Nouvelle Littéraire, Chamanisme Zoë Hababou Nouvelle Littéraire, Chamanisme Zoë Hababou

Un jour toi aussi… Background : Une Histoire de Transmission

Ce que raconte le grand-père à son petit-fils constitue ni plus ni moins qu’une immense et très rare porte ouverte sur l’initiation chamanique amazonienne. Je me suis largement inspirée de la vraie histoire de Wish, le chaman qui m’a initiée au monde de l’ayahuasca, ainsi que de mes années de recherches au sujet du chamanisme. Ce passage est une clé pour comprendre l’univers des plantes maîtresses, de l’ayahuasca, et des esprits présents dans le monde indigène amazonien (notamment le fameux Chullachaki, qui fait toujours forte impression aux lecteurs…).

Tu vas aller loin avec la medicina, et je vais t’accompagner. Une nuit, tu seras confronté à ça toi aussi. Il faudra faire le bon choix.

Genèse de la nouvelle Un jour toi aussi, par Zoë Hababou

Le Pitch

Un grand-père chaman raconte à son petit-fils la façon dont il a été appelé à devenir curandero. Entre rébellion enfantine et confrontation aux esprits de la jungle, son histoire hors du commun est une vraie leçon d’humilité.


La Genèse

Jusqu’à très récemment, j’étais persuadée que les nouvelles littéraires, c’était pas pour moi. Bien qu’étant une fervente lectrice de recueils en tous genres, je me voyais pas me plier à cette forme très courte qui répond à des règles différentes de celles du roman.

Et puis, une amie a attiré mon attention sur un appel à texte dont le thème était “Sorcellerie Végétale”. Inutile de préciser la raison pour laquelle cette amie a pensé à moi, et pourquoi j’ai décidé de sauter sur l’occasion…

C’était ma première participation à un appel à texte. Les auteurs sélectionnés verraient leur nouvelle publiée dans le recueil annuel de L’Imagin’arium. J’y ai vu un moyen inespéré de me faire connaître davantage.

Eh ben, ça a marché ! Un jour toi aussi… a été retenue, et c’est même l’histoire qui signe l’ouverture de ce recueil !

Cependant, je me dois d’être honnête : cette nouvelle assez longue n’est rien d’autre qu’un passage de Borderline 2 que j’ai beaucoup élagué et retravaillé pour l’occasion… Et c’est sur ça que j’aimerais revenir.

Parce que ce que raconte le grand-père à son petit-fils (dans Borderline, c’est Wish qui le raconte à Travis) constitue ni plus ni moins qu’une immense et très rare porte ouverte sur l’initiation chamanique amazonienne.

Je me suis largement inspirée de la vraie histoire de Wish, le chaman qui m’a initiée au monde de l’ayahuasca, ainsi que de mes années de recherches au sujet du chamanisme.

Ce passage est une clé pour comprendre l’univers des plantes maîtresses, de l’ayahuasca, et des esprits présents dans le monde indigène amazonien (notamment le fameux Chullachaki, qui fait toujours forte impression aux lecteurs…).

D’autre part, c’est un moment assez intime entre Wish et Travis dans Le Labyrinthe, une parenthèse qui s’étend sur une vingtaine de pages, je crois, et qui permet soudain au lecteur de réaliser dans quoi il s’est embarqué avec ma saga, et surtout de commencer à comprendre l’univers de Borderline.

Je suis profondément attachée à cette nouvelle, et je crois que de la publier ici pourrait être la brèche nécessaire pratiquée dans l’esprit des futurs lecteurs, le meilleur aperçu que je puisse offrir de mes ouvrages et de leur étrange univers…

 
 

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Plantes Maîtresses Amazoniennes : L’Inventaire Illustré

A la différence des simples plantes médicinales, les plantes maîtresses sont des plantes qui enseignent. Considérées comme des êtres animés d’un esprit qui leur est propre, ces plantes enseignantes ont la capacité de s’adresser à l’Homme pour lui transmettre leur savoir et leur pouvoir, souvent par l’entremise d’états de conscience modifiée. Si les plantes maîtresses sont souvent aussi médicinales, le fait est que les bénéfices qu’elles sont en mesure d’apporter à l’être humain vont bien au-delà de la simple guérison. On parle ici de transmission d’un savoir.

Une Plante Maîtresse, qu’est-ce que c’est ?

A la différence des simples plantes médicinales, qui soignent les troubles physiques ou plus rarement psychiques, les plantes maîtresses sont des plantes qui enseignent.

Considérées comme des êtres animés d’un esprit qui leur est propre, ces plantes enseignantes ont la capacité de s’adresser à l’Homme pour lui transmettre leur savoir et leur pouvoir, souvent par l’entremise d’états de conscience modifiée tels que les rêves, les visions (lorsque la plante est psychotrope), mais aussi l’intuition et la perception sensorielle, ou encore en lui enseignant des chants, comme les fameux icaros.

Si les plantes maîtresses sont souvent aussi médicinales, le fait est que les bénéfices qu’elles sont en mesure d’apporter à l’être humain vont bien au-delà de la simple guérison. On parle ici de transmission d’un savoir.

Mais cette connaissance ne s’obtient pas facilement. Pour avoir une chance d’y avoir accès, il faut s’engager dans un processus de diète avec la plante maîtresse, ce qui signifie l’incorporer de multiples façons, pendant des jours, des mois, voire des années d’affilée. L’idée est de devenir ami avec la plante, d’en faire une alliée afin qu’elle partage avec nous une partie de sa sagesse et de son pouvoir.

La diète est un processus extrêmement strict, tant par les restrictions qu’elle impose (isolement, interdictions alimentaires et comportementales), que par l’engagement total de la volonté, et dans une certaine mesure la dévotion, qu’elle implique.

De quelle manière fonctionne une diète de Plante Maîtresse ?

Il existe deux sortes de diètes : celle d’apprentissage, et celle de guérison.

La diète d’apprentissage s’adresse principalement à ceux qui veulent devenir chaman. C’est une véritable initiation, qui requiert d’immenses sacrifices et se pratique sur des années. Cela dit, l’apprenti chaman devra d’abord se livrer à une diète de guérison pour se purger de ses troubles avant d’entreprendre la diète initiatique.

Précisons tout de même qu’il est possible de s’engager dans une diète d’apprentissage sans avoir pour but de devenir guérisseur. Un Occidental qui ne rencontre aucun problème particulier dans sa vie mais souhaite apprendre auprès des plantes pourra tout à fait s’y livrer, sur une période relativement courte (un mois minimum), et en retirer des bénéfices tels que savoir, pouvoir, inspiration et connaissance de soi et du monde des plantes.

La diète de guérison, qui s’adresse donc surtout aux Occidentaux, est beaucoup plus courte, et ne fonctionne pas de la même façon. Voici le processus classique par lequel passe celui qui s’y engage :

  • Tout d’abord, la Plante Maîtresse diétée va exacerber les problèmes du patient, en mettant en éveil les forces obscures tapies en lui. Il sera alors la proie d’effets physiques et psychologiques très rudes, tels que mal-être, nausée, migraine, irritabilité. Cette première phase a pour but de faire prendre conscience au diéteur des soucis ou des blocages corporels, affectifs ou spirituels qu’il porte en lui en secret.

  • Ensuite vient la phase du traitement en tant que tel. Le diéteur se confronte à ses problèmes, grâce à l’Ayahuasca, plante visionnaire grâce à laquelle le monde des autres plantes maîtresses devient mieux accessible. Durant la transe, le diéteur va faire front aux troubles révélés par sa plante de diète, et embrasser la réalité de son être. La diète éveillera en lui le pouvoir curatif de sa propre conscience sur elle-même, un accès à son propre pouvoir, à sa propre sphère de guérison.

  • Enfin, lors de la dernière phase, le diéteur va incorporer les enseignements des plantes et modifier sa vie. C’est le processus d’intégration.

Il s’agit donc d’un engagement total de la personne, parfois difficile à vivre, mais dont les bienfaits se répercutent sur toute une vie.

Entrons dans le vif du sujet !

Cet article est un index des Plantes Maîtresses et Médicinales utilisées dans le chamanisme traditionnel du bassin amazonien, avec photos à l’appui.

Aussi souvent que possible, j’ai indiqué le nom latin de la plante, sa posologie, son usage médicinal et son action en tant que Plante Maîtresse, ses effets physiques et psychiques, ainsi que les enseignements spirituels dont elle a la spécialité.

Cependant, gardez en tête que les informations qui suivent en ce qui concerne la posologie, les enseignements de ces plantes et leur action en tant que Plante Maîtresse varient énormément d’un diéteur à l’autre.

En effet, puisque chaque plante possède sa personnalité et qu’il est ici question de nouer une amitié avec elle, la relation qu’elle développe avec celui qui la diète est unique. Le langage qui s’établira entre eux, le savoir qu’elle partagera avec lui, et jusqu’à même la forme qu’elle empruntera pour se présenter à lui, seront très personnels.

Bien souvent, les témoignages de deux personnes ayant diété la même plante n’ont rien de similaire, et pour cause : leurs intentions, leurs intérêts varient, donc logiquement, la plante ne leur offre pas la même chose.

Mais une tendance générale se dessine, souvent en lien avec les propriétés intrinsèques de la plante, comme par exemple le Bobinsana et ses puissantes racines, aidant à retrouver ancrage et stabilité.

Considérez donc cet article comme une porte ouverte vers le monde surprenant des Plantes Maîtresses, puis ensuite, faites confiance à votre intuition et à votre chaman pour déterminer la Plante auprès de laquelle vous allez vous engager…

Bonus : Si vous avez envie de comprendre comment fonctionne la diète de plantes en profondeur, je vous invite à vous rendre vers le premier article du Dossier Spécial Diète de Plantes.

Le Répertoire des Plantes Maîtresses et Médicinales du Chamanisme Indigène

L’index complet des plantes maîtresses et médicinales utilisées dans le chamanisme du bassin amazonien.

Aire Sacha Cosmica (Kalanchoe pinnata)

Aire Sacha Cosmica

Plante Cosmique

Usage médicinal : Cette plante est antiémétique, anti-inflammatoire et traite également la conjonctivite.

Plante Maîtresse : Principalement utilisée pour l’enseignement, l’Aire Sacha Cosmica favorise la connexion avec la nature et ses éléments, la Terre et l’univers. Son atout majeur est d’aider celui qui apprend avec elle à savoir différencier le monde obscur de la fausse lumière et la vraie lumière, ambivalence extrêmement présente dans le chamanisme. On dit qu’elle vient du cosmos et connecte le diéteur à la médecine cosmique, aux docteurs et esprits de la sphère de la guérison. D’une manière générale, l’Aire Sacha nous relie au monde des esprits de l’air.

Ajo Sacha (Mansoa alliacea)

Ajo Sacha

Plante de l’Identité ou de la Vocation

Posologie : Deux verres par jour d’une décoction de la racine. Léger goût d’ail. Les feuilles aussi peuvent être employées. L’Ajo Sacha peut aussi être prise en inhalation, c’est-à-dire qu’on pile la racine dans un tout petit peu d’eau qu’on va ensuite inspirer par le nez, une cuillère dans chaque narine. Par ce biais, elle brûle les bafouillements du mental et clarifie l’esprit pour plusieurs jours, ce qui est très appréciable lors d’une entrée en diète.

Usage médicinal : L’Ajo Sacha est reconnue pour renforcer le système immunitaire, nettoyer le sang, et libérer des addictions. En tant qu’antidépresseur, elle entre aussi dans le traitement de nombreuses affections psychologiques. Elle traite également les rhumatismes, combat la fièvre, et fonctionne comme un analgésique. D’autre part, cette plante purifie le parasitage psychique et libère des sortilèges ou des infestations par de mauvais esprits.

Plante Maîtresse : En ouvrant et en purifiant le mental et le corps, cette plante favorise le travail d’évolution personnel. D’une manière générale, l’Ajo Sacha est une plante de feu qui brûle les énergies néfastes.

Effets physiques : Mal-être, douleur généralisée, sensation de chaleur, sont les prémisses qui inaugurent en fait un renforcement de la volonté.

Effets psychiques : Auto-affirmation, discernement, l’Ajo Sacha aide à différencier le vrai soi du conditionnement extérieur, afin de déterrer son identité profonde. Des rêves de lutte, parfois séquentiels, et de nombreuses réflexions sur les comportements passés sont à prévoir chez le diéteur, ainsi qu’une grande irritabilité et parfois, de l’agressivité.

Enseignements : Renforcement du corps et de la volonté menant vers une meilleure estime de soi et une plus forte capacité de décision. L’Ajo Sacha est la Plante de la Vocation car elle nous apprend à discerner ce qui est approprié ou non sur notre chemin de vie. Elle connecte au monde des esprits de la terre.

Ayahuasca (Banisteriopsis caapi)

Ayahuasca

Esprit Féminin par excellence

Plante fondamentale dans la médecine traditionnelle, l’Ayahuasca est la porte vers toutes les autres plantes

Psychoactive

Posologie : Une petite tasse avant chaque cérémonie. Goût très désagréable.

