Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou

Pensées Percutantes #3 : Rêves Lucides. Maître d’Armes. Psychomagie et Clint Eastwood.

ÇA FAIT 10 HEURES D’AFFILÉE QUE TU JOUES À WORLD OF WARCRAFT, BORDEL ! T’ES DÉSHYDRATÉ, MEC, DÉCROCHE, FAUT QUE TU BOIVES UN VERRE D’EAU, LÀ ! ENLÈVE TON PUTAIN DE CASQUE DE VR, RESPIRE UN COUP, SORS DE TON PUTAIN DE PERSONNAGE !

Un démon dans le miroir te regarde. La question qu’il pose remet en cause ta vie entière.

Qu’est-ce que Clint Eastwood ferait à ma place ? Si tout ça n’est qu’un jeu, l’idée serait peut-être de se choisir ou, encore mieux, de se créer un personnage à la hauteur de nos ambitions.

Devenir lucide est un phare qui permettrait de percer les nébuleuses du destin tout en guidant nos pas sur le chemin qu’on a réellement choisi. Un chemin qui ait du cœur, comparé à celui qu’on nous colle sous les bottes comme s’il n’existait que lui, et qu’en dévier serait signer son arrêt de mort…

Le rêve, le jeu, ce qu’on appelle la “réalité”. Pourquoi circonscrire son âme à des dimensions si restreintes alors que la nature sauvage qu’elle est n’aspire qu’à prendre la forme, toutes les formes de l’eau ?

Nouveau départ, changement, verrouillage de cible. Parait que c’est uniquement parvenu au pied du mur qu’on commence vraiment à vivre une vraie vie.

Une fois de plus, c’est NOW OR NEVER.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

LA QUESTION-TEST DU DÉMON

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : “Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement – et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières !”

Nietzsche, Le Gai Savoir

Si un démon se pointe soudain devant toi pour te dire que ton existence va se répéter à l’infini, sans aucune variation, ce serait quoi, ton sentiment envers ta propre vie ? Tu serais partant pour la vivre en entier à nouveau ?

La question du démon de Nietzsche me fait toujours penser à Fight Club. Quand Tyler demande à l’autre quel effet elle lui ferait, sa vie, s’il devait crever dans l’instant. Au final, qu’on cause de mort ou de vie éternelle, on dirait que ça revient au même. Une fois de plus, on fait face à la pensée la plus haute et la plus pesante à laquelle l’être humain doive répondre.

Si certains considèrent cette pensée comme un putain de fardeau, source d’une atroce paralysie, d’autres au contraire (dont je suis) y voient la possibilité de l’affirmation ultime de la vie. Le genre d’existence qui s’inscrit dans la joie et la volonté, car au fond, cette question n’est rien de plus qu’une injonction qui te pousse à agir de telle sorte que tu sois toujours heureux de le faire, encore et encore.

Nietzsche, tout comme moi, n’est pas franchement un tendre. Sa vision du truc, c’est que cette putain de question ferait chier les faibles dans leur froc. Les forts, eux, évidemment, assumeraient à mort de VOULOIR À JAMAIS chacune de leurs actions. Et passeraient la 5e pour vivre une vie encore plus dionysiaque.

Moi ce que je kiffe chez ce démon, c’est qu’il te contraint à réaffirmer ton point de pouvoir situé dans le présent.

Car c’est dans le présent que la volonté, la décision et l’action prédominent.

LE MAÎTRE D’ARMES ET CLINT EASTWOOD

A l’aube d’une nouvelle année, ça fait jamais de mal de se représenter la visite de ce connard de démon. Surtout si tu pars du principe que ce gars-là n’est personne d’autre que toi-même, venu te mettre en face de… toi-même. 

Y a quelque chose de beau à l’idée de se dire que ton plus puissant maître d’armes se trouve à l’intérieur de toi. D’une - et surtout vu l’intransigeance du type en question -, ça fait que tu crains plus rien ni personne, étant donné que ton pire ennemi, tu le connais intimement, et que t’as d’ores et déjà appris à le gérer tant bien que mal sans aide extérieure. De deux, eh bien… Faut bien faire quelque chose de sa vie, pas vrai ? Alors ça ou autre chose… autant se dévouer à une cause qui a du sens.

Est-ce vraiment un secret ? La seule cause qui t’intéresse vraiment, au fond, c’est la tienne. Et y a pas de honte là-dedans. Parce qu’instinctivement, tu sais que c’est la seule sur laquelle t’as un réel pouvoir. C’est la seule pour laquelle t’es prêt à mourir, et donc, fatalement… à vivre. Assumer ça, c’est probablement le plus grand pas que tu puisses faire pour honorer cette nouvelle année. Tu sais pourquoi ? Parce que tu vas enfin oser travailler sur ce MOI qui te fascine tellement, et faire de lui un truc dont tu vas être fier, encore, et encore, ET ENCORE…

Au fond, c’est quoi le but du sacré bilan de fin d’année et de ces connasses de bonnes résolutions ? Une chose : vérifier l’axe central de ta vie et ajuster son alignement.

Regarder droit dans les yeux celui que tu rêves d'être. Celui qui, s’observant dans le miroir, s’esclafferait sans retenue à la gueule du démon, avant de lui susurrer, sarcastique, avec la voix de Clint Eastwood : Encore toi, vieille enflure ? Toi et ta putain de question ? Hombre, j’ai comme l’impression que j’en suis plutôt satisfait, moi, de ma vie, et que je serais comme qui dirait partant pour rempiler avec elle pour un bon millier de nouveaux cycles d’éternité ! Retente le coup l’an prochain, pauvre naze. Cette année, j’ai bien peur que ce soit encore baisé pour toi…

Parlant de Clint Eastwood, voilà une citation réelle de lui, sur laquelle je suis tombée dans un livre alors que je faisais ma dernière diète : Je suis exactement le genre d’homme que je voulais être.

Putain, je me suis dit exactement la même chose. 

Qu’il rapplique, cet enfoiré de démon.

POINT DE POUVOIR

Un truc qu’est bon à se dire pour partir direct à donf sur la route du futur : Le point de pouvoir, c’est le présent.

