Tout est relié

— C’est de la Cielo, pas vrai ? j’ai fait à Wish alors qu’il saisissait la bouteille.

— Ouais, il a répondu avec un sourire accompagné d’un clin d’œil.

Inutile d’ajouter quoi que ce soit. On se comprenait, lui et moi. La cérémonie avait de fortes chances d’être cosmique avec cette variété d’Ayahuasca.

Ça tombait bien. La question que je voulais poser à la Plante ce soir-là était du même tonneau. C’est marrant comment ça fait. Tu commences à t’intéresser à un sujet et ensuite la vie n’arrête pas de t’envoyer des signaux qui t'amènent à le creuser à fond. Ces derniers temps, toutes mes nouvelles rencontres, tout ce que j’avais pu entendre, regarder ou lire pointaient la même direction.

Et il y avait un livre, en particulier, que mon pote Jocelin Morisson et son acolyte de toujours Romuald Leterrier venaient tout juste d’écrire, qui m’avait fait forte impression, faisant éclore en moi de vastes et complexes réflexions, pistes inconnues que je brûlais de suivre...

Je savais que l’Ayahuasca avait le pouvoir de me faire m’y engager. Je veux dire, pour de bon. Au-delà de l’intellect. Au-delà des concepts. Elle seule était en mesure de me faire comprendre, de tout mon être, ces idées si belles qui m’avaient enflammée.

Wish a siffloté et chantonné longuement au-dessus de la bouteille, avant de lui souffler de la fumée de mapacho dedans. Ensuite il l’a refermée et l’a secouée doucement, puis s’est levé pour me souffler de la fumée sur moi aussi. Sur ma tête, sur chaque épaule, dans mes mains jointes. Il est retourné à sa place et m’a servi une tasse du breuvage. Après l’avoir icarisée aussi, il me l’a tendue.

J’ai fermé les yeux, laissant mon intention monter en moi afin que ma conscience s’en imprègne. C’est comme ça qu’on doit demander à l’Abuelita. Pas juste avec son mental. On doit lui parler avec son cœur. Mon esprit restait silencieux, concentré à l’extrême. Aucune pensée n’était émise.

Alors, sans paroles, s’adressant directement à celle de la Plante, ma conscience a demandé : Montre-moi comment tout est relié.

Et j’ai porté la tasse à mes lèvres.

Wish a bu à son tour, directement à la bouteille, puis il a soufflé la bougie.

Tout est relié : chronique-expérience du livre sous forme de cérémonie d’ayahuasca

Review du livre Tout est relié, écrite par Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, sous forme de cérémonie d'ayahuasca

Pendant la première demi-heure, Wish s’est contenté de siffloter, attendant de savoir quels esprits invoquer, à quelles énergies se relier. Assise en tailleur face à lui, ma tête était de plus en plus lourde et, lentement, je me suis enfoncée dans la transe. 

Le chant de la jungle - ces milliards de sons distincts, stridulations d’insectes, bruissement de feuillages, coassements de crapauds, étranges et obsédantes mélopées d’oiseaux nocturnes, qui forment ensemble une musique hypnotique - s’infiltrait dans mon corps en le faisant résonner comme s’il faisait partie de lui. Je vibrais comme un caisson de basse saturé. J’aime quand la selva prend possession de moi comme ça.

J’avais intensément conscience du bruit de la rivière, en contrebas de la maloca. L’écoulement continu de l’eau le long des rives était un canoë qui m’entraînait de plus en plus profondément au cœur de la jungle.

Wish a entonné son premier chant et après quelques couplets, j’ai souri toute seule en réalisant qu’il chantait l’icaro du Yacumama, cet esprit subaquatique, mère de toutes les créatures de l’eau, puissant allié des cérémonies. J’étais donc bien alignée sur la vibration de la medicina. Cette nuit, le voyage commencerait sur le fleuve. 

Fleuve d'Amazonie

La maréacion s’est accentuée et ma conscience est descendue d’un niveau. J’ai senti la variation de pression dans mes oreilles et dans ma mâchoire. Un peu comme quand on fait de la plongée. Derrière mes paupières closes, dans l’encre noire de ma psyché, un serpent a lentement commencé à se former. Il était gigantesque. Enfin, d’après ce que je pouvais en voir. Je me situais plus ou moins sur son dos, sa tête et sa queue demeuraient invisibles, tant il était long, mais son immense corps lisse et écailleux, couleur de pierre, ondulait sous moi pour m’entraîner au fil de l’eau. Cette eau calme et noire où les étoiles se reflétaient comme des lucioles.

