Wanted Dead or Alive : Zoë Dubus, Historienne de la Médecine Spécialiste des Psychotropes

Il se passe quelque chose de bizarre en ce moment. Quelque chose qui touche le monde entier. Non, il ne s’agit pas d’un énième virus. Quoi que… Cette fièvre qui s’empare de lui en s’infiltrant jusqu’au cœur des gouvernements pourrait bien être sur le point de faire basculer l’humanité.

Cet étrange bouleversement, c’est celui du grand retour des psychédéliques sur le devant de la scène. Psilocybine, MDMA, kétamine, LSD, Ayahuasca… Après des décennies de diabolisation, ces substances hautement controversées rencontrent un revival aussi surprenant qu’inespéré.

Qu’on soit psychonaute, junkie, suivi en thérapie, dépressif, souffrant d’une maladie chronique, en phase terminale ou plus simplement intrigué par les questions de société ou encore le phénomène de la conscience, comprendre l’épopée des psychotropes à travers le temps se révèle à la fois nécessaire et fascinant. Si l’histoire de leur usage remonte à la naissance de l’humanité, depuis nos ancêtres jusqu’à la société actuelle, c’est toute une aventure que ces substances ont connue.

Comment est-on passé des plantes médicinales qu’on allait cueillir dans son jardin à l’irruption du LSD dans les cliniques ? Pourquoi les psychédéliques ont-ils si longtemps été perçus comme l’apanage des hippies alors qu’à leurs débuts, ils faisaient figure de médicaments prometteurs pour la psychothérapie ? Que signifie le changement de regard que la société contemporaine semble brusquement opérer sur ce qu’on appelait encore des “drogues” jusque très récemment ?

Pour répondre à ces questions, impossible de trouver experte plus qualifiée que la jeune historienne française de la médecine, Zoë Dubus, première chercheuse de son domaine à se spécialiser dans l’étude des psychotropes.

Son interview est un foisonnant partage de connaissances aussi rares que précieuses, car profondément éclairantes. Grâce à elle, c’est tout un pan de notre histoire qui nous est révélé, mais aussi peut-être, une porte ouverte vers un nouvel avenir…

Quand Zoë Dubus nous dévoile la folle carrière des substances psychédéliques

L’interview de Zoë Dubus, première historienne française de la médecine à se spécialiser dans les psychrotropes

PRÉSENTATION DE ZOË DUBUS

Salut Zoë ! Tout d’abord, merci d’avoir accepté cette interview. C’est pas tous les jours que Le Coin des Desperados reçoit une historienne de la médecine spécialiste des psychotropes. Et encore moins l’une des rares chercheuses membre de la Société Psychédélique Française. Je suis vraiment curieuse de savoir comment tu t'es retrouvée investie dans des études apparemment si underground que l’État les finance à peine, et embrigadée dans une étrange société secrète à fort potentiel révolutionnaire… Tu peux nous parler de ton background ? Et nous expliquer ce que c’est, la Société Psychédélique Française ?

Bonjour Zoë et bonjour à toutes les personnes qui liront ce texte ! Je suis ravie de faire cette interview, c’est toujours intéressant de s’interroger sur son parcours et ses pratiques. 

L’emblème de la Société Psychédélique Française.

J’ai participé à la création de la Société Psychédélique Française en 2017 à l’invitation de l’historien des sciences Vincent Verroust. L’idée était de créer une association qui permettrait à la fois de diffuser les connaissances (et pas que les connaissances scientifiques ou médicales) sur les psychédéliques, de participer à la reprise des études en France mais également d’organiser des évènements plus “grand public”.

Aujourd’hui on est une association importante (mais pas du tout secrète !! Au contraire !) pour les médecins et les scientifiques français qui veulent s’informer, on les accompagne autant que possible dans ces démarches, on répond aux médias, et on organise aussi des séances de cinéma, des conférences, des groupes de lectures… On a aussi des séances “d’intégration” en ligne, gratuites, pour les personnes qui auraient vécu des expériences difficiles avec les psychédéliques. 

Au sein du CA nous avons des universitaires (historien·nes, anthropologues, sociologues…), mais aussi des médecins, des psychiatres, des psychonautes. Voilà pour ça.

De mon côté je suis donc historienne, mon champ de recherche c’est l’histoire de la médecine, et là dedans je suis spécialisée dans les psychotropes. J’ai commencé à m’intéresser à ce sujet pendant l’été qui précédait le début de mon master, il y a plus de dix ans maintenant. Je lisais Les Paradis artificiels de Baudelaire, dans lequel il parle de ses expériences avec le cannabis et l’opium, en particulier au sein du Club des Haschischins. C’était passionnant (quoique très daté), mais il ne disait jamais si dans ce club se trouvaient également des femmes. Il fallait que je trouve un sujet de recherche pour mon mémoire, j’ai donc parlé de cette “inconnue” à ma directrice, qui m’a encouragée à travailler sur cette question : la consommation de psychotropes par les femmes au XIXe siècle. C’est donc comme ça que tout a débuté.

Le rôle des femmes dans le Club des Hashishins.

La chose la plus fascinante pour moi a été de découvrir que toutes (TOUTES) les substances que j’avais appris à considérer comme des drogues très dangereuses, mortelles même, avaient en fait été à l’origine des médicaments, et pas n’importe lesquels, des médicaments essentiels à la médecine de leur époque, qui avaient mené à d’importantes évolutions médicales. J’ai donc décidé de me concentrer sur cette histoire dans ma thèse. Pour comprendre pourquoi ces substances avaient perdu partiellement ou entièrement leur statut de médicament, il fallait retrouver d’abord leurs usages thérapeutiques.

Ma thèse entend donc retracer l’ensemble de la “carrière” de ces substances, de leur découverte à leur usage massif, puis de leur rejet à leur éventuelle réhabilitation dans la pharmacopée. Je suis la première historienne française à travailler sur ce sujet.

Je ne suis pas financée du tout pour faire cette recherche : j’ai postulé pour avoir un contrat doctoral dans mon université (ce qui représente 1600€/mois pendant 3 ans), mais mon laboratoire est spécialisé dans l’espace méditerranéen, ce qui ne correspond pas à mon sujet. Donc je ne touche rien de ma fac. Mon laboratoire finance 400€/an par doctorant·e pour des déplacements en archives par exemple, mais souvent ça ne couvre les frais que du trajet et 1-2 jours d’hôtel, donc pas assez pour faire les recherches nécessaires. La plupart des doctorant·es travaillent à côté pour pouvoir vivre. Mais comme on mène une recherche très intense, qu’on doit se déplacer pour consulter des archives ou pour présenter ses travaux dans des évènements scientifiques, on ne peut bien sûr pas travailler à plein temps. J’ai fait le calcul, sur les 6 ans qu’ont duré ma thèse, j’ai touché en moyenne 451€/mois. La plupart des années je cumule entre 6 et 10 contrats différents.

C’est une réalité dramatique qui touche beaucoup de doctorant·es en sciences humaines et sociales, mais qui est mal connue par le grand public.


