une question posée à cette société.

En d’autres termes, il est fort possible que ce personnage devienne un initiateur, un nouveau moteur pour l’humanité, même si lui-même n’agit que dans un but égocentrique, poursuivant son propre idéal sans considération pour les autres.

UN SURHOMME ?

Ici, il faut faire le lien avec le Surhomme de Nietzsche, car les réflexions qu’il développe offrent une piste pour mieux saisir l’enjeu de la personnalité du anti-héros.

Et si l’altruisme et la compassion n’étaient rien de plus que l’expression d’un mépris fondamental envers l’Homme ?

Et si le fait d’encenser le statut de victime (désignée par les termes de faible et d’esclave chez Nietzsche) au détriment de celui de l’Homme solitaire et indépendant (fort et aristocrate) n’était qu’une forme sournoise de nihilisme qui renie la responsabilité de l’humain et transforme la morale en effusion de ressentiment ?

Selon Nietzsche, l’Homme est une chose qui doit être dépassée. Et pour ce faire, c’est pas de douceur et de bienséance dont on a besoin, mais d’un bon coup de pied au cul.

Bien souvent, l’anti-héros est à l'opposé total des diktats : bienveillante construction de soi, compassion pour son prochain, esprit de groupe, bouffe saine, sport et sobriété…

Non, décidément, ce type-là n’en a rien à carrer, et l’autodestruction est comme qui dirait son mode de fonctionnement par défaut.

Qu’il souffre d’un passé morbide ou qu’il soit juste dégoûté de la vie ou étanche aux concepts de santé, de beauté et de bonté, il est fréquent que l’anti-héros se drogue, picole, soit violent, erre aux limites de la marginalisation et de la loi, maître solitaire de son propre univers, testant sans cesse ses propres limites ainsi que celles des autres, quitte à se perdre à jamais, plutôt que de rester parqué entre les frontières d’une normalité qu’il exècre ou qui n’a juste aucune incidence sur lui et son comportement.

QUELQU’UN QU’ON RÊVE TOUS D’ÊTRE EN SECRET…

Harley Quinn dans Suicide Squad, anti-héroïne sexy et badass qui nous fait tous fantasmer…

Et c’est peut-être justement cette étrange liberté, cette folie qui lui est propre, cette existence hors du monde, cette indépendance viscérale, cette solitude, qui lui confèrent un rôle majeur, voire indispensable, au sein du monde de l’art…

Qu’on le veuille ou non, l’anti-héros nous confronte à nous-mêmes.

Fatalement, observer quelqu’un qui ne respecte pas la norme et qui obéit à des lois comportementales en marge des nôtres nous contraint à remettre en cause notre vision de la nature humaine, de l’éthique, de la justice, et donc, pour le dire clairement, de nos valeurs.

Comment un tel être a-t-il pu naître ? Où est-ce que la société a fauté pour qu’il émerge ?

Qu’est-ce que son existence signifie, et qu’est-ce qu’elle implique ? Comment se fait-il qu’il échappe au conditionnement alors que le monde entier y est soumis ?

Et si c’était finalement lui qui avait raison ?…

L’anti-héros ne sait pas où il va, mais ne prétend pas le savoir, contrairement à nous, et pourtant ça ne l'empêche pas d’avancer.

Il est détruit et rejeté, mais sa volonté de ne pas lutter pour réintégrer la société agit comme un message subliminal sur nous : et si le fait de vouloir se construire et s’améliorer pour être toujours plus parfait afin d’être finalement accepté, reconnu et aimé par nos semblables n’était qu’une illusion ?

Et si la perfection instituée comme idéal était l’antinomie de la liberté et en définitive, du bonheur ?

GIVE ME AN AMEN ! GIVE ME AN ALLÉLUIA !

La figure du anti-héros est donc aussi bien intrigante que nécessaire.

Pour être honnête, je me demande ce qui resterait à l’art si cet enfoiré n’existait pas. Sans doute un triste tas d’histoires sans envergure aussi soporifiques que consensuelles.

Mais je fais partie des gens qui considèrent que l’art doit mordre pour valoir le coup, et seul un bon vieux anti-héros peut assumer ce genre de plan. J’adore la psychologie torturée qui incite à creuser pour comprendre ce qui a pu transformer un personnage en électron libre ou en écorché vif, et invite à considérer la souffrance, la folie et l’isolement d’un œil soustrait de préjugés.

J’aime qu’une œuvre me force à reconsidérer les racines de la morale, de la justice, ainsi que celles du Bien et du Mal.

Et enfin, j’apprécie tout particulièrement qu’on provoque en moi cette sorte de jubilation malsaine qui s’éveille au spectacle des Joker, des Travis Bickle et autres Django lorsqu’ils prennent les rênes et décident de demander des comptes à cette société qui les ignore et les renie, en se comportant soudain comme les plus absolus des super-héros.

Django dans Django unchained, anti-héros qui commence esclave pour finir en libérateur, symbole flamboyant de la liberté, après un règlement de compte ultra jouissif !

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