C’était beau. La jungle endormie sur les rives semblait s’ouvrir en deux pour nous permettre de pénétrer en elle. Et puis, brusquement, mon serpent-pilote a plongé, et mon corps a inspiré de toutes ses forces comme si ça avait la moindre chance d’être utile dans cet autre monde… 

On glissait maintenant loin sous la rivière, là où jamais la lumière du jour ne pénètre. Les abysses. Ça n’avait rien d’effrayant, pourtant. C’était même très apaisant d’évoluer lentement, en spirale, dans cette dimension infiniment silencieuse où toute perception était comme atténuée. 

J’aurais du mal à expliquer pourquoi, mais je me sentais comme à la Nuit des Temps, pour peu que ça veuille dire quelque chose. C’était comme de retrouver un berceau de racines très anciennes, là où tout avait commencé. Cet endroit mythique où l'énergie primordiale dansait librement, longtemps, longtemps avant d’entreprendre de se complexifier en cet état qu’on appelait désormais la vie. 

Guidé par les chants de Wish, de plus en plus lourds, de plus en plus primitifs, le serpent, la rivière et moi on a commencé à se confondre, à fusionner. L’icaro nous enroulait, imprimant des torsions à notre course comme dans ces photos qu’on voit de la Terre vue du ciel. Cette Amazonie tellement belle avec son fleuve brillant qui la sillonne, tellement belle qu’elle donne envie de pleurer. Et puis le Yacumama a franchi la barrière du sable qui couvrait le lit du fleuve.

C’était un passage. Une porte vers une autre dimension. Vers le passé, je crois, mais je n’en suis toujours pas sûre.

Peinture rupestre de Wandjina

Je me trouvais maintenant dans une espèce de grotte, une caverne dont les parois étaient ornées de dessins étranges figurant des entités flottantes semblables à des… bactéries, peut-être. Ou alors à des extraterrestres. C’était le genre de vision qui ressemble au rêve lucide, si bien que je pouvais me balader dans la grotte et prendre le temps de déchiffrer les dessins. Les êtres cellulaires étaient enveloppés de nombreuses membranes où des formes en double hélice, comme des brins d’ADN, flottaient elles aussi. 

Et puis sans prévenir, comme ça le fait souvent avec l’Ayahuasca, mon point de vue s’est modifié et tout s’est accéléré. Je voyais les choses comme si elles se produisaient à la fois séparément et simultanément. Une tribu dans le désert. Des Hommes qui m’ont fait penser aux Aborigènes d’Australie. Je ne suis pas certaine qu’ils étaient vraiment conscients de ma présence, pourtant j’avais le sentiment que c’était à moi que s'adressaient leurs actes et leurs pensées. Leurs rituels.

Représentation de Wandjina sous un abri sous roche

Différentes scènes flashaient très vite l’écran de ma psyché. C’était pas évident de comprendre le sens exact de ce qui s’y déroulait. Ces gens me montraient des sources, des mares, des nuages chargés de pluie. Ils semblaient connaître intimement le cycle de l’eau sur Terre, jusqu’au plus subtil de ses détails, et paraissaient y accorder une importance capitale. Ils me montraient comment les peintures des cavernes et l’eau de la Terre étaient connectées entre elles.

En faisant naître des visions dans ma tête, sorte de langage télépathique, ils me racontaient que les entités figurées sur les roches étaient des êtres spirituels, peut-être leurs ancêtres mythiques, et qu’ils se servaient de l’eau pour se manifester. Eux, les gens de cette tribu, avaient le devoir de les réanimer en rafraîchissant régulièrement les peintures, pour dialoguer avec eux. C’était comme ça que leurs chamans se connectaient à ces êtres, à travers le temps, apparemment. En tout état de cause, c’était par l’entremise de l’eau que cet échange d’informations, via un phénomène de conscience, était rendu possible. 

La dernière vision dont je me rappelle concernant ce peuple est assez floue. Des Hommes sortaient d’un fleuve brumeux dans les flots duquel, comme prisonnières d’un miroir, se laissaient deviner ces entités. Est-ce que c’était elles qui, finalement, avaient engendré ces Hommes ?

Et si les Wandjina étaient les ancêtres mythiques des Ngarinyins, peuple autochtone d’Australie ?

Wish s’enflammait désormais comme un malade avec ses icaros, et même si je comprenais pas le Shipibo, la teneur des nouvelles visions qui proliféraient en moi telle une terrible jungle à la végétation carnassière ne faisait aucun doute ; il invoquait les esprits-guérisseurs du monde entier, passé, présent, et même futur, nom de Dieu. Impossible d’expliquer autrement le fait que je voyais soudain une véritable armada de chamans en tout genre, n’importe où que je tourne mon regard mental !