J’imagine qu’on ne se lance pas dans une carrière aussi originale sans une idée derrière la tête. Tu fais figure d'exception, d’autant plus que tu es sacrément prolifique : articles, interventions médiatiques, interviews et podcasts… Certains parleraient de “croisade pro-drogue”, tandis que d’autres, dans mon style, songeraient davantage à une vocation très affirmée. Ma question est donc : Pourquoi ? Pourquoi t’es devenue militante pour la réforme psychédélique ? C’est quoi exactement, ta mission ?

Merci pour cette question. Je dirais que plus largement que les seuls psychédéliques, je souhaite voir rapidement la fin de la diabolisation de tous les “stupéfiants”, et leur légalisation, voire même leur nationalisation.

Les stupéfiants ce sont toutes les substances psychotropes qui sont interdites, c’est une classification qui ne prend pas en compte la dangerosité de ces produits, ni leurs éventuelles propriétés addictives : sont des stupéfiants les psychotropes que l’État décide de déclarer ainsi. Des substances légales, comme l’alcool ou le tabac, sont plus dangereuses, plus mortelles, plus coûteuses pour la société, que certains stupéfiants, et en particulier les psychédéliques.

Par ailleurs on sait que l’usage de psychotropes avec les bonnes connaissances n’a bien souvent aucune conséquence négative. La plupart des usagers et usagères n’ont jamais besoin d’une aide médicale au sujet de cette consommation. Pourtant dans les représentations sur ces substances on ne nous parle que d’addiction, d’overdoses, de destruction des familles, d’isolement, de violences, de désocialisation…

Enfin cette diabolisation pèse bien sûr sur les personnes qui consomment et qui sont forcées d’être dans l’illégalité, à acheter des produits qui ne sont pas purs etc, mais surtout ça pèse sur les patient·es qui pourraient bénéficier de ces substances pour leurs propriétés thérapeutiques ! 

Le traitement inhumain des malades à qui on ne peut pas prescrire de psychotropes pour les soulager.

C’est ce dernier constat qui m’a le plus révoltée. Lire tous les travaux sur la douleur au XXe siècle, tous ces malades qui hurlaient de douleur dans leurs lits d’hôpital parce que les médecins ne voulaient plus utiliser la morphine qui est pourtant le meilleur antalgique dont on dispose parce que c’était devenu un “stupéfiant”. Découvrir les études sur l’administration de LSD pour les personnes en fin de vie, constater les bienfaits de cette expérience sur leur bien-être, sur leur apaisement, et me dire que des millions de personnes depuis étaient mortes sans pouvoir avoir l’opportunité de faire cette expérience à cause d’une législation absurde et qui ne repose pas sur des faits scientifiques.

C’est ça qui me motive : pouvoir être un maillon dans ce processus de déconstruction des idées reçues, qui permette au moins aux patient·es d’avoir accès aux traitements grâce aux vraies données scientifiques.


LES PSYCHOTROPES DANS LE PASSÉ

Attaquons-nous à tes recherches ! Le plus simple est de procéder dans l’ordre… On va remonter depuis l’usage ancestral des psychotropes, passer par leur étude en laboratoire, puis leur interdiction, jusqu’à tenter de comprendre leur revival contemporain. Le truc étrange avec le LSD, par exemple, c’est l’évolution qu’il a connue au fil du temps : médicament révolutionnaire, substance dangereuse puis interdite, et aujourd’hui timidement réhabilitée… Il y a longtemps, les gens pratiquaient l’auto-médication (et la pratiquent encore dans certaines cultures que je connais bien) : champignons, belladone, pavot à opium, cannabis… Tu peux nous parler un peu de ces usages et des raisons pour lesquelles ils se sont perdus ?

Alors si on remonte vraiment très loin, effectivement certainement toutes les sociétés humaines depuis très longtemps ont consommé des substances pour modifier l’état de conscience (certains philosophes et anthropologues disent même que ça a constitué le basculement de l’animal à l’être humain, mais on n’a pas de données scientifiques pour appuyer ces théories).

L’usage ancien des plantes médicinales avant leur classification comme stupéfiants.

On distingue trois grands types d’indication de ces produits, qui ne sont pas exclusifs, c’est-à-dire qu’on peut prendre une substance en attendant un effet et se rendre compte que ça en a aussi d’autres qui sont intéressants. Donc une indication magico-religieuse, une indication thérapeutique, et tout le reste (plaisir, fête, introspection, expériences métaphysiques…).

Pour l’Occident, à partir du Moyen Age, l’Église essaye d’interdire la consommation de psychotropes (qui sont vus comme un moyen de communiquer avec le diable), à part l’alcool qui entre dans le culte chrétien, mais dont la consommation est normalement très codifiée. En pratique, ces usages se perpétuent longtemps : c’est pas parce que l’Église dit quelque chose que les gens le font. Iels ont des connaissances, notamment médicinales, sur les plantes aux propriétés psychotropes qui poussent autour de chez elleux.

C’est vraiment au XVIe siècle avec la “chasse aux sorcières” qu’il y a un grand nettoyage qui se fait : on brule en particulier les femmes qui utilisent ces produits pour pratiquer des avortements ou comme moyen contraceptif. A partir de là on perd la plupart des savoirs qui s’étaient transmis depuis des centaines voire des milliers d’années. 

La “chasse aux sorcières” ou la coutume de brûler les femmes suspectées d’utiliser des psychotropes.

C’est au XIXe siècle surtout que les psychotropes vont être redécouverts, en particulier parce que la médecine se développe et se professionnalise : en se séparant de l’influence de l’Église, elle peut penser ces substances comme thérapeutiques. L’opium, puis la morphine qui en est tirée, sont les médicaments les plus utilisés : dans un contexte où les médecins n’ont pas encore d’efficacité thérapeutique, la médecine est palliative, ça veut dire qu’on cherche juste à soulager les symptômes. Et la première raison de consulter son médecin, c’est qu’on a mal quelque part, donc l’opium et la morphine sont de supers outils de légitimation du savoir/pouvoir des médecins. La colonisation apporte aussi son lot de découvertes de psychotropes : le cannabis, la coca, qui va donner la cocaïne, entrent dans la pharmacopée. 

A ce moment là les populations sont toujours habituées à pratiquer l’auto-médication : on ne va chez le médecin, qui coûte hyper cher, qu’en dernier recourt. En plus, quand il nous a prescrit une substance qui marche bien, qui nous fait du bien, qu’on apprécie, on n’est pas obligé de retourner le voir pour refaire une ordonnance : on garde la première, et on retourne autant de fois qu’on veut chez le pharmacien pour en racheter. On n’est même pas forcé de passer par le pharmacien : on peut acheter directement et en gros de la morphine ou de la cocaïne aux industries pharmaceutiques, on peut en acheter chez l’épicier·e, chez le “droguiste” (qui vend plein de trucs, pas des drogues ^^), même les religieuses vendent des médicaments à base de psychotropes.

Donc c’est une société qui consomme pas mal, dans un contexte de développement du capitalisme : pour soutenir les nouveaux rythmes de travail, il faut des substances pour dormir rapidement, d’autres pour se stimuler pendant la journée. Cette consommation accompagne aussi l’émergence du sport ! Le dopage n’est pas un problème à cette époque. On vante par exemple les propriétés toniques de la coca pour les cyclistes dans la presse populaire.