Quand ça déconne dans la vie, c’est pas à cause d’une merde quelconque du passé sur laquelle t’aurais aucun contrôle. Bien que cette idée aille à contre-courant de cette noble version de l’Histoire qui nous rabâche que pour éviter de refaire les erreurs du passé (y a qu’à voir la gueule du monde moderne, sûr que ça fonctionne drôlement bien, hein, comme système !), faut en être conscient, blablabla, moi je pense qu’examiner le cul des dinosaures est contre-productif. 

Qu’on observe la chose d’un point de vue quantique ou plus simplement psychologique, le passé, le présent et le futur se modifient en permanence depuis le présent, selon que t’es bien luné (niveau psychologique) ou que t’es en train de faire bouger sérieusement les lignes de ton “destin” (niveau quantique). Passé, présent et futur sont simultanés. Donc changer le présent change automatiquement tout le reste. Et c’est bien de changement qu’on a envie à la nouvelle année, pas vrai ?

A bien y regarder, la mémoire possède les mêmes qualités que le rêve, et les souvenirs sont constitués d’images aussi immatérielles que celles des songes. On sait tous que se souvenir d’un rêve revient à l’organiser autrement. Tu le vois jamais dans sa totalité. Tu vois les parties que t’as sorties du maelström d’images selon ton niveau de conscience. Tout ce que tu fais, en fait, c’est le réduire afin qu’il entre dans les limites de ton moi individuel.

Eh bien, c’est exactement pareil avec la réalité. Rien de plus que ton interprétation limitée du truc. Tu vois uniquement ce que t’as capté et retenu selon ce qui correspond à ta vision éphémère de sa nature. En gros, tu la transformes en ce que tu penses d’elle, interprétation trompeuse sur laquelle tu fondes tes jugements et tes appréciations, qui n’ont rien d’objectif ni même de durable. Et chaque jour, tu fais pareil avec ton passé et ton futur.

Je vais le gueuler encore un coup : ÇA FAIT 10 HEURES D’AFFILÉE QUE TU JOUES À WORLD OF WARCRAFT, BORDEL ! T’ES DÉSHYDRATÉ, MEC, DÉCROCHE, FAUT QUE TU BOIVES UN VERRE D’EAU, LÀ ! ENLÈVE TON PUTAIN DE CASQUE DE VR, RESPIRE UN COUP, SORS DE TON PUTAIN DE PERSONNAGE !

Devenir plus conscient, ça revient à cesser de confondre la réalité objective et ce qui n’en est que ta perception subjective. Donc si, poussé par “l’esprit de bilan” qui s’empare chaque années des pauvres âmes par ces temps obscurs, tu t’autorises à regarder dans le passé, n’oublie pas que c’est uniquement pour en tirer des succès qui inspireront ton futur en les réactualisant. T’es tout sauf à la merci du passé, car ce truc-là n'est ni fixe ni causal. Tu le réécris en permanence à l’aune du présent. Tes souvenirs s'élaborent à partir de tes croyances actuelles.

Donc toi, c’est à partir d’elles que tu dois travailler.

Et lâche pas l’affaire tant que c’est pas ce putain de Clint Eastwood qui te reluque dans le miroir chaque matin.

RÊVER SA VIE EN MODE LUCIDE

Si la métaphore de Warcraft fonctionne bien, celle du rêve aussi. Au fond, qu’il s’agisse d’une simulation, d’une hallucination collective, d’un jeu ou bien d’un rêve, le fait est que dans la vie, pour rester lucide, faut savoir rester à distance. Contrôler l’identification. La plupart d’entre nous sont submergés dans une “réalité” qu’ils subissent en étant impliqués jusqu’à la garde, peu importe le bad trip sans queue ni tête que leur “rêve” leur présente.

Mais tu peux tout à fait voir la réalité comme un rêve, et apprendre à l’interpréter comme tu le ferais pour lui. Faut y aller façon Carl Jung (on fait pas mieux que ce gars-là niveau rêve, et pour avoir appliqué sa méthode durant ma diète de plante, je peux confirmer que la matière onirique prend un tout autre sens avec sa grille d’interprétation). 

L’idée est la suivante : quand il t’arrive une merde dans la vie, au lieu de chialer sur le mauvais sort, demande-toi : Pourquoi je rêve de ça ?

Le rêve est une thérapie naturelle. Un moyen de regarder tes désirs et tes problèmes en face. Il te file des infos sur l’état de ton corps, du monde et des évènements que tes croyances vont engendrer. C’est une sorte de banc d’essai pour les étudier et décider de celles que tu veux matérialiser. Et le secret pour l'interpréter convenablement, c’est de le faire à partir de ton état d’esprit actuel, sans chercher des significations ou des symboles génériques qui te perdraient en t’entrainant sur de mauvais chemins. Une fois de plus, la réponse est en toi. Et ça, c’est franchement cool.

La méthode de Jung, c’est celle-ci : 

  • 1 : Définir le contexte dans lequel le rêve est fait. Aller au plus simple par rapport à ta situation actuelle. Trouver la problématique majeure qui t’anime en ce moment.

  • 2 : Se livrer à la technique de l’association libre. Qu’est-ce qui te vient à l’esprit en premier pour chaque élément du rêve ?

  • 3 : Commencer à interpréter le rêve selon ta situation consciente actuelle. C’est le signe sous lequel le placer. Quelle est l’attitude consciente qui est compensée par ce rêve ?

  • 4 : Trouver le sens du rêve. En vue de quoi est-il fait ? Pourquoi, dans quel but ? Dans quelle finalité ?

Interpréter un rêve par soi-même en suivant cette méthode, c’est apprendre à l’ego à faire usage de ses pouvoirs, lui montrer comment se servir de ses facultés d’assimilation. En gros, c’est redonner le pouvoir à cette partie consciente de toi qui est parfaitement capable d’entrer en communication avec ta partie inconsciente. Mais surtout, c’est permettre une réelle communication entre ces deux mondes qui t’habitent… Et bordel, pour l’avoir fait pendant un mois entier en diète, je peux te dire que ça change la vie.

Surtout que… la méthode que je viens de te donner, t’es censé t’en servir aussi avec ta réalité de base.

Tu choisis tes “symptômes” pour qu'ils t’apprennent un truc.

A l’heure actuelle, nos symptômes, c’est nos vies entières.