Alto Cielo, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Certains tapaient comme des sourds sur des tambours, d’autres étaient attifés de plumes et de peaux de bête et virevoltaient autour d’un feu, d’autres agitaient des chacapas et soufflaient de l’agua florida, et d’autres encore, qui faisaient penser à des putains de cyborgs, fumaient des cristaux dans une pipe à crack en rejetant une fumée qui crépitait de code informatique…

Et toutes leurs médecines, et les esprits qui les animaient, apparaissaient et disparaissaient comme des hologrammes de fumée, la matrice des patterns leur offrant brièvement forme, avant qu’ils s’évaporent à nouveau : peyotl, bufo, fleurs de toé, champignons, le docteur sans tête de l'ayahuma, lianes d’ayahuasca, san pedro, l'esprit ténébreux du tabac et ces drôles de grenouilles kambo…

Mais le plus fou dans tout ça, c’est la façon dont ces guérisseurs, leurs chants, leurs instruments, leurs esprits alliés, leurs souffles, leurs plantes sacrées et finalement leurs intentions étaient… reliés entre eux.

Alli Mariri, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Parce que chaque cérémonie qu’ils faisaient chacun dans leur coin, à travers les âges et les lieux, n’était en fait qu’une seule et éternelle cérémonie, un rituel aussi vieux que le monde, constant, permanent, immense, qui les unissait par-delà l’espace et le temps au moyen d’une sorte de toile cosmique à la brillance de cristal, gigantesque et infini réseau qui les connectait entre eux par la seule force de leurs intentions.

Même les plantes et les animaux y étaient reliés ! C’était pour ça qu’un chaman pouvait se transformer en jaguar ou encore incorporer l’essence d’une plante maîtresse avec sa diète !

J’en croyais pas mes yeux… Incapable d’émettre la moindre pensée, mon esprit recevait ces flots d’information de plein fouet tandis que ma bouche s’ouvrait toute seule d'émerveillement. J’étais subjuguée.

Mais le pire, c’est quand la Plante a réalisé son dernier réglage pour me montrer que même les esprits des morts et les êtres conscients d’autres planètes faisaient également partie du réseau…

J’ai chopé ma bassine et me suis mise à vomir. Encore. Et encore. Fallait que je fasse de la place en moi pour parvenir à intégrer ce que je venais de voir. Mes neurones étaient en surchauffe. Tout ça était trop énorme ! De longues vagues abrasives de nausée me soulevaient les entrailles. Agrippée à mon seau comme une perdue, je me vidais à n’en plus finir, tandis que mon esprit ripait encore et encore sur ce que la plante m’avait montré. Incroyable, je me répétais bêtement, bon sang, j’y crois pas, bordel !

A bout de souffle mais bien purgée, je me suis allongée en passant une main sur ma bouche pour en effacer les dernières traces de vomi.

De son côté, Wish attaquait déjà un nouveau chant. Heureusement, cet icaro-là était calme, aérien, et la façon dont il modulait sa voix, comme seuls les Shipibo savent le faire, imprimait des torsions aux patterns de mes visions, à la façon d’un charmeur de serpents capable de les faire danser au son de sa flûte.

ADN

Des filaments lumineux, flottant dans l’espace, s’aimantaient par couple pour s’entrelacer comme des reptiles amoureux ou encore… des brins d’ADN, ou alors une liane d’ayahuasca. La voix de Wish les hypnotisait, les faisait tournoyer sur eux-mêmes, s’enrouler ensemble, se multiplier, toujours en un mouvement circulaire, des spirales valsant au rythme de sa mélodie, animées de cet étrange double mouvement de descente et d'ascension, tout comme l’icaro de Wish, d’ailleurs, qui montait dans les aigus, descendait dans les graves, se faisant écho à lui-même avec la fin de la dernière phrase répétée au début de la suivante, comme font souvent les chants shipibo.

C’était tellement beau de pouvoir voir la musique comme ça ! De vraiment regarder comment Wish façonnait l’espace psychique où lui et moi étions immergés avec ses chants, transformant cette dimension en un lieu d’observation où les informations se structuraient en live sous mes yeux…

Mais cet étrange espace qu’on partageait, j’ai réalisé que c’était aussi mon cosmos intérieur. C’était comme… d’avoir le contenu de ma psyché ouverte en deux, exposé d’une façon visible et hautement intelligible.

Cette phrase de Nietzsche m’est soudain revenue à l’esprit : Le sommet et l’abîme sont maintenant confondus.

Prostration, peinture de Alex Grey

Est-ce qu’il faut… plonger au fond de soi pour comprendre le cosmos ? j’ai chuchoté pour moi-même, toujours absorbée par les visions qui dansaient en moi. Est-ce que, quand tu sautes au fond du puits… celui où l’abîme te regarde… après avoir glissé dans le tunnel, tu te retrouves finalement… à la cime du monde ?