Feuille de coca.

Enfin la consommation de psychotropes n’est pas nécessairement prise dans un but productif ou thérapeutique : le cannabis par exemple est réputé pour le plaisir qu’il provoque, et c’est tout à fait normal pour les gens du XIXe siècle de voir des publicités dans la presse pour décrire les “songes merveilleux et enchanteurs” déclenchés par le cannabis.

Mais à la toute fin du siècle, tout bascule : la France est très inquiète parce qu’elle a perdu la guerre de 1870 (c’est un traumatisme), les français·es pensent qu’iels sont en train de s’éteindre, qu’iels sont des dégénéré·es. C’est dans ce contexte très lourd qu’apparaissent les premiers cas – rares – d’addiction à la morphine. C’est une nouvelle maladie : avant la dépendance était comprise en termes de vice, de mauvaise habitude, de caractère. Or la plupart des personnes addicts à la morphine le sont devenues suite à une prescription médicale. C’est hyper problématique pour les médecins ! Pour se protéger en tant que profession, ils vont développer l’idée que les psychotropes sont des substances trop dangereuses pour être utilisées librement, qu’il faut l’expertise d’un médecin pour avoir le droit d’en consommer.

En 1916, ils parviennent à l’adoption d’un monopole sur la morphine, la cocaïne, le cannabis et l’héroïne, grâce à leur classement dans le tableau des stupéfiants. A partir de ce moment, en plus d’interdire l’achat de ces produits sans disposer d’une ordonnance unique et valable seulement 7 jours, on confisque les savoirs sur les psychotropes dont disposaient la population jusque-là (j’ai écrit un article sur ce sujet qui va bientôt paraître, je fais un petit teasing ;D). 

Le cannabis aussi est classé comme stupéfiant.

Au XXe siècle donc, les “profanes” n’ont plus le droit de se soigner par elleux-mêmes, et encore moins de faire la fête avec ces produits. Dès qu’un nouveau psychotrope est découvert, ce processus d’interdiction le frappe de plus en plus vite à partir du moment où il commence à être consommé en dehors du cadre médical : une dizaine d’année pour le LSD, quelques années pour la MDMA, et maintenant certaines substances appelées les Research Chemicals, développées pour contrer la législation, sont interdites avant même qu’on ait pu faire des études sur leurs éventuelles propriétés thérapeutiques ! Le neuropsychiatre anglais David Nutt en parle admirablement dans ses articles, par exemple Effects of Schedule I drug laws on neuroscience research and treatment innovation ou Perverse Effects of the Precautionary Principle: How Banning Mephedrone Has Unexpected Implications for Pharmaceutical Discovery

Par ailleurs, le classement dans le tableau des stupéfiants, qui est censé protéger l’usage médical, a un effet inverse, que j’étudie dans ma thèse : en réalité les médecins arrêtent de les utiliser parce que ces substances ne sont plus perçues que comme des drogues dangereuses.


PREMIERES EXPÉRIMENTATIONS DU LSD

On connaît tous l’histoire de ce savant fou, j’ai nommé Albert Hofmann, qui a découvert le diéthylamide de l’acide lysergique (LSD pour les intimes) au détour d’une éprouvette. Le bougre s’est évidemment empressé de s’en auto-administrer une dose de cheval, s’embarquant pour un trip ultra flippant dont il ne soupçonnait pas la possibilité. Ce qu’on sait moins, en revanche, c’est la façon dont cette substance a franchi le cap de la Suisse et des labos Sandoz pour devenir objet d’étude mondiale. Il s’est opéré comment, ce bond quantique ? Qu’est-ce qu’on cherchait à savoir en le testant sur des malades, et qu’est-ce qu’on a découvert ?

Alors en fait Hofmann était un scientifique hyper sérieux, hyper rigoureux, pas du tout un psychonaute à la base, et du coup quand il a voulu étudier les effets psychotropes du LSD (c’était normal à son époque pour les scientifiques et les médecins d’auto-expérimenter), il a pris la plus petite dose qu’il puisse imaginer, dans le but d’augmenter très progressivement jusqu’à voir apparaitre les premiers effets et les documenter.

Albert Hofmann, célèbre découvreur du LSD !

Albert Hofmann

Sauf que le LSD fait effet à des doses qu’on pensait à l’époque totalement inactives, de l’ordre du microgramme (il faut 1000 microgrammes pour faire 1 milligramme) ! Du coup oui, ses 250µg il les a bien sentis passer, au point qu’il a cru s’être carrément mortellement empoisonné jusqu’à ce que son médecin le rassure en mesurant sa tension etc.

C’est donc une substance très puissante à des doses infimes, et ça c’est intéressant pour le laboratoire Sandoz, qui le produit, sauf qu’on ne sait pas très bien ce qu’on peut en faire. Là, en 1943, c’est la guerre, donc il faut attendre. Une fois la guerre terminée, Sandoz lance quelques études pour s’assurer de la sécurité du LSD, savoir à peu près à quelle dose il faut l’administrer etc. Et puis à partir de 1947 ça y est, ils le diffusent dans le monde entier, avec pour but d’identifier les indications thérapeutiques possibles. Du coup n’importe qui (scientifiques, médecins, universitaires) qui en faisait la demande en recevait au moins 1 gramme voire plusieurs, c’était des doses ÉNORMES, de quoi faire des années et des années de recherches !

Dès 1950 des médecins commencent à dire que vu qu’une partie des effets sont des reviviscences de souvenirs parfois refoulés, et aussi des associations d’idées nouvelles, ça pourrait être très utile pour approfondir la psychothérapie. A partir de là, le nombre des études s’envole (plusieurs milliers de l’Argentine au Japon, du Canada à la Grèce), on recense plus de 40 000 patient·es dans la littérature médicale, mais en fait il y a beaucoup plus de gens qui en ont reçu, dans les services hospitaliers dans lesquels c’était devenu un médicament normal, et par les psychiatres qui l’utilisaient dans leur pratique privée. Certains thérapeutes disent dans les années 1960 avoir pris en charge 800-1000 patient·es ! C’est l’un des médicaments les plus étudiés au monde entre 1950 et le début des années 1970.


Vous étiez au courant que le LSD a foutu un bordel épistémologique carrément dingue dans les cliniques du monde entier ? Cet enfant terrible est décidément à la hauteur de sa réputation ! On raconte qu’il a contraint les psychothérapeutes à revoir toute leur méthodologie, attaquant jusqu’aux fondations de leur pratique et entraînant au passage de fortes divisions entre les partisans de l’approche psychédélique versus psychopharmacologique… Tu peux nous raconter l’histoire de cette petite révolution ?

A cette époque, les psychiatres qui veulent utiliser le LSD avec leurs patient·es sont vivement encouragé·es à l’auto-expérimenter d’abord, et de manière répétée, pour bien comprendre ce que ça fait. C’est même écrit dans la notice du LSD ! Certain·es, mais pas toutes et tous, loin de là, vont se rendre compte que pour tirer tous les bénéfices de la substance, il vaut mieux prendre soin des patient·es, les rassurer, les informer, les mettre dans des pièces agréables et bien décorées. Iels vont donc élaborer de nouvelles méthodes pour administrer le LSD, qui sont en rupture avec la pratique psychiatrique d’alors, très froide et distante, qu’on va appeler les techniques du “set and setting”.