PSYCHOMAGIE

Et si pour guérir ta vie, tu considérais que ces symptômes ne sont pas les tiens, mais ceux de celui que tu crois être ? Si la meilleure résolution que tu pouvais prendre était de venir à bout des interdits, des limites, en quittant les chemins qui t’appartiennent pas, en cessant de poursuivre des idéaux qui t’ont été imposés, jusqu’à parvenir à être quelque chose qui ne se définit pas lui-même ?

Ça ressemble à Bruce Lee et son fameux Be water, my friend ? C’est précisément l’idée…

Moi, ce truc de cesser de te définir, d’arrêter de te foutre des grosses étiquettes sur la tronche (comme dans ce jeu débile où tu te colles la carte d’un personnage que t’ignores et que les autres doivent te faire deviner) que tu passes ta vie entière à défendre bec et ongles, à protéger ce qu’elles sont censées représenter, d’endosser un rôle dont il t’est ensuite impossible de dévier, parce que les autres exigent de toi que t’y colles jusqu’à la mort, peu importe ton désir d’évoluer, de restreindre et de contraindre ton âme dans un récipient trop petit pour elle (comme de l’eau comprimée dans un dés à coudre, ouais) en te demandant derrière pourquoi elle pleure chaque jour…

Eh bien, ce truc, je rêve que de ça.

Mais j’ai parfaitement conscience que c’est nous, et personne d’autre, qui infligeons ça à notre âme. Et vu que j’adore la responsabilité induite par la condition humaine et la liberté qu’elle permet, moi, j’ai décidé de la sortir de là, mon âme. J’ai décidé de la laisser redevenir aussi grande et sauvage que ce qu’elle a toujours été.

On sait qu’il existe une relation étroite entre notre psyché et le monde. Que celle-ci manifeste des choses dans celui-là. Mais ce qu’on sait moins, c’est qu’il y en a une également, d’étroite relation, entre nos gestes dans le monde et notre psyché… Ça marche dans les deux sens.

L’idée est de renverser la perspective. Ça t’est jamais venu à l’esprit, de jouer de la réalité matérielle pour atteindre ta réalité psychique ? A partir de maintenant, considère que ce que tu fais au monde, tu te le fais aussi à toi-même. Et si tu veux avoir un peu de contrôle sur l’expérience, alors va falloir te plonger dans ce qu’on appelle la psychomagie.

Nan, je compte pas te faire un cours là-dessus ici. T’as qu’à te procurer l’un des bouquins de Jodorowsky sur le sujet.

La première chose à faire est de te débarrasser de ton ancien moi. De lui faire connaître une sorte… d’enterrement. C’est un thème que j’aborderai plus en détail lors du compte-rendu de ma dernière diète, mais c’est pas le bon endroit pour en parler ici. Sache juste que quand on cause métamorphose et renaissance, c’est le genre de rituel qui peut s’avérer essentiel si on tient à faire les choses sérieusement.

Ensuite, puisque ce putain de truc n’est après tout qu’un jeu avec des personnages qu’on customise, pourquoi choisir le loser de service qui se fait sans cesse laminer par la life avec une barre d’énergie (mon pote Brice Amiot dirait le QI) au ras des pâquerettes et des armes qui valent pas un clou ? C’est vrai, quoi, faut être un peu con… Autant se bricoler un personnage bien badass !

L’avantage d’un costume de scène, c’est qu’il t’offre la liberté d’agir sans répéter les conduites imposées qui ont fait ton “identité”. Tu peux alors te réinventer en entier. Le tout est de croire en la possibilité de ta métamorphose… Et ça n’a rien de difficile, en fait. Tant que tu fais pas la connerie de confondre la notion “d’effort” avec celle “d’endurer”.

Quand tu subis ta vie en état d’impuissance, là ouais, t’endures de ouf.

Quand tu batailles férocement avec toi-même pour cesser de te définir selon des critères qui te limitent, tu fais des efforts pour devenir toujours plus ce que tu rêves d’être. Et vu que c’est uniquement pour toi que tu le fais, c’est TRÈS agréable…

La personnalité, comme tout le reste, est une question de choix. Tu peux choisir d'être ce que tu veux. Le tout est d’avoir identifié ta Pensée Maîtresse. Et considérant que toute création implique liberté, ou du moins, volonté propre, seul celui qui ose détruire les vieilles valeurs paralysantes et enfanter ses propres lois peut espérer engendrer un nouveau monde, être à l’origine d’une œuvre qui ne porte pas le sceau de l’esprit apeuré, soumis, morbide et finalement nihiliste, du groupe.

La mienne, de Pensée Maîtresse 2024, c’est ça : Que mon esprit devienne celui d’un samouraï en acier trempé.

Et pour paraphraser une nouvelle fois mon pote Brice : Le Guerrier aiguise son âme comme un sabre afin qu’elle foudroie d’un trait toutes ses illusions et faiblesses et qu’elle s’impose comme seul maître à bord.

J’aime bien le personnage d’Harley Quinn. Elle inspire ma vie quand, face à une situation délicate, je me demande comment je devrais agir, ou même penser. Elle m’incite à prendre le truc à la rigolade façon Trickster, tout en ayant les couilles de choper ma batte pour défoncer la gueule à tout ce qui me fait chier.

Attention, hein, je dis pas qu’il faut s’identifier vraiment au personnage. Merde, retombons pas dans les mêmes conneries !

Je dis juste qu’apprendre à jouer avec la vie et surtout avec l’image qu’on se fait de soi-même est sans doute la meilleure putain de bonne résolution qu’on puisse prendre pour commencer à devenir celui qui fera un bon gros doigt d’honneur bien senti au démon quand il se pointera pour poser sa maudite question…

© Zoë Hababou 2024 - Tous droits réservés


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Pensées Percutantes #2 : Feu Sacré. Idées mortelles. I Ching et Mutations.