Le serpent, une fois de plus, se mordait la queue…

C’est Jung, je crois, qui disait que l’observation ultime du cosmos et des tréfonds de la matière permettrait à terme de percevoir la nature de l’esprit. Cette idée que la psyché se reflète dans la matière et inversement. A ce moment-là, je me demandais si l’introspection pouvait conduire à la connaissance ultime de la réalité. Si continuer les diètes de plantes maîtresses comme je le faisais depuis plusieurs années me permettrait un jour d’atteindre les dernières rives de la connaissance. 

Quelques jours auparavant, Wish m’avait dit que c’est par le biais du psychisme que les entités intelligentes comme l’Ayahuasca ou les extraterrestres peuvent se manifester dans la conscience. Qu’il suffit juste de tourner le bouton pour capter la bonne fréquence. Ça m’avait rappelé Jan Kounen, qui dit, lui, que c’est par le biais de ce télescope végétal qu’est l’Ayahuasca que les chamans ont exploré et découvert une conception de l’univers qu'ils ont intégrée depuis des millénaires à leur mythologie…

Neurones

Ces idées qui surnageaient à la surface de mon esprit se sont mises à prendre vie en moi, métamorphosant mes pensées en visions. Petit à petit, comme une araignée travaillant méticuleusement au tissage de sa toile, cet univers que je portais en moi, gravé dans mes cellules, s’est organisé en réalité expérientielle. 

C’est difficile à décrire, et pourtant c’est un truc que fait fréquemment l’Ayahuasca. Permettre une double vision. Pouvoir regarder le monde sur plusieurs échelles à la fois, microscopique et macroscopique. Il faut le vivre pour savoir que c’est possible. Voir les choses séparément et aussi comme un tout, simultanément. L’expérience se télescope en une unité, sans perdre pour autant les détails de ce qu’elle montre. 

univers et le cerveau fonctionnent sur le même modèle

La Plante me présentait un champ de neurones qui était également une représentation de l’espace et des planètes en trois dimensions. Par un subtil jeu d’images, le cosmos était devenu… un immense cerveau !

Les neurones étaient des galaxies, reliées entre elles par des milliards de synapses, acheminant des impulsions lumineuses d’informations comme pour innerver, nourrir l’ensemble du système, le tout constituant un réseau fantastique où chaque planète renvoyait l'écho de toutes les autres planètes, comme un système holographique, constituant une symphonie de reflets où chaque partie contenait le tout, chaque note portant en elle l’ensemble de la mélodie… 

Galaxies, vue artistique

Cette musique était celle de la conscience qui apprend à se connaître elle-même en ricochant et se diffractant sur ses fragments, au cœur de ses incarnations qui la densifiaient des expériences et des vécus particuliers de chaque être, mais sans jamais perdre son lien avec elle-même, avec sa nature. Car elle était infiniment supérieure à la simple addition de ses parties.

J’étais totalement happée par la beauté et la signification de cette vision. Ma bouche s’ouvrait toute seule sur un râle d’extase silencieux, des larmes brûlantes inondaient mes joues face à tant de puissance, tant de signification, et mon front et le sommet de ma tête étaient bouillants, comme ceints d’une couronne de lumière, parce que le cerveau qui se planquait en plein cœur de ma tête était exactement la même chose que l’espace intersidéral, et je le sentais physiquement relié à la vision que la Plante m’en offrait ! Et cette planète sur laquelle je vivais, loin d’être une terre perdue et isolée dans le noir de l’infini, était elle aussi un maillon de cette chaîne dont chaque élément était connecté aux autres en reflétant en lui la totalité dont il faisait partie… 

C’est alors que j’ai eu un flash extrêmement brutal de Ronin, l’anaconda mythique des Shipibo, cet Ouroboros créateur de la réalité. Ça n'a duré qu’une brève seconde, mais je l’ai vu dans toute sa vertigineuse signification.

Ronin, anaconda mythique des Shipibos, créateur de la réalité et Ouroboros

Il était l’ADN. Il était l’Ayahuasca en liane, puis en breuvage, passant de la nature à la culture. Il était les kéné, ces dessins de l’art shipibo. Et il était aussi l’anaconda et le jaguar, ces deux puissants esprits mythiques du chamanisme amazonien, dont les tâches sur le pelage et les écailles sont tellement similaires… Mais surtout… il était l’emblème et le symbole parfait de la conscience qui, tel Shiva dans sa danse, dans sa boucle éternelle sans début ni fin, ne cesse de s’enrichir, de s’accroître, de s’expandre, de se densifier, de se complexifier à travers l’expérience des vivants incarnés, entraînée par un élan infini pour se nourrir d’elle-même. 

L’esprit, la matière, la science, la philosophie, la foi, les archétypes et l’inconscient collectif n’étaient que les différentes manifestations, les vibrations sur différentes échelles, dans différentes dimensions, sur différentes fréquences, d’une seule et même chose. 

Une seule réalité.