Usage médicinal : Purgatif stomacal et intestinal.

Plante Maîtresse : L’Ayahuasca est l’outil de diagnostic principal des curanderos, leur force venant des diètes des autres plantes. Toute l’initiation d’un chaman dépend d’elle. Elle est incontournable dans l’apprentissage. De nature féminine, l’Abuelita possède son propre monde médicinal, sa propre sphère de guérison. Si elle est généreuse et globalement aimante, attention à ne pas faire le malin avec elle, ou bien elle vous remettra les pendules à l’heure !

Effets physiques : Vomissements, diarrhée, transe, visions.

Enseignements : Cette plante ouvre la vision lors des diètes thérapeutiques. En rééquilibrant les énergies de l’Homme et en éveillant son intuition, cette plante le connecte avec le passé et le futur, lui ouvrant la voie vers une perception nouvelle de la conscience et de l’espace-temps. C’est la clé des profondeurs de l'âme humaine, ainsi que l’interface qui permet la communication avec toutes les autres plantes, la nature, les esprits, et les autres dimensions.

L’Ayahuasca est une plante si importante dans la pratique du chamanisme amazonien qu’elle nécessite une page de présentation pour elle toute seule. Vous pouvez consulter La FAQ Ayahuasca qui répond aux 23 questions les plus courantes à son sujet.

Ayahuma (Couroupita guyanensis)

Ayahuma

Plante des Chants

Famille des Palos (arbres)

Posologie : Un verre chaque soir, soit d’une décoction d’écorce de l’arbre, soit du fruit réduit en pulpe dont on exprime le jus au travers d’un linge.

Usage médicinal : L’Ayahuma est anti-inflammatoire et c’est un antalgique musculaire. Cet arbre très puissant est aussi utilisé pour nettoyer des énergies négatives. On se baigne avec son fruit réduit en pulpe mélangé à de l’eau.

Plante Maîtresse : L’Ayahuma est utilisée lors de l’initiation des chamans afin d’acquérir des protections (arcanas) en vue de pratiquer la guérison. Elle ouvre au monde de l’Ayahuasca, éveille les visions, et permet de recevoir la lumière. Cette plante contient les deux énergies, positives et négatives, à égalité. Pour un apprentissage avec elle, un minimum de trois mois à un an est requis. Mais elle peut aussi être diétée par les Occidentaux qui ne souhaitent pas devenir curanderos. Attention, il s’agit davantage d’une plante de pouvoir que de guérison, elle n’est donc pas pour tout le monde. Seuls les plus déterminés peuvent s’engager avec elle, pour une diète d’un mois minimum.

Effets physiques : Légère nausée après l’avoir bue, sommeil profond et rêves vivaces, douceur de la peau après s’être baigné avec son fruit (héhé). Donne de la force et de l’énergie.

Effets psychiques : Tension, irritabilité, sensibilité accrue à l’énergie des autres (bonne ou mauvaise). Aide à la concentration et renforce énormément la détermination, ce qui peut parfois apparaitre comme de l’intransigeance ou un manque d’empathie.

Enseignement : L’Ayahuma enseigne les chants sacrés, ou icaros, aux chamans. Mais elle apprend aussi la rectitude, la droiture, et augmente la force de l’intention chez celui qui la diète, et d’une manière générale, la volonté et le pouvoir personnel. On dit que cet arbre connecte au monde des bois.

Plante toxique : Le dosage doit être très précis et scrupuleusement respecté.

Ayant diété l’Ayahuma pendant un mois, j’ai écrit un article sur mon expérience avec elle. Bien qu’étant très personnel, mon apprentissage auprès de cette plante maîtresse pourrait vous intéresser. Voici le lien vers le blogpost en question : L’Ayahuma, le Cobra et Moi.

Bobinsana (Calliandra angustifolia)

Bobinsana

Plante de l’Enracinement

Posologie : Deux verres par jour.

Usage médicinal : Cette plante guérit les rhumatismes et l’arthrite.

Plante Maîtresse : Le Bobinsana rassure et éveille la douceur des sentiments. Il favorise l'enracinement, la flexibilité dans la communication affective et la souplesse face aux défis de la vie personnelle. En ouvrant le cœur, il stimule la joie et apprend à réguler tout débordement émotionnel ou psychologique.

Effets physiques : Douleurs ostéo-musculaires diffuses, nausées. Le fonctionnement de cette plante consiste à renforcer le corps et l’esprit en les rendant plus flexibles.

Effets psychiques : Cette plante provoque de prime abord la réflexion, qui mène vers une tranquillité, une certaine douceur des sentiments. Le Bobinsana est très doué pour éliminer la dépression, tout en améliorant la souplesse de l’esprit. Il stabilise.

Enseignements : Arbuste qui vit au bord des rivières, pourvus de profondes racines qui le rendent capable de résister aux crues, son enseignement majeur est donc de renforcer notre propre enracinement et de nous apprendre à rester stable, même au sein de la tourmente. Il éveille nos propres pouvoirs de guérison.

Camalonga (Thevetia peruviana)

Camalonga

Plante Amulette

Posologie : Deux verres par jour de graines préparées dans un macérât d'eau avec colorant, exposé au soleil.

Usage médicinal : La Camalonga rééquilibre le système nerveux en le purifiant. Elle nettoie les imprégnations négatives.

Plante Maîtresse : Cette plante ôte la noirceur et l’obscurité intérieure, tout en apportant le calme et la tranquillité. Elle contient les deux énergies, lumière et obscurité, à égalité. Lors de l’apprentissage, la Camalonga favorise l’ouverture des visions afin que le curandero puisse poser son diagnostic et trouver le remède adéquat pour son patient. Sa petite particularité est qu’elle ne se prend jamais seule en diète. Il s’agit d’une plante très fragile, très sensible, ce qui fait que quand elle est prise seule, son énergie disparait facilement. Mais si on l’associe à une autre plante, les deux se mélangent et potentialisent mutuellement leurs effets, ce qui la rend moins volatile.

Effets physiques : Affaiblissement général, céphalées, amertume dans la bouche.

Effets psychiques : Grâce à la Camalonga, l'activité des rêves et le désir de travailler augmentent. En ciblant les déséquilibres, elle nettoie au niveau spirituel aussi bien qu’énergétique.

Chai (Tuna puntia)

Chai

Plante du Voyageur Spirituel

Usage médicinal : Ce cactus sert pour l’extraction des tumeurs et abcès, soigne les ulcères et les migraines, et permet aussi la réduction des fractures.

Plante Maîtresse : Le Chai est utile pour entrer en contact avec le monde de l’eau, de l’air et de la terre. Il est idéal pour la découverte des mondes spirituels et apporte sa protection.

Chiric Sanango (Brunfelsia grandiflora)

Chiric Sanango

Plante des Froids

Posologie : Un verre tous les deux jours le matin, se baigner après la prise et plusieurs fois dans la journée pour contrôler l’effet (très puissant).

Usage médicinal : Cette plante nettoie et renforce l’organisme. Elle soutient tout le système locomoteur (tendons, muscles, os) et agit sur tous les endroits douloureux. Pour les pêcheurs qui sortent de nuit sur le fleuve par exemple, il aide à éviter l’humidité dans les os. Elle est prescrite pour les rhumatismes, l’arthrite et les dermatoses. C’est un anti-inflammatoire général et un antigrippal.

Plante Maîtresse : Le Chiric Sanango restaure la confiance en soi, débarrasse des peurs, de la timidité et de la froideur affective, et rétablit l'équilibre masculin/féminin. C'est la plante de l'audace, de la sortie de l’égocentrisme et de l'ouverture pour aller vers l'extérieur, vers les autres, vers son destin. Elle rend flexible à tous les niveaux. 

Effets physiques : Cette plante provoque une sensation de froid initiale intense, accompagnée de frissons (chiri-chiri en quechua), d’une faiblesse généralisée et de multiples douleurs. On ressent aussi des fourmis dans les lèvres et les extrémités. Puis, dans un second temps, c’est la fièvre et la nausée qui prennent le dessus.

Effets psychiques : Le Chiric Sanango engendre des rêves très forts dans lesquels nos peurs se révèlent. C’est sa façon à lui de nous libérer de nos angoisses secrètes afin de nous ouvrir à la vie. Une fois ce processus accompli, on rencontre un grand renforcement dans notre ancrage.

Enseignements : En jetant dehors le froid (physique et émotionnel), la timidité et la peur, cette plante nous renforce d’une façon totale et nous rend apte à retourner dans le monde avec un appétit féroce pour la vie.

Plante toxique : Tout comme le Toé, le Chiric Sanango fait partie des Solanacées et contient de la scopolamine. Le dosage doit donc être très précis et scrupuleusement respecté, risque d’overdose ou de mort !

Chuchuwasi (Maytenus macrocarpa)

Chuchuwasi

Plante de la Force et de la Structure

Famille des Palos (arbres)

Posologie : Deux verres par jour, se baigner plusieurs fois dans la journée.

Usage médicinal : Guérit les problèmes du système reproducteur (infertilité, impuissance, etc.).

Plante Maîtresse : Le Chuchuwasi agit sur les problèmes d’ordre transgénérationnel en purifiant les transmissions et filiations familiales.

Effets physiques : Cette plante fait naître le mal-être, qui s’accompagne de douleurs diffuses. Son effet principal est d’agir sur le système ostéo-musculaire, dans le but de corriger les mauvaises postures.

Effets psychiques : On acquiert plus de force et de vigueur. Aphrodisiaque.

Enseignements : Le Chuchuwasi redresse, corrige, tonifie, nous enseigne la rectitude et restaure notre centre. Il nous endurcit et nous tonifie d’une manière très profonde. Comme beaucoup d’arbres, il éveille l’énergie masculine.

Chullachaki Caspi (Brysonima christianeae)

Chullachaqui caspi, l’arbre de l’esprit Chullachaqui

Plante Trickster à l’esprit double, mâle et femelle

Famille des Palos (arbres)

Posologie : Un verre de la décoction de son écorce chaque soir.

Plante Maîtresse : Le Chullachaki Caspi est un arbre très particulier, car il est le refuge d’un esprit (et de sa femme) considéré comme le roi de la forêt et le maître des animaux, à la fois craint et admiré par les indigènes de toute l’Amérique latine : le fameux Chullachaki ! Si nombreux sont ceux qui s’accordent sur son apparence étrange, celle d’un nain aux oreilles pointues et dont l’un des pieds est tourné dans le mauvais sens (afin d’égarer les chasseurs ayant négligé de le consulter en les induisant en erreur avec des traces de pas allant des deux côtés), il est aussi capable de prendre différentes formes : celle d’un proche ou d’un animal, par exemple. Il surgit souvent par surprise, et sa brusque apparition peut rendre malade, fou, ou encore amoureux… Il possède des jardins de plantes médicinales, contrôle la météo et peut même provoquer des tempêtes s’il est contrarié. Cependant, c’est un allié de taille pour celui qui sait le diéter, car il permet à celui qui apprend à ses côtés d’être bien accueilli dans le monde sylvestre en l’introduisant dans les mystères de la forêt amazonienne. Il attire aussi l’amitié, et favorise l’ouverture spirituelle.

Effets psychiques : En tant que Trickster de l’Amazonie, le Chullachaki à sa façon propre de mettre à l’épreuve celui qui le diète. Sa méthode d’enseignement conjugue sagesse et farce, et il peut aussi bien nous aider que nous tromper, ce qui rend sa diète difficile… Un sentiment de confusion, de trouble et d’égarement accompagne souvent l’apprentissage auprès de lui. Il engendre des complications dans la vie du diéteur, avant de l’aider à parvenir à leur résolution. D’autre part, il aime s’incarner dans son disciple (toujours par surprise !).

Enseignements : Cet arbre apprend à converser avec les esprits de la nature et les animaux, et permet de passer “derrière le voile des apparences”.

Coca (Erythroxylum coca)

Coca

Plante de l’Équilibre Yin/Yang

Esprit exactement au centre du spectre sexuel

Posologie : Deux verres par jour.

Usage médicinal : La Coca soigne les infections de tout type, clarifie le mental et restaure l’énergie physique et psychique. Tonique, elle apaise les douleurs physiques et émotionnelles et permet aux blessures de guérir.

Plante Maîtresse : Cette plante ouvre une connexion au monde astral et au monde des esprits, qui l’utilisent lors des opérations chirurgicales. En apportant de le centrage, elle permet de se concentrer et d’ordonner la pensée conceptuelle. En tant que plante neutre, elle participe au réalignement psychique tout en rétablissant l’équilibre masculin/féminin. Elle stimule aussi la production onirique. On peut l’associer à une autre plante pour moduler son effet, le diminuer ou l’augmenter.

Lupuna (Ceiba pentandra)

Lupuna, plante maîtresse amazonienne

Plante des Eaux

Famille des Palos (arbres)

C’est l’un des arbres les plus hauts d’Amazonie, vénéré dans toute l’Amérique latine

Posologie : Deux verres par jour d’une décoction de l’écorce.