Les jours se transforment en semaines, tu ne dors plus que quatre ou cinq heures par nuit, tes yeux te brûlent en permanence, ton cerveau rame, t’as l’esprit déglingué, le palpitant commence à déconner, la tension nerveuse est le seul truc qui te permet encore de tenir debout, ou du moins, de “fonctionner” suffisamment pour continuer à écrire. Tu es dangereusement proche du point de rupture, tout ton être te le crie, mais rien ne peut plus arrêter la machine, c’est trop tard, et la solitude fait que tu regardes en toi comme si tu contemplais l’univers. Quand tout est une seule et même chose, tu peux rester cloîtré dans une grotte et découvrir les secrets du cosmos. Rappelle-toi juste que si tu regardes longtemps un abîme… l’abîme, lui aussi, regarde en toi.

Affamée, violente, solitaire, sans Dieu : ainsi se veut la volonté du lion.
Des paroles de Nietzsche qui résonnent sourdement dans la tête en arrière-fond.

Celui qui ne vit que pour se sentir vivant est aussi celui qui fera le sacrifice de sa vie au Feu.
Car ce dont tu veux vivre est aussi ce pour quoi tu es prêt à mourir.

Pulsion de vie et pulsion de mort engagées dans un combat sans merci, bras de fer entre deux puissances contraires qui s’accouplent le temps d’un féroce tango.

Renoncer à toute mesure, toute raison. Ne plus manger. Ne plus dormir. Ne plus parler.
Obsession.

Se laisser hanter par son œuvre et prendre le risque de cesser d’exister, devenir le fantôme d’un artiste créé par l’œuvre qu’il est en train de mettre au monde.

Marcher tout droit vers son dernier horizon jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

FEU SACRÉ, DRAGON, SACRIFICES

Beaucoup trop de gens parlent du Feu Sacré sans avoir la moindre putain d’idée de ce qu’il signifie, et encore moins de ce qu’il implique. Ils l’évoquent d’une façon apaisée et même conventionnée, comme si abriter un tel dragon en soi était aussi coolos qu’une veillée chez les boy-scouts à faire cramer des marshmallows.

Connerie de monde où les paroles et l’apparat ont remplacé les actes et la détermination. Vouloir l’aura, la gloire et les honneurs de l’Artiste sans oser être dérangé et même endommagé par l’Art. Croire qu’on peut s’enorgueillir du statut de Guerrier sans être salement disposé à la confrontation avec soi-même, à être poussé dans ses derniers retranchements. Se vanter qu’on héberge une bête féroce alors que la moindre secousse nous terrifie et qu’on ne supporte aucune ambiguïté, aucune perte de contrôle, aucun chaos en soi.

Comme si tout rayonnement ne venait pas avant tout de l’intérieur…

Y a un truc à savoir concernant le Feu Sacré, avant de prétendre faire joujou avec lui. Ce truc est un dragon, d’accord ? Et comme tout bon dragon qui se respecte un minimum, il est sauvage, vorace, impitoyable. Et terriblement intense.

Au début, il hypnotise et obsède. A mi-chemin, il exige des sacrifices et asservit. A la fin, il est devenu le maitre de celui qui le nourrit et il le dévore. Point barre.

Mais naturellement, la condition sine qua non pour qu’il existe, c’est de fondamentalement croire en lui.

Le Feu Sacré peut être quasiment n’importe quoi. Selon ce qu’il représente, le bois qui l’alimente et les sacrifices qu’il requiert seront différents, bien qu’il s’agira toujours d’offrandes très intimes. Ensuite, à toi de voir jusqu’où tu seras prêt à aller pour le maintenir en vie. Parce que son truc, c’est qu’il a TOUT LE TEMPS faim.

Ce Feu, il va te faire danser sur une corde raide. Passé un certain niveau d’implication, la frontière entre passion et addiction s’efface. La passion qu’il t’inspire te nourrit, tandis que l’addiction aux flammes te vide. C’est un échange de fluides, sorte de rapport mi-symbiotique, mi-parasitaire. L’idée est juste d’être conscient qu’une flamme sacrée est nettement susceptible de devenir une flamme mortelle quand l’amour qu’elle inspire vire à l’obsession, voire au fanatisme.

En tant que Guerrier, on peut facilement basculer de l'autre côté sans s’en rendre compte. Et n’avoir aucun désir de faire machine arrière.

La vérité est que les plus grands savants, les plus puissants guerriers, les artistes les plus accomplis, les sages les plus vénérables et les révolutionnaires les plus engagés sont ceux qui ont consumé leur vie entière dans une seule et unique flamme. Y a pas de différence entre un fou et un génie. Les deux absorbent en eux-mêmes les flammes qui jaillissent d’eux.

Ouais, c’est dangereux de rider un dragon, et c’est justement pour ça que c’est bon.

Mais certains devraient se contenter de faire griller des marshmallows.

L’INSPIRATION EST UN MALÉFICE

Le Feu Sacré marche de paire avec l’inspiration. Elle est le souffle qui attise les flammes. L’énergie qui insuffle une direction au dragon. Quand le Feu commence à bien brûler et à te consumer en-dedans, la voilà qui se pointe. Nonchalante comme seul peut l’être un ange déchu. Ses deux immenses ailes noires déchiquetées négligemment déployées autour d’elle…

Enchanteresse, lascive, bandante comme jamais. Le magnétisme qui transpire d’elle est si vif que ça fait presque mal de la regarder. Elle aussi est faite avec des flammes, et son essence est aussi bouillante que de la tequila assaisonnée de sel et de citron vert.

Elle excite tes sens et les incise, les tordant d’un désir lancinant, sourd, violent, torturé, que seul le plaisir de la possession la plus torride et la plus absolue pourra combler.

Puis, elle entre en toi. Elle s’offre à toi. Te fait l’amour comme jamais, à l’intérieur. Elle te rend complètement dingue. Partir dans un corps à corps avec elle, c’est la laisser te transfuser des délices les plus dionysiaques et des abîmes les plus denses où t’auras un jour l’aubaine de chuter…

Le problème avec elle, c’est qu’elle est foutrement sournoise. Fatalement, être si désirable lui donne les pleins pouvoirs. Comme ça, petit à petit, sans en avoir l’air, elle agit comme une fleur carnivore dont les couleurs t’hypnotisent tandis que le venin te paralyse. Ça fait pas mal. Tu sens absolument rien quand, lentement, elle commence à te dépouiller de ta substance.

Et un beau jour, tu réalises que tu es devenu… sa marionnette.

