Chamanisme, YouTube, Gonzo Zoë Hababou Chamanisme, YouTube, Gonzo Zoë Hababou

Alchimie et Chamanisme : Les 5 Conférences de la Tournée Européenne 2024

Il est stupéfiant de constater à quel point l’Alchimie et le Chamanisme fusionnent ensemble lorsqu’on étudie de près l’entraînement qu’ils proposent à l’Homme pour lui offrir de renouer avec sa partie immortelle. Rencontre avec le Gardien du Seuil, autrement dit l’ego, symbolisé par le dragon gardant jalousement en otage notre trésor intérieur, éveil du Feu secret des Sages, transmutation des ombres en lumière à travers l’exploration systématique de nos traumatismes, responsabilité totale face à nos vies amenant à assumer et honorer pleinement notre liberté, dépassement des peurs et des limites, volonté d’individuation et quête du Soi… Toute personne qui s’est déjà rendue dans la jungle pour diéter une plante ou qui a bu une coupe d’Ayahuasca sait que tout ce qui se passe dans le monde chamanique est profondément connecté à cela. L’Alchimie donne des clés de compréhension carrément indispensables à la réussite du travail personnel engagé en diète de plantes maîtresses ou en cérémonie d’Ayahuasca. Des points d’appui solides, des pistes de réflexion originales et rafraichissantes, des symboles évocateurs parfois très proches de ce qu’on rencontre chez les esprits végétaux, et surtout une cartographie claire et précise pour tout Voyageur Spirituel en train de négocier un difficile passage dans son existence…

L’Alchimie est l’Art des Transmutations. Le Chamanisme est l’Art du Voyage dans le monde spirituel.

L’un comme l’autre sont donc des arts ancestraux entraînant l’être humain à maîtriser l’Art du Passage, celui d’un état imparfait vers un état un peu plus parfait (transmutation), et celui du monde visible vers le monde invisible. Sauf que l’un ne va pas sans l’autre, car celui qui souhaite s’améliorer ne peut pas se dispenser d’une quête spirituelle, et celui qui tend à rencontrer le monde des esprits ne peut pas y aller depuis sa matérialité et son ego.

Si le Chamanisme et l’Alchimie partent du même principe de base, que tout est vivant, que tout a un esprit, et que toute matière n’est que de l’esprit condensé, de la lumière enclose dans l’écorce des choses, alors leur visée est la même : apprendre à l’Homme à retrouver la partie spirituelle de lui-même via un processus ou un chemin initiatique.

Mais contrairement à d’autres traditions ou voies d’apprentissage traditionnelles, ces deux arts sont également des sciences, qui partent donc des faits bruts, du monde tangible et immédiat de la matière, pour s’élever vers le domaine immatériel. Leur point commun le plus fondamental est celui-ci : chamans et alchimistes lisent dans le Grand Livre de la Nature Vivante pour y trouver les enseignements qui sont à la fois les racines et les branches de leur sagesse.

Leur contact avec le monde ordinaire, qu’il s’agisse de la jungle amazonienne ou de la vie de tous les jours occidentale, est la seule source qu’ils reconnaissent comme véridique pour commencer à apprendre sur eux-mêmes et sur la vie. Savoir déchiffrer les signes, décoder les situations, relier des évènements entre eux, et d’une manière générale, voir le monde extérieur comme un reflet ou une manifestation du monde intérieur, et donc chercher la vraie cause des problèmes et des maladies dans le royaume des esprits, constitue l’essence suprême de l’Art Initiatique dont ils sont les plus brillants représentants. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là.

Il est stupéfiant de constater à quel point l’Alchimie et le Chamanisme fusionnent ensemble lorsqu’on étudie de près l’entraînement qu’ils proposent à l’Homme pour lui offrir de renouer avec sa partie immortelle. Rencontre avec le Gardien du Seuil, autrement dit l’ego, symbolisé par le dragon gardant jalousement en otage notre trésor intérieur, éveil du Feu secret des Sages, transmutation des ombres en lumière à travers l’exploration systématique de nos traumatismes, responsabilité totale face à nos vies amenant à assumer et honorer pleinement notre liberté, dépassement des peurs et des limites, volonté d’individuation et quête du Soi… Toute personne qui s’est déjà rendue dans la jungle pour diéter une plante ou qui a bu une coupe d’Ayahuasca sait que tout ce qui se passe dans le monde chamanique est profondément connecté à cela.

C’est pourquoi il était important pour moi de faire connaître l’Alchimie aux personnes qui me suivent et qui pratiquent le chamanisme. Parce que l’Alchimie donne des clés de compréhension carrément indispensables à la réussite du travail personnel engagé en diète de plantes maîtresses ou en cérémonie d’Ayahuasca. Des points d’appui solides, des pistes de réflexion originales et rafraichissantes, des symboles évocateurs parfois très proches de ce qu’on rencontre chez les esprits végétaux, et surtout une cartographie claire et précise pour tout Voyageur Spirituel en train de négocier un difficile passage dans son existence…

… Passage qui peut potentiellement le métamorphoser en une version de lui-même dont il tombera amoureux, s’il sait comment guider son esprit vers toujours plus de liberté.

L’alliance du chamanisme et de l’alchimie : une voie royale vers la connaissance de soi

Alchimie & Chamanisme, conférences de Zoë Hababou

PLANTES ENSEIGNANTES ET TRANSMUTATION

  • Le principe de la diète de plantes maîtresses

  • Recevoir le savoir-pouvoir d’une plante

  • Le Kaya (principe vital)

  • Porter la Nature en soi

  • La partie obscure et la partie lumineuse des plantes

  • Comment les chamans apprennent directement de la Nature

  • Les icaros shipibos

  • Le souffle et le Tabac

  • Témoigner de l’Ayahuasca en tant qu’artiste

  • Les leçons de l’Ayahuasca sur la maîtrise de l’esprit

  • Transposer la diète de plantes en Europe ? 

  • Concentration, étude des rêves, attention portée aux ressentis corporels et émotionnels, exploration de nouvelles dimensions de soi-même, éveil de sa foi et de son pouvoir… Ce qu’on FAIT réellement en diète de plantes

  • La question de l’intégration

  • Le travail progressif avec les intentions et les rêves

  • Savoir se relier à ses plantes pour changer ses croyances

  • La médecine universelle des alchimistes

  • Qu’est-ce que l’Alchimie ?

  • Partir de ses défauts pour trouver les qualités qu’ils cachent

  • Appliquer le mal au mal, aller jusqu’au bout d’un problème pour le faire transmuter en son contraire

  • Le besoin d’éveils successifs pour atteindre le plein éveil

  • Savoir à quoi ressemble l’éveil afin de pouvoir plus facilement aller vers lui

  • Exploration des 7 péchés capitaux et de leurs vertus correspondantes

  • Responsabilité et liberté


AYAHUASCA ET ALCHIMIE

  • La découverte de l’Alchimie

  • La transmutation en diète de plantes maîtresses 

  • Borderline, voyage du héros et récit initiatique 

  • Les bases de l’Alchimie et du Chamanisme, de la lumière à la matière, la racine spirituelle de la maladie 

  • Le microcosme à l’image du macrocosme 

  • Récupérer le pouvoir sur sa propre personne et devenir le dieu de son microcosme

  • L’ego, ses peurs, ses limites et ses illusions 

  • Le trésor intérieur et le Gardien du seuil 

  • Faire du dragon un allié 

  • La réconciliation des contraires 

  • Les défauts sont des qualités immatures ou non révélées 

  • Transmuter la colère en force décapante 

  • On commence toujours avec le revers de la médaille 

  • Un changement de regard radical profondément optimiste 

  • Œuvre au noir et Œuvre au blanc 

  • Que faire de l'éveil ? 

  • Travailler avec ses rêves, relier l’inconscient au conscient 

  • L’Ajo Sacha et l’alliance cœur-esprit-volonté 

  • La dissociation d’avec le mental 

  • Faire de l’aiguillage en diète et vivre le résultat à la maison 

  • De nouvelles épreuves à la mesure de la puissance éveillée en diète : une initiation constante 

  • La diète de plantes pour parachever un cycle de mort/renaissance 

  • L’Œuvre au rouge 

  • L’Arc et la Flèche 

  • Trouver le sens de sa vie 

  • La question de l’intention dans la prise d’Ayahuasca 

  • Parler de l’expérience de l’Ayahuasca… ou pas ? 

  • Les limites de l’Ayahuasca prise seule 

  • Les illusions et le flow de la vie 

  • Trouver son feu sacré 

  • Honorer l’incarnation (envers et contre tout)


PLANTES MAITRESSES D’AMAZONIE

  • La nature des plantes maîtresses et la manière d’entrer en relation avec leur esprit : les règles fondamentales de la diète et leur explication

  • La création d’un espace sacré intérieur dans son corps-maison symbolique

  • L’ontologie des esprits végétaux et l’échange avec eux

  • Les différentes sortes d’Ayahuasca (cielo, raiz) et leur esprit collectif

  • Comment l’Ayahuasca emprunte notre propre cognition pour s’exprimer et développe un langage intime avec chaque expérienceur

  • La manifestation et l’action des plantes maîtresses

  • L’effort personnel à engager pour travailler avec les plantes et recevoir leur énergie vitale

  • L’agressivité essentielle à la Vie et l’affirmation de soi

  • La joie des plantes à explorer nos mondes humains intérieurs

  • Porter en soi l’essence des plantes et la partager aux autres

  • Le processus thérapeutique shipibo et l’apprentissage initiatique traditionnel

  • La nature musicale des icaros et leur transmission de Végétal à Humain, puis de chaman à patient

  • Guérir la morsure d’un serpent avec l’icaro de l’oiseau prédateur du serpent…

  • Être porteur de l’énergie de la selva avec l’armure de kené

  • Les visions et les rêves comme signes d’une diète réussie

  • Diète d’Ajo Sacha

  • Diète d’Ayahuasca

  • Exploration super détaillée du Tabac !

  • Mon étrange diète de Tabac…

  • Cérémonie de rapé et importance du souffle


ŒUVRE ALCHIMIQUE ET CHAMANISME

  • Aller plus loin avec les plantes

  • Révéler la lumière enclose dans l’écorce des choses : le lien entre Alchimie et Chamanisme

  • L’éveil du feu intérieur, la lutte du Soi contre le moi, la résistance de l’ego à notre volonté de changement

  • La rencontre avec le dragon

  • L’épreuve confrontante de la diète de plantes

  • Les attaques de l’ego durant l’isolement dans la jungle

  • L’aspect profondément bipolaire de la condition humaine

  • La découverte de son refuge intérieur

  • La force décapante de l’Amour et la nécessité de l’apprivoiser petit à petit

  • Être blessé par l’expérience du Soi

  • Incarner la lumière dans le monde ordinaire

  • Oser traverser les ténèbres et les regarder en face sans jamais les renier

  • Qu’est-ce qu’une diète croisée ?

  • Les forces éveillées par les plantes, la question de l’authenticité

  • La nature de Borderline

  • Le chaman de Borderline et la medicina cachée au cœur de ces livres

  • La rencontre réelle avec le chaman de Borderline

  • L’expérience de la tristesse transpersonnelle en Ayahuasca

  • Les différentes portes menant à la Transcendance et la nécessité d’aller au bout de soi-même pour opérer la transmutation

  • Les trois Œuvres alchimiques

  • Tomber les masques ! 


CERCLE DE PARTAGE

  • Carl Jung et l’Alchimie

  • Anima et Animus

  • Le lien entre la maternité et l’expérience psychédélique

  • Appliquer les enseignements des psychédéliques dans la vie ordinaire

  • Vivre l’éveil quand on est enfant

  • La transe comme nécessité fondamentale dans l’évolution humaine

  • Vivre avec le mystère, dans un espace sans limites ni définitions, est-ce cela la véritable expansion de la conscience ?

  • La Voie du Guerrier de Carlos Castaneda

  • Les matrices périnatales de Stanislav Grof et les changements soudains dans la vie

  • L’équilibre délicat entre concentration et lâcher-prise, rectitude et souplesse ; l’expérience psychédélique comme entraînement aux épreuves du réel

  • Le Flow

  • La Voie brève et les Philosophes par le Feu

  • La rétrocausalité quantique

  • La question de la sorcellerie dans le chamanisme

  • Le croisement de diète de plantes

  • Les fléchettes empoisonnées (chontas)

  • Comment savoir quelle voix écouter et quelle voie suivre ?

  • L'enthousiasme comme boussole ultime


POUR ALLER PLUS LOIN…

Borderline : Récit chamanique d’une transmutation

Un jeune hors-la-loi en deuil de sa jumelle part diéter l’Ayahuasca dans la jungle et réalise qu’il ne pourra guérir que s’il accepte de plonger au plus profond de ses ombres pour les transmuter en lumière.

Engagé corps et âme dans la Voie de l’Alchimie version Medicina, la liberté est loin d'être aussi douce que ce qu’il avait imaginé… car tout prétendant au titre doit affronter son pire ennemi : lui-même !

Psychose délirante et déjantée, errance métaphysique, thérapie rock n’ roll… ou alors voyage spirituel cinglant et formateur ?

ET ENCORE PLUS LOIN !

Comprendre la Medicina des Plantes

Rendre l’Être Humain à la Nature

Accueillir en soi l’Esprit d’une Plante

Le Voyage du Héros version Ayahuasca

FAQ Ayahuasca

Plantes Maîtresses Amazoniennes : L’Inventaire illustré


Lire la suite
Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou

Pensées Percutantes #3 : Rêves Lucides. Maître d’Armes. Psychomagie et Clint Eastwood.

ÇA FAIT 10 HEURES D’AFFILÉE QUE TU JOUES À WORLD OF WARCRAFT, BORDEL ! T’ES DÉSHYDRATÉ, MEC, DÉCROCHE, FAUT QUE TU BOIVES UN VERRE D’EAU, LÀ ! ENLÈVE TON PUTAIN DE CASQUE DE VR, RESPIRE UN COUP, SORS DE TON PUTAIN DE PERSONNAGE !

Un démon dans le miroir te regarde. La question qu’il pose remet en cause ta vie entière.

Qu’est-ce que Clint Eastwood ferait à ma place ? Si tout ça n’est qu’un jeu, l’idée serait peut-être de se choisir ou, encore mieux, de se créer un personnage à la hauteur de nos ambitions.

Devenir lucide est un phare qui permettrait de percer les nébuleuses du destin tout en guidant nos pas sur le chemin qu’on a réellement choisi. Un chemin qui ait du cœur, comparé à celui qu’on nous colle sous les bottes comme s’il n’existait que lui, et qu’en dévier serait signer son arrêt de mort…

Le rêve, le jeu, ce qu’on appelle la “réalité”. Pourquoi circonscrire son âme à des dimensions si restreintes alors que la nature sauvage qu’elle est n’aspire qu’à prendre la forme, toutes les formes de l’eau ?

Nouveau départ, changement, verrouillage de cible. Parait que c’est uniquement parvenu au pied du mur qu’on commence vraiment à vivre une vraie vie.

Une fois de plus, c’est NOW OR NEVER.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

LA QUESTION-TEST DU DÉMON

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : “Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement – et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières !”

Nietzsche, Le Gai Savoir

Si un démon se pointe soudain devant toi pour te dire que ton existence va se répéter à l’infini, sans aucune variation, ce serait quoi, ton sentiment envers ta propre vie ? Tu serais partant pour la vivre en entier à nouveau ?

La question du démon de Nietzsche me fait toujours penser à Fight Club. Quand Tyler demande à l’autre quel effet elle lui ferait, sa vie, s’il devait crever dans l’instant. Au final, qu’on cause de mort ou de vie éternelle, on dirait que ça revient au même. Une fois de plus, on fait face à la pensée la plus haute et la plus pesante à laquelle l’être humain doive répondre.

Si certains considèrent cette pensée comme un putain de fardeau, source d’une atroce paralysie, d’autres au contraire (dont je suis) y voient la possibilité de l’affirmation ultime de la vie. Le genre d’existence qui s’inscrit dans la joie et la volonté, car au fond, cette question n’est rien de plus qu’une injonction qui te pousse à agir de telle sorte que tu sois toujours heureux de le faire, encore et encore.

Nietzsche, tout comme moi, n’est pas franchement un tendre. Sa vision du truc, c’est que cette putain de question ferait chier les faibles dans leur froc. Les forts, eux, évidemment, assumeraient à mort de VOULOIR À JAMAIS chacune de leurs actions. Et passeraient la 5e pour vivre une vie encore plus dionysiaque.

Moi ce que je kiffe chez ce démon, c’est qu’il te contraint à réaffirmer ton point de pouvoir situé dans le présent.

Car c’est dans le présent que la volonté, la décision et l’action prédominent.

LE MAÎTRE D’ARMES ET CLINT EASTWOOD

A l’aube d’une nouvelle année, ça fait jamais de mal de se représenter la visite de ce connard de démon. Surtout si tu pars du principe que ce gars-là n’est personne d’autre que toi-même, venu te mettre en face de… toi-même. 

Y a quelque chose de beau à l’idée de se dire que ton plus puissant maître d’armes se trouve à l’intérieur de toi. D’une - et surtout vu l’intransigeance du type en question -, ça fait que tu crains plus rien ni personne, étant donné que ton pire ennemi, tu le connais intimement, et que t’as d’ores et déjà appris à le gérer tant bien que mal sans aide extérieure. De deux, eh bien… Faut bien faire quelque chose de sa vie, pas vrai ? Alors ça ou autre chose… autant se dévouer à une cause qui a du sens.

Est-ce vraiment un secret ? La seule cause qui t’intéresse vraiment, au fond, c’est la tienne. Et y a pas de honte là-dedans. Parce qu’instinctivement, tu sais que c’est la seule sur laquelle t’as un réel pouvoir. C’est la seule pour laquelle t’es prêt à mourir, et donc, fatalement… à vivre. Assumer ça, c’est probablement le plus grand pas que tu puisses faire pour honorer cette nouvelle année. Tu sais pourquoi ? Parce que tu vas enfin oser travailler sur ce MOI qui te fascine tellement, et faire de lui un truc dont tu vas être fier, encore, et encore, ET ENCORE…

Au fond, c’est quoi le but du sacré bilan de fin d’année et de ces connasses de bonnes résolutions ? Une chose : vérifier l’axe central de ta vie et ajuster son alignement.

Regarder droit dans les yeux celui que tu rêves d'être. Celui qui, s’observant dans le miroir, s’esclafferait sans retenue à la gueule du démon, avant de lui susurrer, sarcastique, avec la voix de Clint Eastwood : Encore toi, vieille enflure ? Toi et ta putain de question ? Hombre, j’ai comme l’impression que j’en suis plutôt satisfait, moi, de ma vie, et que je serais comme qui dirait partant pour rempiler avec elle pour un bon millier de nouveaux cycles d’éternité ! Retente le coup l’an prochain, pauvre naze. Cette année, j’ai bien peur que ce soit encore baisé pour toi…

Parlant de Clint Eastwood, voilà une citation réelle de lui, sur laquelle je suis tombée dans un livre alors que je faisais ma dernière diète : Je suis exactement le genre d’homme que je voulais être.

Putain, je me suis dit exactement la même chose. 

Qu’il rapplique, cet enfoiré de démon.

POINT DE POUVOIR

Un truc qu’est bon à se dire pour partir direct à donf sur la route du futur : Le point de pouvoir, c’est le présent.

Quand ça déconne dans la vie, c’est pas à cause d’une merde quelconque du passé sur laquelle t’aurais aucun contrôle. Bien que cette idée aille à contre-courant de cette noble version de l’Histoire qui nous rabâche que pour éviter de refaire les erreurs du passé (y a qu’à voir la gueule du monde moderne, sûr que ça fonctionne drôlement bien, hein, comme système !), faut en être conscient, blablabla, moi je pense qu’examiner le cul des dinosaures est contre-productif. 

Qu’on observe la chose d’un point de vue quantique ou plus simplement psychologique, le passé, le présent et le futur se modifient en permanence depuis le présent, selon que t’es bien luné (niveau psychologique) ou que t’es en train de faire bouger sérieusement les lignes de ton “destin” (niveau quantique). Passé, présent et futur sont simultanés. Donc changer le présent change automatiquement tout le reste. Et c’est bien de changement qu’on a envie à la nouvelle année, pas vrai ?

A bien y regarder, la mémoire possède les mêmes qualités que le rêve, et les souvenirs sont constitués d’images aussi immatérielles que celles des songes. On sait tous que se souvenir d’un rêve revient à l’organiser autrement. Tu le vois jamais dans sa totalité. Tu vois les parties que t’as sorties du maelström d’images selon ton niveau de conscience. Tout ce que tu fais, en fait, c’est le réduire afin qu’il entre dans les limites de ton moi individuel.

Eh bien, c’est exactement pareil avec la réalité. Rien de plus que ton interprétation limitée du truc. Tu vois uniquement ce que t’as capté et retenu selon ce qui correspond à ta vision éphémère de sa nature. En gros, tu la transformes en ce que tu penses d’elle, interprétation trompeuse sur laquelle tu fondes tes jugements et tes appréciations, qui n’ont rien d’objectif ni même de durable. Et chaque jour, tu fais pareil avec ton passé et ton futur.

Je vais le gueuler encore un coup : ÇA FAIT 10 HEURES D’AFFILÉE QUE TU JOUES À WORLD OF WARCRAFT, BORDEL ! T’ES DÉSHYDRATÉ, MEC, DÉCROCHE, FAUT QUE TU BOIVES UN VERRE D’EAU, LÀ ! ENLÈVE TON PUTAIN DE CASQUE DE VR, RESPIRE UN COUP, SORS DE TON PUTAIN DE PERSONNAGE !

Devenir plus conscient, ça revient à cesser de confondre la réalité objective et ce qui n’en est que ta perception subjective. Donc si, poussé par “l’esprit de bilan” qui s’empare chaque années des pauvres âmes par ces temps obscurs, tu t’autorises à regarder dans le passé, n’oublie pas que c’est uniquement pour en tirer des succès qui inspireront ton futur en les réactualisant. T’es tout sauf à la merci du passé, car ce truc-là n'est ni fixe ni causal. Tu le réécris en permanence à l’aune du présent. Tes souvenirs s'élaborent à partir de tes croyances actuelles.

Donc toi, c’est à partir d’elles que tu dois travailler.

Et lâche pas l’affaire tant que c’est pas ce putain de Clint Eastwood qui te reluque dans le miroir chaque matin.

RÊVER SA VIE EN MODE LUCIDE

Si la métaphore de Warcraft fonctionne bien, celle du rêve aussi. Au fond, qu’il s’agisse d’une simulation, d’une hallucination collective, d’un jeu ou bien d’un rêve, le fait est que dans la vie, pour rester lucide, faut savoir rester à distance. Contrôler l’identification. La plupart d’entre nous sont submergés dans une “réalité” qu’ils subissent en étant impliqués jusqu’à la garde, peu importe le bad trip sans queue ni tête que leur “rêve” leur présente.

Mais tu peux tout à fait voir la réalité comme un rêve, et apprendre à l’interpréter comme tu le ferais pour lui. Faut y aller façon Carl Jung (on fait pas mieux que ce gars-là niveau rêve, et pour avoir appliqué sa méthode durant ma diète de plante, je peux confirmer que la matière onirique prend un tout autre sens avec sa grille d’interprétation). 