Tests cliniques du LSD

Mais en fait ces méthodes elles étaient déjà inventées par les populations humaines qui faisaient usage de psychédéliques de manière traditionnelle, puisque sans cet accompagnement le risque de faire de mauvaises expériences est plus élevé. Sauf que nous en Occident, on n’aime pas adopter des méthodes développées par des êtres humains jugés inférieurs. 

Bon en tout cas il va donc y avoir une rupture scientifique dans les années 1960 entre les thérapeutes qui utilisaient les méthodes du “set and setting”, et qui obtenaient des résultats parfois très positifs, et ceux qui restaient dans le cadre psychiatrique classique, qui s’apparentait encore beaucoup aux méthodes du “choc psychique”. Les seconds n’arrivant pas à reproduire les bons résultats présentés par les premiers, et n’étant pas suspectés d’être reliés à la contreculture qui se développait à cette époque dans certains milieux scientifiques, ont décrédibilisé les travaux avec set and setting. Cette affaire a mené en partie à l’arrêt des études sur le LSD : on n’arrivait pas à faire la preuve de son efficacité.


Autre sujet passionnant, celui des addictions ! Il semble que les psychédéliques soient des substances très prometteuses dans ce domaine. De mon côté, j’ai entendu dire que l’ayahuasca serait le traitement le plus efficace à ce jour pour guérir l’addiction à l’héroïne, en accompagnement d’une psychothérapie, mais j’aimerais avoir un avis d’expert sur la question. On en est où avec les psychédéliques que t’as étudiés ? Est-ce que ces substances pourraient être une solution à la dépendance aux drogues dures ?

Merci pour ta question mais je ne suis pas médecin. Tout ce que je peux dire c’est qu’actuellement on reprend à peine depuis une dizaine d’années les études sur les propriétés thérapeutiques des psychédéliques, et que même si les études des années 1950-1970 présentaient parfois de très bons résultats et que nos nouvelles études semblent les confirmer, il est encore trop tôt pour affirmer quoi que ce soit. Il va falloir encore beaucoup de temps pour prouver l’efficacité des psychédéliques dans cette indication comme dans les autres, mais il y a beaucoup d’espoir, en particulier comme tu le dis si ces substances ne sont pas utilisées seules mais dans le cadre de la psychothérapie. 

Par ailleurs il ne faudrait pas parler de “drogues dures/drogues douces”. En réalité il y a surtout des pratiques dures/douces : quelqu’un peut consommer de l’héroïne ou du crack de temps à autre, de manière très maitrisée, et ne jamais devenir dépendant, peu importe les propriétés addictives de la substance. D’ailleurs le produit le plus addictif pharmacologiquement c’est le tabac. Par contre une autre personne pourra consommer du cannabis tous les jours, dès le matin, et que ce soit le cœur de son existence, et c’est là que la consommation devient problématique. 


Abordons maintenant le thème des soins palliatifs. Il apparaît qu’en effaçant les limites de l’ego, l’expérience psychédélique aide le mourant à séparer son “moi” du corps malade et donc de sa douleur. J’ai cru comprendre que c’est grâce aux témoignages des patients après cette expérience qu’ont commencé les travaux autour de l’expérience de la mort. L’irruption du LSD en soins palliatifs a-t-il révolutionné cette discipline ? Est-ce qu’on bénéficie encore aujourd’hui des découvertes faites à l’époque ? Qu’est-ce qu’il a apporté comme changements aux mourants et à leur famille ?

Non, les travaux autour de l’expérience de la mort n’ont pas commencé avec l’administration de LSD aux personnes en fin de vie. On peut imaginer que les êtres humains ont toujours essayé de comprendre ce que c’était que mourir, mais les recherches scientifiques au sens où on l’entend aujourd’hui ont commencé au XIXe siècle.

Les psychédéliques pourraient-ils aider les mourants à vivre l’expérience de la mort d’une façon plus apaisée ?

Seulement, au début du XXe siècle les médecins se censurent dans leur usage de la morphine, qui est la principale substance de soulagement de la douleur, encore aujourd’hui, parce qu’elle est classée en 1916 en tant que stupéfiant, donc on ne la considère plus comme un médicament, c’est devenu une drogue. Dans ce contexte, comme les médecins n’ont plus rien à administrer pour les patient·es en fin de vie, qui souffrent de douleurs parfois terribles, ils s’en désintéressent. On met les gens dans des chambres au fond du couloir de l’hôpital, plus personne ne vient les voir et on les laisse mourir dans d’horribles souffrances. La diabolisation des psychotropes, ça conduit à ce type de conséquence. Bref, la recherche sur la mort en général est désormais largement laissée de côté. 

Mais dans les années 1950, de nouveaux médecins, de nouvelles infirmières, qui ont été marqué·es par leur expérience de la mort pendant la guerre notamment, vont s’intéresser à nouveau à cette question : comment mieux accompagner la fin de vie ? Pour ça, dans l’idéal, il faut trouver une substance qui soulage la douleur mais sans endormir le/la patient·e, pour qu’iel reste conscient·e et puisse passer ses derniers moments avec sa famille. C’est dans ce contexte que va émerger l’idée d’administrer du LSD : il est utilisé à l’époque pour soulager les douleurs les plus graves que l’être humain peut ressentir, les algies vasculaires de la face, qualifiées de douleur “suicidaires”, et les sujets restent conscients quand ils sont sous son influence.

Donc des médecins américains vont tenter l’expérience, se rendre compte que non seulement les patient·es ne souffrent plus pendant de longues périodes, mais qu’en plus iels sont moins anxieu·ses, parviennent mieux à exprimer leurs émotions, mangent et dorment mieux. C’est pour moi les plus belles études sur l’usage médical du LSD. Ces travaux émergent en même temps que plein d’autres dans les pays anglo-américains qui étudient à nouveau l’expérience de la mort. Il y a un super livre sur le sujet de l’historienne Jelena Martinovic, Mort imminente

Mais les recherches sur le LSD vont avoir un impact important à l’époque parce qu’aucune autre substance (autre que les psychédéliques quoi) n’a des effets comparables. Les pionnier·es des soins palliatifs (la discipline n’existe pas encore), s’intéressent vivement à ces recherches qui pourraient révolutionner la manière de mourir. Malheureusement, non seulement à l’époque l’urgence c’est de soulager de leurs douleurs un maximum de personnes, donc de réhabiliter la morphine, et c’est déjà un GROS morceau, mais en plus on est dans les années 1960 et le LSD commence à être de plus en plus stigmatisé, donc les médecins sont de plus en plus réticents à l’utiliser et finalement ces recherches vont s’arrêter.

Mais ce sont les recherches qui ont continué le plus longtemps (l’administration de LSD dans la fin de vie), jusqu’à la fin des années 1970, ça montre à quel point elles étaient porteuses d’espoir pour la communauté médicale. Elles ont accompagné la remise en cause des traitements inhumains de l’époque et affirmé la nécessité de mieux prendre en charge les mourants, ce dont on bénéficie un peu aujourd’hui, mais il faut savoir que seuls 30% des gens en France ont la possibilité de mourir dans des services de soins palliatifs de nos jours, alors il reste encore beaucoup à faire pour que ce soit largement accessible, sans parler de LSD.