PACTE AVEC LE DIABLE

Il t'arrive un truc chelou quand tu passes des jours et des jours à écrire, seul, sans croiser personne. Passer la première phase de jubilation euphorique, tellement t’en reviens pas d’être autant inspiré, tu pénètres dans un stade de conscience inconnu.

Les contours de ton être s'effacent. Les limites entre tes pensées et ton manuscrit se désagrègent. L’histoire que t’es en train d’écrire te poursuit partout.

Quelque chose t’a pris en sa possession.

Manger, dormir, parler à des gens. Pour quoi faire ? Cette garce d’inspiration te donne tout ce dont tu as besoin. Sauf que c’est pas vraiment toi qu’elle nourrit. Elle en a rien à carrer, de toi. T’es rien de plus qu’une machine pour elle. Un cerveau à son service, qui traduit ses intentions et ses visions en mots. Des doigts à sa disposition, qui frappent sur des touches pour graver ces mots dans la matière. Rien de plus qu’un médium qui s’offre à sa volonté.

Ouais, elle en a vraiment rien à battre de ta personne. C’est ton âme qui l’intéresse. C’est ton âme qu’elle veut, c’est elle qu’elle ensorcelle. Elle utilise ce qu’elle trouve dedans pour densifier ses pensées.

Et vraiment, peu importe si ce qui lui sert de marionnette se transforme jour après jour en vieux squelette sans amis, les yeux comme deux trous de pisse dans la neige à force de fixer l’écran, recroquevillé sur son ordi. Du moment qu’il continue à taper l’histoire sur le clavier…

Et avec le peu de conscience humaine qui te reste, tu te demandes, hébété, si ta muse est aussi belle qu’elle en avait l’air, et si l’inspiration n’est pas à la fois un dieu et démon.

OBSERVER LONGUEMENT UN ABÎME…

Les jours se transforment en semaines, tu ne dors plus que quatre ou cinq heures par nuit, tes yeux te brûlent en permanence, ton cerveau rame, t’as l’esprit déglingué, le palpitant commence à déconner, la tension nerveuse est le seul truc qui te permet encore de tenir debout, ou du moins, de “fonctionner” suffisamment pour continuer à écrire. Tu es dangereusement proche du point de rupture, tout ton être te le crie, mais rien ne peut plus arrêter la machine, c’est trop tard, et la solitude fait que tu regardes en toi comme si tu contemplais l’univers. Quand tout est une seule et même chose, tu peux rester cloîtré dans une grotte et découvrir les secrets du cosmos. Rappelle-toi juste que si tu regardes longtemps un abîme… l’abîme, lui aussi, regarde en toi.

Seule l’œuvre compte désormais. Elle dépasse et terrasse celui qui l’engendre. Aucune chance qu’il puisse encore se croire maître de ce qu’il crée. S’il a les couilles de pousser son art à son paroxysme, son œuvre devient plus grande, plus importante que lui, au point qu’il ne puisse même plus la comprendre pleinement.

C’est l’œuvre qui crée l’artiste, pas l’inverse.

Il y a une tentation malsaine à songer qu’il existe un art non destiné à la gloire, secret, sublime, que l’artiste ne pourra mettre au monde et peut-être comprendre qu’en disparaissant. Mort symbolique, suicide psychique. Meurtre émotionnel. Ça revient au même, pas vrai ? Tout ça n’est que le symbole d’une chute hors du monde, hors de soi, l’entrée dans une sphère bien plus pure où l’œuvre et la vie fusionnent. Un lieu mystique où le cœur de l’artiste pourrait enfin trouver la paix…

Il n’y a juste aucune certitude d’en revenir.

Le squelette devrait peut-être commencer à rédiger son testament.

TOMBER MORTELLEMENT AMOUREUX D’UNE IDÉE

Qu’est-ce que ça ferait, de quitter le monde une fois l’œuvre accomplie ? Qu’est-ce que ça donnerait, d’abandonner le tas d’os aux vautours une fois sa mission honorée ? Les concepts de summum, d’apogée, de paroxysme sont des idées délétères… Mais quand t’en es tombé amoureux dans ta jeunesse, putain, c’est vraiment impossible de les oublier.

Être idéaliste, c’est pas juste s’enflammer pour des idéaux. C’est tomber mortellement amoureux d’une idée.

Pourquoi les idées possèdent un tel impact sur moi, alors que la majorité des gens semblent totalement s’en passer ? Ils lisent ou entendent un truc, ça sonne bien à leur oreille, mais jamais au grand jamais ils ne songeraient à tenter de l’appliquer dans leur vie. Apparemment, pour eux, les idées sont de jolies choses qu’il est de bon ton de répéter d’un air pénétré, jusqu’à écœurement, histoire de briller en société ou de singer la sagesse, de se donner une profondeur qu’ils sont bien loin de posséder. Alors, pourquoi est-ce que moi, je suis prête à remettre toute mon existence en cause pour elles, afin que mes actes soient en parfait accord avec ce que je prône ?

Est-ce que c’est ça, avoir une éthique ? Est-ce qu’elle est là, la différence entre morale et éthique ? Comme si la morale était un ensemble de valeurs qu’on prétend posséder en société, et l’éthique leur application silencieuse et purement personnelle ?

Les choses sont allées beaucoup trop loin. Elles durent depuis trop longtemps. Il faut mener le truc à son terme. Peu importe si ça te dépasse, peu importe les sacrifices que tu t’infliges, que personne d’autre que toi ne pourrait supporter. Peu importe que toi-même ne comprenne plus de quoi il est réellement question.

Cet abîme qui happe, s’alimentant de l’âme de celui qui le porte avant d’exploser au dehors, écartelant celui qui lui a donné vie et nourri de sa substance… Impitoyablement.

Voir ça comme un paroxysme, oui, pourquoi pas, en fait ?

I CHING, SERPENTS, MUTATIONS

J’ai tiré le I Ching. J’avais besoin de savoir. Ouvrir une brèche vers le futur, comme une assurance que j’existerais encore, un peu plus loin dans le temps.

J’ai sorti le 24 : Le Retour.