Usage médicinal : On utilise les graines, les feuilles et la résine de la Lupuna pour guérir la fièvre, l’asthme, la diarrhée, la dysenterie et les problèmes rénaux. L’infusion de son écorce s’emploie aussi pour le traitement du cancer et des maladies inflammatoires.

Plante Maîtresse : La Lupuna est la grande gardienne de la forêt. Dans la tradition chamanique, faire une diète avec elle est une épreuve d’initiation, qui confirme la volonté, la force et la droiture de l’apprenti s’il la réussit, assurant qu’il est prêt à suivre la voie de la medicina. Si sa vocation n’est pas authentique, la Lupuna peut lui enlever la vie. On raconte aussi qu’elle cache, à la base triangulaire de son énorme tronc, un portail dimensionnel visible sous les effets de l’Ayahuasca, qui communique avec le monde spirituel. Il est aussi dit que cet arbre possède une voix qui mugit quand le vent s’introduit dans les cavités de son tronc. La Lupuna est une protectrice, elle veille sur les autres plantes, les animaux et les Hommes de l’Amazonie. Du fait de sa hauteur et de sa connexion avec le ciel, faire une diète avec elle ouvre au monde cosmique et au savoir du monde d’en haut. Mais elle est avant tout liée au monde de l’eau, car elle pousse à proximité des rivières, et est de ce fait alliée avec les esprits subaquatiques tels que la Yacumama, serpent-mère du royaume de l’eau, les dauphins, les sirènes, et les yacurunas, le peuple de l’eau.
Il est à noter qu’il existe deux types de Lupuna, la blanca (blanche) et la colorada (noire). La Lupuna Blanca cache en son cœur une guérisseuse, tandis que la Lupuna Colorada renferme une sorcière, qui se venge notamment sur les femmes qui viendraient uriner sur ses racines en leur provoquant une infection urinaire !

Effets physiques : Légères nausées, céphalées.

Enseignements : Comme ses immenses racines qui creusent le sol de la forêt, comme son tronc énorme où résonne l’écho du vent, et comme ses gigantesques branches qui caressent le ciel, diéter la Lupuna revient à se connecter d’une façon totale et complète au Vivant, en favorisant à la fois l’ancrage, le cœur, et le cosmique. Cette diète ouvre à des niveaux de conscience élevés, à des expériences mystiques, mais obtenir le savoir de cette plante implique de s’engager véritablement dans la protection de la jungle.

Marosa (Calathea allouia)

Marosa

Plante du Cœur

Usage médicinal : La Marosa se montre utile pour favoriser la fertilité féminine. On peut aussi en faire des bains de feuilles pour éveiller l’amour.

Plante Maîtresse : Plante rattachée au monde de l’eau, la Marosa travaille sur les blessures sentimentales et émotionnelles, les traumatismes, en nettoyant les mémoires anciennes, même celles en lien avec la généalogie. Grande aide pour les personnes dépressives, elle ouvre le monde de l’amour comme une mère et ouvre le mental, la conscience et le cœur, tout en soignant ses peines. La Marosa emplit le diéteur de joie et lui donne confiance en soi, tout en le rendant plus à l’écoute de son ressenti corporel. Elle développe aussi la part féminine dans le chant.

Mucura (Petiveria alliacea)

Mucura

Plante de Protection

Posologie : Un verre le soir d’une décoction de la racine.

Usage médicinal : La Mucura fait partie des rares plantes de la pharmacopée amazonienne qu’on dit “bonne pour tout”, une véritable panacée. Antibactérienne, antivirale, antifongique, anti-inflammatoire, vermifuge, immunostimulante, analgésique, diurétique et abortive, elle est aussi très douée pour faire baisser le taux de sucre dans le sang. De plus, elle contient des composés actifs contre certains types de cancers. En usage externe, la Mucura est efficace contre la gale et les tiques.

Plante Maîtresse : Cette plante rend plus réceptif, plus ouvert aux énergies d’autres plantes auxquelles elle est associée, permettant à celles-ci de mieux entrer, de mieux travailler. De plus, elle est salvatrice pour les gens infestés par de mauvais esprits. C’est même la plante numéro un pour se défaire et se protéger de la sorcellerie. C’est une plante de protection, qui brûle les mauvaises énergies grâce au nettoyage qu’elle provoque.

Effets physiques : A haute dose, la Mucura provoque de l’insomnie et devient visionnaire. Conjuguée à l’Ayahuasca, elle engendre une double ivresse, très forte, qui peut durer jusqu’à douze heures !

Effets psychiques : Elle aide à combattre la dépression et l’anxiété, et améliore la mémoire.

Enseignements : La Mucura est une petite plante avec beaucoup de sagesse qui offre au diéteur tout ce qu’elle peut. Elle nous aide à retrouver notre clarté mentale, nous protège de la jalousie des autres, active notre volonté et booste notre envie d’apporter les changements nécessaires à notre vie.

Numan Rao

Numan Rao

Plante de l’Amour

Posologie : Deux verres par jour d’une infusion à froid.

Plante Maîtresse : La Numan Rao calme grâce à la lumière qu’elle fait naître dans l’âme de celui qui la diète. De nature féminine, cette plante ouvre à l’amour de soi et des autres, et favorise l’acceptation.

Effets physiques : Rien à signaler !

Effets psychiques : Cette plante apporte la paix et l’harmonie psychique et énergétique à celui qui la diète, ainsi qu’une sensation d’harmonie, de rééquilibrage physique. Elle travaille tout en douceur et est souvent donnée à diéter aux novices.

Enseignements : En renforçant la confiance en soi et en l’avenir, la Numan Rao fait disparaitre l’appréhension envers le futur et favorise l’investissement dans la vie au présent. Elle apprend à travailler sur ses croyances et fait prendre conscience au diéteur du pouvoir créateur de son intention. D’autre part, elle engendre des visions cosmiques lors des cérémonies d’Ayahuasca.

Ojé (Ficus insipida)

Ojé

Plante du Sevrage Toxicologique

Famille des Palos

Posologie : Une seule micro dose de résine et ensuite un mois au lit, avec une diète stricte, un seau pour faire ses besoin et interdiction de se lever. Contrevenir à ces impératifs signifie jaunisse, gonflement, mort.

Usage médicinal : L’Ojé est un arbre médicinal puissant et redoutable, utilisé contre les parasites intestinaux, le sida ou l’anémie chez les enfants. Il entre aussi en action dans le traitement des addictions. On l’associe souvent au Tabac et à l’Azusena, plante vomitive, pour la désintoxication. Il est antidiarrhéerique, anti-inflammatoire, antihémorroïdal et antiseptique.

Plante Maîtresse : Cette plante apporte beaucoup de lumière grâce à sa médecine très forte et enseigne comment guérir les addictions. Sa sève permet l’acquisition de forces curatives en diète d’apprentissage.

Palos

Palos

Plantes de la Structure et de la Verticalité

Conglomérat de différentes plantes médicinales et maîtresses : Renaco (Ficus citrifolia), Killuwiki (Chrysochlamys ulei Clusiaceae), Kamé (Clusia alt. lineata Clusiaceae), Bobinsana (Calliandra angustifolia), Chuchuwasi (Maytenus macrocarpa), Bolaquiro (Potueria Ucuqui), Quilluhuiqui (Reedhia acuminata), Cocobolo (Schinopsis peruana), Acerohuasca (Paullinia sp.), Bachufa (Cordia alliodora)

Particularité : La préparation du mélange Palos consiste en l'utilisation de la tige, de l'écorce, des feuilles et/ou des racines de différentes plantes, cuites dans de l’eau ou simplement macérées.

Posologie : De nombreux verres par jour, pouvant aller jusqu’à plusieurs litres.

Effets physiques : Le remède Palos provoque une chaleur générale chez celui qui le consomme, liée à une nette augmentation de la libido. On ressent aussi des douleurs ostéo-musculaires généralisées, ainsi que des maux de tête.

Effets psychiques : Ce cocktail de plantes engendre des rêves au contenu érotique, telle une affirmation de la virilité. La volonté se fortifie, on a le sentiment de retrouver le sens de la vie et de savoir comment la manœuvrer. Auto-affirmation, sentiment de sécurité et de force physique sont les effets psychiques les plus courants. Les diéteurs rêvent souvent qu’ils sont en train de manier des véhicules puissants, certains avec sécurité, d’autres au contraire avec une perte de contrôle, qui constitue dans ce cas le signal d’avertissement d’un déséquilibre à corriger.

Enseignements : Le Palos enseigne l’indépendance et augmente la confiance en soi, éveille la conscience de sa propre force. Il est très lié à la masculinité. Il donne de la structure et aide à savoir se défendre au niveau physique, mental et spirituel. En réveillant la volonté, il ouvre à la prise de position face à la vie. D’une manière générale, il apporte donc force masculine, verticalité et enracinement.

Piñon Blanco (Jatropha Curcas L.)

Piñon Blanco

Plante de la Lumière

Usage médicinal : Cette plante recèle beaucoup de propriétés utiles pour de nombreuses affections, physiques et psychiques. Elle renforce le corps, l’esprit et l’âme, et est efficace pour traiter problèmes de fertilité chez la femme. Elle soigne aussi les douleurs gastro-intestinales, les rhumatismes, la gingivite, l’herpès et les infections buccales.

Plante Maîtresse : Le Piñon Blanco pratique l’ouverture vers le monde de la lumière. Il est souvent prescrit au tout début du traitement, afin d’effectuer un récurage total. Il contient peu, voire pas d’obscurité, et est donc utilisé pour apporter l’amour et la paix chez celui qui en a besoin.

Piñon Colorado (Jatropha gossypiifolia)

Piñon Colorado

Plante des Rêves

Usage médicinal : Cette plante traite aussi bien les infections internes qu’externes, et traditionnellement, le patient reçoit un traitement avec elle à base de bains de vapeur et de cataplasmes avant d’entrer en diète. Elle peut aussi être prise comme purgatif intestinal. Elle est anti-inflammatoire et antiseptique, et ses feuilles et ses graines sont utilisées comme laxatif et contre les douleurs gastro-intestinales. Le Piñon Colorado a la réputation d’éloigner les mauvais esprits et de les dissuader d’entrer dans les habitations, c’est pourquoi il est courant d’en voir tout autour des maisons dans les villages indigènes. De plus, on utilise sa sève comme cicatrisant pour le nombril des nouveaux-nés, afin que le bébé soit connecté au monde de la médecine dès son arrivée sur Terre.

Plante Maîtresse : Le Piñon Colorado ouvre la dimension des rêves, et possède les deux mondes dans un équilibre fragile entre celui de la lumière et celui de l’ombre. Le diéteur devra faire un choix entre eux, et être très vigilant. Cette plante est donc plus difficile à utiliser pour l’enseignement que le Piñon Blanco.

Enseignements : Cette plante transmet des connaissances de tous les niveaux : air, terre, eau. L’acquisition de son savoir est fréquemment considéré comme incontournable dans l’apprentissage des pratiques de guérison liés aux maux d’ordre spirituel ou à la sorcellerie.

Tabaco (Nicotinia rustica / N. tabacum)

Tabaco

Esprit Masculin par excellence

Psychoactive

Posologie : Cette plante peut être employée pour réaliser une purge avant les cérémonies d’Ayahuasca, et dans ce cas un verre de macérat concentré de mapacho est bu, accompagné ensuite de plusieurs litres d’eau, en vue d’être vomi de fond en comble ; et elle peut aussi être diétée en tant que plante enseignante, et dans ce cas, un petit verre de décoction ou de macérât sera pris deux par jour.

Usage médicinal : Le Tabac est antidysentrique et antispasmodique. Il permet un nettoyage en profondeur des addictions diverses et est utilisé pour la protection.

Plante Maîtresse : Dans l’apprentissage, cette plante est un esprit très fort, et certains chamans nommés Tabaqueros se spécialisent dans son usage. Tout comme l’Ayahuasca, le Tabac est indissociable de la pratique de l’art du guérisseur, car il est le véhicule de son énergie. Le chaman s’en sert pour chanter et mobiliser ses intentions, et les transmettre en le soufflant sur ses patients. Le Tabac agit comme un protecteur, tout en augmentant les effets des autres plantes.

Effets physiques : Cette plante provoque suées, maux de tête, très fortes nausée, insomnie. Au début de la diète, le Tabac rend la personne si faible qu’elle peut à peine se tenir droite.

Effets psychiques : Au commencement de la diète, le Tabac engendre une confusion mentale extrême, renforcée par l’insomnie. Mais dans un second temps, l’esprit se clarifie et l’activité onirique augmente considérablement, avec des rêves fréquemment reliés aux éléments aériens, comme la sensation de vol, de vitesse, de légèreté.

Enseignements : En tant qu’esprit masculin par excellence, le Tabac éveille les vertus masculines de l’âme, c’est-à-dire l’ancrage, la force physique, la structure, la droiture, la verticalité, la clarté mentale et la capacité de se projeter vers l’extérieur.

