L’Art et la Conscience

Qu’est-ce que l’art ? Quelle est son essence ?

A quel moment peut-on parler de véritable création artistique ?

Qu’est-ce qui différencie une œuvre qui restera gravée à jamais dans le temps de celle qui ne pourra que divertir puis sombrer dans l’oubli ?

Quels sont les mécanismes qui entrent en action dans l’élaboration et l’accueil d’une œuvre d’art ?

Pas facile de répondre à tout ça, et pourtant, que ce soit en tant qu’artiste ou en tant qu’aficionado, il s’agit d’une problématique essentielle, comme le prouvent les nombreux débats qu’elle génère.

J’ai envie d’apporter ma pierre à l’édifice. Voici ma vision.

Étude de l'Art au travers du phénomène de la Conscience : Création et Transcendance

L’art et la Conscience

LA DIFFICULTÉ DE DÉFINIR L’ART

L’art a semble t-il une nature indéfinissable, qui échappe sans cesse à tout concept.

Il est le produit d’une intention, celle de l’artiste, mais la dépasse largement quand il touche au sublime et transcende l’assistance.

Il est le résultat d’un ensemble de techniques, étudiées ou apprises en autodidacte, mais la somme de celles-ci ne suffit pas à expliquer les émotions qu’il provoque ni sa capacité à atteindre le Beau.

Il s’adresse à l’intuition, partie primale et souterraine de l’être humain, mais les symboles qu’il manipule sont parfois bien difficile à expliciter, que ce soit pour le créateur ou pour le spectateur, sans pour autant que le message subliminale que ces symboles véhiculent ne perde de sa force.

Il peut être engagé et politique, mais dans ce cas comment se fait-il que son impact aille au-delà d’un certain contexte culturel, et qu’il nous touche encore alors que celui-ci a cessé d’exister ?

La difficulté de le définir vient probablement du fait que l’art s’adresse à l’Homme dans sa totalité, au travers de toutes ses dimensions à la fois. L’intellect, l’émotionnel, l’intuitif, le sensoriel.

Pour qu’une œuvre soit qualifiée d’artistique, elle doit atteindre et toucher de plein fouet l’ensemble du spectre qui constitue l’âme humaine. Ou la conscience.

QUAND LA CONSCIENCE S’IMMISCE DANS LA CRÉATION

Ces notions de conscience et de création nous ramènent inévitablement au concept de Dieu.

L’artiste est-il le dieu de son œuvre, ou un simple démiurge ?

Est-il un vrai créateur qui enfante un monde à partir de rien, ou bien un artisan qui bricole avec ce qu'il trouve ?

La distinction est ténue, et loin d'être évidente. C’est le genre de cas de figure où il y a deux écoles. L’idée serait de tenter de les conjuguer…

Le terme d’artisan est souvent perçu comme péjoratif. Dans l’acception classique, l’art s’oppose justement à l’artisanat, définit comme une production en série, répétitive et sans âme, d’un objet copiable à l’infini et qui ne porte en lui aucun signe de l’âme de son fabricant. L’art au contraire est compris comme quelque chose d’unique, œuvre et non produit, reflétant l’esprit singulier de l'artiste, raison pour laquelle seul lui peut l’engendrer, ce qui la rend impossible à copier.

Si l’on poursuit dans cette optique, l’artiste est donc le dieu de son œuvre, créateur absolu de ce qu’il offre au monde, engendrant tout un univers à partir de rien.

L’ennui, c’est que cette conception ne prend pas du tout en considération l’inspiration elle-même, phénomène mystérieux s’il en est, et présente au contraire l’artiste comme un mécanicien d’enfer, technicien suprême, responsable de tout ce qu’il produit. Père unique et incontesté de son œuvre.

Mais qu’est-ce que l’inspiration ? D’où vient-elle ? A quoi sert-elle ?

Est-elle l’esclave de l'artiste, qui l’aurait si bien muselée et soumise qu’elle lui obéirait entièrement, pour lui offrir ce qu’il aurait décidé, lui ?

Il est parfois difficile pour un artiste d'accepter de ne pas être le seul et unique responsable de son œuvre. Question d’ego probablement. Pas évident de reconnaître qu’on ne possède pas les pleins pouvoirs sur cette chose magnifique qu’on prétend mettre au monde.

Et pourtant. Une œuvre sans inspiration n’est pas une œuvre d’art, tout le monde sera d’accord sur ce point. 

La question est maintenant de savoir quelle est la contribution de l’artiste et quelle est celle de l’inspiration dans la création d’une œuvre d’art.