Le retour a son fondement dans le cours de la nature. Le mouvement est circulaire. La voie se referme sur elle-même. Tous les mouvements s'accomplissent en six étapes. Le septième degré amène ensuite le retour.  Le sept est le nombre de la jeune lumière qui naît lorsque le six, nombre de l’obscurité, s’accroît d’une unité. Ainsi le mouvement parvient à l’arrêt. Le temps de l’obscurité est passé. Le solstice d’hiver amène la victoire de la lumière. L’hexagramme est rattaché au onzième mois, le mois du solstice (décembre-janvier).

J’avais prévu de rentrer fin décembre, après un peu plus de six mois de voyage. Enfoiré de I Ching qui sait toujours tout. Donc, quelque chose de moi va rentrer, apparemment…

Le soleil tabasse par ici. Impossible d’échapper à sa morsure. Ta peau brunit et craquelle comme le sol desséché d’un désert qui se lézarde, se fissure. On raconte que les serpents, quand ils muent, sont plongés dans une sorte de transe. Ils ne bougent plus. Leur regard devient fixe. Toute leur énergie vitale est happée par la métamorphose. Ils pourraient être morts que ça reviendrait au même.

Ça fait un moment que la transe s’est emparée de moi. 

Je me tiens prête pour la prochaine mutation.

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Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou Pensées Percutantes, Gonzo Zoë Hababou

Pensées Percutantes #1 : Fin de cycle. Vaches maigres. Coup de Poker et Actes symboliques.

Et donc, avec le peu de sous qui te restent, tu prends un billet pour l’endroit d’où l'appel est né comme on ferait tapis au poker : ça passe ou ça casse. L’une des façons de dealer avec la vie, c’est de jouer avec elle comme si t’avais rien à perdre. Et peut-être qu’un jour viendra où, à force de le prétendre, ce sera devenu réalité. Ça fait des années maintenant que je la joue comme ça et bordel, n’importe quel joueur de poker te dirait que j’ai une sacrée veine de cocu. Sauf que ça n’a rien à voir avec la chance. C’est un putain d’état d’esprit.

Marcher dans tes propres traces. Revenir dans un lieu porteur d’un sens personnel comme tu chevaucherais l’Ouroboros.

Éternel retour. Cycle infini de morts, de métamorphoses et de renaissances.

Honorer l’ancienne version de toi-même en déterrant les liens qui t’attachent à ta propre histoire, à la façon du récapitulatif de Castaneda. Puis défaire ces liens, briser tes chaines par des actes intimement symboliques et ainsi marquer la fin d’une étape. Conclure une phase de ton existence comme une âme s’expulserait de la roue du temps et du cycle des réincarnations.

Actes atemporels. Lieux métaphysiques. Niveau du jeu dans lequel la conscience pure prend enfin les commandes.

Sacrifier quelque chose sur l’autel de l’Idéal. Décider de nourrir une foi plus grande que toi.

Choisir d’alimenter une essence non physique qui emporte l’existence humaine vers le haut de la pyramide qu’on nomme aussi Transcendance.

Pensées percutantes de Zoë Hababou
 

FIN DE ROUTE

Y a des moments étranges dans la vie. Une sorte de stade ou d’état intermédiaire qu’on appelle la Croisée des Chemins. Quelque chose est sur le point de mourir, et autre chose s’apprête à naître. Plus rien ne peut continuer comme avant.

Comme pour la fin d’une histoire d’amour. Quand t’arrives au bout du truc, hanté par le pressentiment d’une mort. Comme l’écrivain sait au fond de lui qu’il vient de finir l’écriture de son livre. Qu’y a plus aucun mot à ajouter. Sonné, il contemple son manuscrit sans pouvoir encore pleinement réaliser. C’est au-delà de tout calcul. C’est une évidence.

C’est exactement ce qu'on ressent quand on parvient à la fin d’un cycle de vie.

Ça se décide pas de façon consciente. Le constat rapplique avant l’élaboration du projet. Soudain, le bout de la route que tu suivais est juste enfin atteint.

Celui qui respecte la magie sait qu’il faut toujours nourrir une part d’innocence. L’apogée n’est sublime que quand elle survient sans prévenir. Même si, fatalement, une partie de toi sait comment tout ça va finir. En définitive, c’est elle qui, depuis le commencement, te guide jusqu’à cet espace-temps où les pièces du puzzle cosmique ont terminé de s’imbriquer.

Avant d’en entamer un autre.

C’est la règle de fonctionnement des synchronicités. L'effet de surprise et la part de hasard qui s’immiscent dans ce chemin qu’on ne peut que qualifier de destin sont parties intégrantes du processus.

Alors tu traces ta route, flottant dans le brouillard, un pas après l’autre, de la même manière qu’un bon écrivain écrit une histoire, la découvrant au fur et à mesure. Le squelette qu’il inhume du sol se dévoile poco a poco. Des éléments à priori disparates s’accouplent. Des paroles mystérieuses prononcées au détour d’un dialogue, d’une pensée, rejaillissent pour donner sens à un nouvel élément de l’intrigue. Un personnage sorti de nulle part se révèle être une clé majeure en passant brutalement au premier plan du récit.

Un rêve fait dans le passé mute en pressentiment du futur. Et un jour, le rêve a fusionné avec la réalité, transformant la magie en quelque chose d’extrêmement concret…

Il s’agit de vivre sa vie comme si c’était une quête. D’établir la distinction entre avenir et destinée.

Tous les évènements s’interconnectent. Le présent et le futur, finalement, se comprennent à l’aune du passé.

C’est de là qu’elle vient, ma foi sauvage en la vie. De là, et de nulle part ailleurs.


FLOW ET COUP DE POKER

J’ai débarqué dans ce bled après le fiasco d’un ancien plan qui paraissait foutrement bon sur le papier, quelque temps en arrière. Un fiasco total, intégral, à un niveau personnel, amical, financier, et même professionnel au vu des débouchés qu’il était censé avoir concernant l’avenir. Le genre de fiasco qui foutrait à terre n’importe qui, le poussant à implorer le ciel en chialant POURQUOOOOI tout en se déchirant les vêtements. Enfin bon, dans la version la plus lamentable du truc. 

Mais quand t’as la chance d’être doté d’une forte intuition et surtout d’être foutu de lui faire confiance, bah, cette scène pathétique n’aura tout simplement pas lieu.