Je l’ai senti dans tout mon corps. Je l’ai compris avec mes cellules et mes organes, avec ma peau. Cette Ayahuasca Cielo que j’avais bue, c’était moi. Cette plante qui utilisait le langage visionnaire pour m’enseigner le monde. Ces chants que Wish envoyait avec une foi décapante vers l'espace. Ces esprits qui nous guidaient et accompagnaient nos efforts pour nous comprendre nous-mêmes. Tout ça, c’était la conscience. Et elle n’existait qu’au singulier. La selva et la médecine formaient une interface pour que la conscience apprenne enfin à dialoguer, puisse enfin communiquer avec elle-même. 

Sumac Icaro, peinture de l'ayahuasquero Pablo Amaringo

Je me suis mise à rigoler toute seule. Vraiment fort. Et j’ai redoublé de rire quand Wish s’est joint à moi.

Faire exploser les filtres du cerveau pour que la réalité apparaisse enfin dans son entièreté ! Oui, c’était ça la solution ! Et alors, y avait plus de séparation entre le passé, le présent et le futur, et plus de distance spatiale non plus. Des Hommes du passé pouvaient me montrer leurs vies. Les esprits des plantes pouvaient m’enseigner leurs secrets. Le jaguar pouvait s’incarner en moi pour me prêter sa force. Et mon moi du futur pouvait guider mon moi présent jusqu'à lui en créant des signes sur mon chemin…

J’ai entendu Wish se lever alors je me suis redressée tant bien que mal pour recevoir son chant du mieux possible, toute recroquevillée sur moi-même. C’était un icaro rapide et fort, et il le scandait en me frappant doucement la tête avec sa chacapa et en me crachant du parfum dessus à plusieurs reprises. Je savais pourquoi il faisait ça. Pour me faire reprendre contact avec mon corps. Il devait sans doute considérer que j’avais été un peu trop loin pour mon propre bien. 

Une fois le chant terminé, il m’a soufflé du mapacho sur la tête et dans le débardeur, puis est revenu sur le sommet de mon crâne pour lui insuffler de la fumée dedans en serrant sa main en cône, rapidement, à trois reprises. 

Ça m'a apaisée. Il avait enfin refermé le passage, colmaté le canal qui m’avait permis de comprendre et de voir tout ça. Et c’était pas plus mal, parce qu’à force je me sentais vraiment comme un monstrueux ordinateur quantique en surchauffe ! (non, je ne sais pas ce qu'est un ordinateur quantique, mais c’est pas le problème).

— Merci, j’ai chuchoté en rigolant à moitié.

— De rien, Zoë.

On s’est marrés ensemble un petit coup et il est reparti à sa place, restant silencieux et fumant pensivement le reste de son mapacho. J’ai rampé jusqu’au tapis pour m’en prendre un moi aussi, mais j’avais la nausée au bord des lèvres et fumer n’arrangeait pas vraiment la chose. La Plante était toujours en moi, je la sentais déjà s’organiser pour un nouvel assaut.

Liane d'ayahuasca

J’ai posé le mapacho à peine fumé sur le plancher et me suis rallongée sur mon petit matelas, douillettement recueillie en moi-même. Cette médecine était vraiment incroyable ! Malgré mes nombreuses cérémonies, j’étais toujours aussi surprise et fascinée par le pouvoir de ce breuvage. On dira ce qu’on voudra, mais pour un Occidental, le fait que des plantes soient en mesure de communiquer avec nous en utilisant notre psyché reste quelque chose de fondamentalement mystérieux.

D’une, ça suppose que ces plantes soient animées d’un esprit, mais aussi d’une intelligence et d’une volonté de s’en servir pour, chose plus incongrue encore, nous aider. De deux, ça implique qu’elles sachent adapter leur langage à chacun de nous en lui présentant des visions à la portée de sa compréhension. Et de trois, cerise sur le gâteau, les informations qu’elles nous transmettent sont d’un niveau de sagesse si élevé que leur savoir synthétise en une sorte de méta-analyse tout ce que l’être humain a pu inventer comme moyens d’études du réel, surfant entre les domaines du mythe, de la physique, de la biologie et de la psychologie en orchestrant tout ça en une unité au maillage si serré que tout semble découler naturellement de tout.

Une fois, Wish m’a dit que l’Ayahuasca nous connecte aux archives de la vie. Il disait qu’en fait, l’Ayahuasca est le livre, et la Chacruna la langue qui permet de le lire. Ce soir-là, j’étais plus que convaincue qu’il avait raison.

Mais j’ai coupé court à ces pensées analytiques qui me fatiguaient déjà pour me laisser envoûter par les nouvelles images en train de se former. 