L’idée est la suivante : quand il t’arrive une merde dans la vie, au lieu de chialer sur le mauvais sort, demande-toi : Pourquoi je rêve de ça ?

Le rêve est une thérapie naturelle. Un moyen de regarder tes désirs et tes problèmes en face. Il te file des infos sur l’état de ton corps, du monde et des évènements que tes croyances vont engendrer. C’est une sorte de banc d’essai pour les étudier et décider de celles que tu veux matérialiser. Et le secret pour l'interpréter convenablement, c’est de le faire à partir de ton état d’esprit actuel, sans chercher des significations ou des symboles génériques qui te perdraient en t’entrainant sur de mauvais chemins. Une fois de plus, la réponse est en toi. Et ça, c’est franchement cool.

La méthode de Jung, c’est celle-ci : 

  • 1 : Définir le contexte dans lequel le rêve est fait. Aller au plus simple par rapport à ta situation actuelle. Trouver la problématique majeure qui t’anime en ce moment.

  • 2 : Se livrer à la technique de l’association libre. Qu’est-ce qui te vient à l’esprit en premier pour chaque élément du rêve ?

  • 3 : Commencer à interpréter le rêve selon ta situation consciente actuelle. C’est le signe sous lequel le placer. Quelle est l’attitude consciente qui est compensée par ce rêve ?

  • 4 : Trouver le sens du rêve. En vue de quoi est-il fait ? Pourquoi, dans quel but ? Dans quelle finalité ?

Interpréter un rêve par soi-même en suivant cette méthode, c’est apprendre à l’ego à faire usage de ses pouvoirs, lui montrer comment se servir de ses facultés d’assimilation. En gros, c’est redonner le pouvoir à cette partie consciente de toi qui est parfaitement capable d’entrer en communication avec ta partie inconsciente. Mais surtout, c’est permettre une réelle communication entre ces deux mondes qui t’habitent… Et bordel, pour l’avoir fait pendant un mois entier en diète, je peux te dire que ça change la vie.

Surtout que… la méthode que je viens de te donner, t’es censé t’en servir aussi avec ta réalité de base.

Tu choisis tes “symptômes” pour qu'ils t’apprennent un truc.

A l’heure actuelle, nos symptômes, c’est nos vies entières.

PSYCHOMAGIE

Et si pour guérir ta vie, tu considérais que ces symptômes ne sont pas les tiens, mais ceux de celui que tu crois être ? Si la meilleure résolution que tu pouvais prendre était de venir à bout des interdits, des limites, en quittant les chemins qui t’appartiennent pas, en cessant de poursuivre des idéaux qui t’ont été imposés, jusqu’à parvenir à être quelque chose qui ne se définit pas lui-même ?

Ça ressemble à Bruce Lee et son fameux Be water, my friend ? C’est précisément l’idée…

Moi, ce truc de cesser de te définir, d’arrêter de te foutre des grosses étiquettes sur la tronche (comme dans ce jeu débile où tu te colles la carte d’un personnage que t’ignores et que les autres doivent te faire deviner) que tu passes ta vie entière à défendre bec et ongles, à protéger ce qu’elles sont censées représenter, d’endosser un rôle dont il t’est ensuite impossible de dévier, parce que les autres exigent de toi que t’y colles jusqu’à la mort, peu importe ton désir d’évoluer, de restreindre et de contraindre ton âme dans un récipient trop petit pour elle (comme de l’eau comprimée dans un dés à coudre, ouais) en te demandant derrière pourquoi elle pleure chaque jour…

Eh bien, ce truc, je rêve que de ça.

Mais j’ai parfaitement conscience que c’est nous, et personne d’autre, qui infligeons ça à notre âme. Et vu que j’adore la responsabilité induite par la condition humaine et la liberté qu’elle permet, moi, j’ai décidé de la sortir de là, mon âme. J’ai décidé de la laisser redevenir aussi grande et sauvage que ce qu’elle a toujours été.

On sait qu’il existe une relation étroite entre notre psyché et le monde. Que celle-ci manifeste des choses dans celui-là. Mais ce qu’on sait moins, c’est qu’il y en a une également, d’étroite relation, entre nos gestes dans le monde et notre psyché… Ça marche dans les deux sens.

L’idée est de renverser la perspective. Ça t’est jamais venu à l’esprit, de jouer de la réalité matérielle pour atteindre ta réalité psychique ? A partir de maintenant, considère que ce que tu fais au monde, tu te le fais aussi à toi-même. Et si tu veux avoir un peu de contrôle sur l’expérience, alors va falloir te plonger dans ce qu’on appelle la psychomagie.

Nan, je compte pas te faire un cours là-dessus ici. T’as qu’à te procurer l’un des bouquins de Jodorowsky sur le sujet.

La première chose à faire est de te débarrasser de ton ancien moi. De lui faire connaître une sorte… d’enterrement. C’est un thème que j’aborderai plus en détail lors du compte-rendu de ma dernière diète, mais c’est pas le bon endroit pour en parler ici. Sache juste que quand on cause métamorphose et renaissance, c’est le genre de rituel qui peut s’avérer essentiel si on tient à faire les choses sérieusement.

Ensuite, puisque ce putain de truc n’est après tout qu’un jeu avec des personnages qu’on customise, pourquoi choisir le loser de service qui se fait sans cesse laminer par la life avec une barre d’énergie (mon pote Brice Amiot dirait le QI) au ras des pâquerettes et des armes qui valent pas un clou ? C’est vrai, quoi, faut être un peu con… Autant se bricoler un personnage bien badass !

L’avantage d’un costume de scène, c’est qu’il t’offre la liberté d’agir sans répéter les conduites imposées qui ont fait ton “identité”. Tu peux alors te réinventer en entier. Le tout est de croire en la possibilité de ta métamorphose… Et ça n’a rien de difficile, en fait. Tant que tu fais pas la connerie de confondre la notion “d’effort” avec celle “d’endurer”.

Quand tu subis ta vie en état d’impuissance, là ouais, t’endures de ouf.

Quand tu batailles férocement avec toi-même pour cesser de te définir selon des critères qui te limitent, tu fais des efforts pour devenir toujours plus ce que tu rêves d’être. Et vu que c’est uniquement pour toi que tu le fais, c’est TRÈS agréable…

La personnalité, comme tout le reste, est une question de choix. Tu peux choisir d'être ce que tu veux. Le tout est d’avoir identifié ta Pensée Maîtresse. Et considérant que toute création implique liberté, ou du moins, volonté propre, seul celui qui ose détruire les vieilles valeurs paralysantes et enfanter ses propres lois peut espérer engendrer un nouveau monde, être à l’origine d’une œuvre qui ne porte pas le sceau de l’esprit apeuré, soumis, morbide et finalement nihiliste, du groupe.

La mienne, de Pensée Maîtresse 2024, c’est ça : Que mon esprit devienne celui d’un samouraï en acier trempé.

Et pour paraphraser une nouvelle fois mon pote Brice : Le Guerrier aiguise son âme comme un sabre afin qu’elle foudroie d’un trait toutes ses illusions et faiblesses et qu’elle s’impose comme seul maître à bord.

J’aime bien le personnage d’Harley Quinn. Elle inspire ma vie quand, face à une situation délicate, je me demande comment je devrais agir, ou même penser. Elle m’incite à prendre le truc à la rigolade façon Trickster, tout en ayant les couilles de choper ma batte pour défoncer la gueule à tout ce qui me fait chier.

Attention, hein, je dis pas qu’il faut s’identifier vraiment au personnage. Merde, retombons pas dans les mêmes conneries !

Je dis juste qu’apprendre à jouer avec la vie et surtout avec l’image qu’on se fait de soi-même est sans doute la meilleure putain de bonne résolution qu’on puisse prendre pour commencer à devenir celui qui fera un bon gros doigt d’honneur bien senti au démon quand il se pointera pour poser sa maudite question…

© Zoë Hababou 2024 - Tous droits réservés


Les liens Amazon de la page sont affiliés. Pour tout achat via ces liens, le blog perçoit une petite commission.
Ainsi vous contribuez sans effort à la vie de ce blog, en participant aux frais d'hébergement.


Lire la suite
Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou

Rencontre avec un Chaman Shipibo

Quand le fameux Balthazar de La Gazette de l’Abîme m’a contactée pour m’annoncer que ma contribution à ce média serait bienvenue et qu’en plus, j’avais CARTE BLANCHE, en deux temps trois mouvements j’étais devenue une bête furieuse à l’affût de son prochain carnage chamaniquo-gonzo… Mais le truc, c’est que j’avais envie de m'attaquer à quelque chose d'inédit. Ça me disait rien de sortir un vieux texte convenu sur l’Ayahuasca qu'apprendrait rien à personne. Donc j’ai fait jouer mon réseau, que j’ai allègrement maudit quand je me suis retrouvée avec quatre pages de questions toutes plus intelligentes les unes que les autres… Jusqu’à l’illumination. J’ai appelé Balthazar. Il a dit banco.

Quand Balthazar Benadon - le mec qui m’avait interviewée au sujet de la diète de Plantes Maîtresses pour sa chaine Youtube La Gazette de l’Abîme - a sorti un blog, j’étais aux anges (parce que j’adore les blogs). Mais quand il m’a proposé d’y participer en lui pondant un article, ma cote de joie a direct pété tous les scores !

La Gazette de l’Abîme, c’est donc à la fois une chaîne Youtube dédiée à l’exploration de la conscience et au voyage psychédélique qui propose des interviews, des témoignages, des films d’animation, mais aussi des conférences et des entretiens, ainsi qu’un site qui est en réalité un média visant à unifier la communauté psychédélique francophone autour du partage et de la réflexion. En gros, un espace de parole où tout le monde peut s’exprimer sur ce sujet qui nous enflamme, le psychonautisme.

Alors quand le fameux Balthazar m’a contactée pour m’annoncer que ma contribution à ce média serait bienvenue et qu’en plus, j’avais CARTE BLANCHE, en deux temps trois mouvements j’étais devenue une bête furieuse à l’affût de son prochain carnage chamaniquo-gonzo…

Mais le truc, c’est que j’avais envie de m'attaquer à quelque chose d'inédit. Ça me disait rien de sortir un vieux texte convenu sur l’Ayahuasca qu'apprendrait rien à personne. Donc j’ai fait jouer mon réseau, que j’ai allègrement maudit quand je me suis retrouvée avec quatre pages de questions toutes plus intelligentes les unes que les autres… jusqu’à l’illumination.

J’ai appelé Balthazar. Il a dit banco.

Interview imaginaire d’un chaman shipibo disparu par son ancienne disciple ayahuasquera

Rencontre avec un chaman Shipibo

L’entretien que vous allez lire est fictif. Si le chaman qui répond ici aux questions de l’auteure a réellement existé, le dialogue rapporté dans ces lignes n’a eu lieu que dans l’imagination de son ancienne disciple. Cependant, la véracité des informations révélées au cours de cet entretien ne doit pas être remise en question.


Wish et moi on s’est calés sur le plancher de la maloca, une bonbonne de flotte et un sachet de mapachos à portée de main, histoire d’avoir des munitions pour tenir tout le long de cette foutue interview. Vu le nombre de trucs que les gens voulaient savoir, on savait qu’on était bons pour y passer la soirée. Mais c’était l’occasion de papoter entre nous de notre sujet préféré, l’Ayahuasca, alors c’était pas si terrible que ça.

— Bon, j’imagine que le premier truc à faire, c’est de te présenter, nan ?

— Ça me paraît logique. Mais si je m’y colle, toi aussi va falloir que t’y passes.

— Tu fais chier…

— C’est simple, regarde : Je m’appelle Wish. Je suis chaman Shipibo.

— C’est un peu light…

— C’est suffisant pour le moment. A toi.

— OK. Je m'appelle Zoë. Je suis écrivain-ayahuasquera.

— Tu vois, rien de plus facile.

— Ça fait longtemps que t’es chaman ?

— Tout dépend de comment on voit les choses. Chez nous les Shipibo, on sait d’avance lesquels d’entre nous vont être curanderos. Les abuelos le voient dans les cérémonies. Du coup, quand un futur chaman est dans le ventre de sa mère, celle-ci doit boire de l’Ayahuasca avant même que le gosse naisse.

— Tu veux dire que la mère se tape des cérémonies quand elle est enceinte ?!

— Nan, pas des cérémonies. Elle boit juste une petite gorgée d’Ayahuasca, comme ça, de temps en temps. Histoire que le bébé soit imprégné avant même sa naissance.

— Attends, avant d’aller plus loin, faut qu’on précise un truc. Là d’où je viens, y a des gens qui s’offusquent qu’on emploie le terme “chaman”, qui vient pas d’Amérique du Sud, pour désigner les curanderos qu’utilisent l’Ayahuasca. C’est quoi ta position là-dessus ?

— Je m’en tape. Tu peux m’appeler chaman, curandero, magicien ou n’importe comment. C’est que des mots, tout ça. L’intérêt du terme “chaman”, c’est qu’à peu près tout le monde sait direct de quoi on cause. C’est un truc d’Occidentaux de se formaliser comme ça sur un putain de mot. On s’en cogne, nous, tu sais.

— D’accord. Merci pour la précision. Continue ton histoire de bébés.

— Bah ensuite, quand le môme est sorti, on lui colmate le nombril avec de la sève de Piñon Colorado. C’est un très bon cicatrisant, mais c’est surtout une plante maîtresse. Comme ça, une fois de plus, il a en lui l’essence de la medicina, tu comprends. Le nombril est un point majeur chez l’être humain. C’est son centre, c’est là qu’est concentrée son énergie. D'ailleurs, quand on chante un icaro, c’est là qu’on le fait. C’est là qu’on insuffle la médecine ou qu’on s’emploie à retirer le mal.

— Pourtant je te vois pas en train de me chanter au niveau du ventre tous les quatre matins ? Et puis avant la cérémonie, c’est plutôt vers le haut que tu me souffles du tabac. La tête, les épaules, les mains…

— Avant la cérémonie, c’est différent. C’est pour te protéger. Et aussi pour voir où t’en es avec l’Ayahuasca. Quand je te souffle sur la tête, si la fumée reste longtemps collée à ton crâne, ça veut dire que l’Ayahuasca t’aime et qu’elle te veut. Et je te garantis que c’est pas une question de cheveux. Ça marche aussi avec les chauves. Ensuite, pour ce qui est du nombril, t’as pas besoin que je vienne chanter pile dedans pour que mes icaros soient dirigés vers lui… Mais c’est bien là que je chante.

— D’accord. Continuons avec les bébés chamans.

— Tu veux savoir quoi ?

— Ben, comment on passe du bébé rafistolé avec du Piñon Colorado au vrai guérisseur, quoi.

— C’est un chemin atrocement long.

— Atrocement ?

— Ouais. En fait, la plupart d’entre nous n’ont pas spécialement envie de devenir guérisseur officiel de la communauté. Enfin, disons qu’à l’époque, c’était pas le cas. Maintenant, avec la folie que c’est devenu, tout le monde rêve que de ça, mais sans être disposé à faire les sacrifices qui vont avec… et surtout sans que ce soit dirigé vers la communauté elle-même.

— C’est un sujet qu’on abordera plus tard. Parle-moi plutôt du truc à l’ancienne.

— Traditionnellement, t’as donc un moutard tout à fait basique dont tout le monde sait à quoi il est destiné, sauf lui, dans le sens où y a de fortes chances qu’il rechigne avant d’embrasser sa destinée. Moi par exemple, et je suis loin d'être le seul, il a fallu un truc comme une maladie qui m’a presque tué avant que j’accepte de suivre ma vocation.

— Raconte.

— C’est une très longue histoire… Pour résumer, j’étais un vrai petit con à l’époque, et devenir curandero, ça me disait carrément rien. Une nuit pourtant j’ai fait un rêve qui m’annonçait mon futur. C’est un truc qu’arrive souvent aussi, ça. Les esprits nous appellent en rêve, c’est leur méthode préférée pour faire connaître leurs intentions. Et quand tu racontes ton rêve à ton abuelo, il te le décrypte et fait le point sur ce que les esprits attendent de toi. Bref, malgré ce rêve, je voulais toujours pas être chaman, et je me suis enfui de la communauté. C’est là que j’ai été frappé par le Chullachaki, l’esprit gardien de la forêt, et sans mon grand-père, je serais mort. Il est parvenu à moyenner avec lui en buvant de l’Ayahuasca chaque nuit jusqu’à ce que je me rétablisse. Il m’en a fait boire à moi aussi. J’avais huit ans. En gros, il a négocié ma guérison contre ma promesse d’embrasser ma vocation. Et il est devenu mon maestro.

— Putain, y aurait tant à creuser… Ce truc de frôler la mort par exemple, paraît que c’est quasiment indispensable pour devenir chaman…

— Ça fera l’objet d’une prochaine interview !

— T’as raison, essayons de rester focus. Je crois que ce qui intéresse vraiment les gens, c’est de savoir comment ça se déroule, l’initiation chamanique traditionnelle.

— C’est hardcore !

— Ça t'as traumatisé ou quoi ?

— Presque ! Sérieusement, faut être fort dans sa tête pour supporter un trip pareil. T’as intérêt à avoir une putain d’assise mentale, et les couilles bien accrochées, c’est moi qui te le dis. Y a des tas de fois où j’ai eu l’impression de devenir fou... Même en tant qu’indigène, alors qu’on a ça dans notre culture depuis tout bébé, ça reste un truc de malade. C’est peut-être aussi que j’étais trop jeune, mais bon, une fois lancé, il était pas question d’interrompre l’initiation en plein milieu...

— Allez, balance !

— Bah t’es là, paumé dans la jungle, tout seul comme une merde, à te vider par tous les côtés. Tu prends une plante, et elle te fait dormir comme un mort trois jours durant, avec des rêves comme t’en avais jamais eu de ta vie. T’en prends une autre, et elle te fait dégueuler encore et encore, alors que tu bouffes quasiment rien. Encore une, qui te donne des visions incroyables, des trucs épouvantables de puissance qui te collent au plafond. Et encore une, qui t’affaiblit à un point insurmontable, que tu peux même plus te lever ou bouger la tête pour changer de position dans ton hamac. Et puis une autre, qui elle, la salope, te donne des envies de baiser inimaginables, et t’es là comme un con avec ta trique qui menace de te crever ton ben, et tu penses sérieusement à aller enculer un arbre tellement t’en peux plus.

— Mais whaaaaat ?!!

— Je déconne pas ! C’est vraiment chaud comme truc. Mais bon, l’idée c’est qu’en gros tu vas t’isoler dans la jungle, dans un tambo, pendant plusieurs années, pour que les esprits des plantes t’acceptent et deviennent des alliés qui mettront leurs énergies à ta disposition pour que tu puisses voir et guérir.

— OK, on va essayer de classer ça correctement. Isolement. Diète de plantes maîtresses. Guérison. Pourquoi un tel isolement ? Tu vois vraiment personne pendant des années ?

— Seulement ton maestro. Le truc de l’isolement, c’est pour plusieurs raisons. Toute pratique qui vise la connaissance requiert un temps où on s'exclut volontairement du monde, ça, on n’a rien inventé. Quand t’es tout seul dans la selva, sans parler et sans distractions, ton être va commencer à faire le tri en toi. Tes pensées vont se modifier. Ton esprit va entrer dans une phase que la vie ordinaire interdit. Une sorte de silence intérieur, tu vois. Peu à peu, tu commences à t’habituer à regarder la jungle comme une extension de toi-même. En allant te balader, ça devient normal pour toi de te sentir comme une infime particule d’un gigantesque organisme enveloppant tout ce qui est, jusqu’aux être inorganiques comme les rochers ou l’eau de la rivière, le vent dans les cimes et la foudre qui tonne. Tu réalises que toi-même t’es qu’un fragment de tout ça, et que ta conscience porte en elle toute la conscience du monde, tout simplement parce qu’y en a qu’une seule, de conscience. La forêt te parle par signes, et les synchronicités dont tu fais l’expérience sont de plus en plus fréquentes. Ça s’arrête plus, en fait. La diète éveille en toi un instinct. Tes intentions produisent des signes qui se manifestent dans la jungle, et ces signes te renseignent sur ton âme. Certaines de tes pensées semblent faites de la même énergie que la vie elle-même, comme si la vie pensait… ou se pensait à travers toi. Et c’est comme ça que tu commences à communiquer avec ton être profond, la selva entre vous comme une sorte d’interface, de traductrice, sur laquelle vous projetez vos questions et vos réponses. En parlant avec le monde, c’est avec toi-même que tu parles, et inversement. Tout devient si étroitement lié, la conscience, l’énergie, la nature... À travers toi, c’est le monde qui parle avec lui-même. C’est ça que tu découvres. C’est ça, le but de l’isolement. C’est ça, devenir chaman. Ne plus se sentir séparé du monde. Mais évidemment, c’est une voie très difficile, parce que c’est bien plus flippant de se confronter à soi-même, à l’intérieur, plutôt que de chercher un sens à la vie en la considérant depuis l’extérieur. Tant que tu refuses de subir cette confrontation, et ça vaut pour tout le monde, chaman ou pas, tout ce que tu fais en croyant poursuivre un but, c’est que de la gnognotte, que du pipi de chat. Ça signifie que t’éludes le véritable combat, parce que tu cherches tes réponses en dehors de toi, par peur de creuser vers l’intérieur. Mais le problème, c’est que tant que tu l’as pas fait, la vie restera pour toi… absurde.

— La vache, c’est super puissant ce que tu dis…

— Toute personne qui souhaite devenir chaman est forcée d’accomplir ce travail-là. Ça n'a pas de sens, sinon. L’autre truc intéressant avec l’isolement, c’est que ça favorise les rêves. Ils deviennent plus profonds, plus significatifs. La diète fait remonter beaucoup de choses, comme tu le sais. Elle rend poreuse la paroi entre les mondes. Des échanges se créent entre eux, c’est ça qui permet d’amplifier ta conscience. En ouvrant des mémoires, les tiennes et celles de l’humanité en général, elle t’amène à voir ta personnalité et le monde autour de toi sous un jour nouveau. Elle ouvre tous tes sens, même ton sens intérieur, celui qui perçoit avec les yeux de l’âme. Du coup, c’est normal que les rêves affluent. C’est ça qui te rend plus libre et plus vrai, dans un sens. Et fragile aussi, bien sûr. Mais pour ce qui est des rêves, quand t’es en diète, faut profiter de l’éclairage qu’ils apportent. Les laisser travailler en profondeur. Ne pas hésiter à dormir quand t’en as envie. Les rêves sont de bons maîtres, ils ont des tas de trucs à nous apprendre.

— Ouais, ça je sais.

— Les actions symboliques des rêves ont autant de poids que les actes dans la réalité ordinaire, c’est pour ça que quand tu t’approches de la vérité, les rêves se font de plus en plus nombreux et de plus en plus intenses. Ça veut dire que ta personne entière est engagée dans le processus d’évolution, qu’aucune partie de toi n’est en sommeil ou en repos, et ça t’offre la possibilité de continuer le travail d’une autre façon. Quand tu diètes, les songes ont de plus en plus de présence en toi, même dans la journée, et ils en viennent à faire partie de toi comme de véritables souvenirs, au point d’occuper la même place dans ta conscience que des actes réels. Je sais que c’est difficile à comprendre pour les gens de ta culture, mais c’est vrai, pourtant. Alors à toi de voir si tu préfères faire les choses avec ta conscience classique ou dans tes songes, ou même pendant une cérémonie. Ça aura le même effet, à un niveau psychologique et à un niveau factuel. L’esprit est partout de toute manière, alors ça revient au même. Et donc, au bout d’un certain temps, les esprits des plantes commencent à te chuchoter leurs messages…

LIRE L’INTÉGRALITÉ DE L’ARTICLE SUR LA GAZETTE DE L’ABÎME

© Zoë Hababou 2023 - Tous droits réservés


Lire la suite
Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou

Pensées Percutantes #2 : Feu Sacré. Idées mortelles. I Ching et Mutations.