Le Tabac est un esprit si important qu’il mérite une exploration bien plus approfondie. Je vous invite donc à consulter cet article : A propos de la pratique des Tabaqueros, sur le site de Takiwasi, ou bien encore à regarder cette interview du docteur Jacques Mabit, directeur de Takiwasi : Entretien avec Jacques Mabit sur le Tabac.

Et puisque j’ai moi-même diété le Tabac, voici le récit de ma rencontre avec cet esprit terriblement puissant.

Toé (Brugmansia / datura spp., Ipomoea carnea)

Toe

Racine de toutes les Plantes

Psychoactive

Posologie : Au début de la diète, un petit verre par jour, puis on augmente petit à petit la dose jusqu’à deux verres pleins par jour, en fin de matinée et d’après-midi. Il en va de même pour la concentration de la décoction : on commence avec une fleur, puis on en ajoute peu à peu, jusqu’à atteindre quatre fleurs à la fin de la diète. On fait pareil avec les feuilles.

Usage médicinal : Cette plante permet une réparation rapide des os en cas de fracture et soigne les douleurs et les abcès. On l’utilise également pour préparer des parfums.

Plante Maîtresse : Très puissant, le Toé ouvre les visions et enseigne la médecine. Mais il est à réserver aux personnes extrêmement motivées, et déjà bien avancées dans le monde chamanique. Il se diète sur une longue durée, entre six mois et un an. Le Toé peut révéler les secrets de la nature, mais entre violemment en conflit avec l’ego. C’est une plante très difficile, dotée d’un monde obscur important, qui peut se retourner contre le diéteur sans que celui-ci ne s’en aperçoive. Elle est donc très exigeante, c’est la plus dure à diéter. En cas de non-respect de la diète de Toé, un grave accident psychologique est à craindre.

Effets physiques : Le Toé entraîne une paralysie partielle des membres et de la bouche, et perturbe la vision durant sa diète. Il devient difficile de lire les petits caractères par exemple. D’autre part, il endommage la mémoire à court terme, et cause une certaine fatigue.

Effets psychiques : En raison de sa concentration en scopolamine, cette plante cause une sévère altération de la psyché. Le diéteur passe la journée à croire qu’il discute avec des gens qui ne sont en réalité pas là, alors qu’il a du mal à s’exprimer auprès de ceux qui sont présents pour de vrai. Il nage en pleine confusion temporelle et spatiale. C’est pourquoi il doit impérativement être surveillé par le chaman ou un ami tout le long de sa diète. Ses propos et son comportement semblent incohérents (bien que selon son point de vue il n’y ait aucun problème !). Le Toé peut aussi avoir un aspect visionnaire et favoriser les rêves, mais il sera difficile pour celui qui le diète de s’en rappeler, puisque sa mémoire ne fonctionne pas très bien.

Enseignements : Le Toé est une plante de pouvoir, et non de guérison, c’est pourquoi seuls les plus aguerris peuvent tenter de le diéter. Son action majeure est d’engendrer une sorte de reset de la conscience, grâce à son action sur la mémoire, comme si le diéteur pouvait mettre à jour une nouvelle programmation de son esprit, débarrassé des anciens schémas délétères. Il est aussi question de savoir manipuler le pouvoir, dans le sens où celui qui sera parvenu au bout de cet apprentissage très difficile saura ensuite se protéger de toute intrusion de forces qu’il n’a pas choisi de recevoir (comme la mauvaise énergie des autres par exemple, sorte de vampirisme émotionnel).

Plante toxique : Cette plante peut détériorer la vision à jamais et être mortelle si la dose absorbée est trop importante.

Uchu Sanango (Tabernaemontana sananho)

Uchu Sanango

Plante du Futur

Posologie : Un verre tous les deux jours, le matin. Se baigner brièvement plusieurs fois par jour pour contrôler l’effet.

Effets physiques : L’Ushu Sanango entraîne une sensation initiale de chaleur, des nausées, un affaiblissement général, des vomissements et diarrhées occasionnels. Ces effets sont très marqués. Il provoque aussi une excitation sexuelle.

Effets psychiques : Cette plante est très douée pour réduire la mentalisation. Elle tonifie, réaffirme la volonté de celui qui la consomme. Elle permet de rectifier ses erreurs de jugements, et incite à faire des plans concrets pour le futur. On éprouve aussi une sensation d’élimination des idées négatives (purification par le feu). D’autre part, elle rend très irritable et réveille violemment la libido.

Enseignements : L’Ushu Sanango enseigne la droiture, la rectitude dans les actes, en facilitant la prise de décision, à un niveau très concret. Elle nous montre comment être plus exécutif, plus rigoureux, afin de choisir son futur d’une manière volontaire et déterminée.

Ushpawasha Sanango (Tabernaemontana undulata)

Ushpawasha Sanango

Plante de la Mémoire du Cœur

Posologie : Deux verres par jour. Saveur de pourri, d’eau croupie.

Effets physiques : Cette plante entraîne une somnolence et une légère nausée.

Effets psychiques : L’Ushpawasha Sanango augmente l’activité onirique et mémorielle. Elle offre une perception amplifiée de la nature, frisant même l’hypersensibilité. D’autre part, elle provoque un déchargement affectif, c’est-à-dire qu’elle fait rire et pleurer.

Enseignements : En favorisant l’expression et la métabolisation des souvenirs d’importance affective enfouis, cette plante offre une réelle catharsis, ainsi qu’une aide précieuse pour la balance émotionnelle. Elle libère des blocages grâce aux prises de conscience concernant l’enfance, les images parentales, et même sa propre ontogenèse. D’une manière générale, elle harmonise au niveau émotionnel.


POUR ALLER PLUS LOIN…

Borderline : Une série littéraire sur la medicina

Travis, un jeune hors-la-loi en deuil de sa jumelle, part diéter l’Ayahuasca et les Plantes Maîtresses dans la jungle. Mais il réalise qu’il ne pourra se soigner que s’il accepte de plonger au plus profond de ses ombres...

Engagé corps et âme dans une diète de guérison version hardcore, le processus est loin d'être aussi facile que ce qu’il avait imaginé… car l’unique voie de sortie est d’affronter son pire ennemi : lui-même !

ET ENCORE PLUS LOIN !



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Chamanisme, FAQ Zoë Hababou Chamanisme, FAQ Zoë Hababou

FAQ AYAHUASCA : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir (sans jamais oser demander)

L’Ayahuasca fascine. Et elle fait peur aussi. On entend beaucoup de choses à son sujet, et c’est loin d’être évident de démêler le vrai du faux quand soi-même on ne l’a jamais rencontrée. Entre les gros titres scandaleux et putaclic d’internet et les illuminés d’Instagram en mode secte, comment faire la différence entre info et intox ? Suite à un sondage effectué auprès de mon réseau, et riche de mon expérience personnelle et de mes nombreuses recherches sur le sujet, je te propose ici une Foire aux Questions sur l’Ayahuasca.

L’Ayahuasca fascine. Et elle fait peur aussi.

On entend beaucoup de choses à son sujet, et c’est loin d’être évident de démêler le vrai du faux quand soi-même on ne l’a jamais rencontrée. Entre les gros titres scandaleux et putaclic d’internet et les illuminés d’Instagram en mode secte, comment faire la différence entre info et intox ?

Riche de mon expérience personnelle et de mes nombreuses recherches sur le sujet, je te propose ici une Foire aux Questions sur l’Ayahuasca. Juste histoire d’être sûr que je te raconte pas n’importe quoi, sache que j’ai plus de 100 cérémonies d’Ayahuasca à mon actif.

Voici la liste des 23 questions fréquentes sur l’Ayahuasca auxquelles je vais répondre le plus simplement et le plus honnêtement possible dans cet article :

  1. L’Ayahuasca, c’est quoi ?

  2. L’Ayahuasca est-elle une drogue ?

  3. Des gens sont-ils morts d'avoir pris de l’Ayahuasca ? Est-ce dangereux ? Y a-t-il des séquelles sur le long terme ? 

  4. Est-ce que l’Ayahuasca est pour moi ? A t-elle le pouvoir de guérir mes maux ?

  5. Quelles sont les contre-indications à la consommation d’Ayahuasca ?

  6. Comment fonctionne l’Ayahuasca ?

  7. Comment trouver un bon chaman ? Vaut-il mieux pratiquer l’Ayahuasca avec un indigène ou avec un Occidental ?

  8. Que signifie “poser une intention” ? Qu’est-ce que je dois demander à l’Ayahuasca ?

  9. On dit que boire l’Ayahuasca pour la première fois, c’est comme mourir…

  10. L’Ayahuasca, ça fait quoi ?

  11. C’est quoi exactement la transe et les visions ?

  12. Que faire si j’ai trop peur de mes visions d’Ayahuasca et que j’arrive pas à gérer ?

  13. Est-ce que je vais devenir fou ?

  14. Est-ce que je vais gerber et avoir la diarrhée ?

  15. Y a-t'il un risque que je ne revienne pas d’une cérémonie d’Ayahuasca ?

  16. Comment le chaman guérit-il ?

  17. Pourquoi me souffle t-il dessus ?

  18. Pourquoi le chaman aspire t-il sur une partie de mon corps en faisant des bruits dégueux ?

  19. Quel est ce parfum dont-il m’asperge ?

  20. Pourquoi le chaman ne veut pas m’expliquer ce que j’ai vécu avec l’Ayahuasca ?

  21. Est-ce que la prise d’Ayahuasca risque d’accentuer mon traumatisme ? Les problèmes trouvent-ils leur solution dans la prise ?

  22. Est-ce que l’Ayahuasca va complètement me faire changer ?

  23. Une diète d’Ayahuasca, c’est quoi ? 

En appendice, j’ai réalisé un lexique qui regroupe tout le vocabulaire autour de l’ayahuasca présent dans cet article. Je t’invite à le consulter régulièrement au fil de ta lecture pour bien saisir les termes employés ici.

Foire aux Questions sur l’Ayahuasca : Guide à l’usage du Débutant

Prendre de l’ayahuasca, c’est pénétrer dans un monde où la conscience découvre son propre pouvoir de guérison.

AVANT LA PRISE

1 - L’AYAHUASCA, C’EST QUOI ?

L’ayahuasca est une décoction à base de lianes d’ayahuasca et de feuilles de chacuruna.

L’idée est de faire très simple, donc je ne vais pas partir dans l’analyse biochimique de l’Ayahuasca. Tout ce que tu as besoin de savoir, c’est que c’est un breuvage constitué de lianes d'Ayahuasca (qui induisent la transe) et de feuilles de Chacruna (qui provoquent les visions grâce à la DMT).

D’autres plantes peuvent entrer dans sa composition, et il est à noter qu’il existe plusieurs variétés d’Ayahuasca qui ne provoquent pas exactement les mêmes effets (c’est minime, cela dit, mais par exemple l’Ayahuasca Cielo est réputée pour favoriser les visions cosmiques).

Cependant, la base, c’est ça.

2 - L’AYAHUASCA EST-ELLE UNE DROGUE ?

Définition de drogue : substance dont les effets psychotropes suscitent des sensations apparentées au plaisir, incitant à un usage répétitif qui conduit à instaurer la permanence de cet effet et à prévenir les troubles psychiques (dépendance psychique) voire même physiques (dépendance physique) survenant à l’arrêt de cette consommation, qui, de ce fait, s’est muée en besoin.

Définition de psychotrope : qui agit, qui donne une direction (trope) à l’esprit ou au comportement (psycho). On appelle “psychotrope” une substance chimique, d'origine naturelle ou artificielle, qui est susceptible de modifier l’activité mentale, sans préjuger du type de cette modification.

L’Ayahuasca n’est ni toxique ni addictive, et en prendre n’est pas toujours une partie de plaisir, c’est même plus souvent un acte de courage. C’est vrai, c’est un puissant psychotrope.

Jan Kounen, cinéaste-ayahuasquero, dans Carnets de Voyages Intérieurs.

J’ajouterais que l’Ayahuasca entre parfaitement dans la définition de “thérapie psychédélique”, c’est-à-dire une psychothérapie utilisant les psychotropes pour traiter certains troubles mentaux.

Et pour couronner le tout, c’est un moyen diablement efficace de se débarrasser des addictions, même les pires, comme celle à l’héroïne. En témoigne le Centre Takiwasi basé à Tarapoto au Pérou, qui se dévoue principalement au traitement des toxicomanes, et dont le taux de réussite des cures de désintoxication est infiniment supérieur à celui de nos cliniques occidentales.

3 - DES GENS SONT-ILS MORTS D’AVOIR PRIS DE L’AYAHUASCA ? EST-CE DANGEREUX ? Y A-T-IL DES SÉQUELLES SUR LE LONG TERME ?

Une liane d’ayahuasca coupée. Voyez comme le cœur de la liane ressemble à une fleur. On en fait souvent des bijoux.