Un appel lointain a déclenché sa résonance, quand ça commençait à sentir mauvais. Quand ça s’est vraiment mis à puer du cul, l’appel s’est transformé en injonction. Et quand la lose totale a finalement révélé son vrai visage, l’injonction était devenue une évidence. Et donc, un sourire aux lèvres affiché comme le plus flamboyant des mépris.

Mais surtout, la plus fondamentale des règles de ce qu’on appelle l’acceptation. En somme, une très jolie planche de surf, bien affûtée, sur laquelle grimper crânement pour se jeter dans les vagues du Flow.

Visualise bien : TOUS tes projets sont tombés à l’eau. T’es tout seul, t’as pas une thune. Le dessein si “intelligemment” élaboré des mois futurs vient subitement de s’effacer. Et à part si tu veux faire de toi une victime de fatales circonstances et de la saloperie humaine en rentrant en France chialer chez ta mère, la seule option qui te reste, c’est de faire confiance à cette intuition qui chuchote timidement au fond de toi (enfin, soyons honnête, avec l’habitude, l’intuition chuchote de plus en plus fort, quand même).

Mais le problème avec la confiance, c’est qu’elle connait pas d’entre-deux. Comme dans les relations humaines, soit elle est inexistante, soit elle est totale.

Et donc, avec le peu de sous qui te restent, tu prends un billet pour l’endroit d’où l'appel est né comme on ferait tapis au poker : ça passe ou ça casse. L’une des façons de dealer avec la vie, c’est de jouer avec elle comme si t’avais rien à perdre. Et peut-être qu’un jour viendra où, à force de le prétendre, ce sera devenu réalité. 

Ça fait des années maintenant que je la joue comme ça et bordel, n’importe quel joueur de poker te dirait que j’ai une sacrée veine de cocu.

Sauf que ça n’a rien à voir avec la chance.

C’est un putain d’état d’esprit.


CHECKPOINT

Parfois je me dis que le meilleur moyen de réaliser qu’on est parvenu à la fin d’un cycle, c’est de disposer d’un checkpoint. Une sorte de nœud spatio-temporel qui te permet de faire le point en checkant dans le rétroviseur, vers l’arrière. En tant que voyageuse, ça m’arrive souvent de marcher dans mes anciennes traces. De croiser les fantômes de celles que j’ai été. Mes reflets et moi, on se regarde à travers le miroir comme le passé et le futur décideraient d’entre-croiser leurs lignes le temps d’une solennelle rencontre.

Des checkpoints, j’en ai pas mal qui jalonnent ma route. Et y a un pays en particulier qui remplit pour moi la fonction de point de référence absolu.

C’est le premier pays où, à 20 ans, j’ai foutu un pied hors de tout ce que je connaissais et dans lequel je ne cesse de revenir depuis, toujours la même mais chaque fois différente. Le fait d’avoir plusieurs paramètres assez forts au sein de ta personnalité, certaines disciplines bien précises dans lesquelles tu t’es engagé corps et âme constitue une précieuse mesure de ton avancement dans la Voie.

Par exemple, être écrivain et ayahuasquera.


LA VIE EST UN FURIEUX ÉTALON

Il me semble que pas mal de gens, par les temps qui courent, manœuvrent leur vie en y apposant leurs intentions. Moi, j’ai le sentiment qu’y a finalement pas grand-chose que je fais d’une façon délibérée. Disons qu’il y a les écrivains qui ne se lanceront jamais dans l’écriture d’une histoire sans plan défini, sans en connaitre à l’avance tous les tenants et aboutissants.

Et puis y a les autres. Ceux qui se laissent entièrement posséder par les muses de l’Inspiration.

Ça fait un bail que j’ai laissé cette autre partie de moi prendre les commandes. Et vu comment ça réussit à ma vie, je lui lâche de plus en plus la bride. Il n’y a qu’une chose que j’attise en continu : le feu sacré de la Volonté. J’ignore ce qui m’attend au détour du chemin. Ça m’intéresse pas de le savoir, parce que je ne compte aucunement m’y préparer.

C’est possible de vivre en n’ayant plus peur de rien. Et le résultat des courses dépasse toujours tes attentes de façon incommensurable. Alors, pourquoi faudrait-il arrêter de jouer avec l’existence comme un enfant ?

La Vie, elle adore ça qu’on joue avec elle. C’est là qu’elle donne le meilleur d’elle-même. C’est dans ces circonstances qu’elle révèle son génie, mobilise sa sagesse, et donc, développe son plein potentiel.

La Vie, elle aime la liberté encore plus fort que toi, et c’est bien dommage tous ces gens qui refusent de lui faire confiance en cherchant à tout contrôler. Comme si le cerveau control freak d’un zombie pouvait faire le poids face à la beauté féroce d’une essence que personne n’a jamais réussi à foutre en cage, ou ne serait-ce que museler.

Quand tu chevauches le plus furieux étalon que la Terre ait jamais porté, l’idée n’est pas de lui tirer sur le mors, perclus d’angoisse existentielle, pour le contraindre à ralentir.

L’idée, c’est de le laisser t’emporter aussi loin et aussi vite qu’il veut en ouvrant grand les yeux sans oublier de respirer.


ACTES SYMBOLIQUES

Et donc, en débarquant ici, j’ai réalisé que j’étais parvenue à la fin d’un cycle parce que ma présence en ces terres était le plus significatif des actes symboliques que ma jeune vie avait jamais posé.

J’ai fait tout ça sans préméditation. Acculée par un bon gros fiasco, j’ai juste répondu à l’appel qui rugissait dans mes entrailles en pariant mes derniers pesos sur une simple intuition. C’est en cheminant sur un sentier qui s’éloignait du village que je l’ai pleinement réalisé. Ou alors, peut-être quand je me suis retenue de pleurer dans le bus, juste avant qu’il me lâche à l’entrée du pont. Ce pont que j’ai franchi à pied. Tel un acte symbolique, une fois de plus.

Ce village, c’est celui où j’ai rencontré Wish, mon ancien maestro, avec qui j’ai bu de l'Ayahuasca pour la toute première fois. La première cérémonie de Travis dans Borderline, c’est ici qu’elle a lieu.