Les jours se transforment en semaines, tu ne dors plus que quatre ou cinq heures par nuit, tes yeux te brûlent en permanence, ton cerveau rame, t’as l’esprit déglingué, le palpitant commence à déconner, la tension nerveuse est le seul truc qui te permet encore de tenir debout, ou du moins, de “fonctionner” suffisamment pour continuer à écrire. Tu es dangereusement proche du point de rupture, tout ton être te le crie, mais rien ne peut plus arrêter la machine, c’est trop tard, et la solitude fait que tu regardes en toi comme si tu contemplais l’univers. Quand tout est une seule et même chose, tu peux rester cloîtré dans une grotte et découvrir les secrets du cosmos. Rappelle-toi juste que si tu regardes longtemps un abîme… l’abîme, lui aussi, regarde en toi.

Affamée, violente, solitaire, sans Dieu : ainsi se veut la volonté du lion.
Des paroles de Nietzsche qui résonnent sourdement dans la tête en arrière-fond.

Celui qui ne vit que pour se sentir vivant est aussi celui qui fera le sacrifice de sa vie au Feu.
Car ce dont tu veux vivre est aussi ce pour quoi tu es prêt à mourir.

Pulsion de vie et pulsion de mort engagées dans un combat sans merci, bras de fer entre deux puissances contraires qui s’accouplent le temps d’un féroce tango.

Renoncer à toute mesure, toute raison. Ne plus manger. Ne plus dormir. Ne plus parler.
Obsession.

Se laisser hanter par son œuvre et prendre le risque de cesser d’exister, devenir le fantôme d’un artiste créé par l’œuvre qu’il est en train de mettre au monde.

Marcher tout droit vers son dernier horizon jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

FEU SACRÉ, DRAGON, SACRIFICES

Beaucoup trop de gens parlent du Feu Sacré sans avoir la moindre putain d’idée de ce qu’il signifie, et encore moins de ce qu’il implique. Ils l’évoquent d’une façon apaisée et même conventionnée, comme si abriter un tel dragon en soi était aussi coolos qu’une veillée chez les boy-scouts à faire cramer des marshmallows.

Connerie de monde où les paroles et l’apparat ont remplacé les actes et la détermination. Vouloir l’aura, la gloire et les honneurs de l’Artiste sans oser être dérangé et même endommagé par l’Art. Croire qu’on peut s’enorgueillir du statut de Guerrier sans être salement disposé à la confrontation avec soi-même, à être poussé dans ses derniers retranchements. Se vanter qu’on héberge une bête féroce alors que la moindre secousse nous terrifie et qu’on ne supporte aucune ambiguïté, aucune perte de contrôle, aucun chaos en soi.

Comme si tout rayonnement ne venait pas avant tout de l’intérieur…

Y a un truc à savoir concernant le Feu Sacré, avant de prétendre faire joujou avec lui. Ce truc est un dragon, d’accord ? Et comme tout bon dragon qui se respecte un minimum, il est sauvage, vorace, impitoyable. Et terriblement intense.

Au début, il hypnotise et obsède. A mi-chemin, il exige des sacrifices et asservit. A la fin, il est devenu le maitre de celui qui le nourrit et il le dévore. Point barre.

Mais naturellement, la condition sine qua non pour qu’il existe, c’est de fondamentalement croire en lui.

Le Feu Sacré peut être quasiment n’importe quoi. Selon ce qu’il représente, le bois qui l’alimente et les sacrifices qu’il requiert seront différents, bien qu’il s’agira toujours d’offrandes très intimes. Ensuite, à toi de voir jusqu’où tu seras prêt à aller pour le maintenir en vie. Parce que son truc, c’est qu’il a TOUT LE TEMPS faim.

Ce Feu, il va te faire danser sur une corde raide. Passé un certain niveau d’implication, la frontière entre passion et addiction s’efface. La passion qu’il t’inspire te nourrit, tandis que l’addiction aux flammes te vide. C’est un échange de fluides, sorte de rapport mi-symbiotique, mi-parasitaire. L’idée est juste d’être conscient qu’une flamme sacrée est nettement susceptible de devenir une flamme mortelle quand l’amour qu’elle inspire vire à l’obsession, voire au fanatisme.

En tant que Guerrier, on peut facilement basculer de l'autre côté sans s’en rendre compte. Et n’avoir aucun désir de faire machine arrière.

La vérité est que les plus grands savants, les plus puissants guerriers, les artistes les plus accomplis, les sages les plus vénérables et les révolutionnaires les plus engagés sont ceux qui ont consumé leur vie entière dans une seule et unique flamme. Y a pas de différence entre un fou et un génie. Les deux absorbent en eux-mêmes les flammes qui jaillissent d’eux.

Ouais, c’est dangereux de rider un dragon, et c’est justement pour ça que c’est bon.

Mais certains devraient se contenter de faire griller des marshmallows.

L’INSPIRATION EST UN MALÉFICE

Le Feu Sacré marche de paire avec l’inspiration. Elle est le souffle qui attise les flammes. L’énergie qui insuffle une direction au dragon. Quand le Feu commence à bien brûler et à te consumer en-dedans, la voilà qui se pointe. Nonchalante comme seul peut l’être un ange déchu. Ses deux immenses ailes noires déchiquetées négligemment déployées autour d’elle…

Enchanteresse, lascive, bandante comme jamais. Le magnétisme qui transpire d’elle est si vif que ça fait presque mal de la regarder. Elle aussi est faite avec des flammes, et son essence est aussi bouillante que de la tequila assaisonnée de sel et de citron vert.

Elle excite tes sens et les incise, les tordant d’un désir lancinant, sourd, violent, torturé, que seul le plaisir de la possession la plus torride et la plus absolue pourra combler.

Puis, elle entre en toi. Elle s’offre à toi. Te fait l’amour comme jamais, à l’intérieur. Elle te rend complètement dingue. Partir dans un corps à corps avec elle, c’est la laisser te transfuser des délices les plus dionysiaques et des abîmes les plus denses où t’auras un jour l’aubaine de chuter…

Le problème avec elle, c’est qu’elle est foutrement sournoise. Fatalement, être si désirable lui donne les pleins pouvoirs. Comme ça, petit à petit, sans en avoir l’air, elle agit comme une fleur carnivore dont les couleurs t’hypnotisent tandis que le venin te paralyse. Ça fait pas mal. Tu sens absolument rien quand, lentement, elle commence à te dépouiller de ta substance.

Et un beau jour, tu réalises que tu es devenu… sa marionnette.

PACTE AVEC LE DIABLE

Il t'arrive un truc chelou quand tu passes des jours et des jours à écrire, seul, sans croiser personne. Passer la première phase de jubilation euphorique, tellement t’en reviens pas d’être autant inspiré, tu pénètres dans un stade de conscience inconnu.

Les contours de ton être s'effacent. Les limites entre tes pensées et ton manuscrit se désagrègent. L’histoire que t’es en train d’écrire te poursuit partout.

Quelque chose t’a pris en sa possession.

Manger, dormir, parler à des gens. Pour quoi faire ? Cette garce d’inspiration te donne tout ce dont tu as besoin. Sauf que c’est pas vraiment toi qu’elle nourrit. Elle en a rien à carrer, de toi. T’es rien de plus qu’une machine pour elle. Un cerveau à son service, qui traduit ses intentions et ses visions en mots. Des doigts à sa disposition, qui frappent sur des touches pour graver ces mots dans la matière. Rien de plus qu’un médium qui s’offre à sa volonté.

Ouais, elle en a vraiment rien à battre de ta personne. C’est ton âme qui l’intéresse. C’est ton âme qu’elle veut, c’est elle qu’elle ensorcelle. Elle utilise ce qu’elle trouve dedans pour densifier ses pensées.

Et vraiment, peu importe si ce qui lui sert de marionnette se transforme jour après jour en vieux squelette sans amis, les yeux comme deux trous de pisse dans la neige à force de fixer l’écran, recroquevillé sur son ordi. Du moment qu’il continue à taper l’histoire sur le clavier…

Et avec le peu de conscience humaine qui te reste, tu te demandes, hébété, si ta muse est aussi belle qu’elle en avait l’air, et si l’inspiration n’est pas à la fois un dieu et démon.

OBSERVER LONGUEMENT UN ABÎME…

Les jours se transforment en semaines, tu ne dors plus que quatre ou cinq heures par nuit, tes yeux te brûlent en permanence, ton cerveau rame, t’as l’esprit déglingué, le palpitant commence à déconner, la tension nerveuse est le seul truc qui te permet encore de tenir debout, ou du moins, de “fonctionner” suffisamment pour continuer à écrire. Tu es dangereusement proche du point de rupture, tout ton être te le crie, mais rien ne peut plus arrêter la machine, c’est trop tard, et la solitude fait que tu regardes en toi comme si tu contemplais l’univers. Quand tout est une seule et même chose, tu peux rester cloîtré dans une grotte et découvrir les secrets du cosmos. Rappelle-toi juste que si tu regardes longtemps un abîme… l’abîme, lui aussi, regarde en toi.

Seule l’œuvre compte désormais. Elle dépasse et terrasse celui qui l’engendre. Aucune chance qu’il puisse encore se croire maître de ce qu’il crée. S’il a les couilles de pousser son art à son paroxysme, son œuvre devient plus grande, plus importante que lui, au point qu’il ne puisse même plus la comprendre pleinement.

C’est l’œuvre qui crée l’artiste, pas l’inverse.

Il y a une tentation malsaine à songer qu’il existe un art non destiné à la gloire, secret, sublime, que l’artiste ne pourra mettre au monde et peut-être comprendre qu’en disparaissant. Mort symbolique, suicide psychique. Meurtre émotionnel. Ça revient au même, pas vrai ? Tout ça n’est que le symbole d’une chute hors du monde, hors de soi, l’entrée dans une sphère bien plus pure où l’œuvre et la vie fusionnent. Un lieu mystique où le cœur de l’artiste pourrait enfin trouver la paix…

Il n’y a juste aucune certitude d’en revenir.

Le squelette devrait peut-être commencer à rédiger son testament.

TOMBER MORTELLEMENT AMOUREUX D’UNE IDÉE

Qu’est-ce que ça ferait, de quitter le monde une fois l’œuvre accomplie ? Qu’est-ce que ça donnerait, d’abandonner le tas d’os aux vautours une fois sa mission honorée ? Les concepts de summum, d’apogée, de paroxysme sont des idées délétères… Mais quand t’en es tombé amoureux dans ta jeunesse, putain, c’est vraiment impossible de les oublier.

Être idéaliste, c’est pas juste s’enflammer pour des idéaux. C’est tomber mortellement amoureux d’une idée.

Pourquoi les idées possèdent un tel impact sur moi, alors que la majorité des gens semblent totalement s’en passer ? Ils lisent ou entendent un truc, ça sonne bien à leur oreille, mais jamais au grand jamais ils ne songeraient à tenter de l’appliquer dans leur vie. Apparemment, pour eux, les idées sont de jolies choses qu’il est de bon ton de répéter d’un air pénétré, jusqu’à écœurement, histoire de briller en société ou de singer la sagesse, de se donner une profondeur qu’ils sont bien loin de posséder. Alors, pourquoi est-ce que moi, je suis prête à remettre toute mon existence en cause pour elles, afin que mes actes soient en parfait accord avec ce que je prône ?

Est-ce que c’est ça, avoir une éthique ? Est-ce qu’elle est là, la différence entre morale et éthique ? Comme si la morale était un ensemble de valeurs qu’on prétend posséder en société, et l’éthique leur application silencieuse et purement personnelle ?

Les choses sont allées beaucoup trop loin. Elles durent depuis trop longtemps. Il faut mener le truc à son terme. Peu importe si ça te dépasse, peu importe les sacrifices que tu t’infliges, que personne d’autre que toi ne pourrait supporter. Peu importe que toi-même ne comprenne plus de quoi il est réellement question.

Cet abîme qui happe, s’alimentant de l’âme de celui qui le porte avant d’exploser au dehors, écartelant celui qui lui a donné vie et nourri de sa substance… Impitoyablement.

Voir ça comme un paroxysme, oui, pourquoi pas, en fait ?

I CHING, SERPENTS, MUTATIONS

J’ai tiré le I Ching. J’avais besoin de savoir. Ouvrir une brèche vers le futur, comme une assurance que j’existerais encore, un peu plus loin dans le temps.

J’ai sorti le 24 : Le Retour.

Le retour a son fondement dans le cours de la nature. Le mouvement est circulaire. La voie se referme sur elle-même. Tous les mouvements s'accomplissent en six étapes. Le septième degré amène ensuite le retour.  Le sept est le nombre de la jeune lumière qui naît lorsque le six, nombre de l’obscurité, s’accroît d’une unité. Ainsi le mouvement parvient à l’arrêt. Le temps de l’obscurité est passé. Le solstice d’hiver amène la victoire de la lumière. L’hexagramme est rattaché au onzième mois, le mois du solstice (décembre-janvier).

J’avais prévu de rentrer fin décembre, après un peu plus de six mois de voyage. Enfoiré de I Ching qui sait toujours tout. Donc, quelque chose de moi va rentrer, apparemment…

Le soleil tabasse par ici. Impossible d’échapper à sa morsure. Ta peau brunit et craquelle comme le sol desséché d’un désert qui se lézarde, se fissure. On raconte que les serpents, quand ils muent, sont plongés dans une sorte de transe. Ils ne bougent plus. Leur regard devient fixe. Toute leur énergie vitale est happée par la métamorphose. Ils pourraient être morts que ça reviendrait au même.

Ça fait un moment que la transe s’est emparée de moi. 

Je me tiens prête pour la prochaine mutation.

© Zoë Hababou 2023 - Tous droits réservés


Lire la suite
Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou

Pensées Percutantes #1 : Fin de cycle. Vaches maigres. Coup de Poker et Actes symboliques.

Et donc, avec le peu de sous qui te restent, tu prends un billet pour l’endroit d’où l'appel est né comme on ferait tapis au poker : ça passe ou ça casse. L’une des façons de dealer avec la vie, c’est de jouer avec elle comme si t’avais rien à perdre. Et peut-être qu’un jour viendra où, à force de le prétendre, ce sera devenu réalité. Ça fait des années maintenant que je la joue comme ça et bordel, n’importe quel joueur de poker te dirait que j’ai une sacrée veine de cocu. Sauf que ça n’a rien à voir avec la chance. C’est un putain d’état d’esprit.

Marcher dans tes propres traces. Revenir dans un lieu porteur d’un sens personnel comme tu chevaucherais l’Ouroboros.

Éternel retour. Cycle infini de morts, de métamorphoses et de renaissances.

Honorer l’ancienne version de toi-même en déterrant les liens qui t’attachent à ta propre histoire, à la façon du récapitulatif de Castaneda. Puis défaire ces liens, briser tes chaines par des actes intimement symboliques et ainsi marquer la fin d’une étape. Conclure une phase de ton existence comme une âme s’expulserait de la roue du temps et du cycle des réincarnations.

Actes atemporels. Lieux métaphysiques. Niveau du jeu dans lequel la conscience pure prend enfin les commandes.

Sacrifier quelque chose sur l’autel de l’Idéal. Décider de nourrir une foi plus grande que toi.

Choisir d’alimenter une essence non physique qui emporte l’existence humaine vers le haut de la pyramide qu’on nomme aussi Transcendance.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

FIN DE ROUTE

Y a des moments étranges dans la vie. Une sorte de stade ou d’état intermédiaire qu’on appelle la Croisée des Chemins. Quelque chose est sur le point de mourir, et autre chose s’apprête à naître. Plus rien ne peut continuer comme avant.

Comme pour la fin d’une histoire d’amour. Quand t’arrives au bout du truc, hanté par le pressentiment d’une mort. Comme l’écrivain sait au fond de lui qu’il vient de finir l’écriture de son livre. Qu’y a plus aucun mot à ajouter. Sonné, il contemple son manuscrit sans pouvoir encore pleinement réaliser. C’est au-delà de tout calcul. C’est une évidence.

C’est exactement ce qu'on ressent quand on parvient à la fin d’un cycle de vie.

Ça se décide pas de façon consciente. Le constat rapplique avant l’élaboration du projet. Soudain, le bout de la route que tu suivais est juste enfin atteint.

Celui qui respecte la magie sait qu’il faut toujours nourrir une part d’innocence. L’apogée n’est sublime que quand elle survient sans prévenir. Même si, fatalement, une partie de toi sait comment tout ça va finir. En définitive, c’est elle qui, depuis le commencement, te guide jusqu’à cet espace-temps où les pièces du puzzle cosmique ont terminé de s’imbriquer.

Avant d’en entamer un autre.

C’est la règle de fonctionnement des synchronicités. L'effet de surprise et la part de hasard qui s’immiscent dans ce chemin qu’on ne peut que qualifier de destin sont parties intégrantes du processus.

Alors tu traces ta route, flottant dans le brouillard, un pas après l’autre, de la même manière qu’un bon écrivain écrit une histoire, la découvrant au fur et à mesure. Le squelette qu’il inhume du sol se dévoile poco a poco. Des éléments à priori disparates s’accouplent. Des paroles mystérieuses prononcées au détour d’un dialogue, d’une pensée, rejaillissent pour donner sens à un nouvel élément de l’intrigue. Un personnage sorti de nulle part se révèle être une clé majeure en passant brutalement au premier plan du récit.

Un rêve fait dans le passé mute en pressentiment du futur. Et un jour, le rêve a fusionné avec la réalité, transformant la magie en quelque chose d’extrêmement concret…

Il s’agit de vivre sa vie comme si c’était une quête. D’établir la distinction entre avenir et destinée.

Tous les évènements s’interconnectent. Le présent et le futur, finalement, se comprennent à l’aune du passé.

C’est de là qu’elle vient, ma foi sauvage en la vie. De là, et de nulle part ailleurs.


FLOW ET COUP DE POKER

J’ai débarqué dans ce bled après le fiasco d’un ancien plan qui paraissait foutrement bon sur le papier, quelque temps en arrière. Un fiasco total, intégral, à un niveau personnel, amical, financier, et même professionnel au vu des débouchés qu’il était censé avoir concernant l’avenir. Le genre de fiasco qui foutrait à terre n’importe qui, le poussant à implorer le ciel en chialant POURQUOOOOI tout en se déchirant les vêtements. Enfin bon, dans la version la plus lamentable du truc. 

Mais quand t’as la chance d’être doté d’une forte intuition et surtout d’être foutu de lui faire confiance, bah, cette scène pathétique n’aura tout simplement pas lieu.

Un appel lointain a déclenché sa résonance, quand ça commençait à sentir mauvais. Quand ça s’est vraiment mis à puer du cul, l’appel s’est transformé en injonction. Et quand la lose totale a finalement révélé son vrai visage, l’injonction était devenue une évidence. Et donc, un sourire aux lèvres affiché comme le plus flamboyant des mépris.

Mais surtout, la plus fondamentale des règles de ce qu’on appelle l’acceptation. En somme, une très jolie planche de surf, bien affûtée, sur laquelle grimper crânement pour se jeter dans les vagues du Flow.

Visualise bien : TOUS tes projets sont tombés à l’eau. T’es tout seul, t’as pas une thune. Le dessein si “intelligemment” élaboré des mois futurs vient subitement de s’effacer. Et à part si tu veux faire de toi une victime de fatales circonstances et de la saloperie humaine en rentrant en France chialer chez ta mère, la seule option qui te reste, c’est de faire confiance à cette intuition qui chuchote timidement au fond de toi (enfin, soyons honnête, avec l’habitude, l’intuition chuchote de plus en plus fort, quand même).

Mais le problème avec la confiance, c’est qu’elle connait pas d’entre-deux. Comme dans les relations humaines, soit elle est inexistante, soit elle est totale.

Et donc, avec le peu de sous qui te restent, tu prends un billet pour l’endroit d’où l'appel est né comme on ferait tapis au poker : ça passe ou ça casse. L’une des façons de dealer avec la vie, c’est de jouer avec elle comme si t’avais rien à perdre. Et peut-être qu’un jour viendra où, à force de le prétendre, ce sera devenu réalité. 

Ça fait des années maintenant que je la joue comme ça et bordel, n’importe quel joueur de poker te dirait que j’ai une sacrée veine de cocu.

Sauf que ça n’a rien à voir avec la chance.

C’est un putain d’état d’esprit.


CHECKPOINT

Parfois je me dis que le meilleur moyen de réaliser qu’on est parvenu à la fin d’un cycle, c’est de disposer d’un checkpoint. Une sorte de nœud spatio-temporel qui te permet de faire le point en checkant dans le rétroviseur, vers l’arrière. En tant que voyageuse, ça m’arrive souvent de marcher dans mes anciennes traces. De croiser les fantômes de celles que j’ai été. Mes reflets et moi, on se regarde à travers le miroir comme le passé et le futur décideraient d’entre-croiser leurs lignes le temps d’une solennelle rencontre.

Des checkpoints, j’en ai pas mal qui jalonnent ma route. Et y a un pays en particulier qui remplit pour moi la fonction de point de référence absolu.

C’est le premier pays où, à 20 ans, j’ai foutu un pied hors de tout ce que je connaissais et dans lequel je ne cesse de revenir depuis, toujours la même mais chaque fois différente. Le fait d’avoir plusieurs paramètres assez forts au sein de ta personnalité, certaines disciplines bien précises dans lesquelles tu t’es engagé corps et âme constitue une précieuse mesure de ton avancement dans la Voie.

Par exemple, être écrivain et ayahuasquera.


LA VIE EST UN FURIEUX ÉTALON

Il me semble que pas mal de gens, par les temps qui courent, manœuvrent leur vie en y apposant leurs intentions. Moi, j’ai le sentiment qu’y a finalement pas grand-chose que je fais d’une façon délibérée. Disons qu’il y a les écrivains qui ne se lanceront jamais dans l’écriture d’une histoire sans plan défini, sans en connaitre à l’avance tous les tenants et aboutissants.

Et puis y a les autres. Ceux qui se laissent entièrement posséder par les muses de l’Inspiration.

Ça fait un bail que j’ai laissé cette autre partie de moi prendre les commandes. Et vu comment ça réussit à ma vie, je lui lâche de plus en plus la bride. Il n’y a qu’une chose que j’attise en continu : le feu sacré de la Volonté. J’ignore ce qui m’attend au détour du chemin. Ça m’intéresse pas de le savoir, parce que je ne compte aucunement m’y préparer.

C’est possible de vivre en n’ayant plus peur de rien. Et le résultat des courses dépasse toujours tes attentes de façon incommensurable. Alors, pourquoi faudrait-il arrêter de jouer avec l’existence comme un enfant ?

La Vie, elle adore ça qu’on joue avec elle. C’est là qu’elle donne le meilleur d’elle-même. C’est dans ces circonstances qu’elle révèle son génie, mobilise sa sagesse, et donc, développe son plein potentiel.