Abeille

J’étais dans une prairie, mais ma taille avait dû considérablement diminuer en chemin, parce qu’elle m’apparaissait immense, une véritable jungle. Les fleurs que je croisais étaient beaucoup plus grosses que moi, bon sang. Ça s'agitait de partout dans cette clairière. L’air vrombissait d’un millier de petites vies qui s’activaient en tout sens. J’étais comme en apesanteur, la Plante me baladait doucement dans ce monde végétal saisissant de couleurs et de détails. Et puis une abeille a été élue comme guide, et j’ai suivi ses déplacements de fleur en fleur.

Jusqu’à ce que je fusionne avec elle. Elle était en train de butiner quand ma conscience est entrée en elle. D’un coup, le monde a complètement changé de visage ! Le spectre de couleurs que mes yeux recevaient s’est brutalement appauvri, comme si je ne pouvais plus percevoir le rouge, je crois, mais cette perte était largement compensée par mon incroyable pouvoir d’appréhender le monde en une infinité de petites réalités qui, conjuguées ensemble, m’offrait une vision enrichie de mon environnement et surtout, par ma nouvelle capacité de détecter la symétrie. C’était ça que je cherchais dans les fleurs. Les plus symétriques d’entre elles indiquaient leur bonne santé, et donc de bonnes ressources pour moi.

Fleur

Sans savoir comment, j’ai laissé l’abeille pour plonger dans une fleur. J’étais maintenant en pleines fractales hexagonales qui rappelaient un peu le début de l’expérience du bufo. Mon esprit se faisait ronger, dévorer par cette mosaïque vivante aux couleurs impossibles, en perpétuelle mutation. C’était loin d’être agréable, vraiment, d’autant plus que je souffre de trypophobie, cette bizarre et stupide peur des petits trous qui te donne envie de vomir quand t’en vois trop, mais j’étais en train de comprendre que ces formes alvéolaires étaient une structure essentielle du vivant, présente partout dans la nature, dans les yeux d’une abeille, dans les ruches, dans les pistils de fleurs, dans les parois cellulaires, comme si la symétrie et la duplication étaient des caractéristiques majeures de la vie.

Et puis, je sais pas, j’ai perdu pied. Ces fractales m’ont désintégrée. Je ne sentais plus mon corps et mon identité m’avait été comme dérobée. Ma conscience, ou alors mon cerveau, semblait à présent répandu, reparti dans mon corps entier, et c’est à travers ce corps-cerveau que j'appréhendais désormais l’univers. Je me sentais comme… une plante, je crois. 

Colonie de fourmis

C’est dans cet état étrange que j’ai continué mon exploration. L’Ayahuasca était repartie dans ce type de vision absolument non-humain, où tout s’interconnecte simultanément. Il y avait une colonie de fourmis qui s’activaient comme des petites folles, et en surimpression une forêt fortement agitée par une énorme tempête, de celle prête à déraciner les arbres. Les fourmis s’excitaient, les arbres se tordaient sous l’impulsion du vent, et j’ai plongé chez les fourmis qui couraient à présent pour fuir la pluie martelant leur petit univers, qui m’apparaissait immense, pour le coup. A leur échelle, cette tempête, c’était l'Apocalypse ! 

Le pire, c’est que je me sentais vivre à l’intérieur de chaque fourmi mais aussi en tant que… qu’esprit collectif de la colonie. Certaines parties de moi mourraient, emportées par les rivières d’eau ou étouffées dans la boue, mais mon esprit global absorbait la mort d’un de mes membres, parce que mon existence…

J’ai pas eu le temps de transformer cette information en concept. La Plante a brusquement décidé de me faire changer de niveau et j’ai passé la barrière de la terre pour plonger à la rencontre du monde souterrain, là où proliférait… le mycélium.

Il était immense, nom de Dieu ! C’était un gigantesque réseau ! Et il vivait d’une vie carrément effroyable de vivacité !

C’était un organisme tentaculaire, une entité sans fin parcourue de nervures luminescentes, sorte de tissu structurant la vie en soutenant, alimentant, connectant toutes les plantes entre elles, et même, je crois bien, tout le vivant…

Mycélium

Cet être intelligent était capable de s’étendre pour rechercher l’eau et les nutriments, pour se connecter aux racines des plantes et des arbres, il dégradait et assimilait les cellules des autres organismes, et apparemment, il était aussi en mesure de transmettre de l’information par voie chimique et peut-être électrique, comme me le laissaient supposer ces impulsions lumineuses et décharges d’énergie qui le parcouraient, me faisant une fois de plus penser à des synapses en pleine activité. 

C’était terrifiant… On aurait dit un gros alien caché sous la surface du monde, auquel aucun d’entre nous ne pouvait échapper !

Au fond de moi, pourtant, je savais qu’il était question de symbiose et non pas d’une relation parasitaire, mais la peur était entrée en moi et ce qui restait de mon mental s’est jeté dessus pour conceptualiser cette idée que j’avais lue dans une nouvelle d’Isaac Asimov, je crois : les plantes nous utilisent pour se répandre à travers l’univers.