Pour commencer, l’Ayahuasca ne cause aucun dommage physique, qu’il s’agisse de lésions neurologiques, cérébrales ou artérielles, par exemple.

La DMT, principe actif du breuvage Ayahuasca, est une molécule naturelle, déjà présente dans le corps humain.

Elle est produite par la glande pinéale, minuscule organe en forme de pomme de pin niché en plein cœur du cerveau.

Si elle reste étonnement mystérieuse malgré les nombreuses études qu’elle suscite, il est établi que cette glande pourvoyeuse de DMT est à l’origine des rêves et des expériences spirituelles, et qu’elle délivre des doses massives de cette substance au moment de la mort et même plusieurs heures après.

Selon certains théoriciens, l’activation de la glande pinéale et la prise de DMT via les substances psychotropes par les premiers peuples seraient à l’origine de la religion et de la croyance généralisée en l’au-delà.

A quoi sert vraiment la DMT ? Difficile à dire, mais je pencherais pour l’hypothèse d’une porte vers la transcendance planquée en plein centre de nous-mêmes…

Ensuite, la dose létale d’Ayahuasca est évaluée à sept litres d’une décoction normalement dosée. Donc même si t’as pris un breuvage un peu plus concentré, avec la toute petite tasse que t’as bue, y a strictement aucune chance au monde pour que ça te tue.

Faut absolument pas croire ce qui est dit sur le net, genre les gros titres racoleurs sur lesquels on tombe malheureusement quand on tape “Ayahuasca” dans Google. Ayahuasca, la drogue qui tue chaque année des centaines d'Occidentaux ! Putain, ça me fout en rogne ces conneries ! Ma réponse est non, l’Ayahuasca n’est pas dangereuse, même pas au niveau psychologique, bien au contraire… J’y reviendrai un peu plus loin.

Pour conclure, le seul bémol que je mettrais à ça, c’est que les morts dont on entend causer ne sont pas décédés en pleine cérémonie, mais après, dans des circonstances extrêmement troubles dont on n’aura jamais le fin mot de l’histoire. Les journalistes se jettent dessus pour torcher leur papier, évidemment.

D’autre part, parfois, le touriste, c’est pas de l’Ayahuasca qu’il boit, ou alors, de l’Ayahuasca à laquelle auront été ajoutées d’autres plantes, comme le diabolique Toé (plus d’info sur lui dans le Répertoire des Plantes Maîtresses), qui peut être mortel ! Parce qu’il a mal choisi son chaman, que c’est peut-être même pas un chaman du tout qu’il a en face de lui. Et là, ouais, ça craint. Et c’est foutrement dangereux.

On va voir plus loin comment trouver un vrai guérisseur.

4 - EST-CE QUE L’AYAHUASCA EST POUR MOI ? A T-ELLE LE POUVOIR DE GUÉRIR MES MAUX ?

Le désir de prendre de l’Ayahuasca naît souvent d’un appel instinctif, qui n’a rien de particulièrement rationnel. Étant quelqu’un qui respecte l’intuition et croit aux synchronicités, il est évident que selon moi, c’est l’Ayahuasca qui te trouve, et non l’inverse. Sous cette optique, la question ne se pose donc pas.

Cependant, il est tout de même préférable d’essayer d’être honnête envers soi-même et d’analyser un brin son désir. Je vais être claire : si tu penses que l’Ayahuasca est le nouveau trip du siècle, une sorte de saut en parachute spirituel qu’il faut absolument avoir testé avant de crever, bah tu sais quoi, va chier.

L’Ayahuasca, c’est pas une drogue. L’Ayahuasca, c’est une médecine qui mérite tout ton respect.

Et si t’es dans ce cas-là, dis-toi bien que c’est à cause des gens comme toi que les dérives actuelles liées à cette pratique sont en train de dévorer sur pied l’âme du chamanisme et des indigènes qui vont avec, au point de transformer cet outil thérapeutique millénaire en vulgaire récréation instagramable de gamins pourris gâtés, et les indigènes en morfales assoiffés de pognon qui prennent le risque de planter le cerveau des débiles qu’ont eu le malheur de leur fait confiance. Voilà, c’est dit.

Mais je parie que tu fais pas partie de ces gens-là.

Si tu sens que t’es attiré, mais que tu te dis que ça te fait trop peur, il faut que tu comprennes que c’est justement pour ça que tu devrais y aller. Tu sais pourquoi t’as peur ? Ouais, parce que tu vas perdre le contrôle, mais y s’agit pas que de ça.

La vérité, c’est qu’inconsciemment, tu sais qu’il s’agit de te rencontrer toi-même. Et que cette rencontre risque de bouleverser ta vie entière.

Oui, l’Ayahuasca a le pouvoir de guérir tes maux. Mais le pire, c’est qu’elle va même guérir ceux dont tu soupçonnais pas l’existence.

5 - QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS A LA CONSOMMATION D’AYAHUASCA ?

Cardiaque ? Oublie.

Traitement à base de médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères) ? Laisse tomber.

Schizophrène ? Vraiment désolée, mais c'est pas conseillé…

Tendances paranoïaques ou psychotiques ? Non plus.

6 - COMMENT FONCTIONNE L’AYAHUASCA ?

Il faut différencier l’usage traditionnel de l’usage moderne.

Traditionnellement, les indigènes consultent le chaman de leur communauté pour un problème d’ordre physique, psychologique ou spirituel, et le chaman est le seul à prendre l’Ayahuasca afin de lire son patient, de l'ausculter grâce à ses visions au cours d’une cérémonie. L’Ayahuasca est son instrument de diagnostic. Une fois le problème trouvé, soit le guérisseur soigne son patient directement en cérémonie, par le biais de techniques telles que la soplada ou la chupada, soit il lui prescrit une diète de plante médicinale ou maîtresse à faire.

Du côté moderne, c’est-à-dire principalement les Occidentaux qui se dirigent vers l’Amazonie pour faire l’expérience de la chose, le but est un peu différent. Il s’agit plutôt ici d’une quête spirituelle. Alors certes, certains ont des traumatismes qu’ils souhaitent régler, mais ce n’est pas la majorité des cas. Les Occidentaux consomment eux-mêmes l’Ayahuasca, et non plus simplement le chaman, et s’engagent souvent pour diéter durant plusieurs semaines.

7 - COMMENT TROUVER UN BON CHAMAN ? VAUT-IL MIEUX PRATIQUER L’AYAHUASCA AVEC UN INDIGÈNE OU AVEC UN OCCIDENTAL ?

Un chaman Shipibo habillé avec sa kushma, tenue cérémonielle.

Il y a plusieurs manières de trouver un chaman. De nos jours, on peut facilement réserver une cérémonie d’Ayahuasca ou une diète de plante maîtresse depuis chez soi en surfant sur le net, mais sans pour autant avoir la certitude qu’on aura affaire à quelqu’un de sérieux. En cherchant au Pérou par exemple, aux alentours de Pisac, Iquitos ou Pucallpa, il y a pléthore de retraites chamaniques ou de guérisseurs individuels, sans parler des centres spécifiques comme Takiwasi.

D’autre part, tu dois rester conscient que ce genre de démarche favorise aussi le risque de se trouver embringué dans un “Ayahuasca Tour”, qui, s’il ne te met pas en danger, n’est pas forcément l’expérience que tu recherches. A toi de voir comment tu le sens, et ce qui te rassure. Personnellement, c’est pas du tout pour moi. Pour avoir visité ce genre d’endroit où des Gringos illuminés vantent à tout va les bienfaits de leur “spiritualité”, et pour avoir goûté à des expériences bien plus authentiques, ce n’est pas la méthode que je préconise.

Il y a une époque où je recommandais aux gens de se rendre directement sur place au Pérou et de faire confiance au destin et au bouche à oreille pour dégoter son chaman. Cette époque est définitivement révolue.

Ne serait-ce qu’à Iquitos, il y a 3 centres en particulier qui présentent un risque majeur pour les personnes. Ces centres sont sur le net, dans les premières pages de Google. Sorcellerie, viol, et lavage de cerveau.

Je ne peux pas révéler leurs noms ici, mais crois-moi quand je te dis qu’il faut vraiment se montrer prudent avec ça, parce que les dommages d’un séjour dans ces endroits peuvent être vraiment graves pour toi.

A présent, le seul moyen sûr de trouver un bon chaman, c’est avec une recommandation de quelqu’un qui s’y connait. Point barre.

Mes consultations sont d’ailleurs là pour ça.

Après, pour ce qui est de choisir entre un chaman indigène et un chaman occidental, ma réponse est stricte : un indigène.

Certes, je n’ai connu qu’une seule expérience avec un chaman blanc, un homme très connu et très respecté de surcroît, qui avait le mérite de ne pas se prétendre guérisseur, mais dont le but était simplement d’offrir aux gens la possibilité de boire de l’Ayahuasca dans un lieu très beau, plein de bonne énergie… Mais voilà. Pour moi, ce n’est pas ça, l’Ayahuasca. Peu importe le décor, peu importe la sono canon et les jolies chansons à la guitare dans une maloca ultra clean et super stylée pourvue de chiottes super confortables. Peu importe l’apparat.

Avouons que certains chamans occidentaux ont tout de même suivi une vraie initiation, à base de diète dans la jungle et compagnie, mais je refuse d’admettre que leurs connaissances puissent égaler celle d’un indigène qui, pardonne-moi l’expression, a ça dans le sang. Sans parler des pseudo-chamans qui ne sont là que pour le fric qu’ils peuvent se faire sur le dos des Gringos naïfs et surtout, effrayés de se confronter au vrai truc. Oui, c’est rassurant d’être entre Blancs dans un cadre tout joli et sécurisé, mais soyons cash : je conchie ce délire.

C’est pas que je pense que le truc doive absolument se vivre à la dure pour être authentique. Les malocas dans la jungle sont finalement très accueillantes. Simplement, selon moi, ne pas chercher à s’approprier une tradition en la modifiant suffisamment pour qu’elle rentre dans nos cases d’Occidentaux est juste une forme de respect. Et je terminerais en disant qu’en cas de vrai gros bad trip (j’ai assisté à l’un d’entre eux, ça fait extrêmement peur), seul un vrai chaman sera en mesure de te ramener sur Terre.

Bref, choisis un indigène, pas trop jeune si possible, dont les vibes sont bonnes, et qu’on t’aura recommandé.

PENDANT LA PRISE

8 - QUE SIGNIFIE POSER UNE INTENTION ? QU’EST-CE QUE JE DOIS DEMANDER A L’AYAHUASCA ?

Tu dois te présenter face à l’Ayahuasca avec une intention, c’est-à-dire une requête, une question, un souhait, quelque chose que tu aimerais travailler.

Avant de boire ton verre, tu fermes les yeux, la coupe entre les mains, et tu te concentres pour t’adresser à l’esprit de la plante et lui exposer l’intention qui gouvernera la cérémonie.

Liane d’ayahuasca dans son environnement naturel, accrochée à un arbre.

Les premières fois, c’est assez simple d'identifier ce qui te taraude, ce qui te bloque, ce que tu veux voir résolu afin d’avancer dans ta vie. Tu peux aussi poser des questions moins personnelles, au sujet de l’univers, de la conscience, de l’âme ou de la mort par exemple. De mon côté, je trouve que ce sont ces questions-là les plus intéressantes, celles qui ouvrent vers des cérémonies grandioses, plutôt que les petites requêtes égocentriques et souvent stupides (tu t’en apercevras, à la longue, ou après une cérémonie justement, où la Plante t’aura montré à quel point tes préoccupations sont stériles).

Ensuite, ça devient plus dur. C’est en effet difficile de trouver des questions à poser encore et encore, surtout durant une diète où tu bois l’Ayahuasca une nuit sur deux durant plusieurs semaines.

L’idée est de te connecter de plus en plus étroitement à toi-même, de chercher à identifier les thèmes qui t’animent en profondeur, à mesure que la diète et les cérémonies les dévoilent. Tu peux aussi te servir des synchronicités que tu observes dans ta vie ou encore des rêves que tu fais pour te mettre sur la bonne piste.

Quoi qu’il en soit, ne demande jamais “rien”. Tu dois faire l’effort de te présenter à l’Abuelita avec une intention, même si t’as parfois le sentiment qu’elle répond à côté. Si tu ne demandes rien, la Plante part en freestyle et tu vas rien comprendre, et sans doute subir grave.

9 - ON DIT QUE BOIRE L’AYAHUASCA POUR LA PREMIÈRE FOIS, C’EST COMME MOURIR…

Dans le chamanisme comme dans beaucoup de rites ou pratiques spirituelles et concepts psychologiques, la mort symbolique est une étape nécessaire à l'évolution inaugurant une métamorphose qui, plus tard, mènera vers une renaissance.

Mais ce n’est pas toi qui meurs. C’est ton ego. Une partie de toi qui fonctionne selon de vieux schémas, voire des traumatismes, que l’Ayahuasca t’aide justement à dépasser.