La Vie, elle aime la liberté encore plus fort que toi, et c’est bien dommage tous ces gens qui refusent de lui faire confiance en cherchant à tout contrôler. Comme si le cerveau control freak d’un zombie pouvait faire le poids face à la beauté féroce d’une essence que personne n’a jamais réussi à foutre en cage, ou ne serait-ce que museler.

Quand tu chevauches le plus furieux étalon que la Terre ait jamais porté, l’idée n’est pas de lui tirer sur le mors, perclus d’angoisse existentielle, pour le contraindre à ralentir.

L’idée, c’est de le laisser t’emporter aussi loin et aussi vite qu’il veut en ouvrant grand les yeux sans oublier de respirer.


ACTES SYMBOLIQUES

Et donc, en débarquant ici, j’ai réalisé que j’étais parvenue à la fin d’un cycle parce que ma présence en ces terres était le plus significatif des actes symboliques que ma jeune vie avait jamais posé.

J’ai fait tout ça sans préméditation. Acculée par un bon gros fiasco, j’ai juste répondu à l’appel qui rugissait dans mes entrailles en pariant mes derniers pesos sur une simple intuition. C’est en cheminant sur un sentier qui s’éloignait du village que je l’ai pleinement réalisé. Ou alors, peut-être quand je me suis retenue de pleurer dans le bus, juste avant qu’il me lâche à l’entrée du pont. Ce pont que j’ai franchi à pied. Tel un acte symbolique, une fois de plus.

Ce village, c’est celui où j’ai rencontré Wish, mon ancien maestro, avec qui j’ai bu de l'Ayahuasca pour la toute première fois. La première cérémonie de Travis dans Borderline, c’est ici qu’elle a lieu.

Ce village, c’est celui où je suis revenue dix ans plus tard, après avoir publié mon premier bouquin. Pour retrouver Wish, commencer ma véritable carrière d’ayahuasquera et m’engager dans les diètes de Plantes Maîtresses qui font maintenant entièrement partie de ma vie. C’est ici que j’ai rédigé une bonne partie du Tome 2 de Borderline, alors que je diétais l’Ayahuasca en la buvant trois fois par semaine. C’est aussi ici que Wish m’a fait mon parfum, celui que j’emporte avec moi partout, dans tous mes voyages, et que j’ai empoisonné avec le Tabac récemment. C’est drôle, mais le premier truc que j’ai fait en débarquant ici, c’est de cueillir des branches de cet eucalyptus local que Wish utilisait comme chacapa pour en mettre dans la bouteille de ce parfum. J’ai fait ça sans réfléchir.

Et maintenant, ce village, c’est celui où, 3 ans après la mort de Wish, 4 diètes de Plantes Maîtresses et 5 bouquins publiés plus tard, à 35 ans, je vais finir le dernier tome de Borderline. Ce qui marque, incontestablement, la fin du plus long cycle de ma vie, qui dure depuis plus de 20 ans. Et c’est ici que je vais faire ma première cérémonie d’Ayahuasca solitaire, avec celle que j’ai cuisinée toute seule. L’Ouroboros se mord la queue et repart pour un tour...

Revenir ici boucler ce cycle d’écrivain-ayahuasquera est juste le plus puissant acte symbolique accompli en aveugle que j’aurais réalisé jusque-là.


VACHES MAIGRES, ALCHIMIE ET LÉGENDE PERSONNELLE

Je me demande si le choix des vaches maigres n’est pas celui qui peut être le plus important, le plus déterminant pour un Artiste. Le sacrifice le plus significatif qu'il puisse faire pour son œuvre.

Selon l’étymologie, “sacrifice” veut dire “rendre sacré”.

Certaines personnes se sentent plus en sécurité en vivant un rêve en train de les bouffer toutes crûes plutôt qu’en essayant de dompter et de s’approprier un mensonge. Cette sorte de cauchemar consensuel qu’est devenue la vie humaine.

Quand ton rêve commence à vivre par lui-même, il est possible qu’il t’anéantisse. J’ai lu quelque part que les rêves sont des mythes individuels. Et que les mythes sont des rêves collectifs. C’est exactement de ça qu’il est question.

Quelqu’un qui refuse de rêver dans le même sens que les autres ne peut pas cautionner les mythes qu’ils produisent. Et sa seule alternative est d’engendrer ses propres mythes, devenir le héros de sa propre légende, en transformant sa vie en un rêve perpétuel, et son rêve, en œuvre d’art.

Et si ton œuvre est suffisamment puissante, tu finiras par te perdre en elle. Parce que tu penseras à la nourrir, elle, avant de te nourrir toi-même. Tu te nourriras d’elle de toute façon, autant qu’elle se nourrira de toi. Et peut-être que ta légende continuera d’exister, alors que toi tu seras déjà mort.

Le sacrifice est un des plus sûrs moyens de rejoindre ton île solitaire, où tu es le héros d’un mythe fabriqué par toi et pour toi, et que tu seras probablement jamais que le seul à connaître. Mais j’ai tendance à penser que les actes solitaires accomplis dans le secret d’une conscience sont les plus essentiels, les plus significatifs de la Voie.

Du fric, j’aurais pu en avoir au taquet si je m’étais résignée à faire serveuse encore “juste un dernier été” ou alors si j’avais consenti à sucer la queue de qui de droit disposant d’une certaine pression financière sur moi. Ce qui, en fin de compte, revient au même. Accepter de faire la pute d’un “système” dégueulasse pour en récolter quelques miettes rassurantes sur son compte bancaire et dans le grenier poussiéreux de son esprit.

Au lieu de ça, j’ai préféré prendre un billet pour le Chaos. Sauter à pieds joints dans le désastre, comme dirait Chuck Palahniuk.

En gros, j’ai décidé que F.U.C.K.

J’ai joué tapis sur mon art, foutant tous mes œufs dans le même panier, avançant mes derniers jetons d’un geste fier et nonchalant pour un ultime coup de bluff, tel un bon gros bras d’honneur balancé à la gueule de la supposée toute-puissance du sacro-saint Pognon. Campée fermement dans mes bottes face à l’Apocalypse annoncée par cette machine qui décrète que si tu ne travailles pas pour elle, alors tu travailles contre elle, et qu’elle te le fera payer tôt ou tard d’une manière ou d’une autre…

C’est comme pour la confiance dont je parlais plus haut. Tu ne peux pas croire juste à moitié en toi-même. Soit t’y crois, soit t’y crois pas. Et si t’y crois, alors tu dois aller aussi loin que tu peux (et donc veux) aller. Peu importe à quel point “l’insécurité” menace ton avenir. L’avenir n’existe pas. Le présent est tout ce qui est.

Et si tu es aligné dans le présent, alors, tout va bien, putain.

C’est un truc que j’ai découvert assez récemment. Tant que tu laisses une infime possibilité à ta conscience d’avoir peur, alors, la peur va s’infiltrer en toi et tes croyances te feront faire des choix dictés par celle-ci, et c’est toute ta réalité qui va s’en trouver déformée. En revanche, si tu te laisses aucune porte de sortie de secours vers la “sécurité”, alors, tout ce qui te reste comme option, c’est de te jeter de la falaise pour chuter dans la vie.

Ce qui signifie, donner vie à ton rêve.

Un Guerrier ne moyenne jamais avec lui-même. Il s’agit de la plus forte leçon que j’ai apprise jusqu’ici.

Tout ce qu’on te demande, au fond, c’est d’oser bouger une pièce. Avoir les couilles d’avancer juste un putain de pion. Et ensuite, tu laisses la vie faire le reste. On en revient toujours à cette idée de maîtrise et de lâcher-prise. Comme dans tout art. Comme dans toute discipline.

Celui qui est capable de mixer la maîtrise de son art au lâcher-prise instinctif de l’inspiration est juste l’enfoiré le plus heureux que cette fichue Terre ait jamais porté.

Certains d’entre nous se contentent de rêver d’écrire leur légende et de devenir leur propre héros.

Les autres pratiquent l’Alchimie.

© Zoë Hababou 2023 - Tous droits réservés


Lire la suite
Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou

Diète de Tabac : Near Death Experience

La douleur dans mon crâne et mon visage se déplaçait en pulsant d’ondes corrosives - quelque chose capable de dissoudre, de bouffer du métal – et descendait à présent dans les os de ma mâchoire. Mais le pire, c’est que le Tabac avait aussi commencé à s’attaquer à mes reins et au bas de mon épine dorsale. Aucune position n’était tenable. Les tentacules de la douleur irradiaient jusque dans mes jambes, dans les os de mes bras. C’est mon squelette entier qu’était dévoré par la fièvre, et tous les os de mon visage...

Récit Gonzo de la rencontre mortelle entre une Écrivain et l’Esprit du Tabac

Diète de Tabac Zoë Hababou Plante Maîtresse

JOUR 1

La veille de la première prise, durant la nuit, j’ai fait un rêve de Tabac. Peut-être parce que j’avais pris soin d’embrasser le bocal où il reposait avant de m’endormir. Ce rêve se passait au centre de medicina où je taffe en ce moment. Des pirates attaquaient la place, et je me cachais derrière la porte de ma chambre entrebâillée, dans l’angle, mon bocal de jus de Tabac à la main.

Je me souviens d’un bateau. Ils arrivaient par le fleuve.

Probablement qu’ils ont fini par me choper, parce que dans la scène suivante, je me trouvais de l’autre côté d’un immense grillage, sur une pelouse à l’herbe rase, avec comme un fort ou une tour de contrôle derrière moi, en compagnie d’autres personnes vraisemblablement heureuses d’être où elles étaient, soulagées. Les pirates se trouvaient de l’autre côté du grillage. Ils ne nous avaient pas abattus. Ils avaient simplement pris le centre pour s’y établir.

Mais moi, j’étais ni heureuse ni soulagée de cette situation. Et bien que tout le monde me disait que j’étais folle de vouloir y retourner, que c’était interdit, j’avais qu’une idée en tête : escalader ce foutu grillage et repasser de l’autre côté. Parce que cette séparation du monde entre pirates / gens biens me débectait, et que s’il fallait vraiment choisir, ces gens biens n’étaient de toute façon pas mon peuple.

C’est donc ce que j’ai fait dès que la foule a commencé à se disperser. Et une fois de l’autre côté, je me suis mise à quatre pattes et j’ai couru avec cette espèce de joie féline que j’associe au sentiment qu’a eu la Panthère en prenant possession de mon corps lorsque j’ai fumé du Bufo au Mexique. Moi, j’en garde aucun souvenir, vu qu’à ce moment-là ma conscience avait quitté mon corps pour fusionner avec la conscience universelle, mais les chamans m’ont raconté que j’avais feulé, marché à quatre pattes, et que je les avais même attaqués en mode furieux.

La lumière était belle, et je galopais comme une panthère.

Rêve, Tabac et Pirates, Zoë Hababou, diète de Plante Maîtresse

Rien de spécial à signaler pour ce premier jour de Tabac. Légère nausée après la prise du matin, mais sans vomir. La belle énergie qui m’animait m’a incitée à nettoyer la maison que je pouvais prendre, et déménager toutes mes affaires dedans. Le truc étrange, c’est que j’étais même pas sûre de vouloir aller y vivre. Au moment où je transbahutais tout, je me suis fait la réflexion que c’était le Tabac qui voulait ça. Que c’était lui qui me disait que je devais m’écarter plus profond dans la jungle sur le terrain, dans un espace plus grand, et plus loin de mon collègue directeur du centre aussi.

En réalité, il m’a fait agir sans même y penser. Je me suis retrouvée à le faire, c’est tout.

JOUR 2

J’ai très bien dormi, ce qui m’a un peu étonnée vu que j’avais entendu que le Tabac provoquait des insomnies, et que j’avais décidé d’en boire un verre le soir aussi. J’ai fait des rêves assez tristes, mais au petit matin j’étais bien. En sortant de la douche, je me suis aspergée de ce parfum artisanal que Wish, mon ancien maestro aujourd’hui mort, m’a fait il y a trois ans, dans lequel je prends soin d’ajouter chacune des Plantes Maîtresses que je diète. En préparant mon bocal de jus de Tabac, j’en avais mis un morceau à macérer dedans. L’idée, en faisant ça, est de se rapprocher toujours plus de sa Plante, de la porter en soi, sur soi.

Deux heures plus tard, vers 9h du matin, j’ai commencé à avoir mal à la tête.

Une douleur poignante, dans les sourcils, les pommettes, les sinus. Et mon corps s’est mis à trembler de froid. Il faisait 40 degrés dehors, comme d’hab. J’ai tout de suite compris que c’était de la fièvre mais ça m’a pas alarmée. Le Tabac est réputé pour provoquer des suées, du mal-être, des migraines, une faiblesse généralisée. Et une certaine confusion mentale aussi.

Puisque son truc à lui c’est la rectitude de la structure physique et la clarté mentale, et que les Plantes Maîtresses commencent toujours par réveiller et exacerber tes troubles pour mieux les foutre dehors, c’est normal que la première phase de la diète te fasse vivre l’inverse des vertus qu’elle est censée offrir.

J’ai été chercher une couverture pour me planquer en dessous dans mon hamac, résolue à souffrir, et j’ai fermé les yeux.

flotter dans le néant en compagnie de l'esprit du Tabac, Zoê Hababou

Rapidement, je me suis rendu compte que l’espace mental où je me trouvais était différent de tout ce que je connaissais. Il était infiniment éthéré, très léger, comme dessiné avec une grande finesse. Vivre en lui revenait à flotter quelque part, dans un lieu intérieur caché dans une strate de ma conscience. Ça parait beau dit comme ça, et dans un sens ça l’était, mais c’était impossible d’en profiter. Parce que la souffrance qui envahissait mon corps devenait de plus en plus violente.

J’ai essayé de l’accepter, d’accepter de l’éprouver comme un enseignement, une épreuve qu’il m’était nécessaire de connaître, et au fond j’y suis plus ou moins parvenue, car je ne luttais pas du tout. Mais la souffrance est la souffrance, et quand on la ressent, elle nous laisse aucune chance de l’oublier. Il n’y aucun endroit où on peut fuir. Tout notre être est focalisé sur elle. Plus rien d’autre n’existe.

La douleur dans mon crâne et mon visage se déplaçait en pulsant d’ondes corrosives - quelque chose capable de dissoudre, de bouffer du métal – et descendait à présent dans les os de ma mâchoire. Mais le pire, c’est que le Tabac avait aussi commencé à s’attaquer à mes reins et au bas de mon épine dorsale. Aucune position n’était tenable. Les tentacules de la douleur irradiaient jusque dans mes jambes, dans les os de mes bras.

C’est mon squelette entier qu’était dévoré par la fièvre, et tous les os de mon visage...

Pourtant, mon esprit parvenait à rester relativement serein au vu des circonstances. Je ne geignais pas, ne grognais pas. Aucune plainte ne s’échappait de moi. La fièvre qui me possédait avait un sens, j’en étais sûre, et même si j’étais pas capable de le comprendre, la foi que j’ai en la medicina me permettait de me livrer à elle avec confiance.

J’ai passé des heures là-bas dans cet espace de clarté mentale qui ressemblait au vide. Une sorte de no man’s land, territoire du néant où la souffrance est partout, mais où l’esprit, Dieu seul sait comment, contemple sa propre lumière…

Et mon Allié humain était là. Il était là, partout.

Et il me parlait.

Impossible de rapporter ici tout ce qu’il a dit durant ces heures et ces heures d’expérience au cœur du rien, mais à aucun moment il ne m’a abandonnée. Qui pourrait dire ce qui était réel et ce qui n’était que la fièvre délirante d’une fille en pleine combustion intérieure ?

Cette histoire d’ancre qu’il avait promis d’être pour moi durant mes diètes, cette idée d’épée insérée dans ma colonne vertébrale, que j’étais en train d’expérimenter (sauf que cette épée, on était en train de me la faire passer dans le mauvais sens, la croix au niveau des reins et la pointe fichée en plein dans la moelle épinière), de même que cette expérience d’un Animal de Pouvoir qu’il avait eue dans les os et dans le visage, qui pourrait dire dans quelle mesure j’ai apposé nos idées sur ce que je vivais, pour trouver une justification à cette atroce douleur, trouver moyen d’y survivre en lui collant une signification, ou bien si, depuis le début, lui et moi on savait ce qui m’attendait grâce à je ne sais quelle stupéfiante faculté suprasensorielle ?

Les heures passaient et l’armure que le Tabac forgeait à même mon visage, comme s’il coulait de l’acier sous ma peau, et cette épée qu’il me rentrait par la garde depuis le coccyx jusqu’à la nuque faisaient irradier tout mon être d’une souffrance telle qu’aucun son ne sortait de moi.

Le pire, c’est qu’on était censés prendre de l’Ayahuasca avec mon collègue le soir-même, et qu’aussi fou que ça puisse paraître, j’avais pas encore dans l’idée d’y renoncer. L’Ayahuasca peut parfois faire des miracles au niveau de la souffrance, en évacuant d’un coup tout ce qui déconne après t’avoir fait comprendre de quoi il s’agit. C’était à peu de choses près le seul espoir que je nourrissais, même si la simple idée de boire la Plante ce soir-là me donnait des envies de meurtre.

J’ai fini par ramper jusqu’à mon lit, dans ma maison. Il devait être 16h. Malgré tout ce temps passé dans mon hamac, j’avais pas dormi une seule seconde, oscillant entre tentatives de lecture de La Pierre et le Sabre et escapades dans le néant en compagnie de mon Allié.

Une fois dans mon lit, les choses ont pris un tour encore plus étrange.

J’ai vu l’esprit du Tabac.

Cet être noir, immense, fondamentalement pur.

Il me parlait de guérison tout en semblant soigner des organes de mon corps en les faisant transiter par le sien pour les purifier. Je me souviens en particulier du cas de mes poumons. Il les a retirés, tout noirs, de ma poitrine, afin de les placer dans la sienne. Puis il me les rendus et ils étaient comme neufs (quelques jours plus tard, j’ai réalisé que cette méthode de guérison est largement employée dans plusieurs traditions chamaniques. Les guérisseurs opèrent sans instruments et sans anesthésie, tels des chirurgiens cosmiques, et retirent les organes malades du corps des patients pour les nettoyer, avant de les leur remettre dedans).

Mais surtout, il me parlait de la mort.

J’ai alors vu la possibilité que je meure ici dans la jungle. J’ai vu comment ma mère contactait mon Allié pour savoir pourquoi elle n’avait plus de nouvelles de moi. Je l’ai vu lui apprendre que j’étais morte. C’est là que j’ai compris que l’arrivée de ma mort était réelle.

J’ai ouvert les yeux en réalisant enfin ce que j’avais fait.

La nicotine est l’un des plus violents poisons au monde. Quand on la boit ou qu’on la fume, le corps arrive à la dégrader.

Mais pas quand on l’applique sur la peau.

Et moi, je m’en étais arrosée à fond la caisse le matin-même.

J’ai foncé voir mon collègue pour lui dire la connerie que j’avais faite. Il m’a bien évidemment engueulée, puis j’ai couru sous la douche. En revenant vers lui après, il a pris ma température et mon rythme cardiaque. J’avais plus de 39 de fièvre et le pouls à 110.

Il était 19h quand je me suis enfin douchée. J’avais souffert pendant dix heures, et c’était pas fini. Mais j’avais à présent un torchon plein de glace sur la tête, au minimum, et le corps enfin rincé du poison.

De toute façon, même si j’avais dû y passer, y avait pas grand-chose qu’on aurait pu faire. Avec cette pluie qui ne cessait de tomber, la route était impraticable en moto (seul véhicule dont on dispose), et pour se rendre à Iquitos en bateau, ça prend quatre heures. Je pouvais même pas prendre de paracétamol pour faire baisser la fièvre. D’une, parce que j’étais en diète et que c’est super dangereux de prendre des médocs pendant. De deux, parce que je crois à l’intelligence du corps qui a de bonnes raisons de maintenir la fièvre pour brûler le poison, et que je voulais pas aller contre sa sagesse. De trois, si je devais crever par le Tabac, qu’il en soit ainsi.

De toute façon, même après avoir réalisé ma bêtise, je pouvais pas m’empêcher de penser que tout était à sa place. Je suis extrêmement sérieuse avec les Plantes Maîtresses. Je respecte toujours mes diètes. Ça me ressemble vraiment pas d’avoir fait cette connerie, surtout qu’on en avait parlé la veille avec mon collègue, de ne jamais appliquer de nicotine directement sur la peau. Et pourtant j’avais foutu ce putain de morceau de Tabac en toute naïveté dans cette saleté de bouteille de parfum. De mon point de vue, y avait forcément une raison pour ça.

Le Tabac me voulait en mode hardcore, voilà tout.

Naturellement, on a annulé la cérémonie (il n’y avait aucun client au centre depuis notre arrivée, et il n’y en aurait pas avant le mois de juillet, donc on se gérait comme on voulait), et on a décidé que je dormirais dans la chambre de mon collègue, au cas où je crevais durant la nuit.

L’écouter me raconter comment le poison neurotoxique de la nicotine attaquait mes nerfs (ce qui expliquait la souffrance dans mon visage) et comment mes pauvres reins essayaient de le filtrer m’aidait pas des masses à me détendre, car je craignais des séquelles irréversibles. Et puis ça remettait aussi en cause les enseignements que j’avais cru recevoir au sujet de l’armure dans mon visage et de l’épée dans mon dos, sans compter la présence de mon Allié et celle de l’esprit du Tabac qui, en définitive, pouvaient n’être qu’un délire dû à la fièvre.

Mais y a toujours plusieurs niveaux lectures aux événements, pas vrai ?

Il n’y a pas de hasard.

Et TOUT est réel.

J’ai réussi à dormir, même si je me suis réveillée plusieurs fois dans la nuit pour aller pisser et surtout éliminer le poison, je pense.

Ce qui me faisait le plus de peine, c’est d’avoir rendu le parfum que Wish m’a fait rien que pour moi il y a si longtemps, dans lequel il a si souvent chanté ses icaros, mis des arcanes (protections) et aussi tout son amour et toute son énergie, inutilisable. Ce parfum, je l’emporte partout avec moi, j’y ai ajouté toutes les Plantes que j’ai diétées, c’est ma protection et mon pouvoir… Et maintenant voilà, c’est devenu un poison.

Mais y a un truc drôle, vous savez. Tout comme la nicotine, le venin du cobra est neurotoxique. Et ça me ramène à une réflexion que j’ai eue y a pas longtemps en découvrant que pour traiter le manque dû à l’addiction à l’héroïne, le venin de cobra fonctionne bien, apparemment.

Comment j’ai fait pour prendre de l’héro pendant trois ans sans vraiment devenir accro ? Et comment j’ai fait pour survivre au poison mortel de la nicotine alors que c’est l’un des pires au monde ?

Je suis un Cobra. Je crois que mon propre venin me protège des autres poisons. Peut-être que c’est ça aussi, transmuter le poison en médecine, l’un des thèmes centraux de mon apprentissage…

Quoi qu’il en soit, je dispose maintenant d’une bouteille de poison neurotoxique mortel, tout comme le cobra possède le sien.

Intéressant, n’est-ce pas ?

 

JOUR 3

Mal de tête disparu. J’ai bu mon verre de Tabac le matin-même, parce que malgré les événements de la vieille, hors de question d’interrompre ma diète. Toujours de la douleur dans les reins et la colonne vertébrale. Très faible, très fatiguée.

Nouveau verre de Tabac avant de dormir.