La thérapie psychédélique dévergonde notre imagination. Qu’on voit la chose de manière positive ou négative, on manque de repères ancrés dans le réel pour bien piger de quoi il s’agit. Ici, on va avoir besoin de ton aide. Comment ça fonctionne, une thérapie psychédélique ? A qui ça s’adresse exactement ? Quels sont les bénéfices à court et long termes qu’on est en droit d’en attendre ? Est-ce qu’elle comporte des risques ?

La thérapie assistée de psychédélique se compose de trois étapes. Enfin quatre parce que d’abord il y a une sélection des patient·es. Pour l’instant par exemple les personnes souffrant de maladies psychotiques ou ayant dans leur famille des personnes psychotiques sont exclues des panels, parce qu’il y a un risque chez elles de déclencher une psychose aiguë de plus de 48h.

Comment fonctionne un thérapie psychédélique ?

Donc une fois la sélection faite, il y a des séances de préparation, où malade et médecins apprennent à se connaitre, où on met en place ce qu’on appelle “l’alliance thérapeutique”, c’est-à-dire que le/la médecin crée une relation de confiance avec le/la patient·e. On répond à ses questions, on l’informe des effets attendus, de ce qu’on cherche à faire avec ces séances.

Ensuite, une ou plusieurs séances avec le psychédélique, pendant lesquelles le/la patient·e fait son expérience, avec le moins de direction de la part des thérapeutes, qui sont là seulement en support, pour encourager, aider à ne pas résister, consoler éventuellement s’il y a des choses très dures qui émergent. On met de la musique, on peut dessiner, bref c’est très libre.

Enfin il y a ensuite dans les jours qui suivent des séances “d’intégration”, cette fois sans administration de substance, pendant lesquelles les psychiatres mènent une psychothérapie, analysent avec les patient·es ce qu’il s’est passé sous psychédéliques. 

Pour l’instant ce modèle thérapeutique est testé dans une foule d’indication (TOC, stress post-traumatique, anxiété, troubles alimentaires, dépression…), et les futures études nous diront s’il est effectivement efficace. Les thérapeutes espèrent qu’avec une ou quelques séances les patient·es soient durablement amélioré·es voire définitivement guéri·es. Pour le moment, les études cliniques ne signalent pas de risques ou d’effets secondaires liés à ces thérapies. Mais encore une fois, on n’en est qu’au tout début.


Il est temps de se pencher sur le fameux “set and setting”, approche nouvelle de la psychothérapie qui s’attache à soigner l'environnement physique et émotionnel du patient lors de sa séance psychédélique. Tu peux nous expliquer en quoi ça consiste et pourquoi c’est si important ?

Le “set and setting” ce sont des méthodes développées à partir de la fin des années 1950 en particulier par des thérapeutes (hommes et femmes) anglais·es, canadien·es et américain·es. Ça suit la constatation que l’expérience psychédélique varie considérablement en fonction de variables extra-pharmacologiques, et donc ces médecins vont mettre en place des manières d’organiser la séance pour éviter au maximum toute influence négative.

Le “set”, c’est l’état d’esprit de la personne qui prend le psychédélique : il faut qu’elle se sente bien, qu’elle soit en confiance, qu’elle ait compris autant que possible à quoi s’attendre en termes d’effets, qu’elle soit d’accord pour faire cette expérience.

Le “setting”, c’est la pièce dans laquelle la séance va avoir lieu : on la décore, on la meuble de manière confortable et chaleureuse. Tout ça va favoriser une expérience qui, même si elle peut s’avérer difficile par les éléments traumatiques qui pourraient émerger à la conscience, par exemple, sera vécue de la manière la plus sereine possible par le/la patient·e qui sera dans un environnement rassurant, assisté·e de personnes bienveillantes et spécialisées dans cette prise en charge très particulière.


INTERRUPTION DES ÉTUDES CLINIQUES ET CLASSIFICATION DU LSD COMME STUPÉFIANT

C’est l’heure de la question qui fâche : Comment, bon sang de bonsoir, le LSD a-t-il pu quitter les labos pour débarquer dans la rue ? On a tendance à tout foutre sur le dos de ce bon vieux Timothy Leary, “gourou du LSD” américain, avec son fameux slogan Turn on, tune in, drop out, mais qu’est-ce qu’il s’est passé, en réalité ? Y a certains toubibs qu’ont crié au miracle ou quoi ? Et d’où il sort, ce vocabulaire bien spécifique à l'expérience psyché qu’on utilise toujours aujourd'hui ?

Il faut se replacer dans le contexte des années 1950 pour bien comprendre. La première chose c’est qu’à l’époque, il n’y a aucun contrôle sur les médicaments. Donc certain·es médecins, jusqu’au début des années 1960, n’hésitent pas à donner des doses de LSD à leurs patient·es une fois qu’iels ont fait quelques séances avec elleux, pour qu’iels le prennent chez elleux, quand iels veulent, quand iels ont le temps et qu’iels sont dans de bonnes dispositions pour faire l’expérience, qui sera ensuite retravaillée avec le/la thérapeute.

Timothy Leary, “gourou” du LSD californien

Timothy Leary

Forcément si les gens trouvaient que c’était une expérience sympa, ils pouvaient avoir envie de la faire connaître à leurs proches. Les personnes (notamment les étudiant·es) qui se portaient volontaires pour être des cobayes des études expérimentales sur le fonctionnement du cerveau, par exemple, avaient le droit aux USA d’amener leurs disques de musique, de peindre, de faire ce qu’iels voulaient, c’était aussi des expériences très sympas. Du coups iels avaient envie de les vivre avec leurs ami·es.

Au début des années 1960, des étudiants chimistes ont commencé à en produire pour ne pas avoir à passer par l’industrie pharmaceutique. On en distribuait dans les clubs, dans les soirées. 

En plus de ça, aux USA surtout, il y avait une médiatisation assez importante des bons résultats présentés par les thérapeutes qui utilisaient le LSD. Les plus grandes stars de l’époque disaient dans la presse qu’elles en avaient pris en thérapie et que ça les avait aidées (par exemple Cary Grant qui disait que ça lui avait sauvé la vie). Donc forcément les gens avaient envie d’en faire l’expérience. Il y avait des psychiatres, comme Oscar Janiger, qui faisaient payer 100$ la séance, donc une somme considérable, eh bien Janiger estime qu’il a pris en charge plus de 800 patient·es. 

Enfin dans les milieux intellectuels il y avait une consommation festive mais aussi expérientielle : les poètes, les philosophes, les écrivain·es, les artistes, essayaient d’enrichir leur perception du monde grâce à ces expériences.

Donc Timothy Leary est juste un élément dans cet ensemble de choses qui ont mené à la diffusion du LSD dans la société. 

Le LSD débarque dans la rue et devient hors de contrôle !