Plusieurs expériences sont possibles pour une première prise, et d’une manière générale, tu passeras par de nombreuses phases, allant de la peur à l’extase, du mal-être à l’amour infini… Tu peux avoir beaucoup de visions, ou pas du tout.

Mais cette phrase que tous les “experts” de la Plante aiment à sortir aux novices, et qu’ils répètent en boucle comme une légende, comme une épreuve du feu, c’est de la couille en boite. Ça ne veut rien dire, parce que chacun vit le truc à sa façon, et même en supposant qu'exactement la même épreuve se présenterait devant chaque petit nouveau, ce qui est improbable, la manière dont le petit nouveau en question l’appréhendera lui est entièrement personnelle. Ce qui apparaît comme une mort pour certains n’est qu’un passage pour d'autres.

Bref, arrêtez de répéter cette putain de phrase d’un air pénétré alors que, les gars, aucun de vous n’est un expert. Laissez ça aux vrais curanderos, qui eux, ne sortiront jamais de conneries comme ça !

10 - L’AYAHUASCA, ÇA FAIT QUOI ?

Les effets de l’ayahuasca sur l’Homme. L’esprit se diffracte et la conscience explose en visions magnifiques.

Assis dans le noir dans la maloca, les yeux clos, tu viens de boire ta coupe et le chaman est silencieux en face de toi. Un brin tendu mais très concentré, attentif à ce qui se passe en toi et aux bruits de la jungle qui t'entourent, tu respires calmement. Puis, le chaman se met à siffloter. Il émet des mélodies étranges, que tu n’as jamais entendues nulle part. Et ces mélodies ont pour effet de te centrer, d’affûter ton esprit.

Tu te tiens droit. Tu es prêt. 

Alors, le guérisseur commence à entonner un icaro. Tu es désormais complètement connecté aux sons qui sortent de sa bouche. Au loin, dans le noir de ton esprit, des formes se mettent à apparaître, furtivement, insensiblement. Elles sont pour le moment difficiles à identifier. On dirait qu’elles bougent, qu’elles dansent. Elles sont… lumineuses ! Bon sang, les voilà qui s’approchent de toi, elles croissent, elles prolifèrent, se multiplient, et elles… ELLES ASSIÈGENT TON PUTAIN DE CERVEAU !

Tu es happé, envahi, étranglé par les visions, oh bordel y a plus de retour en arrière possible !

Ça te fait flipper à mort, ces conneries ! Un kaléidoscope en folie a pris possession de ta tête, ça tourne, ça brille, les fractales se diffractent, la peur et la folie te saisissent, tu vas…

Non. Redresse-toi. Respire. Connecte-toi aux icaros. Lève la tête…

Oui, c’est elle.

C’est ÇA, l’Ayahuasca. Et elle est… effrayante, d’une force stupéfiante, mais surtout… d’une beauté fabuleuse.

Tu vis en elle désormais, laisse-la vivre et s’exprimer en toi. Regarde comme elle déploie son incroyable pouvoir, son imprenable beauté à l'intérieur de toi…

Tu as cessé de penser, de réfléchir. Tu es prisonnier de la pure contemplation. C’est une extase que t’as jamais connue. C’est bon, c’est si bon… Mais… Oh attend, ça tourne pas rond là-dedans. Tu te sens lourd, d’un coup. Plombé. Les visions te filent le tournis. Ça s'accélère. C’est atroce ! Il faut que s’arrête, mon Dieu, ayez pitié ! Et ce putain de chaman qui débite ses chants comme un forcené ! Tu vas…

Putain, tu chopes ta bassine et déverses des litres et des litres de dégueuli dedans, comme si tu venais de boire un tonneau entier, alors que la coupe était toute petite.

Raaah, ça fait du bien, ça te soulage, c’est presque avec joie que tu expulses toute cette merde hors de ton corps, et tu râles presque de plaisir…

Les visions sont toujours effroyablement présentes dans ton cerveau, mais… Voilà. T’as tout dégobillé. T’essuies la gerbe sur les bords de ta bouche, souffles un grand coup et relèves la tête. Et tu entends le chaman se marrer au loin. Enfoiré…

Vision de serpents typique de la transe de l’ayahuasca. Ils ressemblent à des joyaux et forme une rosace.

Tu passes à une autre phase du voyage…

Les visions sont moins organiques, moins furieuses, moins physiques. Un monde éthéré, lumineux, s’ouvre désormais en toi. Et tu… tu commences à comprendre des choses. Sans penser, sans les décrire dans ton esprit. Tu les comprends avec ton ventre, avec ton cœur. Avec une partie de toi qui t’étais jusqu’alors inconnue. Un sixième sens ? Une sorte… d'intelligence émotionnelle ou sensitive ?

Ta conscience semble avoir atteint un nouveau niveau. Mais tu perds pas de temps à philosopher. Tu profites juste de cette incroyable ouverture.

Et puis sans savoir comment, voilà que ça repart en bad, des pensées sinistres t’envahissent, un mal-être t’assaille, tu te sens inconfortable avec toi-même, avec… ton mental, ou alors ton ego, peut-être. Tu te remets à gerber, mais ça sort pas aussi bien que la première fois. Tu luttes. Tu suffoques. Et puis, tandis que t’es la gueule dans ta bassine, agrippé à elle comme un perdu, tu crois sentir le chaman se lever. Venir au-dessus de toi. 

Il chante pour toi.

Oui, tu le sens, il t’aide à traverser cette horrible phase. Tu te relies aux icaros de toutes tes forces, reconnaissant, éperdu de reconnaissance même, envers le curandero. Tes visions s'apaisent. Et voilà qu’il remue sa chacapa imprégnée de parfum au-dessus de toi, il appuie sur ta tête, souffle dans tes mains, aspire à certains endroits de ton corps comme pour en extraire le mal.

Heureusement qu’il était là… 

Tu peux maintenant t’allonger et profiter du reste du voyage, caressé par de jolies visions, promené dans le monde de la Plante par les chants. Tu te sens rené. Né à nouveau, quoi. Tu te sens pur. 

Et le lendemain, tu brilles d’une incroyable énergie. 

Ça décoiffe, pas vrai ? Mais il arrive aussi qu’il n’y ait que la transe et pas de visions. Ou alors pas d’effet du tout. C’est fréquent pour un novice, et dans ce cas, après avoir attendu une heure, on peut dire au chaman qu’on ne sent rien et qu’on désire une autre tasse.

Pour info, la transe dure en général entre quatre et cinq heures.

11 - C’EST QUOI EXACTEMENT LA TRANSE ET LES VISIONS ?

Vision d’animaux durant une session d’ayahuasca. Il est fréquent de voir des formes holographiques qui se fondent les unes dans les autres. Parfois l’âme de la jungle s’exprime en toi.

La transe est un état de conscience modifié assez difficile à décrire... Quelque chose d’hypnotique. Assis sur le sol dans le noir, les yeux fermés, tu es concentré sur ce qui se déroule à l’intérieur de toi, tout en étant connecté aux icaros du chaman. A la fois très réceptif et dans le laisser-aller, cet état favorise l’émergence des visions.

Les visions commencent souvent par des images fractales en 3D qui prennent place en plein centre de ta tête. Très colorées, lumineuses et en mouvement, elles sont sans cesse en pleine métamorphose. Les chants du chaman les font muter, changer de couleurs. Parfois elles se transforment en figures animales, anthropomorphiques ou encore architecturales ou célestes. Mais le truc surprenant, c’est que ces figures souvent abstraites instillent en toi un message….

Si tu veux avoir un vrai aperçu d’une cérémonie d’Ayahuasca, regarde cette vidéo réalisée par Jan Kounen qui simule à merveille cette incroyable expérience, accompagnée de mes commentaires :

Il y a différentes sortes de visions, que Jan Kounen (encore lui) classifie ainsi :

  • Vision de l’imaginaire, qui ressemble au rêve.

  • Vision de ton propre monde, qui ressemble au souvenir.

  • Vision pure, c’est-à-dire vision du monde des esprits, de la mythologie et du cosmos.

Il y aussi deux grandes catégories selon lui :

Voici un kéné, tissu brodé de motifs propres à l’art shipibo qui représentent un langage. On voit aussi ces formes géométriques durant les cérémonies, au sein des visions.

Visions intérieures :

  • Tu vois les fameux kené en 3D, c’est l’énergie de la Plante que le chant organise en motifs. Les visions d’animaux comme le serpent en font aussi partie, tout comme les tunnels et les cathédrales.

  • Visions anthropomorphiques : tu vois le monde des esprits, qui t’apparaissent sous forme quasi humaine car l’Ayahuasca se sert de ton langage pour se faire comprendre.

  • Les mondes mythiques, les mondes humains des visions spirituelles (voir le Christ ou Shiva par exemple), mondes spirituels non terrestres (oui oui, on parle bien d’extraterrestres).

    Visions extérieures :

  • Tu vois le guérisseur entouré d’esprits, un serpent sortir de sa bouche pour se nicher dans un patient, tu vois ses chants, son visage recouvert de motifs.

12 - QUE FAIRE SI J’AI TROP PEUR DE MES VISIONS D’AYAHUASCA ET QUE J’ARRIVE PAS A GÉRER ?

Respire. Ne reste pas allongé, ça donne de la force aux visions. Assied-toi bien droit, rectifie ta posture. Interrompt le train de tes pensées en te reconnectant à ton corps, en touchant ton ventre par exemple. Ce sont les pensées qui te racontent que c’est dur, que ça fait peur, que c’est violent.

Mais tu n’es pas tes pensées. Tu n’es pas ton mental.

Sois fier comme un guerrier, décide d’affronter. Cette posture physique et cette attitude psychologique vont t’aider à sortir de la boucle. Et montre-toi humble surtout, ne lutte pas, accepte, épouse ce que la Plante te montre. Vomis un bon coup.

Le chaman va venir t’aider, ne t’en fais pas. Il décide souvent de te laisser un peu subir le truc, croupir dans ton jus, pour que tu t’imprègnes de la medicina et apprennes à te renforcer, à faire face, à regarder vraiment ce qui se trame en toi. Mais il finira par venir t’aider, et tu peux même l’appeler si tu as trop peur de ce que tu vis.

Accroche-toi à ses icaros. Connecte-toi de toutes tes forces à eux. Sers t'en comme d’une corde nouée autour de ta taille, qui te tire hors du puits de toi-même et te guide pour traverser le flot de tes peurs.

Ta peur, c’est toi. C’est pas l’Ayahuasca. 

13 - EST-CE QUE JE VAIS DEVENIR FOU ?

Nan, tu vas pas devenir fou. Mais l’extrême lucidité dont ton esprit va faire preuve pourra par moment s’apparenter à la folie.

14 - EST-CE QUE JE VAIS GERBER ET AVOIR LA DIARRHÉE ?

L’ayahuasca est prête à être consommée ! Après une longue cuisson et divers filtrages, il reste un liquide un peu sirupeux au goût nauséabond. Une toute petite tasse suffit pour une transe qui dure plusieurs heures.

Oh que oui, et plutôt deux fois qu’une ! Si cette médecine s’appelle aussi la purga, la purge, c’est pas pour rien !

Ce processus d’évacuation fait entièrement partie du traitement.

Durant la transe, l’esprit est complètement relié au corps, ce qui fait que lorsque tu traverses quelque chose - émotions, sentiments, souvenirs, souffrance psychique - que tu as besoin d’évacuer, dont il te faut te défaire pour avancer et guérir, évoluer, eh bien, c’est par le corps que ça va se passer.

Les indigènes n’ont absolument pas honte de ça, et ils en rigolent même. Tu verras que toi aussi tu vomiras et t'esquiveras pour aller chier sans vergogne, avec l’habitude.

Le truc, c’est qu’il ne faut pas lutter. Plus tu repousses le moment de vomir, plus tu vas stagner dans ton mal-être.

15 - Y A-T-IL UN RISQUE QUE JE NE REVIENNE PAS D’UNE CÉRÉMONIE D’AYAHUASCA ?

Peu importe la difficulté de ce que tu vis, tu dois garder en tête que c’est pour ton bien, que tu dois faire face sans peur, parce que la Plante ne fait que te donner ce dont tu as besoin, qu’elle n’est pas sadique, et qu’elle ne te montre que ce que tu es capable de supporter. On revient toujours d’une cérémonie d’Ayahuasca. Se dire que “ça va passer” peut donc faire office de mantra dans les moments difficiles.

De plus, le chaman est là pour t’aider. Quand tu te sens prisonnier d’une boucle vicieuse, il le sait et vient auprès de toi, chante pour toi, souffle et aspire et t'inonde de parfum, pour te guider, calmer ta transe, et t’aider à traverser.

Mais il faut impérativement être accompagné d’un bon chaman pour ça. 

16 - COMMENT LE CHAMAN GUÉRIT-IL ?

Le chaman utilise l’énergie du Tabac et des plantes qu’il a diétées, portée par les icaros qu’elles lui ont appris, pour nettoyer le corps et l’esprit du patient.

Grâce à l’Ayahuasca, qui lui offre une sorte de vision aux rayons X, le corps du patient apparaît au curandero un peu comme une cartographie du ciel.