JOUR 4

Douleur dans le dos disparue, mais ma jambe droite me fait mal. C’est à cause de la sciatique, truc héréditaire qui me fait pas vraiment chier dans la vie de tous les jours, mais qui a tendance à se manifester quand je tire trop sur la corde. Je me suis dit que le Tabac était en train de la soigner.

Il devenait de plus en plus évident qu’il s’attachait à rectifier ma structure physique. En revanche, il est intéressant de noter que contrairement à ce que j’avais pu lire, je n’ai connu aucune confusion mentale, même durant la fièvre. Ce travail-là, je l’ai fait l’an dernier, lors de ma diète d’Ayahuma. Et depuis ma prise de Bufo, mon mental est incroyablement silencieux.

J’ai bu de l’Ayahuasca ce soir-là, après avoir repris un verre de Tabac. Entrer dans les détails serait long et bien trop personnel, alors je vais me contenter de pointer les éléments importants.

Le monde du Tabac est noir et or.

Quand son esprit est arrivé dans la cérémonie, je l’ai senti dans tout mon visage. Il est entré dans les mêmes os qui m’avaient tant fait souffrir. Mais cette fois-ci, ça me faisait plus du tout mal, bien au contraire…

Après avoir forgé l’armure dans mon visage, il la faisait maintenant étinceler, comme s’il la polissait tout en douceur, vérifiait que tout était en place, solide, prêt à renvoyer la lumière. J’ai adoré ça.

Quelque chose au niveau des épaules. J’ai pris conscience de la puissance de mes trapèzes. Mes épaules pesaient lourd, lourd de muscles, mais surtout de la responsabilité qui m’incombe désormais, en tant que chevalier servant du Tabac. C’est l’idée qui m’est venue.

Après la cérémonie, c’est comme si je sortais de l’ostéo. Mon squelette était tout fragile, comme s’il avait besoin de s’habituer à sa nouvelle réorganisation. Et puis, j’étais en putain de chute de tension. Je tenais pas debout. J’ai manqué m’évanouir à plusieurs reprises.

JOUR 5

J’ai dormi dix heures. Je me suis sentie faible et vaseuse toute la sainte journée.

JOUR 6

Je sentais que c’était le dernier jour de la diète, mais pour en être sûre, je devais vérifier auprès du Tabac en personne. Donc, j’ai fait une cérémonie d’Ayahuasca. De nouveau, voici les éléments fondamentaux.

Quand le Tabac s’est pointé, j’ai aisément reconnu son monde. Étrangement, je ne le trouve pas beau, son monde. Ce noir et cet or qui semblent se marier vraiment mal, cette violence latente qu’on sent derrière, la puissance effarante qui se dégage de lui, sont difficiles à supporter, comme si c’était démesuré pour un être humain.

Mon corps avait beaucoup de mal à l’accepter, si bien qu’au bout d’un moment, il a commencé à se tordre dans tous les sens, avec une pesanteur dans les épaules qui le clouait au sol, comme si la gravité avait doublé. Mais le Tabac m’a appuyé sur la tête tout en me disant que j’avais fait du bon boulot, qu’il était fier de moi. Qu’il m’avait bien rectifiée.

Les chamans ont ce geste parfois. T’appuyer sur la tête pour faire entrer la medicina en toi et colmater tes canaux.

Mais c’était dur, et c’est finalement mon Cobra qui m’a sauvé la mise en se glissant en moi. Je me suis mise à siffler, à cracher des flèches avec ma voix, à vibrer et à me secouer comme les sonnettes d’un serpent, tandis que mes jambes étaient crochetées l’une à l’autre comme si mon corps de reptile s’accrochait aux branches d’un arbre.

Il m’a aidée à gérer cette passation de pouvoir inhumaine que le Tabac me faisait subir.

Le Tabac m’a dit qu’il allait me rendre mon énergie. Que je pourrais revenir le rencontrer plus tard, afin d’aller plus loin avec lui, dans son monde, mais qu’il était désormais mon ami.

A la toute fin de la cérémonie, une marée noire de fumée opaque et tourbillonnante m’a enveloppée tout entière, se diffusant principalement dans mon ventre.

Et à présent, je la vois à chaque nouvelle cérémonie d’Ayahuasca. Elle est en moi et tout autour de moi. Apparemment, même les autres peuvent la sentir. On me dit que je pue la fumée à plein nez, encore pire que d’habitude !

C’est le Tabac. Il forme un nuage qui fait partie de moi.

A présent, je dois apprendre à l’utiliser comme arme et comme bouclier.

Vous pigez maintenant, quand je vous dis que la medicina amazonienne, c’est une putain de Voie du Guerrier ?

© Zoë Hababou 2023 - Tous droits réservés


Lire la suite
Chamanisme, Reviews, Gonzo Zoë Hababou Chamanisme, Reviews, Gonzo Zoë Hababou

Tout est relié

La question que je voulais poser à la plante ce soir-là était du genre cosmique. C’est marrant comment ça fait. Tu commences à t’intéresser à un sujet et ensuite la vie n’arrête pas de t’envoyer des signaux qui t'amènent à le creuser à fond. Ces derniers temps, toutes mes nouvelles rencontres, tout ce que j’avais pu entendre, regarder ou lire pointait la même direction. Et il y avait un livre, en particulier, que mon pote Jocelin Morisson et son acolyte de toujours Romuald Leterrier venaient tout juste d’écrire, qui m’avait fait forte impression, faisant éclore en moi de vastes et complexes réflexions, pistes inconnues que je brûlais de suivre... Je savais que l’ayahuasca avait le pouvoir de me faire m’y engager. Je veux dire, pour de bon. Au-delà de l’intellect. Au-delà des concepts. Elle seule était en mesure de me faire comprendre, de tout mon être, ces idées si belles qui m’avaient enflammée.

— C’est de la Cielo, pas vrai ? j’ai fait à Wish alors qu’il saisissait la bouteille.

— Ouais, il a répondu avec un sourire accompagné d’un clin d’œil.

Inutile d’ajouter quoi que ce soit. On se comprenait, lui et moi. La cérémonie avait de fortes chances d’être cosmique avec cette variété d’Ayahuasca.

Ça tombait bien. La question que je voulais poser à la Plante ce soir-là était du même tonneau. C’est marrant comment ça fait. Tu commences à t’intéresser à un sujet et ensuite la vie n’arrête pas de t’envoyer des signaux qui t'amènent à le creuser à fond. Ces derniers temps, toutes mes nouvelles rencontres, tout ce que j’avais pu entendre, regarder ou lire pointaient la même direction.

Et il y avait un livre, en particulier, que mon pote Jocelin Morisson et son acolyte de toujours Romuald Leterrier venaient tout juste d’écrire, qui m’avait fait forte impression, faisant éclore en moi de vastes et complexes réflexions, pistes inconnues que je brûlais de suivre...

Je savais que l’Ayahuasca avait le pouvoir de me faire m’y engager. Je veux dire, pour de bon. Au-delà de l’intellect. Au-delà des concepts. Elle seule était en mesure de me faire comprendre, de tout mon être, ces idées si belles qui m’avaient enflammée.

Wish a siffloté et chantonné longuement au-dessus de la bouteille, avant de lui souffler de la fumée de mapacho dedans. Ensuite il l’a refermée et l’a secouée doucement, puis s’est levé pour me souffler de la fumée sur moi aussi. Sur ma tête, sur chaque épaule, dans mes mains jointes. Il est retourné à sa place et m’a servi une tasse du breuvage. Après l’avoir icarisée aussi, il me l’a tendue.

J’ai fermé les yeux, laissant mon intention monter en moi afin que ma conscience s’en imprègne. C’est comme ça qu’on doit demander à l’Abuelita. Pas juste avec son mental. On doit lui parler avec son cœur. Mon esprit restait silencieux, concentré à l’extrême. Aucune pensée n’était émise.

Alors, sans paroles, s’adressant directement à celle de la Plante, ma conscience a demandé : Montre-moi comment tout est relié.

Et j’ai porté la tasse à mes lèvres.

Wish a bu à son tour, directement à la bouteille, puis il a soufflé la bougie.

Tout est relié : chronique-expérience du livre sous forme de cérémonie d’ayahuasca

Review du livre Tout est relié, écrite par Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, sous forme de cérémonie d'ayahuasca

Pendant la première demi-heure, Wish s’est contenté de siffloter, attendant de savoir quels esprits invoquer, à quelles énergies se relier. Assise en tailleur face à lui, ma tête était de plus en plus lourde et, lentement, je me suis enfoncée dans la transe. 

Le chant de la jungle - ces milliards de sons distincts, stridulations d’insectes, bruissement de feuillages, coassements de crapauds, étranges et obsédantes mélopées d’oiseaux nocturnes, qui forment ensemble une musique hypnotique - s’infiltrait dans mon corps en le faisant résonner comme s’il faisait partie de lui. Je vibrais comme un caisson de basse saturé. J’aime quand la selva prend possession de moi comme ça.

J’avais intensément conscience du bruit de la rivière, en contrebas de la maloca. L’écoulement continu de l’eau le long des rives était un canoë qui m’entraînait de plus en plus profondément au cœur de la jungle.

Wish a entonné son premier chant et après quelques couplets, j’ai souri toute seule en réalisant qu’il chantait l’icaro de la Yacumama, cet esprit-serpent subaquatique, mère de toutes les créatures de l’eau, puissant allié des cérémonies. J’étais donc bien alignée sur la vibration de la medicina. Cette nuit, le voyage commencerait sur le fleuve. 

Fleuve d'Amazonie

La maréacion s’est accentuée et ma conscience est descendue d’un niveau. J’ai senti la variation de pression dans mes oreilles et dans ma mâchoire. Un peu comme quand on fait de la plongée. Derrière mes paupières closes, dans l’encre noire de ma psyché, un serpent a lentement commencé à se former. Il était gigantesque. Enfin, d’après ce que je pouvais en voir. Je me situais plus ou moins sur son dos, sa tête et sa queue demeuraient invisibles, tant il était long, mais son immense corps lisse et écailleux, couleur de pierre, ondulait sous moi pour m’entraîner au fil de l’eau. Cette eau calme et noire où les étoiles se reflétaient comme des lucioles.

C’était beau. La jungle endormie sur les rives semblait s’ouvrir en deux pour nous permettre de pénétrer en elle. Et puis, brusquement, mon serpent-pilote a plongé, et mon corps a inspiré de toutes ses forces comme si ça avait la moindre chance d’être utile dans cet autre monde… 

On glissait maintenant loin sous la rivière, là où jamais la lumière du jour ne pénètre. Les abysses. Ça n’avait rien d’effrayant, pourtant. C’était même très apaisant d’évoluer lentement, en spirale, dans cette dimension infiniment silencieuse où toute perception était comme atténuée. 

J’aurais du mal à expliquer pourquoi, mais je me sentais comme à la Nuit des Temps, pour peu que ça veuille dire quelque chose. C’était comme de retrouver un berceau de racines très anciennes, là où tout avait commencé. Cet endroit mythique où l'énergie primordiale dansait librement, longtemps, longtemps avant d’entreprendre de se complexifier en cet état qu’on appelait désormais la vie. 

Guidé par les chants de Wish, de plus en plus lourds, de plus en plus primitifs, le serpent, la rivière et moi on a commencé à se confondre, à fusionner. L’icaro nous enroulait, imprimant des torsions à notre course comme dans ces photos qu’on voit de la Terre vue du ciel. Cette Amazonie tellement belle avec son fleuve brillant qui la sillonne, tellement belle qu’elle donne envie de pleurer. Et puis la Yacumama a franchi la barrière du sable qui couvrait le lit du fleuve.

C’était un passage. Une porte vers une autre dimension. Vers le passé, je crois, mais je n’en suis toujours pas sûre.

Peinture rupestre de Wandjina

Je me trouvais maintenant dans une espèce de grotte, une caverne dont les parois étaient ornées de dessins étranges figurant des entités flottantes semblables à des… bactéries, peut-être. Ou alors à des extraterrestres. C’était le genre de vision qui ressemble au rêve lucide, si bien que je pouvais me balader dans la grotte et prendre le temps de déchiffrer les dessins. Les êtres cellulaires étaient enveloppés de nombreuses membranes où des formes en double hélice, comme des brins d’ADN, flottaient elles aussi. 

Et puis sans prévenir, comme ça le fait souvent avec l’Ayahuasca, mon point de vue s’est modifié et tout s’est accéléré. Je voyais les choses comme si elles se produisaient à la fois séparément et simultanément. Une tribu dans le désert. Des Hommes qui m’ont fait penser aux Aborigènes d’Australie. Je ne suis pas certaine qu’ils étaient vraiment conscients de ma présence, pourtant j’avais le sentiment que c’était à moi que s'adressaient leurs actes et leurs pensées. Leurs rituels.

Représentation de Wandjina sous un abri sous roche

Différentes scènes flashaient très vite l’écran de ma psyché. C’était pas évident de comprendre le sens exact de ce qui s’y déroulait. Ces gens me montraient des sources, des mares, des nuages chargés de pluie. Ils semblaient connaître intimement le cycle de l’eau sur Terre, jusqu’au plus subtil de ses détails, et paraissaient y accorder une importance capitale. Ils me montraient comment les peintures des cavernes et l’eau de la Terre étaient connectées entre elles.

En faisant naître des visions dans ma tête, sorte de langage télépathique, ils me racontaient que les entités figurées sur les roches étaient des êtres spirituels, peut-être leurs ancêtres mythiques, et qu’ils se servaient de l’eau pour se manifester. Eux, les gens de cette tribu, avaient le devoir de les réanimer en rafraîchissant régulièrement les peintures, pour dialoguer avec eux. C’était comme ça que leurs chamans se connectaient à ces êtres, à travers le temps, apparemment. En tout état de cause, c’était par l’entremise de l’eau que cet échange d’informations, via un phénomène de conscience, était rendu possible. 

La dernière vision dont je me rappelle concernant ce peuple est assez floue. Des Hommes sortaient d’un fleuve brumeux dans les flots duquel, comme prisonnières d’un miroir, se laissaient deviner ces entités. Est-ce que c’était elles qui, finalement, avaient engendré ces Hommes ?

Et si les Wandjina étaient les ancêtres mythiques des Ngarinyins, peuple autochtone d’Australie ?

Wish s’enflammait désormais comme un malade avec ses icaros, et même si je comprenais pas le Shipibo, la teneur des nouvelles visions qui proliféraient en moi telle une terrible jungle à la végétation carnassière ne faisait aucun doute ; il invoquait les esprits-guérisseurs du monde entier, passé, présent, et même futur, nom de Dieu. Impossible d’expliquer autrement le fait que je voyais soudain une véritable armada de chamans en tout genre, n’importe où que je tourne mon regard mental !

Alto Cielo, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Certains tapaient comme des sourds sur des tambours, d’autres étaient attifés de plumes et de peaux de bête et virevoltaient autour d’un feu, d’autres agitaient des chacapas et soufflaient de l’agua florida, et d’autres encore, qui faisaient penser à des putains de cyborgs, fumaient des cristaux dans une pipe à crack en rejetant une fumée qui crépitait de code informatique…

Et toutes leurs médecines, et les esprits qui les animaient, apparaissaient et disparaissaient comme des hologrammes de fumée, la matrice des patterns leur offrant brièvement forme, avant qu’ils s’évaporent à nouveau : peyotl, bufo, fleurs de toé, champignons, le docteur sans tête de l'ayahuma, lianes d’ayahuasca, san pedro, l'esprit ténébreux du tabac et ces drôles de grenouilles kambo…

Mais le plus fou dans tout ça, c’est la façon dont ces guérisseurs, leurs chants, leurs instruments, leurs esprits alliés, leurs souffles, leurs plantes sacrées et finalement leurs intentions étaient… reliés entre eux.

Alli Mariri, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Parce que chaque cérémonie qu’ils faisaient chacun dans leur coin, à travers les âges et les lieux, n’était en fait qu’une seule et éternelle cérémonie, un rituel aussi vieux que le monde, constant, permanent, immense, qui les unissait par-delà l’espace et le temps au moyen d’une sorte de toile cosmique à la brillance de cristal, gigantesque et infini réseau qui les connectait entre eux par la seule force de leurs intentions.

Même les plantes et les animaux y étaient reliés ! C’était pour ça qu’un chaman pouvait se transformer en jaguar ou encore incorporer l’essence d’une plante maîtresse avec sa diète !

J’en croyais pas mes yeux… Incapable d’émettre la moindre pensée, mon esprit recevait ces flots d’information de plein fouet tandis que ma bouche s’ouvrait toute seule d'émerveillement. J’étais subjuguée.

Mais le pire, c’est quand la Plante a réalisé son dernier réglage pour me montrer que même les esprits des morts et les êtres conscients d’autres planètes faisaient également partie du réseau…

J’ai chopé ma bassine et me suis mise à vomir. Encore. Et encore. Fallait que je fasse de la place en moi pour parvenir à intégrer ce que je venais de voir. Mes neurones étaient en surchauffe. Tout ça était trop énorme ! De longues vagues abrasives de nausée me soulevaient les entrailles. Agrippée à mon seau comme une perdue, je me vidais à n’en plus finir, tandis que mon esprit ripait encore et encore sur ce que la plante m’avait montré. Incroyable, je me répétais bêtement, bon sang, j’y crois pas, bordel !

A bout de souffle mais bien purgée, je me suis allongée en passant une main sur ma bouche pour en effacer les dernières traces de vomi.

De son côté, Wish attaquait déjà un nouveau chant. Heureusement, cet icaro-là était calme, aérien, et la façon dont il modulait sa voix, comme seuls les Shipibo savent le faire, imprimait des torsions aux patterns de mes visions, à la façon d’un charmeur de serpents capable de les faire danser au son de sa flûte.

ADN

Des filaments lumineux, flottant dans l’espace, s’aimantaient par couple pour s’entrelacer comme des reptiles amoureux ou encore… des brins d’ADN, ou alors une liane d’ayahuasca. La voix de Wish les hypnotisait, les faisait tournoyer sur eux-mêmes, s’enrouler ensemble, se multiplier, toujours en un mouvement circulaire, des spirales valsant au rythme de sa mélodie, animées de cet étrange double mouvement de descente et d'ascension, tout comme l’icaro de Wish, d’ailleurs, qui montait dans les aigus, descendait dans les graves, se faisant écho à lui-même avec la fin de la dernière phrase répétée au début de la suivante, comme font souvent les chants shipibo.

C’était tellement beau de pouvoir voir la musique comme ça ! De vraiment regarder comment Wish façonnait l’espace psychique où lui et moi étions immergés avec ses chants, transformant cette dimension en un lieu d’observation où les informations se structuraient en live sous mes yeux…

Mais cet étrange espace qu’on partageait, j’ai réalisé que c’était aussi mon cosmos intérieur. C’était comme… d’avoir le contenu de ma psyché ouverte en deux, exposé d’une façon visible et hautement intelligible.

Cette phrase de Nietzsche m’est soudain revenue à l’esprit : Le sommet et l’abîme sont maintenant confondus.

Prostration, peinture de Alex Grey

Est-ce qu’il faut… plonger au fond de soi pour comprendre le cosmos ? j’ai chuchoté pour moi-même, toujours absorbée par les visions qui dansaient en moi. Est-ce que, quand tu sautes au fond du puits… celui où l’abîme te regarde… après avoir glissé dans le tunnel, tu te retrouves finalement… à la cime du monde ?

Le serpent, une fois de plus, se mordait la queue…

C’est Jung, je crois, qui disait que l’observation ultime du cosmos et des tréfonds de la matière permettrait à terme de percevoir la nature de l’esprit. Cette idée que la psyché se reflète dans la matière et inversement. A ce moment-là, je me demandais si l’introspection pouvait conduire à la connaissance ultime de la réalité. Si continuer les diètes de plantes maîtresses comme je le faisais depuis plusieurs années me permettrait un jour d’atteindre les dernières rives de la connaissance. 

Quelques jours auparavant, Wish m’avait dit que c’est par le biais du psychisme que les entités intelligentes comme l’Ayahuasca ou les extraterrestres peuvent se manifester dans la conscience. Qu’il suffit juste de tourner le bouton pour capter la bonne fréquence. Ça m’avait rappelé Jan Kounen, qui dit, lui, que c’est par le biais de ce télescope végétal qu’est l’Ayahuasca que les chamans ont exploré et découvert une conception de l’univers qu'ils ont intégrée depuis des millénaires à leur mythologie…

Neurones

Ces idées qui surnageaient à la surface de mon esprit se sont mises à prendre vie en moi, métamorphosant mes pensées en visions. Petit à petit, comme une araignée travaillant méticuleusement au tissage de sa toile, cet univers que je portais en moi, gravé dans mes cellules, s’est organisé en réalité expérientielle. 

C’est difficile à décrire, et pourtant c’est un truc que fait fréquemment l’Ayahuasca. Permettre une double vision. Pouvoir regarder le monde sur plusieurs échelles à la fois, microscopique et macroscopique. Il faut le vivre pour savoir que c’est possible. Voir les choses séparément et aussi comme un tout, simultanément. L’expérience se télescope en une unité, sans perdre pour autant les détails de ce qu’elle montre. 

univers et le cerveau fonctionnent sur le même modèle

La Plante me présentait un champ de neurones qui était également une représentation de l’espace et des planètes en trois dimensions. Par un subtil jeu d’images, le cosmos était devenu… un immense cerveau !

Les neurones étaient des galaxies, reliées entre elles par des milliards de synapses, acheminant des impulsions lumineuses d’informations comme pour innerver, nourrir l’ensemble du système, le tout constituant un réseau fantastique où chaque planète renvoyait l'écho de toutes les autres planètes, comme un système holographique, constituant une symphonie de reflets où chaque partie contenait le tout, chaque note portant en elle l’ensemble de la mélodie… 

Galaxies, vue artistique

Cette musique était celle de la conscience qui apprend à se connaître elle-même en ricochant et se diffractant sur ses fragments, au cœur de ses incarnations qui la densifiaient des expériences et des vécus particuliers de chaque être, mais sans jamais perdre son lien avec elle-même, avec sa nature. Car elle était infiniment supérieure à la simple addition de ses parties.

J’étais totalement happée par la beauté et la signification de cette vision. Ma bouche s’ouvrait toute seule sur un râle d’extase silencieux, des larmes brûlantes inondaient mes joues face à tant de puissance, tant de signification, et mon front et le sommet de ma tête étaient bouillants, comme ceints d’une couronne de lumière, parce que le cerveau qui se planquait en plein cœur de ma tête était exactement la même chose que l’espace intersidéral, et je le sentais physiquement relié à la vision que la Plante m’en offrait ! Et cette planète sur laquelle je vivais, loin d’être une terre perdue et isolée dans le noir de l’infini, était elle aussi un maillon de cette chaîne dont chaque élément était connecté aux autres en reflétant en lui la totalité dont il faisait partie… 

C’est alors que j’ai eu un flash extrêmement brutal de Ronin, l’anaconda mythique des Shipibo, cet Ouroboros créateur de la réalité. Ça n'a duré qu’une brève seconde, mais je l’ai vu dans toute sa vertigineuse signification.