Oui, l’Ayahuasca empruntait notre cognition, comme les fleurs utilisaient la mobilité des abeilles, pour ensemencer la planète. Enfin, pas vraiment l’Ayahuasca sur le plan physique. Plutôt son esprit. Beaucoup d’entre nous tombaient amoureux d’elle après l'avoir bue, et ne songeaient qu’à une chose, en faire tâter aux autres !

Est-ce que la nature cherche à se sauver elle-même par l’entremise de notre conscience ? j’ai murmuré dans ma tête en passant les mains sur mon visage, à moitié mortifiée. Un être humain qui boit de l’Ayahuasca voit fatalement sa conscience écologique s’élever et il veut plus causer aucun dommage à l'écosystème. Il veut même le protéger ! Et si plus d’humains boivent de l’Ayahuasca, plus d’humains sont éveillés. Est-ce que ce serait un moyen pour la Plante de se sauvegarder ? Pour survivre cachée à l'intérieur de notre conscience ?

Je me suis jetée sur ma bassine pour me remettre à vomir, littéralement infestée par ces pensées. Je me suis vidée des minutes entières, reprenant contact avec mon corps, rejetant maladivement hors de moi ces idées qui m’effrayaient tant. C’était plus fort que moi. Je me sentais parasitée. 

Et j’ai entendu la Plante glousser.

Conscience universelle, vue artistique

Tout est conscience, elle a fait de sa voix sensuelle constituée de mille voix différentes. Toi, moi, la Nature, il n’y a pas de différence. La conscience ne veut que plus de conscience. Quand tu me bois, c’est toi-même que tu rencontres, et c’est toi aussi que tu sauves.

En un claquement de doigts, j’ai cessé de vomir. J’ai écarté ma bassine et me suis assise toute droite, en tailleur. Presque rigide. J’ignore pourquoi, mais les paroles de la Plante ont complètement redressé ma posture, à la fois physique et spirituelle. Ma colonne vertébrale s’est recentrée. Je me suis mise à respirer longuement, profondément. Et mon esprit s’est réaligné sur la vibration de la medicina.

Je comprenais le message de l’Ayahuasca. Je le comprenais avec tout mon être, mes tripes, mon cœur, mon âme. Et je le sentais, aussi. A ce moment-là, la conscience de la Plante fusionnant avec la mienne était une expérience, une réalité. C’est difficile à expliquer, mais on aurait dit que mon corps était une sorte d’antenne, de récepteur, une radio branchée sur les ondes de la médecine, recevant et émettant sa vibration, et… ça me faisait comme rayonner de l’intérieur. 

Oui, tout était relié, tout était une seule et même chose, et ce monde de matière dans lequel j’allais retourner, lui aussi faisait partie de moi, et ma conscience pouvait y imprimer ses intentions. Parce que c’était elle qui le créait. La conscience était première. C’était la seule réalité.

Nourrie par mes réflexions, une autre dimension s’est ouverte à moi, et c’est la vision la plus belle et la plus incroyable que j’ai eue cette nuit-là. J’ai vu l’humanité entière, comme les cellules d'un organisme, disséminées sur l’ensemble de la planète, avec ces milliards de petits moi incarnés dans toutes ces personnes, tous connectés par des fils lumineux multicolores à des entités humanoïdes gigantesques qui flottaient dans l’espace. Des Soi, j’imagine. Mon point de vue s’est reculé pour que je réalise que ces Soi n’étaient eux aussi rien de plus que les pièces du puzzle d’une sorte de Super Soi unique, immense esprit de cristal dans lequel circulait sans fin une sorte de code informatique.

Vue artistique de la conscience universelle

Non, je dois rectifier quelque chose. Je ne voyais pas la scène. J’étais la scène.

Y avait plus de démarcation entre moi et l’univers. A ce niveau de conscience, cette différenciation n’existait tout simplement plus. J’avais (si le “je” possède encore une quelconque signification…) replongé dans l’expérience pure, sans observateur, sans identité pour la vivre, et pourtant… elle était en train de se vivre. Et je sentais comment cette mécanique cosmique fonctionnait, la façon dont chaque petite vie individuelle alimentait les Soi, comment chaque Soi enrichissait la Supraconscience Primordiale, et aussi comment, dans un élan toujours renouvelé, cette Conscience s’incarnait à nouveau, en plein amour avec elle-même, pour se brancher sur l’expérience individuelle afin de toujours plus se densifier, se complexifier. S'expérimenter elle-même. Se connaître…

Et dire qu’on croyait tous lutter dans le vide comme des idiots aveugles, soumis à un hasard cruel et capricieux !