La peau devient transparente, avec le squelette, les veines et les organes visibles. Et l’énergie qui circule dedans aussi. En l’occurrence, les constellations représentent des nœuds, des blocages d’énergie qu’il doit s’efforcer de détendre, de démêler, de fluidifier, en se servant de ses icaros et de son Tabac, mais aussi de son parfum et de sa chacapa. 

En fonction du type de problème, le chaman chante l’icaro de l’esprit de la plante qui convient pour appeler la guérison. Tout son pouvoir est en réalité dans les plantes, celles qu’il a diétées et dont il a incorporé l’esprit. C’est grâce aux chants qu’il peut agir, avant toute chose. Les icaros que les plantes lui ont appris.

Durant son initiation, l’apprenti-guérisseur diète une plante maîtresse, c’est-à-dire une plante qui enseigne. Ce qu’elle lui apprend, c’est une façon de voir, de guérir. Elle le fait au travers de ses rêves, de ce que nous on appelle des hallucinations, ou bien en lui enseignant des chants de pouvoir, ou encore à travers un certain type de pensée du monde ordinaire.

L’idée, c’est qu’il devienne ami avec elle, pour qu’elle lui apporte son aide dans sa pratique. Pour ça, il doit incorporer son essence. Et son essence, son esprit si tu veux, c’est comme une mélodie, c’est pour ça que ses icaros, il les tient des plantes.

Et plus un chaman a diété de plantes, plus il possède d’esprits qui l’aident, plus il a de pouvoir, et plus il a de chants.

Tu comprends ?

17 - POURQUOI ME SOUFFLE T-IL DESSUS ?

Une maloca, hutte circulaire dans laquelle se déroulent les séances d’ayahuasca. Constituée de bois et d’un toit de palme, elle n’a pas de murs, mais une moustiquaire en fait le tour. On ressent vraiment la jungle de cette façon.

Le souffle du chaman, imprégné de fumée de mapacho, véhicule son intention et son énergie de guérison. Le souffle, c’est tout le pouvoir du chaman. Par ses chants, ses soufflements, ses sifflements, il te transmet son énergie et celle des plantes enseignantes qui sont ses alliées pour te permettre de réaligner la tienne.

18 - POURQUOI LE CHAMAN ASPIRE T-IL SUR UNE PARTIE DE MON CORPS EN FAISANT DES BRUITS DÉGUEUX ?

Ceci est l’opposé de ce qui précède. Quand un chaman pose sa bouche sur une partie de ton corps et aspire, il tire hors de toi des énergies néfastes, maladies, pensées, traumatismes. Il te nettoie. Toute la médecine de l’Ayahuasca est une manière de se nettoyer.

Si ensuite il recrache ce qu’il a sorti de toi en vomissant à sec, c’est pour ne pas conserver cette chose néfaste en lui. Pourtant, malheureusement, il en garde toujours une partie, et doit régulièrement aller voir ses vieux maestros pour se nettoyer à son tour…

19 - QUEL EST CE PARFUM DONT-IL M’ASPERGE ?

Simple Agua Florida achetée au marché ou eau florale artisanale préparée par ses soins, le parfum est très utile au chaman, qui y a souvent recours.

Il s’agit de l’essence des plantes, et donc d’un véhicule olfactif de leur esprit et de leurs pouvoirs.

Puisque toute cette médecine s’articule autour d’elles, il est normal que leur odeur soit utilisée aussi en cérémonie. Le chaman te proposera souvent de t’en asperger avant la cérémonie, puis il t’en glissera dans la paume après un passage particulièrement difficile en pleine cérémonie, en appliquera sur ta tête, et t’en soufflera même dessus, parfois sans que tu t’y attendes, afin de t’aider à traverser une phase délicate de la session ou bien pour colmater les canaux encore ouverts dont il a retiré tes mauvaises énergies.

APRÈS LA PRISE

20 - POURQUOI LE CHAMAN NE VEUT PAS M’EXPLIQUER CE QUE J’AI VÉCU AVEC L’AYAHUASCA ?

Les indigènes ne fonctionnent pas comme les Blancs à ce sujet. Alors que les néo-chamans occidentaux incitent les participants d’une cérémonie à revenir oralement sur ce qu’ils ont vécu pour le partager avec les autres et l’expliciter pour eux-mêmes, les indigènes, et notamment les Shipibo, ne croient pas aux vertus de la parole.

Pour eux, ça s’apparente à ramener une expérience transcendante, qui se passe de mots donc, dans les filets de l’ego et du rationalisme. Une erreur de paradigme donc, qu’ils se refusent à commettre.

Les chamans indigènes pensent que les cérémonies se suffisent à elles-mêmes. Que si tu veux d’autres réponses, t’as qu’à attendre la cérémonie suivante pour demander directement à la Plante.

En gros, ils ne font pas de lavage de cerveau, et s'effacent pour que ton rapport avec l’Ayahuasca soit le plus pur possible, comme un langage secret qui n’existe qu’entre elle et toi.

21 - EST-CE QUE LA PRISE D’AYAHUASCA RISQUE D’ACCENTUER MON TRAUMATISME ? LES PROBLÈMES TROUVENT-ILS LEUR SOLUTION DANS LA PRISE ?

Oui, je crois qu’on peut dire ça. Parce que ça fonctionne comme un catalyseur, et aussi une catharsis.

En fait, l’Ayahuasca va se saisir de ce qui cloche et te le mettre sous le nez. Tu vas souvent devoir te confronter, encore et encore, aux choses néfastes qui squattent à l’intérieur de toi, et dont t’arrives pas à te débarrasser d’une façon rationnelle, en faisant usage de ton intelligence. Mais accentuer le traumatisme n’est qu’une première phase. L’idée est que tu le vois enfin pour ce qu’il est, que tu t’en rendes conscient plutôt que de le laisser secréter son venin en sourdine, en le refoulant, en le niant, mais en le laissant finalement vivre en toi à ton insu.

C’est ainsi que fonctionne la medicina. Elle amplifie les troubles et les amène devant la conscience afin qu’ils apparaissent sous leur jour véritable.

Mais ce n’est qu’une étape. Si ton traumatisme est accentué au début de la cérémonie ou dans les premiers temps de ta diète, tu peux être certain qu’à la fin de la nuit ou de la semaine, il aura trouvé sa solution, ou du moins, une piste très sérieuse pour apprendre à vivre avec, si ce n’est t’en débarrasser.

La véritable guérison s’accompagne fréquemment de beaucoup de souffrances et de sacrifices.

Regarder les choses en face, voire même faire resurgir des souvenirs oubliés, s’y confronter, les accepter, pardonner, et puis laisser partir, dire adieu à ce qu’on était, les schémas et habitudes selon lesquels on se définissait, pour changer, grandir, évoluer…

Tout ça, c’est du lourd, et c’est loin d’être facile. L’Ayahuasca t’impose une remise en question totale de ta personnalité, mais aussi de tous les concepts dont t’as été biberonné depuis ton enfance, qu’il s’agisse de la nature de la conscience ou des “valeurs” qu’on t’a inculquées.

L’idée majeure qui supplante tout ça, en réalité, c’est d’être en mesure d’établir une vraie distinction entre le vrai toi et ton mental. Entre ton identité réelle et ton ego.

Je dirais pas que c’est une solution miracle, car il y a un vrai travail à effectuer après, pour intégrer les enseignements. Mais l’Ayahuasca montre la voie.

22 - EST-CE QUE L’AYAHUASCA VA COMPLÈTEMENT ME FAIRE CHANGER ?

La prise d’ayahuasca entraîne des bouleversements très profonds sur l’âme de celui qui s’y livre. Sa conscience lui apparaît comme universelle, et son ego se ratatine. Mais il est difficile de mettre en œuvre les leçons apprises durant les cérémonies

J’aimerais répondre oui. On lit beaucoup de témoignages de personnes qui ont soi-disant découvert le sens de leur vie grâce à l’Ayahuasca, après une simple prise, lors d’une première cérémonie isolée. Je dis pas, ça doit exister, mais c’est loin d’être la majorité des cas. J’ai personnellement pris beaucoup d’Ayahuasca, et bu avec d’autres, novices ou confirmés, de toute origine.

La vérité, c’est que non, ils n’étaient pas transformés du jour au lendemain. Et moi non plus.

On aimerait que ce soit plus magique que ça, hein ? Ben non.

Comme pour quasiment tout dans la vie, il y a un travail à fournir, des efforts à engager, pour comprendre et mettre en application ce que la Plante t’a révélé, pour véritablement l’incorporer et en faire une partie de toi, quelque chose d’opérant, un vrai changement.

De plus, j’ajouterais que le savoir révélé lors de la transe à tendance à se faire flou quand on est de retour dans la réalité ordinaire, comme s’il était enfermé à triple tour dans une zone de ta conscience à laquelle t’as accès qu’en étant en mareado. C’est loin d’être facile de retrouver la clé, sans parler de mettre ces enseignements en pratique.

Pour aller plus loin et explorer les bouleversements que l’Ayahuasca provoque en toi, tu peux lire Le Voyage du Héros version Ayahuasca.

23 - UNE DIÈTE D’AYAHUASCA, C’EST QUOI ?

Voici un tumbo, petite cabane très sommaire en pleine jungle dans laquelle s’isole celui qui se livre à une diète d’ayahuasca. L’isolement et un régime alimentaire strict sont gage de la réussite de la diète.

Pour faire simple, une diète d’Ayahuasca, c’est prendre l’Ayahuasca une nuit sur deux sur une période allant de quelques jours à plusieurs semaines. La diète comporte de nombreuses règles : isolement dans un tambo, restrictions alimentaires (pas de sel, pas de sucre, pas de graisse, pas de viande), pas de sexe…

Mais de nos jours, c’est plutôt vers la diète de plantes maîtresses (durant laquelle on fait généralement deux cérémonies d’Ayahuasca par semaine) que les Occidentaux se tournent. Si cette question t’intéresse, je t’invite à consulter le premier article du Dossier Special Diète de Plantes.

Et si tu veux avoir un véritable aperçu de ce que représente une diète, je t’invite à te rendre à cet article qui réunit toutes les sessions d’Ayahuasca que j’ai faites au cours d’une diète de trois mois au Pérou.

Pour conclure, j’aimerais citer l’excellent article : Ayahuasca : l’importance du cadre et de l’intention lors de prise de psychédéliques du site Cairn.info, qui explore des aspects plus avancés de la consommation d’Ayahuasca que je n’ai pas traités ici, tel que les religions modernes autour de la Plante, l’A(rt)yahuasca, ou encore la prise sauvage du breuvage, ainsi que les questions législatives qui l’entourent.

Bon, je pense qu’on a fait le tour ! J’espère que cet article aura répondu aux questions principales que tu te posais au sujet de l’Ayahuasca.


POUR ALLER PLUS LOIN…

Borderline : Une série littéraire sur l’ayahuasca

Travis, un jeune hors-la-loi en deuil de sa jumelle, part diéter l’Ayahuasca dans la jungle. Mais il réalise qu’il ne pourra se soigner que s’il accepte de plonger au plus profond de ses ombres...

Engagé corps et âme dans une diète de Plantes Maîtresses version hardcore, le processus est loin d'être aussi facile que ce qu’il avait imaginé… car l’unique voie de sortie est d’affronter son pire ennemi : lui-même !

ET ENCORE PLUS LOIN !

Comprendre la Medicina des Plantes

Rendre l’Être Humain à la Nature

Le Voyage du Héros version Ayahuasca

Le Top 20 des Livres à emmener en diète de plantes

Alchimie et Chamanisme


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Lexique du Chamanisme

Qu’est-ce qu’un icaro ? Que signifie vraiment le mot chaman ? Qu’est-ce qu’une maloca, qu’est-ce qu’un esprit ? Et bon Dieu, qu’est-ce que c’est que cette histoire de réalité ordinaire et non-ordinaire ? L’idée m’est venue qu’il serait temps de mettre à votre disposition une sorte de petit glossaire regroupant tous les termes fréquemment employés dans le monde du chamanisme en général, et dans celui de l’ayahuasca et des Shipibo en particulier…

Qu’est-ce qu’un icaro ? Que signifie vraiment le mot chaman ? Qu’est-ce qu’une maloca, qu’est-ce qu’un esprit ? Et bon Dieu, qu’est-ce que c’est que cette histoire de réalité ordinaire et non-ordinaire ?

L’idée m’est venue qu’il serait temps de mettre à votre disposition une sorte de petit glossaire regroupant tous les termes fréquemment employés dans le monde du chamanisme en général, et dans celui de l’Ayahuasca et des Shipibo en particulier…

Classés par ordre alphabétique, les mots usuels sur lesquels vous ne cessez de tomber au fil de vos incursions mais dont la définition vous échappe toujours, sont ici expliqués d’une façon simple et limpide.

Vous allez enfin apprendre à maîtriser le vocabulaire propre au chamanisme.