Quant au vocabulaire qu’on emploie, il vient de tous ces milieux à la fois : “psychédélique”, c’est le psychiatre Humphry Osmond qui l’a inventé, dans sa correspondance avec le philosophe Aldous Huxley ; “set and setting” c’est le psychologue Timothy Leary ; il y a d’autres termes qui ont émergé des milieux intellectuels et artistiques, et puis de plus en plus des psychonautes, en particulier depuis la diffusion d’internet, où les gens testent sur des forums les termes qu’ils inventent avec d’autres pairs.

Ce qui est marrant c’est qu’après les scientifiques vont à leur tour sur ces forums pour étudier comment les psychonautes appellent tel ou tel effet, et adoptent ces nouvelles manières de décrire l’expérience psychédélique.


En me penchant sur tes travaux, j’ai découvert l’histoire française du LSD. Elle est à la fois saisissante et glaçante. En seulement quelques mois, on est passé du médicament très prometteur le plus étudié au monde à une substance tricarde mettant la société en état de panique. La France n’était pas, pourtant, parmi les précurseurs de l’utilisation clinique du LSD ? Aujourd’hui, elle fait figure de dinosaure froussard freinant des quatre fers face à l’évolution, tandis que le monde entier est en train de dépénaliser, voire légaliser, les psychédéliques. A l’époque, voilà comment ça se passe : certains journalistes se mettent à calquer leurs reportages sur ceux des États-Unis (alors qu’en France, le LSD n’a pas encore débarqué dans la rue). De là, une surenchère incontrôlable se met en branle dans la sphère médiatique, sorte de course à l’article le plus alarmiste possible. Informations partielles, déformées, voire inventées de toute pièce, relayées aussi bien par les torchons à scandale que les revues intellectuelles. Les journalistes, les sociologues et les médecins semblent unanimes dans leurs révélations des méfaits du LSD. En très peu de temps, un nouveau cadre conceptuel est défini pour lui, dans lequel il est encore stigmatisé aujourd’hui. Ça a de quoi surprendre ! J’ai l’impression que quelque chose m’échappe… Comment on a pu passer de comptes-rendus scientifiques encourageants à un cauchemar menaçant la jeunesse, voire la société entière ?

Le principe d’une panique morale, c’est la soudaineté de son apparition, qui fait que les principaux intéressés par le sujet n’ont pas le temps de s’organiser pour réagir et contrecarrer le torrent médiatique.

En France en fait il n’y avait presque personne qui travaillait avec le LSD à cette époque. Donc quasiment aucun article dans la presse médicale (pour te donner une idée il n’y a que 4 articles publié en 1965, tous de la même équipe, donc c’est RIEN), ce qui fait que la plupart des médecins n’en ont jamais entendu parler. Le grand public encore moins.

Les médias s’emparent du phénomène LSD et sèment la panique à coup de reportages alarmistes et mensongers.

La panique morale est donc non seulement très brusque, mais elle arrive alors qu’il n’y a aucun discours dans la population pour décrire le LSD comme un médicament intéressant (ce qui est le cas aux USA par exemple).

A partir d’une première série d’articles hyper anxiogènes (je ne reviens pas là-dessus, je décris tout ça dans un article, une conférence sur Youtube et un podcast =) ), tous les médias n’ont qu’une manière de considérer les psychédéliques, puisqu’aucune autre source en français ne parle des études médicales. Ils reprennent tous les mêmes idées reçues, et ça fait boule de neige jusqu’à ce que l’État soit forcé d’intervenir pour montrer qu’il a pris au sérieux la menace et qu’il va protéger la population contre “la drogue la plus dangereuse au monde” en provenance des États-Unis.


Ce qui m’étonne le plus, c’est la position de certains médecins, qui présentent les adeptes du LSD comme des toxicos (alors que cette substance est certifiée non addictive) et finissent par faire figure d’experts dans le domaine des addictions. Pourquoi ont-ils fait ça ? C’était quoi leur intérêt dans l’histoire ?

Leur intérêt est professionnel : ils ne sont personne à ce moment là, alors s’ils arrivent à convaincre qu’il va y avoir des milliers des jeunes qui vont devenir dépendants à cette nouvelle substance qui est en train d’arriver en France, et qu’ils en sont les seuls experts, ils vont être nommés à la tête de services dédiés, et c’est effectivement ce qui va se passer.

Des médecins se font passer pour des spécialistes des drogues et condamnent le LSD à des fins d’intérêt personnel

Claude Olievenstein a soutenu sa thèse de médecine en 1967, c’est une thèse toute pourrie, personne n’en parle, il ne va pas faire une grande carrière a priori, mais il voit l’intérêt qu’il y a à parler des “toxicos du LSD”, et effectivement il devient LE spécialiste des drogues le plus reconnu en France, encore aujourd’hui alors qu’il est mort !

Pareil pour Bensoussan, qui devient expert des tribunaux, il donne des cours sur les addictions, il passe à la télé, il devient non seulement expert des drogues mais aussi expert des “jeunes”. 


Au niveau politique, les choses ne traînent pas non plus ! Les conséquences légales de cette débauche médiatique sont foudroyantes : en 1966, la France devient le premier pays au monde à classer le LSD dans la liste des stupéfiants. Est-ce que ça arrive souvent, que le gouvernement établisse des lois sans vérifier ses sources ? Évidemment, on se rend bien compte que dans cette histoire, une partie de la classe politique a tout intérêt à désigner la jeunesse droguée comme bouc émissaire des péchés de la société. C’est sans doute le seul moyen de contrer la révolution en marche, maintenir à tout prix leurs valeurs conservatrices. Le problème est qu’aujourd’hui encore, le regard que les Français portent sur le LSD résulte de cette distorsion de la réalité. Tu crois que c’est possible de tenter de rétablir la vérité ?

Je ne suis pas spécialiste de politique, donc je ne peux pas trop m’avancer sur la question de la manière dont sont votées les lois, mais bon, étant donné qu’il y a un consensus scientifique depuis une trentaine d’années sur la dangerosité des psychotropes, qu’on montre les ravages de l’alcool et la sécurité des psychédéliques et qu’on ne change rien, et que par ailleurs y a aussi un consensus scientifique depuis à peu près la même période pour dire que la “guerre à la drogue” ne fonctionne pas mais qu’au contraire elle est totalement contre-productive, on peut douter du fait que les politiques soient dirigés par les données scientifiques.

Le LSD tombe sous le coup de la loi et est classé comme stupéfiant.

Je suis persuadée par contre qu’il est possible, petit à petit, de déconstruire des idées reçues, et de rétablir la vérité sur le passé, c’est pourquoi je mène ces recherches. Mais c’est un processus qui prend du temps, il faut sans cesse répéter, prouver, accompagner. 


Du fait de ce discours unilatéralement négatif au sujet du LSD, les consommateurs commencent à vivre des expériences différentes avec lui, de même que les volontaires dans les cliniques. Cette panique morale dont tu parles, qui atteint toutes les couches de la société, tue dans l'œuf le mouvement contestataire en provenance des États-Unis. Les hippies sont décrits et donc perçus comme des fuyards dénués de sens moral, des crasseux irresponsables au cerveau grillé par la dope. Force est de constater que cette définition ne peut que renforcer les normes et les valeurs d’une société bourgeoise qui s’inquiète d’être remise en cause par les nouveaux idéaux d’une jeunesse en mal de liberté. Je suis obligée de te le demander : Est-ce que cette croisade anti-drogue était préméditée dans le but de renforcer le contrôle social ? 