La peine qu’on ressentait, les batailles qu’on menait, la foi qu’on mettait à croire en nos valeurs et à les faire vivre, cette terrible liberté qu’on poursuivait à coup de pioche pour la déterrer de nous, l’amour insensé… dont chaque vie humaine était la manifestation… L’Amour était la clé de tout ça, son sens, la direction et la signification de l’existence, sa raison d’être…

Conscience, vue artistique

On n’était pas là pour découvrir ce que d’autres connaissaient déjà. On existait pour donner du sens à la conscience, en temps réel, en créant la réalité depuis cette source à laquelle chacun de nous pouvait se relier, cette source à la fois transcendante et immanente, qui était NOUS, parce que… 

… la conscience et la réalité sont les reflets mutuellement renvoyés d’une seule et même expérience… a chuchoté la Plante au creux de mon oreille.

— Bon sang, elle est vraiment cosmique, cette Ayahuasca Cielo… j’ai baragouiné en direction de Wish, qui s’est esclaffé sans retenue.

Et il a pris sa guitare pour commencer à nous faire redescendre doucement.


— Et si tout ça n’était qu’une vaste simulation ? j’ai demandé à Wish le lendemain.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Eh bien, je sais pas… j’ai fait en cherchant mes mots. Comme dans un rêve, quoi. Ou un jeu vidéo.

— Mais c’est un rêve, il a répondu à sa manière à la fois simple et énigmatique qui avait le don de m’agacer. Et c’est un jeu, aussi. Mais je te rassure, quand la partie sera finie, tu vas te réveiller. 

Et si la réalité n'était qu'une vaste simulation ?

Un long frisson m’a parcouru l’échine. Dans mon système, les restes d’Ayahuasca ont frémi, et une brève seconde, mon esprit a été la proie d’une inquiétante étrangeté.

Je me suis dit qu’il faudrait que je me replonge dans ce livre de Jocelin Morisson et Romuald Leterrier, Tout est relié, afin de vérifier ce qu’ils en disaient, eux.

Ouais, c’est comme ça que ça marche. Même le savoir est une boucle. On découvre quelque chose dans un bouquin, puis on l'expérimente dans sa vie, et enfin on rouvre le livre, riche d’une nouvelle compréhension personnelle, pour s’apercevoir que notre seconde lecture est vachement plus vaste. 

Merde, je me suis dit. Le monde entier est un putain d’Ouroboros.

Et j’ai allumé un mapacho et me suis avachie dans mon hamac en fermant les yeux pour essayer de pioncer.


Un immense merci à Jocelin Morisson et Romuald Leterrier qui m’ont offert la chance de lire Tout est relié en avant-première !

Cette cérémonie d’ayahuasca inspirée de l’ouvrage a attisé votre curiosité ? C’est ici que ça se passe :

"Tout ne fait qu'un", "tout est relié", nous disent de nombreuses traditions spirituelles. Un message qui semble aujourd'hui confirmé par la physique moderne. Pourtant, cette affirmation reste une abstraction pour beaucoup d'entre nous, une belle parole sans substance dans un monde qui semble au contraire plus divisé et catégorisé que jamais.

Dans ce nouvel ouvrage, les auteurs du best-seller Se souvenir du futur nous font découvrir un univers d'investigations entièrement méconnu, celui d'un vaste réseau d'interactions dont nous sommes les acteurs privilégiés. Tout d'abord, il existe pour les chamanes du monde entier une sorte d'Internet de la nature, qui permet d'entrer en contact avec les esprits du monde vivant, mais aussi avec les défunts. Les recherches récentes sur le vide quantique, les propriétés subtiles de l'eau, l'intelligence des plantes, l'univers-cerveau, la conscience comme "toile de fond" du réel, donnent ensuite corps à ce vaste entrelacs qui est aussi un réseau de connaissance tissé d'informations.

À partir de nombreux exemples issus des cultures natives, des traditions spirituelles et des dernières découvertes de la science la plus en pointe, le réseau cosmique se matérialise sous nos yeux et apparaît pour ce qu'il est : un vaste Esprit.


ROMUALD LETERRIER (retrouvez tous ses ouvrages dans le Top 15 Livres Chamanisme) est chercheur indépendant en ethnobotanique, spécialiste du chamanisme amazonien et des plantes de vision. Il a découvert le principe d'une mémoire du futur auprès d'un chamane shipibo et explore depuis plusieurs années le concept de la rétrocausalité sous ses différentes facettes.

JOCELIN MORISSON (découvrez sa fascinante interview ici !) est journaliste scientifique, auteur et traducteur, et travaille sur les ponts entre science, philosophie et spiritualité. Il est coauteur de La Physique de la conscience avec Philippe Guillemant, de La Révolution psychédélique avec Olivier Chambon, et auteur d'un essai philosophique : L'Ultime Convergence.

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