Ronin, anaconda mythique des Shipibos, créateur de la réalité et Ouroboros

Il était l’ADN. Il était l’Ayahuasca en liane, puis en breuvage, passant de la nature à la culture. Il était les kéné, ces dessins de l’art shipibo. Et il était aussi l’anaconda et le jaguar, ces deux puissants esprits mythiques du chamanisme amazonien, dont les tâches sur le pelage et les écailles sont tellement similaires… Mais surtout… il était l’emblème et le symbole parfait de la conscience qui, tel Shiva dans sa danse, dans sa boucle éternelle sans début ni fin, ne cesse de s’enrichir, de s’accroître, de s’expandre, de se densifier, de se complexifier à travers l’expérience des vivants incarnés, entraînée par un élan infini pour se nourrir d’elle-même. 

L’esprit, la matière, la science, la philosophie, la foi, les archétypes et l’inconscient collectif n’étaient que les différentes manifestations, les vibrations sur différentes échelles, dans différentes dimensions, sur différentes fréquences, d’une seule et même chose. 

Une seule réalité.

Je l’ai senti dans tout mon corps. Je l’ai compris avec mes cellules et mes organes, avec ma peau. Cette Ayahuasca Cielo que j’avais bue, c’était moi. Cette plante qui utilisait le langage visionnaire pour m’enseigner le monde. Ces chants que Wish envoyait avec une foi décapante vers l'espace. Ces esprits qui nous guidaient et accompagnaient nos efforts pour nous comprendre nous-mêmes. Tout ça, c’était la conscience. Et elle n’existait qu’au singulier. La selva et la médecine formaient une interface pour que la conscience apprenne enfin à dialoguer, puisse enfin communiquer avec elle-même. 

Sumac Icaro, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Je me suis mise à rigoler toute seule. Vraiment fort. Et j’ai redoublé de rire quand Wish s’est joint à moi.

Faire exploser les filtres du cerveau pour que la réalité apparaisse enfin dans son entièreté ! Oui, c’était ça la solution ! Et alors, y avait plus de séparation entre le passé, le présent et le futur, et plus de distance spatiale non plus. Des Hommes du passé pouvaient me montrer leurs vies. Les esprits des plantes pouvaient m’enseigner leurs secrets. Le jaguar pouvait s’incarner en moi pour me prêter sa force. Et mon moi du futur pouvait guider mon moi présent jusqu'à lui en créant des signes sur mon chemin…

J’ai entendu Wish se lever alors je me suis redressée tant bien que mal pour recevoir son chant du mieux possible, toute recroquevillée sur moi-même. C’était un icaro rapide et fort, et il le scandait en me frappant doucement la tête avec sa chacapa et en me crachant du parfum dessus à plusieurs reprises. Je savais pourquoi il faisait ça. Pour me faire reprendre contact avec mon corps. Il devait sans doute considérer que j’avais été un peu trop loin pour mon propre bien. 

Une fois le chant terminé, il m’a soufflé du mapacho sur la tête et dans le débardeur, puis est revenu sur le sommet de mon crâne pour lui insuffler de la fumée dedans en serrant sa main en cône, rapidement, à trois reprises. 

Ça m'a apaisée. Il avait enfin refermé le passage, colmaté le canal qui m’avait permis de comprendre et de voir tout ça. Et c’était pas plus mal, parce qu’à force je me sentais vraiment comme un monstrueux ordinateur quantique en surchauffe ! (non, je ne sais pas ce qu'est un ordinateur quantique, mais c’est pas le problème).

— Merci, j’ai chuchoté en rigolant à moitié.

— De rien, Zoë.

On s’est marrés ensemble un petit coup et il est reparti à sa place, restant silencieux et fumant pensivement le reste de son mapacho. J’ai rampé jusqu’au tapis pour m’en prendre un moi aussi, mais j’avais la nausée au bord des lèvres et fumer n’arrangeait pas vraiment la chose. La Plante était toujours en moi, je la sentais déjà s’organiser pour un nouvel assaut.

Liane d'ayahuasca

J’ai posé le mapacho à peine fumé sur le plancher et me suis rallongée sur mon petit matelas, douillettement recueillie en moi-même. Cette médecine était vraiment incroyable ! Malgré mes nombreuses cérémonies, j’étais toujours aussi surprise et fascinée par le pouvoir de ce breuvage. On dira ce qu’on voudra, mais pour un Occidental, le fait que des plantes soient en mesure de communiquer avec nous en utilisant notre psyché reste quelque chose de fondamentalement mystérieux.

D’une, ça suppose que ces plantes soient animées d’un esprit, mais aussi d’une intelligence et d’une volonté de s’en servir pour, chose plus incongrue encore, nous aider. De deux, ça implique qu’elles sachent adapter leur langage à chacun de nous en lui présentant des visions à la portée de sa compréhension. Et de trois, cerise sur le gâteau, les informations qu’elles nous transmettent sont d’un niveau de sagesse si élevé que leur savoir synthétise en une sorte de méta-analyse tout ce que l’être humain a pu inventer comme moyens d’études du réel, surfant entre les domaines du mythe, de la physique, de la biologie et de la psychologie en orchestrant tout ça en une unité au maillage si serré que tout semble découler naturellement de tout.

Une fois, Wish m’a dit que l’Ayahuasca nous connecte aux archives de la vie. Il disait qu’en fait, l’Ayahuasca est le livre, et la Chacruna la langue qui permet de le lire. Ce soir-là, j’étais plus que convaincue qu’il avait raison.

Mais j’ai coupé court à ces pensées analytiques qui me fatiguaient déjà pour me laisser envoûter par les nouvelles images en train de se former. 

Abeille

J’étais dans une prairie, mais ma taille avait dû considérablement diminuer en chemin, parce qu’elle m’apparaissait immense, une véritable jungle. Les fleurs que je croisais étaient beaucoup plus grosses que moi, bon sang. Ça s'agitait de partout dans cette clairière. L’air vrombissait d’un millier de petites vies qui s’activaient en tout sens. J’étais comme en apesanteur, la Plante me baladait doucement dans ce monde végétal saisissant de couleurs et de détails. Et puis une abeille a été élue comme guide, et j’ai suivi ses déplacements de fleur en fleur.

Jusqu’à ce que je fusionne avec elle. Elle était en train de butiner quand ma conscience est entrée en elle. D’un coup, le monde a complètement changé de visage ! Le spectre de couleurs que mes yeux recevaient s’est brutalement appauvri, comme si je ne pouvais plus percevoir le rouge, je crois, mais cette perte était largement compensée par mon incroyable pouvoir d’appréhender le monde en une infinité de petites réalités qui, conjuguées ensemble, m’offrait une vision enrichie de mon environnement et surtout, par ma nouvelle capacité de détecter la symétrie. C’était ça que je cherchais dans les fleurs. Les plus symétriques d’entre elles indiquaient leur bonne santé, et donc de bonnes ressources pour moi.

Fleur

Sans savoir comment, j’ai laissé l’abeille pour plonger dans une fleur. J’étais maintenant en pleines fractales hexagonales qui rappelaient un peu le début de l’expérience du bufo. Mon esprit se faisait ronger, dévorer par cette mosaïque vivante aux couleurs impossibles, en perpétuelle mutation. C’était loin d’être agréable, vraiment, d’autant plus que je souffre de trypophobie, cette bizarre et stupide peur des petits trous qui te donne envie de vomir quand t’en vois trop, mais j’étais en train de comprendre que ces formes alvéolaires étaient une structure essentielle du vivant, présente partout dans la nature, dans les yeux d’une abeille, dans les ruches, dans les pistils de fleurs, dans les parois cellulaires, comme si la symétrie et la duplication étaient des caractéristiques majeures de la vie.

Et puis, je sais pas, j’ai perdu pied. Ces fractales m’ont désintégrée. Je ne sentais plus mon corps et mon identité m’avait été comme dérobée. Ma conscience, ou alors mon cerveau, semblait à présent répandu, reparti dans mon corps entier, et c’est à travers ce corps-cerveau que j'appréhendais désormais l’univers. Je me sentais comme… une plante, je crois. 

Colonie de fourmis

C’est dans cet état étrange que j’ai continué mon exploration. L’Ayahuasca était repartie dans ce type de vision absolument non-humain, où tout s’interconnecte simultanément. Il y avait une colonie de fourmis qui s’activaient comme des petites folles, et en surimpression une forêt fortement agitée par une énorme tempête, de celle prête à déraciner les arbres. Les fourmis s’excitaient, les arbres se tordaient sous l’impulsion du vent, et j’ai plongé chez les fourmis qui couraient à présent pour fuir la pluie martelant leur petit univers, qui m’apparaissait immense, pour le coup. A leur échelle, cette tempête, c’était l'Apocalypse ! 

Le pire, c’est que je me sentais vivre à l’intérieur de chaque fourmi mais aussi en tant que… qu’esprit collectif de la colonie. Certaines parties de moi mourraient, emportées par les rivières d’eau ou étouffées dans la boue, mais mon esprit global absorbait la mort d’un de mes membres, parce que mon existence…

J’ai pas eu le temps de transformer cette information en concept. La Plante a brusquement décidé de me faire changer de niveau et j’ai passé la barrière de la terre pour plonger à la rencontre du monde souterrain, là où proliférait… le mycélium.

Il était immense, nom de Dieu ! C’était un gigantesque réseau ! Et il vivait d’une vie carrément effroyable de vivacité !

C’était un organisme tentaculaire, une entité sans fin parcourue de nervures luminescentes, sorte de tissu structurant la vie en soutenant, alimentant, connectant toutes les plantes entre elles, et même, je crois bien, tout le vivant…

Mycélium

Cet être intelligent était capable de s’étendre pour rechercher l’eau et les nutriments, pour se connecter aux racines des plantes et des arbres, il dégradait et assimilait les cellules des autres organismes, et apparemment, il était aussi en mesure de transmettre de l’information par voie chimique et peut-être électrique, comme me le laissaient supposer ces impulsions lumineuses et décharges d’énergie qui le parcouraient, me faisant une fois de plus penser à des synapses en pleine activité. 

C’était terrifiant… On aurait dit un gros alien caché sous la surface du monde, auquel aucun d’entre nous ne pouvait échapper !

Au fond de moi, pourtant, je savais qu’il était question de symbiose et non pas d’une relation parasitaire, mais la peur était entrée en moi et ce qui restait de mon mental s’est jeté dessus pour conceptualiser cette idée que j’avais lue dans une nouvelle d’Isaac Asimov, je crois : les plantes nous utilisent pour se répandre à travers l’univers.

Oui, l’Ayahuasca empruntait notre cognition, comme les fleurs utilisaient la mobilité des abeilles, pour ensemencer la planète. Enfin, pas vraiment l’Ayahuasca sur le plan physique. Plutôt son esprit. Beaucoup d’entre nous tombaient amoureux d’elle après l'avoir bue, et ne songeaient qu’à une chose, en faire tâter aux autres !

Est-ce que la nature cherche à se sauver elle-même par l’entremise de notre conscience ? j’ai murmuré dans ma tête en passant les mains sur mon visage, à moitié mortifiée. Un être humain qui boit de l’Ayahuasca voit fatalement sa conscience écologique s’élever et il veut plus causer aucun dommage à l'écosystème. Il veut même le protéger ! Et si plus d’humains boivent de l’Ayahuasca, plus d’humains sont éveillés. Est-ce que ce serait un moyen pour la Plante de se sauvegarder ? Pour survivre cachée à l'intérieur de notre conscience ?

Je me suis jetée sur ma bassine pour me remettre à vomir, littéralement infestée par ces pensées. Je me suis vidée des minutes entières, reprenant contact avec mon corps, rejetant maladivement hors de moi ces idées qui m’effrayaient tant. C’était plus fort que moi. Je me sentais parasitée. 

Et j’ai entendu la Plante glousser.

Conscience universelle, vue artistique

Tout est conscience, elle a fait de sa voix sensuelle constituée de mille voix différentes. Toi, moi, la Nature, il n’y a pas de différence. La conscience ne veut que plus de conscience. Quand tu me bois, c’est toi-même que tu rencontres, et c’est toi aussi que tu sauves.

En un claquement de doigts, j’ai cessé de vomir. J’ai écarté ma bassine et me suis assise toute droite, en tailleur. Presque rigide. J’ignore pourquoi, mais les paroles de la Plante ont complètement redressé ma posture, à la fois physique et spirituelle. Ma colonne vertébrale s’est recentrée. Je me suis mise à respirer longuement, profondément. Et mon esprit s’est réaligné sur la vibration de la medicina.

Je comprenais le message de l’Ayahuasca. Je le comprenais avec tout mon être, mes tripes, mon cœur, mon âme. Et je le sentais, aussi. A ce moment-là, la conscience de la Plante fusionnant avec la mienne était une expérience, une réalité. C’est difficile à expliquer, mais on aurait dit que mon corps était une sorte d’antenne, de récepteur, une radio branchée sur les ondes de la médecine, recevant et émettant sa vibration, et… ça me faisait comme rayonner de l’intérieur. 

Oui, tout était relié, tout était une seule et même chose, et ce monde de matière dans lequel j’allais retourner, lui aussi faisait partie de moi, et ma conscience pouvait y imprimer ses intentions. Parce que c’était elle qui le créait. La conscience était première. C’était la seule réalité.

Nourrie par mes réflexions, une autre dimension s’est ouverte à moi, et c’est la vision la plus belle et la plus incroyable que j’ai eue cette nuit-là. J’ai vu l’humanité entière, comme les cellules d'un organisme, disséminées sur l’ensemble de la planète, avec ces milliards de petits moi incarnés dans toutes ces personnes, tous connectés par des fils lumineux multicolores à des entités humanoïdes gigantesques qui flottaient dans l’espace. Des Soi, j’imagine. Mon point de vue s’est reculé pour que je réalise que ces Soi n’étaient eux aussi rien de plus que les pièces du puzzle d’une sorte de Super Soi unique, immense esprit de cristal dans lequel circulait sans fin une sorte de code informatique.

Vue artistique de la conscience universelle

Non, je dois rectifier quelque chose. Je ne voyais pas la scène. J’étais la scène.

Y avait plus de démarcation entre moi et l’univers. A ce niveau de conscience, cette différenciation n’existait tout simplement plus. J’avais (si le “je” possède encore une quelconque signification…) replongé dans l’expérience pure, sans observateur, sans identité pour la vivre, et pourtant… elle était en train de se vivre. Et je sentais comment cette mécanique cosmique fonctionnait, la façon dont chaque petite vie individuelle alimentait les Soi, comment chaque Soi enrichissait la Supraconscience Primordiale, et aussi comment, dans un élan toujours renouvelé, cette Conscience s’incarnait à nouveau, en plein amour avec elle-même, pour se brancher sur l’expérience individuelle afin de toujours plus se densifier, se complexifier. S'expérimenter elle-même. Se connaître…

Et dire qu’on croyait tous lutter dans le vide comme des idiots aveugles, soumis à un hasard cruel et capricieux !

La peine qu’on ressentait, les batailles qu’on menait, la foi qu’on mettait à croire en nos valeurs et à les faire vivre, cette terrible liberté qu’on poursuivait à coup de pioche pour la déterrer de nous, l’amour insensé… dont chaque vie humaine était la manifestation… L’Amour était la clé de tout ça, son sens, la direction et la signification de l’existence, sa raison d’être…

Conscience, vue artistique

On n’était pas là pour découvrir ce que d’autres connaissaient déjà. On existait pour donner du sens à la conscience, en temps réel, en créant la réalité depuis cette source à laquelle chacun de nous pouvait se relier, cette source à la fois transcendante et immanente, qui était NOUS, parce que… 

… la conscience et la réalité sont les reflets mutuellement renvoyés d’une seule et même expérience… a chuchoté la Plante au creux de mon oreille.

— Bon sang, elle est vraiment cosmique, cette Ayahuasca Cielo… j’ai baragouiné en direction de Wish, qui s’est esclaffé sans retenue.

Et il a pris sa guitare pour commencer à nous faire redescendre doucement.


— Et si tout ça n’était qu’une vaste simulation ? j’ai demandé à Wish le lendemain.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Eh bien, je sais pas… j’ai fait en cherchant mes mots. Comme dans un rêve, quoi. Ou un jeu vidéo.

— Mais c’est un rêve, il a répondu à sa manière à la fois simple et énigmatique qui avait le don de m’agacer. Et c’est un jeu, aussi. Mais je te rassure, quand la partie sera finie, tu vas te réveiller. 

Et si la réalité n'était qu'une vaste simulation ?

Un long frisson m’a parcouru l’échine. Dans mon système, les restes d’Ayahuasca ont frémi, et une brève seconde, mon esprit a été la proie d’une inquiétante étrangeté.

Je me suis dit qu’il faudrait que je me replonge dans ce livre de Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, Tout est relié, afin de vérifier ce qu’ils en disaient, eux.

Ouais, c’est comme ça que ça marche. Même le savoir est une boucle. On découvre quelque chose dans un bouquin, puis on l'expérimente dans sa vie, et enfin on rouvre le livre, riche d’une nouvelle compréhension personnelle, pour s’apercevoir que notre seconde lecture est vachement plus vaste. 

Merde, je me suis dit. Le monde entier est un putain d’Ouroboros.

Et j’ai allumé un mapacho et me suis avachie dans mon hamac en fermant les yeux pour essayer de pioncer.


Un immense merci à Jocelin Morisson et Romuald Leterrier qui m’ont offert la chance de lire Tout est relié en avant-première !

Cette cérémonie d’ayahuasca inspirée de l’ouvrage a attisé votre curiosité ? C’est ici que ça se passe :

"Tout ne fait qu'un", "tout est relié", nous disent de nombreuses traditions spirituelles. Un message qui semble aujourd'hui confirmé par la physique moderne. Pourtant, cette affirmation reste une abstraction pour beaucoup d'entre nous, une belle parole sans substance dans un monde qui semble au contraire plus divisé et catégorisé que jamais.

Dans ce nouvel ouvrage, les auteurs du best-seller Se souvenir du futur nous font découvrir un univers d'investigations entièrement méconnu, celui d'un vaste réseau d'interactions dont nous sommes les acteurs privilégiés. Tout d'abord, il existe pour les chamanes du monde entier une sorte d'Internet de la nature, qui permet d'entrer en contact avec les esprits du monde vivant, mais aussi avec les défunts. Les recherches récentes sur le vide quantique, les propriétés subtiles de l'eau, l'intelligence des plantes, l'univers-cerveau, la conscience comme "toile de fond" du réel, donnent ensuite corps à ce vaste entrelacs qui est aussi un réseau de connaissance tissé d'informations.

À partir de nombreux exemples issus des cultures natives, des traditions spirituelles et des dernières découvertes de la science la plus en pointe, le réseau cosmique se matérialise sous nos yeux et apparaît pour ce qu'il est : un vaste Esprit.


ROMUALD LETERRIER (retrouvez tous ses ouvrages dans le Top 15 Livres Chamanisme) est chercheur indépendant en ethnobotanique, spécialiste du chamanisme amazonien et des plantes de vision. Il a découvert le principe d'une mémoire du futur auprès d'un chamane shipibo et explore depuis plusieurs années le concept de la rétrocausalité sous ses différentes facettes.

JOCELIN MORISSON (découvrez sa fascinante interview ici !) est journaliste scientifique, auteur et traducteur, et travaille sur les ponts entre science, philosophie et spiritualité. Il est coauteur de La Physique de la conscience avec Philippe Guillemant, de La Révolution psychédélique avec Olivier Chambon, et auteur d'un essai philosophique : L'Ultime Convergence.

ACHETER TOUT EST RELIÉ


Les liens Amazon de la page sont affiliés. Pour tout achat via ces liens, le blog perçoit une petite commission.
Ainsi vous contribuez sans effort à la vie de ce blog, en participant aux frais d'hébergement.


Lire la suite
Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou Chamanisme, Gonzo Zoë Hababou

L’Ayahuma, le Cobra et Moi

Le Cobra est loin d’être l’animal le plus pété du cul au sein de la clique des animaux totem. C’est même un putain d’honneur d’être choisi par lui ! On dit qu’il n’apparaît que lorsque l’élève est prêt à recevoir son pouvoir. Sa qualité principale ? Le don de métamorphose ! Ce bâtard cosmique est le roi de la vie, de la mort et de la renaissance, en vertu de ce truc propre à lui, changer de peau, muer, en gros donc, savoir se débarrasser d’une ancienne partie de soi, étriquée, déjà morte et donc inutile et encombrante, pour glisser vers l’avenir avec une nouvelle version de lui-même. Pas mal pour quelqu’un comme moi qui cherche à se surpasser !

Reportage Gonzo d’un Écrivain en Cure de Plantes

Le Cobra, animal de pouvoir rencontré lors d’une cérémonie d’ayahuasca, avec une fleur d’ayahuma

PHASE 1

Et dire que je croyais que tout était foiré. C’est dingue à quel point on peut se planter total dans la vie. Faut dire, y me faut jamais beaucoup de temps avant de déclarer d'un ton sinistre que tout est perdu. C’est mon côté nihiliste. Accompagné d’une note de désespoir hystérique, comme dirait Tyler Durden.

La maloca

La maloca où se déroulent les cérémonies d’ayahuasca

La scène se situe dans une maloca, quelque part en Amazonie péruvienne. La veille, j’ai remis ça avec l’ayahuasca après la débâcle de la Colombie.

Je vous ai pas raconté ? Là-bas, j’en ai repris pour la première fois après la mort de Wish, le Shipibo qui m’a initiée au truc. Ce chaman colombien, un Tikuna, était pourtant du genre sérieux. Simplement, il avait pas du tout la même approche de la plante que Wish, et sa préparation était trop soft pour moi. Certains indigènes considèrent que les visions, c’est un trip pour les occidentaux, qui selon eux, utilisent l’ayahuasca comme une drogue, et, comment dire… Ils mangent pas de ce pain-là. Ils la préparent donc avec très peu de chacruna, ces feuilles pleines de DMT induisant les visions.

Ajouté au fait que fumer était drastiquement interdit chez lui, bref, j’étais pas du tout dans mon élément. Dommage. Son endroit était génial, et son savoir encore plus.

C’est comme ça que je me suis retrouvée à tracer la route (enfin, le fleuve Amazone en l’occurrence) direction le Pérou. Débarquée à Iquitos. La ville a putain de changé depuis 15 ans que j’y ai pas refoutu les pieds. Y flotte. Je me dégote un hôtel. J’ai pas de plans pour l’ayahuasca, et pas la moindre intention de faire confiance à internet pour en trouver un. Ce bled regorge de faussaires, Google aussi. Pour le biz de l’ayahuasca, on fait pas pire qu’Iquitos, bordel.

Et puis je tombe sur cette Française. A l’hôtel, eh ouais, même pas besoin de bouger son cul. Elle me parle de cet endroit, à 7h de bateau. De la Maestra (elle s’appelle Alicia, mais tout le monde dit La Maestra), femme chamane qui officie là-bas.

Quand je vous dis que c’est toujours l’ayahuasca qui te trouve…

Les chamans

Gardel et la Maestra, les chamans, un soir en mode chill…

Pourtant, la première cérémonie que je fais, dirigée par un chaman mec (son nom est Gardel, c'est l'autre chaman du centre, la Maestra n’est pas là) a de quoi me déprimer. Ma conscience frémit, mon corps gronde, mais même avec deux tasses d’une ayahuasca drôlement forte, ça veut pas venir, putain. Durant la session, je chiale en pensant à Wish. Je suis pas chez les Shipibo ici, et les icaros sont franchement différents. Ça me manque. Je me dis que c’est peut-être pour que ça que ma transe n’arrive pas à décoller.