Non je ne crois pas. Aucune source pour l’instant ne permet de l’affirmer. Plus vraisemblablement, les politiciens américains se sont saisis de cette inquiétude à l’égard du LSD pour servir leur cause, mais ça n’a pas été prémédité.

Le LSD et la CIA

Il faut aussi rappeler qu’il y a eu quelques études faites par la CIA et l’armée américaine dans les années 1950-1970 pour voir si le LSD pouvait être une bonne arme chimique ou un sérum de vérité. Ils en ont administré à des soldats dans des conditions déplorables, sans les prévenir, du coup ça conduisait parfois à des expériences dramatiques. Les membres du gouvernement qui avaient demandé ces études avaient lu les rapports qui indiquaient que le LSD pouvait causer du stress post-traumatique voire des suicides si l’expérience était mauvaise.

Donc ce qu’ils lisaient dans les tabloïds, ça correspondait à l’image qu’ils avaient de la substance, c’était cohérent. Pour eux, la question sanitaire a quand même joué, même si on sait aujourd’hui que ça ne reposait pas sur des bases scientifiques. Si on te dit : “ta fille risque de devenir folle si elle consomme du LSD” et que tu as lu les rapports de l’armée qui disent qu’il y a des cas comme ça, tu prends des mesures pour la protéger si tu le peux. 

Donc il y a une volonté de contrôle social, c’est certain, qui n’est pas préméditée mais qui profite d’un contexte médiatique, et il y a aussi de vraies craintes sanitaires.


LES PSYCHÉDÉLIQUES AUJOURD’HUI

Le plus triste dans tout ça, c’est que des avancées décisives et magnifiques pour le traitement des malades, des toxicomanes et des personnes en fin de vie ont été reniées et même enterrées. On était en train de comprendre le cerveau, les neurotransmetteurs, la schizophrénie, et BAM, tout a volé en éclats... A présent, cet épisode de l’histoire où le LSD était testé est plus ou moins présenté comme une erreur de parcours. Où en est la recherche à l’heure actuelle ? Est-ce qu’on a dépassé le stade de l’indignation morale ?

Les études reprennent, doucement, avec beaucoup de contraintes, notamment financières et administratives. Il faut lire les articles (malheureusement en anglais) de David Nutt sur le sujet, c’est très éclairant. Un peu partout dans le monde des équipes de recherche réalisent de nouvelles études, font avancer la compréhension qu’on a de cette expérience, discutent des problèmes méthodologiques qui émergent (par exemple au sujet du consentement au toucher pendant la séance psychédélique, c’est un sujet qui m’intéresse personnellement beaucoup). 

Il reste une méfiance importante du milieu médical au sujet de ces travaux, parce qu’on leur a martelé pendant des décennies que c’était des substances dangereuses sans intérêt thérapeutique, donc forcément ils attendent d’avoir des sources fiables et nombreuses pour faire évoluer leurs représentations.

De mon expérience personnelle, la profession médicale est de plus en plus curieuse de ces recherches, et on voit une évolution rapide, c’est donc très positif, mais encore une fois c’est un processus qui prend du temps.


Mal du siècle par excellence, la dépression est un cas très évocateur. La recrudescence de cette maladie est d’ailleurs certainement ce qui force le renouveau d’intérêt pour les psychédéliques. On est en train de (re)découvrir qu’une dose unique de psychédélique (Psilocybine, LSD, Kétamine, MDMA) peut avoir plus de résultats sur le bien-être des patients que des années d’anti-dépresseurs. Ce qui n’est pas vraiment rentable pour l’industrie pharmaceutique, j’imagine. Est-ce que les chercheurs comme toi rencontrent des problèmes à ce niveau ? Y a-t-il des médecins spécialistes en bioéthique (discipline qui étudie les problèmes moraux posés par la médecine et la recherche médicale) qui vous accompagnent dans ce domaine ? 

Alors encore une fois moi je suis historienne, donc je ne travaille pas avec ces substances, mes recherches ne portent que sur les travaux passés. Par ailleurs l’industrie pharmaceutique, t’inquiète pas pour elle, elle a de la ressource : elle fait payer 7000$ la dose de psychédélique pour rattraper le manque à gagner ! 

La dépression pourrait-elle être guérie par grâce à la thérapie psychédélique ?

Toutes les disciplines scientifiques s’intéressent aux questions soulevées par les psychédéliques, donc il y a effectivement des médecins en bioéthique, mais aussi des philosophes par exemple, c’est un milieu qui est très interdisciplinaire, justement parce que ces substances demandent une multitude de points de vue pour être comprises. 

Il y a aussi des gens qui travaillent spécifiquement à reconnaitre, documenter et protéger les savoirs ancestraux des populations humaines qui utilisent les psychédéliques depuis bien plus longtemps que nous, et ça aussi c’est très important.


Tourisme psychédélique, recrudescence de l’auto-administration, dépénalisation et légalisation de la psilocybine, séries documentaires Netflix, Télérama qui parle d’ayahuasca, Charlie Hebdo de “fin de vie psychédélique”… L’engouement que ces substances rencontrent est indéniable. Qu’est-ce que cet intérêt renouvelé pour les psychédéliques révèle de la société contemporaine, selon toi ? Comment t’expliques ce revival ? Quels bénéfices est-on en droit d’attendre de la reprise de la recherche psychédélique ?

Ce revival il s’explique par plusieurs facteurs (comme toujours) : d’abord de nouvelles générations de scientifiques et de médecins, complètement détachées des problématiques liées à la contreculture des années 1960.

Ensuite il y a aussi l’évolution des techniques, et notamment l’imagerie cérébrale, qui arrive dans les années 1990 : on a envie de voir ce que ça fait dans le cerveau de prendre des psychédéliques.

Que font au cerveau les psychédéliques ?

Enfin il y a une impasse thérapeutique, notamment dans le champ de la dépression et du stress post-traumatique, avec un nombre important de patient·es pour lesquel·les les traitements ne fonctionnement pas, donc on se tourne à nouveau vers ces études passées et qui semblaient prometteuses.

Je ne sais pas trop ce que ça révèle de notre société, la volonté, peut-être, de croire encore que l’humanité a un futur et que les psychédéliques pourraient aider à changer le monde (ce qui est une croyance hein, les psychédéliques ne vont rien sauver du tout à eux seuls). D’un autre côté on a aussi un positionnement très capitaliste/productiviste, avec les psychédéliques vus comme des moyens de développer les capacités humaines. 

Pour moi les bénéfices principaux seront d’enrichir les possibilités thérapeutiques disponibles pour les patient·es (donc ça veut pas dire remplacer les anti-dépresseurs par exemple, mais juste avoir d’autres options), et je l’espère aussi arrêter avec la prohibition des psychotropes en général, qui est une absurdité.