ARTISTE VERSUS INSPIRATION, QUI SOUMET L’AUTRE ?

Dans la littérature, nombre d’auteurs s’insurgent quand il est question des personnages, qui constituent le symbole parfait de la problématique de la création. Certains pensent qu’ils sont sous leur contrôle total, depuis leur naissance jusqu’à la moindre parcelle de leur personnalité, incluant donc leurs actions, tandis que d’autres affirment que ceux-ci font absolument ce qu’ils veulent, apparaissant et s’exprimant comme bon leur semble, et qu’en tant qu’auteurs, ils ont parfois du mal à les suivre, ces fichus personnages.

Si on remplace le concept de personnage par celui d’œuvre en général, on arrive au cœur du problème.

Par définition, le souffle de l’inspiration s’apparente à une grâce divine provenant d’en-haut, incontrôlable et pourtant hautement désirable, qui pénètre et transcende de fond en comble celui qui a l’honneur de la recevoir, en l'emmenant tutoyer les secrets de l’univers afin qu’il puisse les retranscrire dans le monde humain, possédé par une fièvre miraculeuse de créativité.

Socrate parle de muses, Kant de génie, de “talent qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée”.

Peu importe la définition qu’on lui donne. Tous ceux qui ont déjà connu cette grâce et ce vent de folie font état de la même chose : l’inspiration est un phénomène transcendant, sur lequel on n’a aucune prise, et qui va et vient comme il le désire, ce qui l’apparente à une chose gouvernée par une volonté propre et parfois tyrannique, mais qui nous rend capables d’engendrer une œuvre qui surpasse de loin, en qualité, en complexité et en richesse symbolique, tout ce qu’on n’aurait jamais pu inventer seul, par nous-mêmes, en réfléchissant ou en imaginant.

L’ALLIANCE DE L’ARTISTE ET DE L’INSPIRATION, AU TRAVERS DU PHÉNOMÈNE DE LA CONSCIENCE

Une paire de chaussures de Vincent Van Gogh, œuvre magistrale qui symbolise la difficile condition humaine, que tout le monde comprend à travers les âges, ce qui la rend universelle.

Selon mon prof de philo du lycée, Ricardo, la conscience, c’est ce qui nous relie à l’universel, indépendamment de notre personnalité et de nos caractéristiques particulières.

Chaque Homme en est (à priori) pourvu, ce qui fait de lui un être libre et responsable. Les lois qu’elle édicte sont valables pour l’ensemble de l’humanité, sans différenciation d’époque ou d’origine. C’est elle qui nous offre le privilège de reconnaître et d’apprécier le Beau. Et dernier point majeur : la conscience est une, et nous connecte les uns aux autres.

Je soutiens que l’art véritable est celui qui provient de et s’adresse à la conscience, telle une boucle qui s’engendre elle-même et naît de sa fin. 

Si l’art est le fruit de l’intention de l’artiste, il la dépasse largement, le surprenant lui-même, jusqu’à parfois toucher au sublime, cette chose insensée transcendant toute échelle de comparaison puisqu’elle atteint l’absolu, imposant une sorte d’ouverture, de trouée violente dans l’âme humaine en la confrontant à sa propre insignifiance et en même temps à sa capacité d’être émue par l’infini.

Dans la création, les techniques que l’artiste a apprises ne constituent en rien une finalité. Elles doivent être mises au service de l’inspiration afin de dessiner, de retranscrire, de recréer dans ses moindres détails et avec le plus de précision possible ce que son âme a embrassé durant ces moments uniques de grâce pure.

Seul un être conscient peut appréhender et restituer la véritable beauté qui le transcende et transcendera ceux qui seront en contact avec son œuvre.

L’art est aussi en mesure de s’adresser d’une façon personnelle à l’intuition de chacun, au travers de symboles universels et d’archétypes que l’artiste a déterrés sans le vouloir grâce à son intuition souvent très aiguisée, reliée à la conscience, seule dimension de lui-même qui peut réellement parler à l’intuition des autres.

Enfin, l’art peut être engagé sans que ce soit réducteur, bien au contraire, car ce qu’il exprime au sujet de la condition humaine est valable partout, tout le temps, depuis toujours, même s’il se sert d’un contexte particulier pour envoyer son message. L’art véritable ira bien au-delà d’une époque ou d’une crise politique, parce qu’il évoque l’être humain dans toute sa complexité, qu’il s’agisse de ses souffrances, de ses luttes, ou de sa beauté.

Selon moi, l’art, c’est la transcendance, ni plus, ni moins.

 

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