Le lendemain, le boss de l’endroit, un Italien, Fabrizio il s’appelle, nous propose à la Française et moi, et à quelques gringos qui se trouvent là, une cérémonie de mambé, cette poudre de feuilles de coca qu’on se colle sur la gencive après y avoir appliqué de l’ambil, pâte de tabac. Un truc sacré chez les Colombiens, qui vivent avec en continu, tout comme les Boliviens avec les feuilles elles-mêmes, qu’ils gardent toujours au creux de la joue. Le mambé te filant un petit coup de pied au cul, l’idée du truc est de parler de la cérémonie d'ayahuasca de la veille à cœur ouvert, chacun son tour, du style cercle de parole, sans jamais interrompre celui qui cause.

Voilà comment on en arrive là. A moi, désespérée, en train de chialer ma race devant tous ces inconnus. A leur dire que je crois que l’ayahuasca veut plus de moi, et que Wish me manque. Enfin, je m’éternise pas non plus des masses à pleurer sur mon sort. Je méprise l’autoapitoiement, et puis Fabrizio m’apprend qu’il m’a sondée la veille, durant la cérémonie. Ça fait 3 ans qu’il est là, qu’il a ouvert ce centre, et l’enfoiré cumule plus de 300 sessions d’ayahuasca, donc ce qu’il a vu sur moi m’intéresse.

J’oublierai jamais cette façon qu’il a eue de dire ça. Comme ça, sans préliminaires : You are so stroooooooooong !!!

La maloca du centre Paojilhuasca, vue de l’intérieur

Ouais. Apparemment, il a jamais vu quelqu’un d’aussi fort que moi. On peut dire que ça me remet en selle, d’autant plus qu’en évoquant mes bouquins, plus tard dans la cérémonie, je capte que j’ai trouvé à qui parler : un révolutionnaire, qui place la liberté au-delà de tout. Comme moi.

Et pour finir cette soirée foireuse, ce putain de yopo. Une poudre de graines d’un arbre brésilien, dont la concentration en DMT est super élevée, qu’on t’envoie dans le nez grâce à ces espèces d’insufflateurs qu’ils ont ici, dont on se sert principalement pour le rapé, tabac à priser local.

J’ai jamais été aussi proche du badtrip de ma vie, et pourtant j’en ai pris des trucs puissants ! Les visions que j’ai eues étaient proches de celles de l’ayahuasca, à part qu’elles étaient en mode fast & furious, un truc ingérable… Moi qui recommande toujours de pas lutter contre ce qui arrive (n’importe quoi qu’arrive) avec les substances, psychédéliques ou pas, bah ce coup-ci, j’en ai été incapable. Et y se trouve que Fabrizio, je considère qu’il m’a sauvé la vie. Il s’est passé un truc très fort entre nous quand je badtripais, et je me suis complètement accrochée à lui, psychiquement et physiquement.

Je crois que c’est ça, par-dessus tout, qui m’a incitée à revenir.

PHASE 2

Je suis rentrée sur Iquitos, j’ai prévenu tout le monde que je coupais contact pendant plusieurs semaines, j’ai fait mon baluchon et trois jours plus tard j’étais de retour dans la jungle.

Avec l’ayahuasca, chaque cérémonie est intéressante, mais y en a toujours quelques-unes qui se démarquent du lot. Celles qu’on a envie d’appeler des Grandes Cérémonies. Le genre d’expérience où tout s’emboîte, où les pièces du puzzle sont enfin réunies.

C’est ce genre-là auquel j’ai eu droit le soir même de mon retour. La Maestra officiait.

J’ai finalement compris ce que je voyais depuis ma toute, toute première cérémonie, quand j’avais 20 piges. 52 cérémonies plus tard, à 34 ans, vous me direz, il était temps.

Ces formes lumineuses en mouvement, qui dansent et se transforment au rythme des icaros. Cet or que mon ancien maestro plaçait en moi. Ces architectures organiques ou au contraire effilées, comme célestes, qui colonisent ma conscience…

Tout ça, c’est l’énergie. C’est elle que je vois depuis mes débuts avec l’ayahuasca. C’est le langage visionnaire qu’elle a choisi, qu’elle a créé, pour s’adresser à moi. Notre idiome, rien qu’à toutes les deux.

Les étagères de medicina : ayahuasca, mambé, rapé, yopo, kambo… mapacho !

Les étagères de Medicina : ayahuasca, mambé, rapé, yopo, kambo… mapacho !

C’est en parlant avec les autres que j’ai réalisé que j’étais la seule à avoir ce type d’expérience. Pour eux, le schéma basique d’une cérémonie, c’est des fractales qu’ils finissent par dépasser pour entrer dans le monde des visions, qui s’apparentent en fait à des rêves. Des images réalistes. Des Hommes, des animaux, des univers. Des aliens. S’il m’est arrivé d’en avoir, c’est loin d’être ce qui constitue mon expérience majoritaire.

Ce que je vois, moi, c’est l’énergie.

Celle qui se dégage du chaman, de ses icaros, celle des plantes dont il entonne la chanson spécifique, celle des autres participants, celle de la jungle, et puis… celle des esprits.

Expliquer la façon dont j’ai tilté lors de cette session, ça va pas être possible. Avec l’ayahuasca, on sait les choses, point barre, et vu que cette compréhension ne provient pas de l’esprit logique et rationnel, elle demeure inexplicable.

Comprendre enfin la signification de mes visions, c’était une putain de révolution.

Mais c’était que le début.

Ceux qu’ont lu mes Carnets d’ayahuasca savent que des gestes, j’avais déjà commencé à en faire pas mal durant mes précédentes cérémonies. Alors que la plupart des gens se tiennent tranquilles, moi, j'arrête pas de bouger ! Recueillir la medicina dans mes mains, l’appliquer sur mon front, secouer mes épaules et sentir mes ailes pousser, frapper sur ma poitrine… Mais jamais encore j’avais été aussi déchaînée !

Mes mains se mouvaient toutes seules avec une vitesse stupéfiante pour agripper l’énergie des chants de la Maestra, m’en emparer, puis m’en parer, la faire tourbillonner autour de moi, me baigner avec, la faire danser à mon tour…

Un exemplaire de Borderline devant des bouteilles d’ayahuasca

L’exemplaire de Borderline laissé au centre histoire de filer du grain à moudre aux futurs diéteurs…

Jusqu’à ce moment où j’ai placé la tranche de ma main droite contre mon front, où l’entièreté de mon esprit s’est concentrée en une ligne au centre de ma tête, aussi fine et coupante qu’une lame acérée, pour faire jaillir mon intention.

Ce serait d’ailleurs le moment d’en parler, de mon intention. Qu’est-ce qu’une meuf comme moi, sans problème particulier, s’en va foutre dans la jungle pendant trois mois ?

Eh bien, puisque cette meuf est écrivain et que l’idée qui la hante est de terminer sa saga Borderline en explosion digne d’Hiroshima, elle s’en va chercher du pouvoir. Et de l’inspiration. Mais surtout, une volonté, une rectitude, une droiture à faire pâlir d’envie le plus enfiévré et déterminé des samouraïs. Parce que c’est de ça qu’elle a besoin pour écrire comme Travis, l’anti-héros de ses livres. Pour se rapprocher toujours plus de lui. Et être en mesure, à la toute fin, de comprendre et de transcrire le dernier de ses choix…

Et donc, mon esprit est devenu une ligne, puis une flèche, mes mains ont saisi un arc, l’univers entier est devenu ma cible, et mon esprit a projeté la flèche de son intention vers l’infini.

C’est après ça que l’Ayahuma m’a appelée. J'en savais vraiment très peu au sujet de cette plante. Elle figure même pas dans Borderline. La Maestra s’est mise à entonner son icaro (en la citant plusieurs fois dans la chanson, qui était en espagnol), et moi… je me suis mise à suffoquer ! Assise face à la chamane, la bouche ouverte, l’esprit bloqué, l’air entrait en moi par à-coups, comme si… je sais pas, comme si j’inhalais l’esprit de cette plante. Sur le moment, j’en ai pas spécialement fait cas, et pourtant le message était on ne peut plus évident.

J’ai alors plongé dans quelque chose d’autre. Quelque chose d’empoisonné…

Le monde des serpents.

Ayahuma : cet arbre puissant, magnifique, fait partie des plantes maîtresses d’Amazonie

L’Ayahuma en personne.

Je les ai vus flotter dans leur berceau de terre, sentis glisser dans mon ventre, ils m’ont fait vomir acide pour goûter leur poison, j’ai tremblé en comprenant ce que ça voulait dire, de vivre avec ce venin en soi et d’avoir le pouvoir de donner la mort en un éclair.

C’est là qu’il s’est présenté. Celui que j’attendais plus. Cet esprit bien spécial, propre à chacun, dont tout le monde au centre se targuait d’avoir identifié le sien et d’être sous sa protection. Mon animal de pouvoir.

Un cobra.

Un putain de cobra, nom de Dieu…

Enfin, il était là ! Enfin il se faisait connaître, enfin il émergeait de cette fréquence de ma conscience à laquelle j’avais jamais été foutue de me connecter ! Et il était plus beau, plus digne, plus puissant que tout ce que j’aurais pu espérer…

Je l’ai vu en face de moi, j’ai senti sa couronne se déployer atour de ma tête, il m’a observé avec ses yeux de reptile dont on ne peut jamais deviner les intentions, ce regard froid, hypnotique, comme tourné vers l’intérieur, qui contemple un monde que nous, humains, on sera jamais fichus ne serait-ce que d’imaginer…

Mon esprit gardien, c’était lui. Et en le découvrant, il me semblait récupérer enfin une part essentielle de moi-même.

C’est sans doute pour ça qu’ensuite, j’ai vu ma propre énergie. Pas celle des chants, pas celle des plantes.

La mienne.

C’est en appliquant ma main sur mon front comme je fais souvent (au niveau du troisième œil, là où se planque la glande pinéale) que je l’ai vue. Je déconne pas, j’ai fait le test. Quand j’enlevais ma main, elle disparaissait. Quand je la posais à nouveau, elle revenait. L’énergie de ma main droite, celle qui détient toute ma force, avec laquelle je fais tout. Cette main dont la tranche s’est posée sur mon front pour cibler mon intention.

Le dernier dessin que Bruno Leyval a fait de moi...

Le dernier dessin que mon pote alchimiste Bruno Leyval a fait de moi…

C’est une énergie d’un noir fumé, parcourue d’électricité bleue et rouge. Elle se meut comme la fumée d’un mapacho, et parfois elle brille comme si elle renfermait des diamants.

Elle était si belle que je suis tombée amoureuse de moi-même. Oh, je sais l’effet qu’une telle déclaration peut faire, et je vais pas me gêner pour enfoncer le clou : c’est un sentiment qu’est revenu maintes et maintes fois durant les cérémonies suivantes. C’est magnifique. C’est merveilleux de s’aimer de cette façon-là. Et vous savez quoi ? Ça n’a rien de malsain.

Cette découverte a rapidement été suivie par une autre. Ma main gauche, c’est de l’énergie blanche dorée qu’elle renferme. Cette main est beaucoup plus sensible, beaucoup plus faible que l’autre. C’est celle qui me sert pour sentir, et sa place est sur mon cœur. C’est le seul endroit qu’elle tolère. J’y reviendrai plus tard.

PHASE 3

Dès le départ, mon idée était de m’engager dans une diète de plante maîtresse en venant ici (si vous vous demandez pourquoi, filez lire cet article). Le tout était de savoir laquelle. Bien sûr, on peut toujours partir des infos qu’on a sur elles pour trouver la sienne, identifier ses problèmes personnels, et compter 1 + 1 = 2. Sauf que c’est carrément anti-intuitif, comme délire, et que la médecine amazonienne est bien plus subtile que ça.

La fleur de l’Ayahuma, plante maîtresse d’Amazonie, qui sent diaboliquement bon !

La fleur de l’Ayahuma.

C’est l’Ayahuma qui m’a appelée. C’est elle qui m’a reconnue. Lorsque la Maestra a entonné son icaro, elle a cristallisé mon esprit et m’a fait suffoquer pour que je comprenne. Et il se trouve que cette plante (tiens tiens), c’est pas ce qu’on appelle une plante de guérison. C’est une plante de pouvoir (encore une fois, si vous êtes curieux, elle se trouve dans le Répertoire des Plantes Maîtresses).

Direct, Gardel m’a mise en garde à son sujet. Voici ce qu’il m’a dit en vrac : attention à ne pas tomber dans le piège de la sorcellerie (c’est-à-dire, utiliser les enseignements de cette plante pour nuire), avec l’Ayahuma quand tu diras non, ce sera non, et enfin, j’espère que tu veux pas d’enfants (carrément pas !) parce que cette plante va te rendre stérile. Parfait.

Fabrizio avait déjà diété l’Ayahuma, mais il était chaud de remettre le couvert, c’est donc ensemble qu’on s’est engagés dans cette diète, sans savoir combien de temps ça allait durer. On partait sur un minimum de 10 jours. Plus tard, en pleine diète, l’Ayahuma lui a dit lors d’une cérémonie d’ayahuasca (c’est souvent comme ça que ça marche, les messages des plantes maîtresses nous sont véhiculés grâce à elle) que la diète devrait durer un mois minimum. Ce qui ne nous a aucunement dérangés.

Je compte pas donner tous les détails de cette diète, ni de chaque cérémonie d’ayahuasca, au rythme de deux par semaine, que j’ai faites là-bas. Mais puisque je vous ai parlé de Gardel y a quelques lignes de ça, sachez qu’il nous a bien chambrés tout le long du truc ! C’était tellement bon quand il s’adressait à nous durant les cérémonies, entre deux chants, du style : Et maintenant, un icaro pour les deux ayahumeros là-bas (ça nous tordait de rire Fabrizio et moi), avant de se mettre à chanter son icaro de l’Ayahuma, qui nous faisait rayonner de fierté !

L’arbre Ayahuma, plante de pouvoir amazonienne.

L’Ayahuma et ses fruits.

Un autre truc cool avec Gardel, après une session d’ayahuasca où j’avais été particulièrement déchaînée, à bouger mes mains pour recueillir sa medicina et frapper mes cuisses et mon torse au rythme de ses chants, il m’a appris qu’il avait eu une vision de moi en guerrière de l’Ayahuma, portant un casque constitué de la coque du fruit sur la tête, de la peinture indigène rouge sur le visage, et mes mains qui jetaient des fleurs d’Ayahuma de partout.

On voulait en faire un portrait, de cette vision, me déguiser exactement comme Gardel m’avait vue, et ça aurait donner de la matière à Bruno Leyval (quoi, z’êtes pas au courant de la putain de collab que je fais avec lui ? Foncez vers La Gardienne de la Plante, nom d’un chien !), mais finalement on a eu la flemme.

Les enseignements ont été progressifs, mais d’une clarté redoutable. Rapidement, je me suis rendue compte que ce qui m’arrivait était complètement connecté à l’histoire de Travis (c’est loin d’être la première fois que ça m’arrive. Pour ceux que ça intéresse, Les Entrailles de Borderline sont là pour ça). Et que j’étais en train de récolter un matos pour l’écriture de Borderline 5 dont j’aurais jamais pu rêver…

Ma chambre au centre d'ayahuasca, où j’ai écrit une grande partie de Borderline 5 !

Ma chambre, où j’ai écrit une grande partie de Borderline 5.

J’ai énormément écrit durant ces deux mois, incorporant directement mes expériences à mon livre. J’aurais pas pu imaginer la direction que ça allait prendre, et encore moins inventer ces idées qui me sont venues grâce à cette expérience. Quand je vous dis qu’un écrivain a besoin de VIVRE pour écrire convenablement, vous pigez ou quoi ? Ce putain de truc était un rêve éveillé ! J’ai plus évolué en 3 mois qu’en 10 ans. Et je tiens désormais la fin incendiaire que je voulais pour finir ma saga en guerre nucléaire.

Ce que je vivais était lié à Travis, mais pas que. J’ai tendance à penser ma vie selon celle de mon personnage, mais faut parfois aller plus loin qu’une simple “idée qui déchire pour son roman”.

Grâce à l’Ayahuma, j’ai travaillé sur mes croyances. Vous savez, ce concept qui décrète que c’est vous, votre conscience et vos intentions, qui créez la réalité qui vous entoure, aussi merdique soit-elle ? C’est pas que ma réalité soit dégueu, mais y avait encore quelques petits trucs qui bloquaient, et ce coup-ci, je sais que je les ai bel et bien réglés. Parce que tout ce que je veux, c’est que mon esprit soit encore plus libre, ma vie encore plus freestyle !

Assumer l’entière responsabilité de son existence, c’est fort, comme machin. Refuser catégoriquement d’être influencé, défini, étiqueté, et encore pire, déterminé par un quelconque passé, par ses peurs ou ses “traumatismes”, ça te donne un pouvoir dans le présent, une force que tu peux même pas imaginer. J’ai souvent parlé du statut de victime, opposé à celui de guerrier, dans mes articles (notamment ceux sur Nietzsche ou Bret Easton Ellis), c’est un truc qui me tient à cœur. J’étais en plein dans le thème.

Gardel et le fruit de l’Ayahuma !

Gardel et le fruit de l’Ayahuma !

L’Ayahuma, ce qu’elle m’a appris, en un mot, c’est la droiture.

Mobiliser sa volonté et son esprit, transformer son intention en flèche, viser la cible avec la rectitude d’un moine Shaolin, et tirer en plein dans l’univers. C’est comme ça qu’on devient créateur de sa putain de réalité.

D’ailleurs, elle m’a laissé une cicatrice de guerre. Je la sens lors des séances d’ayahuasca. Elle me traverse l’œil gauche et monte sur mon front, en biais, m’escaladant la tronche jusqu’au milieu de la tête. Et j'en suis putain de fière !

D’une certaine manière, tout me semble lié : l’énergie que je suis capable de voir et de manipuler. L’Ayahuma qui m’a transformée en machine de guerre. Et ce putain de cobra qui est revenu, à chaque bon Dieu de cérémonie, pour m’enseigner une nouvelle chose, au point que je l’identifie à présent comme mon maître…

 

Bordel, cet article ressemble de plus en plus aux délires d’un Raoul Duke à fond de mescaline.

Revenons à la Phase 3 :

L’Énergie

L’énergie, j’ai peu à peu appris à la gérer. Lors de ma troisième cérémonie, j’ai demandé à l’ayahuasca de m’apprendre à la contrôler, mais ça a été si intense que je suis restée paralysée, comme si la plante me disait : Arrête de te la péter, cocotte. Tu vois l’énergie, OK, mais t’es loin d’être assez forte pour commencer à jouer avec elle

La Gardienne de la Plante, par Bruno Leyval. Inspirée de Zoë Hababou.

Un autre dessin de Bruno Leyval, étrangement évocateur…

Par exemple, j’ai tenté de sonder l’énergie de Frabrizio, mais je me suis fait tej par la Mucura (plante qu’il avait diétée peu de temps auparavant, en vue de se protéger de l’attaque de sorcellerie des jaloux qui manquent jamais de se manifester quand un centre d’ayahuasca marche bien pas loin de chez eux). Impossible de la lire. Je me suis fait foutre à la porte, énergétiquement parlant. Ce n'est que plusieurs sessions plus tard que j’ai finalement été en mesure de la voir, son énergie. Elle était comme le vent du désert, mouvante, insaisissable, un putain d'écran de fumée. Mais magnifique.

Puis, y a eu le truc avec les mains. Elles se sont mises à vivre leur vie propre en cérémonie. Ça commençait toujours par un fourmillement, quand la transe était en train de monter, ensuite elles s’élevaient toutes seules dans les airs et commençaient à faire leur truc. Je me doute que ça peut sembler cinglé… Lors de sa première session, un Norvégien a vu des rayons laser sortir de mes doigts. Ça vaut ce que ça vaut.

C’est que vers la fin que j’ai compris que ma main noire, très puissante, capable de se mesurer à l’énergie des autres, était celle qui me servait à faire, à agir, tandis que la main blanche, ultra-sensible, était là pour sentir, lire l’énergie du monde… Quand elles sont ensemble à s’agiter, tout va bien. J’imagine que ça crée un certain équilibre. Le problème, c’est quand la main blanche se retrouve seule. Elle supporte à peine ce qu’elle reçoit. Alors que la noire se déchaîne et joue les chefs d’orchestre cosmiques, la blanche, quand elle se tend timidement devant moi pour se mesurer au monde, elle tremble, se rétracte, et rapidement revient contre mon cœur, seul lieu où elle se sent en sécurité.

C’est un truc que je vais devoir travailler. Je suis loin de me considérer comme hypersensible, mais je peux pas nier ce qui se passe en cérémonie. Ces mains ne sont que des récepteurs. Elles me connectent à l’univers. Donc, quand la blanche se montre si faible face à ce qu’elle perçoit, c’est que c’est moi, en réalité, qui supporte pas de ressentir le monde…

Mais bordel, ce que fait la noire est incroyable, et ça aussi, c'est réel !

L’Ayahuma

Des diètes de plantes maîtresses, j’en avais déjà fait deux : l’Ajo Sacha y a 15 ans, la Numan Rao y a 3 ans. A l’aune de mon expérience avec l’Ayahuma, je comprends maintenant que j'ignorais ce que ça signifie vraiment, devenir ami avec l’esprit d’une plante, d’en faire un allié. Un enseignant. Et, dans une certaine mesure, un maître.

Les leçons de l’Ayahuma nous sont parvenus de différentes manières, à Fabrizio et moi. Parfois, l’un recevait un message qui s’adressait à l’autre. Ces messages, on les obtenait au travers d’un rêve, d’une vision d’ayahuasca, ou encore… directement dans la réalité ordinaire, comme le soir où c’était la dernière fois qu’on la buvait (le mois de diète était fini), et que, l’un comme l’autre, alors qu’on l’avait bue un mois entier sans broncher… on l’a vomie. Le dernier verre n’est tout simplement pas passé. La plante nous disait : C’est bon, mission accomplie, z’avez plus besoin de moi les gars !

Lors de la cérémonie d’ayahuasca de cette fermeture de diète, d’ailleurs, lui et moi on a reçu le même message : succès total. Couronnement. Bon boulot, les mecs.

Forêt de bébés Ayahuma !

Quelques jours plus tard, pas loin de la douche, alors que je faisais des plantations sur le terrain, je suis tombée sur ça : un tas de petits bébés Ayahuma qu’avaient poussés tout le long du temps où on s’était lavés avec le fruit de cet arbre, répandant les graines sans y faire attention, et sans remarquer à quoi la terre était en train de donner naissance… Une putain de forêt d’Ayahuma !

Je sais ce que vous allez dire. Des graines, normal que ça pousse quand on les sème pendant un mois en pleine jungle. Sauf que Gardel a donné un millier de bains d’Ayahuma dans sa vie, et qu’il a jamais vu ça. C’était le dernier cadeau que la plante nous faisait. Pendant un mois entier, tous les 3 jours, on s’était rendus à l’autre bout du village pour aller récolter l’écorce à faire bouillir et les fruits qui pèsent trois tonnes pour les boire et se laver avec. A présent, l’Ayahuma va croître directement au centre. C’est pas un putain de trésor, ça ?

Fabrizio a aussi rencontré l’esprit de cette plante, quelques jours après la fin de notre diète. Dans le chamanisme amazonien, faut savoir que chaque plante maîtresse a son esprit, qu’on appelle sa “mère”, qui, bien qu’elle puisse prendre une apparence différente selon la personne à qui elle se montre, n’en demeure pas moins connue et reconnue par beaucoup de chamans.