L’AVENIR DES PSYCHÉDÉLIQUES

De plus en plus de personnes, dont je fais partie, s’exilent jusqu’en Amazonie pour avoir accès à ces substances. Il existe de nombreux pays, notamment en Amérique du Sud, où les psychotropes (champignons, peyotl et san pedro qui sont des cactus à mescaline, bufo et ayahuasca, dont le principe actif est la DMT) sont utilisés couramment, et ce depuis toujours, parce que l’accès de l’Homme à la transe n’a jamais été interdit. Dans ces régions, elle est considérée comme essentielle à son bien-être, à la connaissance qu’il peut avoir de lui-même et de l’univers. On sait désormais que depuis la préhistoire, les états modifiés de conscience ont été recherchés par l’Homme, qui les atteignait souvent grâce à des plantes psychotropes. Certains disent même que la transe est la véritable origine de la religion. Crois-tu que les états de conscience modifiés sont un besoin et un droit, voire une nécessité pour l’humanité ? Est-ce que ta démarche s’inscrit dans un paradigme qui pose l’accès à la transcendance comme essentiel pour l’Homme ?

Alors d’abord, ça me HÉRISSE de voir écrit “l’Homme”, je suis désolée xD. Quand je lis “Homme”, mon cerveau (et le tien aussi, et celui de tout le monde, des études ont été faites pour le démontrer), pense à UN homme. Et ça donne l’impression que ce sont des hommes qui consommaient des psychotropes pendant la Préhistoire, ce qui est faux. 

Ceci étant dit, je pense effectivement que les états modifiés de conscience sont un besoin et un droit pour l’humanité, une nécessité je ne crois pas, mais on doit pouvoir y avoir accès librement et dans de bonnes conditions si on en a envie.

Aucune donnée scientifique ne permet de dire que ce sont ces expériences qui ont été à l’origine des religions, ou que ça a fait basculer nos ancêtres non-humains vers l’humanité par exemple. Ce sont des hypothèses intéressantes de manière intellectuelle mais qui restent de l’ordre de l’expérience de pensée. Je ne crois donc pas que ce soit essentiel, qu’une personne qui ne ferait jamais d’expérience intense d’état modifié de conscience ait genre “raté sa vie”. Il y a des gens qui ont peur de ça, qui n’ont pas envie de s’y confronter, et c’est très bien comme ça. Il y a des gens qui pourraient beaucoup souffrir de ces expériences, de manière définitive, même s’ils étaient bien encadrés.

Apprendre à faire entrer les psychédéliques et les psychotropes dans le paradigme occidental sans piller le savoir des indigènes.

Donc il me semble que simplement ces expériences doivent être à nouveau intégrées à notre société, qui doit leur donner un nouveau sens, propre à la société occidentale, sans vouloir adapter/s’approprier des concepts d’autres peuples humains mais en faisant une vraie démarche de recherche de sens qui nous soit propre.

Il faut arriver à penser ces expériences en dehors du cadre pathologique qui les entoure encore, en étudiant les risques qu’elles peuvent éventuellement comporter, en construisant un socle de savoirs pour les vivre en toute sécurité, en les libérant, pour celles effectuées grâce à des psychotropes, des interdits qui les entourent, bref en les pacifiant, en en faisant une possibilité d’enrichissement pour celles et ceux qui le souhaitent.


La lutte que tu mènes pour la réhabilitation des recherches sur les psychédéliques répond, j’imagine, à la vision d’un futur que tu contribues à créer. Ce serait quoi, pour toi, le futur idéal ? Quelle est l’image que tu gardes en tête pour t’aider à t’accrocher quand tu fais face aux difficultés de faire bouger les choses ?

La réhabilitation des substances psychédéliques est-elle est une question de bien-être mondial ?

Je suis en vrai très pessimiste à l’idée de l’avenir, je ne crois pas du tout que l’humanité va pouvoir continuer comme ça longtemps, je pense qu’on se dirige vers une existence qui sera bien plus dure, plus de l’ordre de la survie. Je ne veux pas d’enfants (juste parce que je n’en veux pas, pas à cause de ces questions) et j’ai du mal à comprendre les gens qui en font dans ce contexte politique, écologique, économique.

Mais en attendant je crois qu’on doit toutes et tous faire le maximum pour faire le bien, pour faire des choses justes, qui tendent vers plus de justice, de bien-être, de santé, de plaisir, de respect possible. Je ne crois pas à un futur idéal, mais à des actes qui rendront ce futur un peu moins pire.


Et si on veut t’aider à changer le statu quo et dessiner ensemble un nouveau futur, comment on doit s’y prendre ?

Je dirais (mais c’est difficile comme question !) qu’il faudrait d’abord prendre le temps. On est trop speed, on l’est de plus en plus. Des études ethnographiques dans les années 70-80 montraient que dans la plupart des sociétés non-industrielles, près d’un tiers du temps les gens ne faisaient rien. Et rien ça n’était pas “rêver” ou “discuter” ou “se reposer”. C’était vraiment rien. Un concept bien difficile à concevoir pour des occidentaux.

Je crois pourtant que c’est quelque chose d’essentiel, de ne rien faire. Ça permet de souffler, de prendre de la distance avec le quotidien, ses soucis, de regarder le monde qui nous entoure avec des yeux différents. Et c’est là, je crois, qu’on serait plus capable de prendre les bonnes décisions dans nos vies, de mieux percevoir ce qui est important pour nous, d’être moins victimes de la société capitaliste qui nous fait croire qu’il faut consommer pour être heureux et heureuses.

Les psychédéliques ouvrent la conscience vers une nouvelle appréhension de l’univers

C’est là qu’on pourrait être plus tolérant·es envers des comportements ou des manières de penser qui nous sont étrangers, et se rendre compte que c’est la diversité qui fait la richesse. C’est là aussi qu’on pourrait prendre le temps de se questionner sur “pourquoi je pense ce que je pense ? Est-ce que c’est parce que j’y ai vraiment réfléchi ou est-ce que c’est comme ça que ma société pense ?”, ce qui permettrait d’agir et de penser de manière plus consciente. 

Voilà, pour moi ça, c’est important, et ça aiderait à faire progresser l’humanité. Et faire ce pas de côté, réfléchir différemment sur un problème, comprendre une autre manière de raisonner que la sienne, les psychédéliques peuvent y aider.


POUR ALLER PLUS LOIN…

Les sites internet :

Le site de Zoë Dubus où vous trouverez l’ensemble de ses passionnants travaux.

Le site de la Société Psychédélique Française à laquelle vous pouvez adhérer ou simplement vous tenir au courant des évènements.

Psychédéliques : Manuel de réduction des risques : Le tout nouvel ouvrage de la Société Psychédélique, à télécharger gratuitement sur leur site !

Les ouvrages évoqués par Zoë Dubus :

Les Paradis artificiels de Charles Baudelaire

Mort imminente de Jelena Martinovic

Les articles évoqués par Zoë Dubus :

Effects of Schedule I drug laws on neuroscience research and treatment innovation de David Nutt (extrait)

Perverse Effects of the Precautionary Principle: How Banning Mephedrone Has Unexpected Implications for Pharmaceutical Discovery de David Nutt (article complet)

Les ouvrages recommandés pas Le Coin des Desperados :

Quand l’impossible arrive de Stanislav Grof

La révolution psychédélique de Olivier Chambon et Jocelin Morisson

LSD mon enfant terrible de Albert Hofmann


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