Ce village, c’est celui où je suis revenue dix ans plus tard, après avoir publié mon premier bouquin. Pour retrouver Wish, commencer ma véritable carrière d’ayahuasquera et m’engager dans les diètes de Plantes Maîtresses qui font maintenant entièrement partie de ma vie. C’est ici que j’ai rédigé une bonne partie du Tome 2 de Borderline, alors que je diétais l’Ayahuasca en la buvant trois fois par semaine. C’est aussi ici que Wish m’a fait mon parfum, celui que j’emporte avec moi partout, dans tous mes voyages, et que j’ai empoisonné avec le Tabac récemment. C’est drôle, mais le premier truc que j’ai fait en débarquant ici, c’est de cueillir des branches de cet eucalyptus local que Wish utilisait comme chacapa pour en mettre dans la bouteille de ce parfum. J’ai fait ça sans réfléchir.

Et maintenant, ce village, c’est celui où, 3 ans après la mort de Wish, 4 diètes de Plantes Maîtresses et 5 bouquins publiés plus tard, à 35 ans, je vais finir le dernier tome de Borderline. Ce qui marque, incontestablement, la fin du plus long cycle de ma vie, qui dure depuis plus de 20 ans. Et c’est ici que je vais faire ma première cérémonie d’Ayahuasca solitaire, avec celle que j’ai cuisinée toute seule. L’Ouroboros se mord la queue et repart pour un tour...

Revenir ici boucler ce cycle d’écrivain-ayahuasquera est juste le plus puissant acte symbolique accompli en aveugle que j’aurais réalisé jusque-là.


VACHES MAIGRES, ALCHIMIE ET LÉGENDE PERSONNELLE

Je me demande si le choix des vaches maigres n’est pas celui qui peut être le plus important, le plus déterminant pour un Artiste. Le sacrifice le plus significatif qu'il puisse faire pour son œuvre.

Selon l’étymologie, “sacrifice” veut dire “rendre sacré”.

Certaines personnes se sentent plus en sécurité en vivant un rêve en train de les bouffer toutes crûes plutôt qu’en essayant de dompter et de s’approprier un mensonge. Cette sorte de cauchemar consensuel qu’est devenue la vie humaine.

Quand ton rêve commence à vivre par lui-même, il est possible qu’il t’anéantisse. J’ai lu quelque part que les rêves sont des mythes individuels. Et que les mythes sont des rêves collectifs. C’est exactement de ça qu’il est question.

Quelqu’un qui refuse de rêver dans le même sens que les autres ne peut pas cautionner les mythes qu’ils produisent. Et sa seule alternative est d’engendrer ses propres mythes, devenir le héros de sa propre légende, en transformant sa vie en un rêve perpétuel, et son rêve, en œuvre d’art.

Et si ton œuvre est suffisamment puissante, tu finiras par te perdre en elle. Parce que tu penseras à la nourrir, elle, avant de te nourrir toi-même. Tu te nourriras d’elle de toute façon, autant qu’elle se nourrira de toi. Et peut-être que ta légende continuera d’exister, alors que toi tu seras déjà mort.

Le sacrifice est un des plus sûrs moyens de rejoindre ton île solitaire, où tu es le héros d’un mythe fabriqué par toi et pour toi, et que tu seras probablement jamais que le seul à connaître. Mais j’ai tendance à penser que les actes solitaires accomplis dans le secret d’une conscience sont les plus essentiels, les plus significatifs de la Voie.

Du fric, j’aurais pu en avoir au taquet si je m’étais résignée à faire serveuse encore “juste un dernier été” ou alors si j’avais consenti à sucer la queue de qui de droit disposant d’une certaine pression financière sur moi. Ce qui, en fin de compte, revient au même. Accepter de faire la pute d’un “système” dégueulasse pour en récolter quelques miettes rassurantes sur son compte bancaire et dans le grenier poussiéreux de son esprit.

Au lieu de ça, j’ai préféré prendre un billet pour le Chaos. Sauter à pieds joints dans le désastre, comme dirait Chuck Palahniuk.

En gros, j’ai décidé que F.U.C.K.

J’ai joué tapis sur mon art, foutant tous mes œufs dans le même panier, avançant mes derniers jetons d’un geste fier et nonchalant pour un ultime coup de bluff, tel un bon gros bras d’honneur balancé à la gueule de la supposée toute-puissance du sacro-saint Pognon. Campée fermement dans mes bottes face à l’Apocalypse annoncée par cette machine qui décrète que si tu ne travailles pas pour elle, alors tu travailles contre elle, et qu’elle te le fera payer tôt ou tard d’une manière ou d’une autre…

C’est comme pour la confiance dont je parlais plus haut. Tu ne peux pas croire juste à moitié en toi-même. Soit t’y crois, soit t’y crois pas. Et si t’y crois, alors tu dois aller aussi loin que tu peux (et donc veux) aller. Peu importe à quel point “l’insécurité” menace ton avenir. L’avenir n’existe pas. Le présent est tout ce qui est.

Et si tu es aligné dans le présent, alors, tout va bien, putain.

C’est un truc que j’ai découvert assez récemment. Tant que tu laisses une infime possibilité à ta conscience d’avoir peur, alors, la peur va s’infiltrer en toi et tes croyances te feront faire des choix dictés par celle-ci, et c’est toute ta réalité qui va s’en trouver déformée. En revanche, si tu te laisses aucune porte de sortie de secours vers la “sécurité”, alors, tout ce qui te reste comme option, c’est de te jeter de la falaise pour chuter dans la vie.

Ce qui signifie, donner vie à ton rêve.

Un Guerrier ne moyenne jamais avec lui-même. Il s’agit de la plus forte leçon que j’ai apprise jusqu’ici.

Tout ce qu’on te demande, au fond, c’est d’oser bouger une pièce. Avoir les couilles d’avancer juste un putain de pion. Et ensuite, tu laisses la vie faire le reste. On en revient toujours à cette idée de maîtrise et de lâcher-prise. Comme dans tout art. Comme dans toute discipline.

Celui qui est capable de mixer la maîtrise de son art au lâcher-prise instinctif de l’inspiration est juste l’enfoiré le plus heureux que cette fichue Terre ait jamais porté.

Certains d’entre nous se contentent de rêver d’écrire leur légende et de devenir leur propre héros.

Les autres pratiquent l’Alchimie.

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