Par exemple, la mère de l’ayahuasca est un anaconda, celle du tabac un homme grand et ténébreux, celle de l’arbre Chullachaki, le fameux Chullachaki évidemment, Trickster de la Selva, ce nain avec un pied tourné dans le mauvais sens évoqué dans cette nouvelle… Bref, voyez le tableau.

Eh bien, Fabrizio, il a rencontré le Doctorcito sin cabeza, le Docteur sans tête, esprit de l’Ayahuma. Elle est marrante, sa vision. Fabrizio était comme un docteur lui-même, qui recevait une foule de patients qu’attendaient dans une sorte de salle d’attente. L’un d’entre eux était un grand type avec une capuche qui lui cachait toute la tête. Au moment de se présenter face à Fabrizio, il a retiré sa capuche et là… Y avait rien en dessous ! C’était le Doctor sin cabeza ! Fabrizio sentait son sourire et pouvait entendre son rire alors que l’enfoiré n’avait pas de tête, putain !

C’est le genre de vision que peut t’offrir l’ayahuasca, en te permettant de comprendre le sens de ta diète et en te connectant à l'esprit de ta plante. Ici, il pourrait être question d’avoir reçu le don de soigner, et d’être approuvé par l’Ayahuma en personne, qui peut pas s’empêcher de faire un petit trait d’humour au passage…

Tout ça peut sembler des détails sans importance, mais quand ils s’accumulent sur 3 mois (oui, ça a commencé avant la diète, et ça s’est poursuivi après…), y a plus de doute possible en ce qui concerne le lien qu’existe entre toi et ta plante.

Mais là, on parle que des trucs les plus évidents. Le gros du boulot, il se déroule en sourdine, dans le rapport qu’une personne entretient avec elle-même. Dans les variations qu’elle sent, les changements de perspective que sa conscience expérimente, les croyances qui s’ébranlent, l’énergie vitale qui monte, les schémas de pensée et de comportement qui mutent…

Et surtout, l’inspiration qu’elle retrouve envers sa propre vie.

Zoë Hababou à Iquitos, Pérou

Quand je dis que l’Ayahuma a fait de moi une guerrière pire que celle que j’étais avant, je le sais parce que durant toutes ces semaines, j’ai observé mon mental évoluer, depuis une cacophonie schizoïde jusqu’au silence. Je l’ai regardé tenter d’échafauder des plans puériles et pathétiques pour le futur, avant de se taire enfin face à la beauté, à la puissance du présent. Je l’ai senti entrer dans une paix, une force, une foi qu’il avait jamais connues.

Je l’ai vu mourir pour laisser vivre la conscience.

Petit à petit, je me suis approchée de mon rêve éternel, devenir un Surhomme, celui qui sait utiliser son pouvoir créateur pour engendrer sa réalité, entièrement responsable de chaque chose, pensée, idée, sentiment, qu’il laisse vivre en lui et… en dehors de lui (ce qui est la même chose).

Et donc, entièrement libre.

Je sais que c’est affreusement abstrait pour ceux qui ne maîtrisent pas ces notions…

Imaginez juste ceci :

Une fille déjà bien barrée, partie sur les routes du monde dans l’idée de s’inspirer pour écrire. Pour elle, s’inspirer, ça veut dire vivre, expérimenter. Mais encore pas mal de peurs la parasitent…

Celle d’être condamnée à faire serveuse-zombie à jamais, alors qu’elle rêve de consacrer sa vie entière à la seule chose qui ait du sens pour elle : écrire. Celle que ses livres ne rencontrent aucun succès, parce que ce qu’elle écrit est trop chelou pour être apprécié d’un large public. Et surtout, celle de passer son existence à tâcher de donner du sens à quelque chose qui n’a d’importance que pour elle, et que personne ne comprendra jamais.

Borderline dans la peau… Image réalisée par Bruno Leyval en cadeau à Zoë Hababou

A présent, prenez la même fille, 3 mois plus tard :

L’Ayahuasca, l’Ayahuma et le Cobra ont conjugué leur pouvoir afin de lui révéler la force qu’elle possède. Cette force, ils l’ont réveillée avec la danse de l’énergie, lui montrant qu’elle savait s’en servir pour rendre son intention plus efficace. Elle a dézingué les fausses croyances qui limitaient sa vie, comme celle lui chuchotant que les vrais artistes doivent en chier pour y arriver, que c’est une question d’honneur, de dignité. Et surtout, elle a réalisé que vivre sa vie comme elle le faisait, suivant sa propre route si spéciale, c’était la seule récompense, le seul accomplissement qu’y avait à désirer. Dans le présent. Parce que le présent, c’est tout ce qu’elle a, et c’est déjà pas si mal.

Voir la vie comme une lutte solitaire, c’est qu’une croyance, bordel, rien de plus. Ces conneries qu’on se raconte à soi-même. Elle peut très bien la voir comme un jeu déjanté où aucun mauvais choix n’est possible, où la seule règle est de s’éclater à mort et rien prendre au sérieux, et encore moins soi-même…


Le Cobra

Tout comme avec l’Ayahuma, ma relation avec mon animal de pouvoir, ou animal totem, s’est développée au fil du temps, jusqu’à recevoir un ultime enseignement la veille de mon départ, lors de ma dernière séance d’ayahuasca.

Cependant, il m’est interdit de dévoiler la teneur de ma relation avec lui, car les apprentissages d’un animal de pouvoir doivent rester secrets. Je vais donc me contenter de vous raconter ce que ce serpent signifie et symbolise dans le monde chamanique. C’est assez fascinant en soi…

Les personnes qui ont un serpent venimeux comme esprit gardien sont réputées pour se montrer agressives et intenses dans tout ce qu’elles font, frôlant parfois l’extrémisme et risquant de tomber dans des activités dangereuses et/ou illicites (sans déconner !).

Vives et intelligentes, ces personnes poursuivent ardemment ce qu’elles désirent, puis visent et tirent avec une précision mortelle quand la cible est en vue. Autant dire qu’il vaut mieux pas les vénère, car quand elles attaquent, elles ne manquent jamais leur proie et lui laissent des marques à vie.

Très à l’aise avec les sujets métaphysiques et ésotériques, elles peuvent avaler et absorber une grande quantité de “nutrition pour la tête” sans jamais souffrir d’indigestion.

Le Serpent apparait dans la vie d’une personne quand quelque chose en elle et dans sa vie est sur le point de mourir, et donc de se transformer. On parle ici d’un changement d’identité qui peut impliquer de transformer une toxicité en énergie de guérison, par exemple. Cette évolution dans un territoire créatif inconnu implique bien souvent un passage par les ténèbres. Quand la mutation est opérée, l’intuition et les visions deviennent plus précises.

Comme vous le voyez, le Cobra est loin d’être l’animal le plus pété du cul au sein de la clique des animaux totem. C’est même un putain d’honneur d’être choisi par lui ! On dit qu’il n’apparaît que lorsque l’élève est prêt à recevoir son pouvoir (oui, comme chez les bouddhistes : quand l’élève est prêt, le maître apparaît, et ça fonctionne pour un tas de situations dans la vie). Sa qualité principale ? Le don de métamorphose ! Ce bâtard cosmique est le roi de la vie, de la mort et de la renaissance, en vertu de ce truc propre à lui, changer de peau, muer, en gros donc, savoir se débarrasser d’une ancienne partie de soi, étriquée, déjà morte et donc inutile et encombrante, pour glisser vers l’avenir avec une nouvelle version de lui-même. Pas mal pour quelqu’un comme moi qui cherche à se surpasser !

Pour conclure, le Serpent incarne l’ouverture au monde cosmique, l’inspiration créatrice, et le pouvoir de guérison (il est vrai que certains lecteurs de Borderline considèrent que mes ouvrages recèlent un pouvoir curatif sur la conscience !).

Nuit après nuit, lui et moi, on s’est apprivoisés. Chaque fois, à chaque bon Dieu de cérémonie, il s’est pointé pour m’apprendre un nouveau truc de serpent, me faire pénétrer son univers, comprendre sa nature, et réveiller en moi son énergie…

Le cobra et l’Ayahuma

Quand le Cobra devient ton animal de pouvoir, ça signifie que t’es prêt à réveiller ta puissance cachée, et à devenir… ton propre maître. C’est un alchimiste de l'âme humaine. Et j’en reviens toujours pas d’avoir été choisie par lui !

PHASE 4

J’étais loin d’être une novice de l’ayahuasca au début de cette aventure, mais pour le coup, je viens de passer mon master. A présent, elle et moi, c’est plus du tout le même délire.

Préparation de l’ayahuasca, Iquitos, Pérou.

L’ayahuasca, j’ai été la chercher en bateau dans un village paumé (avec Gardel et Fabrizio évidemment), puis j’ai accompagné Fabrizio en moto sur une route de la mort digne d’un sauvage rallye pour aller dégoter la chacruna, j’ai écrasé des kilos de lianes à coup de marteau pour la cuisiner durant deux semaines d’affilée, j’en ai bu de toutes les sortes différentes (cielo, negra, raiz), parfois sans chaman pour officier, et… j’ai même dansé et chanté avec elle. En pleine journée.

Quand on cuisine l’ayahuasca, il est d’usage d’en boire un petit verre de temps à autre, tout le long de sa cuisson (ça cuit pendant 3 jours). Une fois, Fabrizio et moi, on a fait ça une journée entière. En commençant à 11h du matin.

Le premier verre m’a foutue dans un drôle d’état, plutôt inconfortable, alors je me suis mis un peu de musique pour aider à faire passer. Sans savoir comment, je me suis retrouvée à jouer le DJ toute la journée, prise d’une frénésie impossible à contrôler ! Y avait que nous deux au centre cette semaine-là, et on a dansé comme des timbrés, en mode lâchage total, en tournoyant comme des derviches dans la maloca, avec moi qui chantais encore en plus, dans un état de transe indescriptible, reprenant un verre alors qu’on était toujours à fond, animés de cette espèce de démence qui prend possession des drogués s’alignant ligne sur ligne alors qu’ils sont déjà consumés par les effets de la dope.

A la fin de cette furieuse journée, 5 verres plus tard, allongée dans le hamac, j’avais des visions et mon esprit et mon corps nettoyés par la transe/danse étaient au summum du bonheur…

La forêt amazonienne du Pérou

Et puis y eu l’anif de Fabrizio. Même recette. Jusqu’à 5h du matin. Faut absolument que je parle de ce moment-là…

Quand, alors qu’on se déchainait sur le hardcore le plus hardcore du monde, la Maestra (qu’était de la partie) s’est levée, entraînée par notre folie, pour danser avec nous…

Je sais pas si vous voyez le délire ! Voilà cette femme, plus de 60 balais au compteur, indigène corps et âme et un peu enrobée, chamane de surcroît, qui danse avec un dreadeux et une folasse à 2h du mat dans une maloca toute sombre en plein cœur de la jungle, sur la pire musique, la plus féroce, la plus violente et la plus rapide qu’existe sur Terre, comme si de rien n’était…

Putain, mais faut le voir de ses yeux pour y croire !

Merde, c’est pour ces instants-là que je vis. C’est pour ça que je voyage comme ça, que je continue à faire tous mes trucs de ouf. Je vous le dis, les gars, ça vaut tout le putain d’or du monde…

Maintenant, l’ayahuasca, c’est ma pote. Et c’est loin d’être fini entre elle et moi…

© Zoë Hababou 2022 - Tous droits réservés


Lire la suite
Freestyle, Gonzo Zoë Hababou Freestyle, Gonzo Zoë Hababou

La Gardienne de la Plante : Collaboration Artistique entre une Sauvage et un Alchimiste

Bruno et moi, c’est l’histoire de deux cramés de la cervelle qui se croisent sur un réseau et se reconnaissent instantanément en se faisant un petit clin d’œil de connivence, comme deux drogués égarés dans une soirée guindée qui décideraient d’aller s’enfiler une trace de coke dans les chiottes ultra classes de leur hôte, avant de mettre les bouts bras dessus bras dessous pour finir la nuit dans un rade bien pourri où l’un comme l’autre se sentirait beaucoup plus à l’aise…

Bruno et moi, c’est l’histoire de deux cramés de la cervelle qui se croisent sur un réseau et se reconnaissent instantanément en se faisant un petit clin d’œil de connivence, comme deux drogués égarés dans une soirée guindée qui décideraient d’aller s’enfiler une trace de coke dans les chiottes ultra classes de leur hôte, avant de mettre les bouts bras dessus bras dessous pour finir la nuit dans un rade bien pourri où l’un comme l’autre se sentirait beaucoup plus à l’aise...

Quand Bruno Leyval et Zoë Hababou jouent les Mécanos de la Transcendance

Dessin de Bruno Leyval, en collaboration avec Zoë Hababou, qui représente Le Possédé et La Gardienne de la Plante.

Et comme tout junkie éprouvant un certain respect pour le junkie qui se trouve en face de lui, on s’est mis à partager nos plans. A se raconter nos histoires de camés. Nos expériences bonnes et mauvaises avec notre dope à nous, celle qui nous envoie en l’air, nous transcende, nous traîne dans les limbes, nous fait ramper pour obtenir notre dose : l’Art.

La Gardienne de la Plante, portrait de Zoë Hababou par Bruno Leyval.

C’est pas qu’on exerce exactement sur le même terrain, lui et moi. Bruno suit la Voie de l’Encre (et d’un tas d’autres trucs que je serais bien en peine de décrire), et moi, je trace la route de l’Écriture. Tandis que lui dessine ses visions à grands traits noirs, moi, je me perds dans les labyrinthes cognitifs et les métaphores.

Mais la défonce qu’on recherche en nous livrant à nos différents médiums est la même : La Transcendance.

C’est marrant, mais quand on demande aux gens en général et aux artistes en particulier ce qu’ils espèrent trouver dans l’Art, c’est rarement ce concept qui est désigné. Bruno et moi, qu’est-ce qu’on met derrière ce mot ?

L’idée, ou plutôt la sensation viscérale envahissant le corps et la conscience, d’un franchissement, d’un dépassement, d’un écartèlement qui entraîne celui qui en est victime au-delà du perceptible et de l’intelligible. Quelque chose qui le sort de lui-même, et le largue à portée des rivages inconnus du Sublime. Ouais, tout ça s’apparente bel et bien à une défonce.

Développer de la puissance dans son art n’est pas donné à tout le monde. J’imagine qu’il faut d’abord en avoir été témoin ailleurs pour être foutu d’en engendrer soi-même.

Zoë Hababou vue de dos dessinée par Bruno Leyval.

De la puissance, y en partout dans le monde, sous de multiples formes. Mais encore faut-il avoir les yeux qu’il faut pour la percevoir. Une certaine disposition, une soif qui nous aimante à elle. Je pense pas vraiment qu’il s’agit d’un entraînement. Je pense au contraire que c’est la rencontre avec cette puissance qui nous débouche le regard et transforme à jamais notre appréhension… d’absolument tout.

Après, bien sûr, les camés de la puissance, les accros de la transcendance sont du genre à mettre tout en œuvre pour la faire (re)vivre en eux. Ils éclusent un nombre effarant de produits (dope, voyages, expériences spirituelles, lectures, musiques) pour la retrouver, et font tirer la langue à un tas de dealers (artistes) pour qu’ils arrivent à leur en fourguer. Avant de comprendre que le meilleur moyen de foutre la main dessus et d’en acquérir une réserve inépuisable, c’est de la produire soi-même dans le labo de son âme en mode Breaking Bad pour jamais se retrouver en rade et faire planer le monde avec une nouvelle came bleue cristal.

Mais il s’agit pas que de le faire planer. Ça, c’est bon pour les débutants de la dope qu’ont pas conscience que ce qu’ils se foutent dans le cornet possède un pouvoir bien plus beau que celui de simplement les faire sortir d’eux-mêmes.

La Huesera, femme qui chante au-dessus des os, issue d’une séance de pose avec Zoë Hababou et Bruno Leyval.

Après être sorti, l’idée, c’est de rentrer. De ramener à l’intérieur de soi le Sublime qu’on a contemplé pendant de trop brèves secondes de déconnexion.

L’idée, c’est de reconnecter.

Imaginez une sorte de Mécanicien d’Enfer en mode steampunk, affairé dans la salle des machines, à suer de la gueule derrière son cambouis sous son casque en acier crasseux. Ce Mécano, c’est le Style. C’est lui qui fait la jonction entre l’inconscient et le conscient. Entre l’intérieur et l’extérieur. Entre la puissance cachée, et l’Homme. C’est lui qui provoque la Transe.

Eh ouais, on en arrive au Chamanisme, autre point de ralliement entre Bruno et moi. Que tous les deux on ait connu des expériences de ce genre n’est pas vraiment le problème, en fait. N’importe quel artiste, qu’il ait été ou non en contact avec un chaman ou ce qui s’en approche, est en mesure d’atteindre ce niveau où l’Homme communique avec la Conscience Universelle. Le chamanisme, c’est rien de plus, en réalité. Même si c’est déjà énorme pour le commun des mortels.

Évidemment, c’est carrément plus facile de pénétrer sur cet étrange territoire si on a eu la chance d’être initié par un guide, comme ça a été le cas pour Bruno et moi. Cela dit, ce n’est pas le chamanisme qui crée en l’Homme le pouvoir de transcendance et la capacité de l’engendrer. Il ne fait que révéler ce qu’il porte en lui.

La Trapera, Zoë Hababou vue par Bruno Leyval.

La création artistique est une transe. L’artiste est forcé d’entrer dans un état de conscience non-ordinaire pour capter son œuvre et la transcrire. Comment parler à l’Homme de l’Infini si on n’a pas soi-même la tête dedans ? Comment véritablement mettre au monde une œuvre qui résonnera dans le cœur de l’humanité si soi-même on est déconnecté de ce qui la constitue ? Il faut trouver son plus petit dénominateur commun, les racines les plus ancestrales, les plus primitives qui croissent vers le bas et vers le haut, celles qui nous relient et nous ancrent et celles qui nous élèvent et nous transcendent…

Monde d’en-haut, Monde d’en-bas, c’est des notions qui appartiennent au chamanisme, tout ça, mais aussi à la religion, à la philosophie, à la psychologie. A la totalité entière de l’Homme, psychique et corporelle. Oui, c’est un territoire indigène et sauvage, parce qu’on est tous des indigènes. Carl Jung parle d’Inconscient Collectif.

Et il est aussi le premier à avoir évoqué la réalité de la synchronicité, qui n’a rien d’une stupide notion New Age. Je suis sûre que la majorité d’entre vous a déjà vécu cette sorte d’expérience troublante qui relie passé, présent et futur en un déferlement de sens insensé.

D’ailleurs, c’est peut-être la raison qui fait que vous êtes sur cette page…

La Loba ou Femme-Loup, autre version de la Gardienne de la Plante.

Notre collaboration, à Bruno et moi, au-delà de l’affection personnelle et du délire entre drogués intoxiqués par la même came, est une expérience de synchronicité, comme il en existe beaucoup entre artistes. Le truc qui la rend unique, c’est l’inspiration mutuelle qu’elle a provoquée.

Mes histoires de chamans, de jungle et d’ayahuasca, mon côté sauvage et excessif et mes livres au style agressif ont donné à Bruno l’idée du personnage de la Gardienne de la Plante, qui prend place au sein de son œuvre la Rose de Jéricho, au sujet de laquelle je l’ai interviewé dans Wanted Dead or Alive : Bruno Leyval, Artiste-Guerrier de la Voie de l’Encre.

Et ce qu’il a déterré en croquant mon corps et mon âme est un matériau tout simplement stupéfiant.

Écoutez un peu ça :

Quelques semaines après avoir terminé cette collab, je me suis procuré l’ouvrage Femmes qui dansent avec les Loups. Et bordel, j’ai halluciné dès la première page, dont l’introduction a pour titre : Chanter au-dessus des Os (si vous ne comprenez pas ma surprise, remontez deux dessins en arrière). Mais ça ne s’arrête pas là. Dans la suite de l’ouvrage, l’auteure fait référence à La Huesera (Femme aux os), La Trapera (la Ramasseuse) ou encore La Loba (la Louve). La légende d’une femme qui arpente les routes (tiens tiens) à la recherche d’os de loups, pour ensuite reconstituer le squelette dans sa totalité. Puis, assise face aux os, elle réfléchit au chant qu’elle va chanter. Quand elle l’a identifié, elle l’entonne, et le loup revient à la vie.

Très surprenant, quand on sait que c’est précisément de cette manière que je conçois et décris mon processus d’écriture, pas vrai ?

(je déconne pas, la vérité est dans Les Entrailles de Borderline rédigé bien avant toute cette aventure)

La Femme-Jaguar, Zoë Hababou dessinée par Bruno Leyval.

Le fait est que poser pour lui m’a aussi ouverte à un aspect de moi-même dont je n’avais pas forcément conscience, que ses dessins m’ont révélé. Mais ce n’est pas là-dessus que j’ai envie de m’étendre. Il était très agréable de sentir en moi l’éveil de la Guerrière, et de réaliser que son essence, son énergie m’imprégnait bien plus que je ne l’imaginais, même quand j’étais franchement down comme à l’époque où j’ai pris la pose. Bruno a eu le regard qu’il faut, celui dont je parlais il y a quelques minutes. Il a perçu la puissance en sommeil. Et il me l’a montrée.

Vous la voyez, vous aussi, pas vrai ?

Le truc important, c’est que ces esquisses m’ont prouvé que j’étais bel et bien reliée à l’Universel. Que l’Archétype de la Femme, de la Guerrière, de la Chamane et de tout ce qui constitue la beauté et la force du Principe Féminin, existait véritablement en moi, peut-être d’une façon aussi criante que dans ces dessins.

Cette révélation a inauguré une sorte de renaissance.

La Gardienne de la Plante version Grand-Mère Feuillage.

Ce dessin en particulier, que j’appelle personnellement Grand-Mère Feuillage, présente un visage sans âge, presque sans genre. C’est marrant, j’ai à la fois l’impression de contempler mon ancêtre, et la vieille femme que je pourrais devenir si j’arrêtais de fumer plus d’un paquet de clopes par jour.

C’est comme si Bruno était capable de capter l’Universel dans son sujet, et de le dessiner pour que tout le monde, même son inconscient sujet, le voie.

C’est pour ça que je l’appelle l’Alchimiste.

Il a transformé la pauvre fille plombée que j’étais au moment de la séance de pose en or, en Déesse qu’a rien d’une bombasse de base mais qui au contraire présente tous les atours de la sagesse et de la folie qui va avec.

J’espère du fond du cœur que notre collaboration ne va pas s’arrêter là. J’espère trouver lors du voyage qui m’attend cette puissance de jaguar présente dans ses dessins, cette force qui semble m’appartenir en propre, tout en faisant partie du tout bien plus vaste de la condition humaine.

J’espère être en mesure de faire vivre, et de maintenir vivante en moi cette Conscience détachée de l’ego qui est le seul lieu où j’accepte d’exister, la source infinie à laquelle s’abreuve mon inspiration.

Merci encore Bruno pour cette révélation. Et merci à vous d’avoir écouté mon histoire.

Apothéose de la collaboration artistique entre Zoë Hababou et Bruno Leyval : La Gardienne de la Plante transcendée.

Lire la suite