Mais attention, ce ne sont pas des définitions de dictionnaire basiques trouvées sur Wikipédia. Riche de ma propre expérience dans le domaine, c’est en vertu de mes connaissances personnelles que ces termes sont présentés.

Le but est de mettre à votre portée des concepts qui peuvent de prime abord sembler obtus, alors qu’il n’en est rien quand on sait les mettre en lumière sans fioritures.

N’hésitez pas à venir fouiner sur cette page de temps à autre, elle sera régulièrement mise à jour en fonction de mes recherches et de vos questions.

Bonus : Le Magnifique Répertoire Illustré des Plantes Maîtresses est désormais disponible.

Les termes courants du Chamanisme expliqués aux Débutants

Le vieux grimoire qui renferme tous les secrets de l’ayahuasca. Ici se trouvent des définitions simples et accessibles du monde chamanique.


  • Abuelita : petit nom affectueux pour désigner l’Ayahuasca qui signifie Grand-Mère. Très utilisé par les indigènes.

  • Animal de pouvoir : esprit allié d’un Homme, pourvoyeur de force et de santé, qui peut aussi lui servir de guide. Le chaman peut aller le chercher pour un patient lors d’une cérémonie (dans ce cas, il choisira l’animal en fonction des besoins spécifiques de son patient. En effet, chaque animal possède des qualités propres, qui seront ou non nécessaires pour guérir le patient), ou alors l’Homme lui-même, durant un voyage chamanique. Mais bien souvent, l’animal de pouvoir se présente de lui-même.

  • Arcanas : la pose d’arcanas (protections ou défenses) consiste soit en une imposition des mains sur le front et le dessus de la tête du patient, soit en sopladas, soit en l’usage de la chacapa sur sa tête, son dos et ses épaules, accompagné d’icaros. Cette opération a lieu systématiquement à la fin d’une diète de plantes, afin de fermer le corps énergétique du diéteur et d’y fixer la vitalité des plantes, tout en empêchant les mauvaises entités d’y pénétrer à nouveau. Mais elle peut aussi être réalisée à la fin d’une cérémonie où un gros travail de nettoyage aura été effectué.

  • Ayahuasca : désigne la liane qui pousse en Amazonie, mais aussi la boisson psychotrope qu’on prépare avec cette liane mélangée aux feuilles de Chacruna. Les lianes d’Ayahuasca ont pour effet d’induire la transe.

  • Ayahuasquero, ayahuasquera : guérisseur qui consomme rituellement l’Ayahuasca pour acquérir de la connaissance et soigner sa communauté.

  • Bain de plantes : infusion à froid de plantes médicinales (maîtresses ou non), avec laquelle le patient doit se laver durant sa diète, dans le but de s’imprégner de l’essence de ces plantes. Ces bains remplissent plusieurs fonctions : nettoyer le corps énergétique, protéger de l’intrusion d’entités néfastes, rééquilibrer le psychisme…

  • Brujo, bruja, brujeria : sorcier, sorcière, sorcellerie. Chaman qui utilise ses connaissances et son pouvoir pour nuire à autrui, selon des visées propres ou parce qu’un client lui en a fait la demande.

  • Chacapa : hochet en feuilles séchées, souvent fait avec celles du palmier Yarina, dont le chaman se sert pour soigner son patient.

  • Chacruna : buisson à feuilles poussant en Amazonie, contenant la DMT, molécule naturelle qui provoque les visions. Ces feuilles sont mélangées aux lianes d’Ayahuasca pour produire la potion nommée Ayahuasca.

  • Chaman : à la fois sage, guérisseur, thérapeute, conseiller, voyant et parfois aussi sorcier, le chaman est un médiateur entre les Hommes et les esprits, capable de naviguer dans la réalité non-ordinaire et d’en ramener des informations qu’il partage avec sa communauté. Dans le monde de l’Ayahuasca, le chaman est un homme ou une femme qui a incorporé l’esprit ou l’essence des plantes qu’il a diétées lors de son initiation, et qui peut donc utiliser leur pouvoir pour guérir les autres et les guider.

  • Chupada : (succion, extraction) consiste en l’application de la bouche du guérisseur sur une partie du corps du patient, dont il va aspirer les mauvaises énergies, avant de les vomir, littéralement ou métaphoriquement (dans ce cas, le chaman vomit à sec, c’est-à-dire sans rien régurgiter, mais en faisant les bruits). Ce procédé peut prendre place durant une cérémonie ou non. Le chaman commence par avaler de la fumée de tabac afin de mobiliser son mariri et lui permettre de se matérialiser, depuis le pharynx jusqu’à l’extrémité de sa langue. Il le garde ainsi dans sa bouche et commence la chupada. Le picotement qu’il ressent lui indique que la substance commence à faire son travail. Comme un aimant ou une éponge, le mariri attire à lui et absorbe les énergies néfastes du malade. Ensuite, le chaman recrache le mariri contaminé dans lequel le mal est emprisonné, à grand renfort de raclements de gorge et vomissures à sec. L’avaler serait bien sûr éminemment dangereux, voire mortel. L’opération est souvent répétée plusieurs fois de suite, jusqu’à extraction complète du mal. Parfois, des éléments de protection tels qu’un morceau d’écorce de cannelle ou de camphre, ou de l’eau citronnée, sont pris en bouche avant toute l’opération, afin d’empêcher que le mariri intoxiqué soit avalé par erreur. Quand le mal se situe dans des zones du corps difficiles d’accès ou encore dans les parties intimes (ce qui est assez fréquent), le chaman use d’un petit tube pour aspirer. Enfin, l’opération se conclut par une soplada de Tabac afin de refermer le corps énergétique du patient.

  • Croiser sa diète, la casser ou la tordre : ne pas respecter les impératifs et les interdictions alimentaires et comportementales dictées par le chaman, ce qui engendre des interférences énergétiques dangereuses pouvant déboucher sur des désordres physiques, émotionnels, psychiques ou spirituels, parfois sans possibilité de guérison.

  • Curandero : guérisseur traditionnel d’Amérique du Sud (du verbe curar, soigner en espagnol).

  • Diète : processus de guérison ou d’apprentissage, allant de quelques jours à plusieurs mois. Isolement, diète alimentaire très stricte, interdits comportementaux, prise de plantes maîtresses sous différentes formes, cérémonies à répétition, la diète est un protocole long et fastidieux dans lequel on s’engage pour se soigner avec les plantes ou pour apprendre à soigner avec les plantes.

  • DMT : diméthyltryptamine. Substance psychotrope naturellement présente dans de nombreux organismes comme les plantes ou les êtres humains.

  • Esprit : entité du monde invisible. Il peut s’agir de plantes maîtresses, d’esprits de différentes sphères (comme celle de la medicina), ou encore d’extraterrestres ou d’animaux. Le voyage chamanique, c’est la capacité d’entrer en contact avec le monde des esprits, et des essences. Le mot “esprit” est souvent connoté négativement par les Occidentaux, comme l’esprit des revenants qui nous hantent. Ce n’est pas le cas dans le chamanisme. Bien sûr, il existe des entités néfastes, mais bien souvent, il y a plutôt une ambivalence. Par exemple, les plantes maîtresses ont deux mondes, un monde obscur et un monde lumineux. Les autres esprits aussi, comme le Chullachaki, très fameux chez les Shipibo.

  • Icaro : mélodie que chante le chaman durant les cérémonies d’Ayahuasca. Outil thérapeutique, ce chant sert à soigner et guider le patient. Ce sont les plantes maîtresses, durant les diètes, qui apprennent les icaros au chaman. Ces mélodies constituent leur essence, leur esprit, leur énergie. Selon le besoin du patient, le chaman va chanter l’icaro de la plante qui lui est nécessaire. Il y a des icaros pour ouvrir les visions, redresser l’ivresse, nettoyer, se connecter à différents mondes… Voici un icaro de Guillermo Arevalo “Kestenbetsa”, maestro de Jan Kounen.

  • Kené : motifs géométriques qu’on observe dans les visions d’Ayahuasca et dans l’art et l’artisanat shipibo, dont les femmes ont le secret. Le langage qui s’articule dans ces motifs serpentants est propre à chaque femme. On dit que c’est l’Anaconda originel Ronin qui le leur a transmis. Cependant, chaque plante possède aussi son propre motif, et les Shipibo sont capables de chanter l’icaro correspondant aux kené rien qu’en les regardant.

  • Kushma : tunique traditionnelle en coton, brodée de motifs kené, portée par le chaman durant les cérémonies.

  • Madre : autre nom de l’Ayahuasca qui signifie Mère.

  • Maestro : maître chaman, enseignant.

  • Maloca : hutte cérémonielle, souvent de forme circulaire, où se déroulent les cérémonies d’Ayahuasca.

  • Mapacho : tabac noir amazonien, qui se présente sous forme pure, à placer dans une pipe, ou alors dans des grosses cigarettes faites à la main.

  • Maraca : instrument de musique constitué d’une calebasse remplie de graines, emmanchée sur un bâton.

  • Mareacion, être mareado ou mareada : ivresse, transe de l’Ayahuasca. Être mareado signifie être sous l’emprise des effets de la Plante.

  • Mariri, ou Yachay : signifie “savoir” en quechua. Il s’agit d’une substance étrange, observable physiquement, sorte de phlegme ou de bave visqueuse que le chaman conserve en permanence dans son estomac, et qu’il peut régurgiter quand il le souhaite. Le mariri est le savoir-pouvoir matérialisé dans son corps qui va lui servir pour les opérations de chupada. Le chaman forme et entretient son mariri en avalant la fumée de Tabac, c’est-à-dire en la déglutissant jusqu’au fond de son estomac, où se trouvent ses énergies de guérison. Le mariri est donc un agglomérat d’énergies curatrices accumulées au fil du temps, dont la nature est à la fois physiologique, énergétique et spirituelle. Lorsqu’il veut le régurgiter pour une opération rituelle, il lui faut à nouveau avaler de la fumée de tabac avec vigueur, puis la roter bruyamment. Le mariri peut aussi être transmis directement du maestro à son disciple.

  • Medicina : désigne l’Ayahuasca en elle-même, mais aussi le paradigme qui englobe le monde de l’Ayahuasca, les esprits qui lui sont associés, les diètes, les plantes… Tout cela s’appelle le Monde de la Medicina ou la Sphère de la Medicina.

  • Monde d’en-bas, Monde du milieu, Monde d’en-haut : dans le chamanisme, il y a trois mondes, qui sont des plans spirituels. Celui d’en-bas, où vivent les esprits animaux, les plantes maîtresses et les anciens chamans. Celui du milieu, notre monde ordinaire, animé de luttes de pouvoir incessantes. Et celui d’en-haut, éthéré, lumineux, où se trouvent les esprits avancés, spécialisés, souvent disposés à apporter leur aide.

  • Perfume : parfum, eau florale artisanale préparée par le chaman ou achetée sur un marché (Agua Florida).

  • Plante Maîtresse, ou Plante Enseignante, Plante Sacrée : à la différence des simples plantes médicinales, dont l’esprit est considéré comme “faible”, les plantes maîtresses sont dotées d’un esprit fort et ont de ce fait la capacité de s’adresser aux diéteurs et aux chamans afin de les faire entrer dans leur monde, de leur apprendre leurs secrets, leur transmettre leur pouvoir et surtout leur enseigner à guérir, au travers d’états modifiés de conscience tels que les rêves et la maeracion. C’est par le biais de la diète initiatique (et dans une moindre mesure, de la diète de guérison) que l’Homme entre en contact avec l’esprit-mère de ces plantes, dans une relation directe passant de “corps à corps”. En Amazonie, les seuls professeurs sont les plantes, c’est PAR elles et AVEC elles que toute médecine est rendue possible. L’essence de ces plantes est apparentée à une mélodie, le fameux icaro, véhicule sonore de leurs pouvoirs thérapeutiques, c’est donc par l’entremise de l’apprentissage d’icaros que le chaman forme son arsenal d’outils curatifs en réalisant de nombreuses diètes de plantes. Ces esprits alliés lui enseignent à guérir et il fait appel à eux lors des cérémonies d’Ayahuasca pour emboîter leurs vertus directement dans le corps énergétique des patients, en chantant leur essence... Voici l’inventaire des plantes maîtresses d’Amazonie.

  • Pouvoir : pouvoir des plantes, pouvoir du chaman, pouvoir personnel. Le pouvoir des plantes, c’est leur essence, leur esprit, que le chaman incorpore afin de guérir, notamment grâce aux icaros qu’elles lui apprennent durant sa diète. Le pouvoir du chaman est à double-tranchant : il peut s’en servir pour guérir (dans ce cas il est curandero) ou pour faire le mal (il est alors brujo). Les armes de défense et d’attaque sont les mêmes. Le pouvoir personnel d’un Homme réside tout entier dans sa volonté.

  • Rapé : tabac en poudre à priser.

  • Réalité ordinaire : état de conscience basique de l’être humain, réalité de tous les jours.

  • Réalité non-ordinaire : dimension du monde et de la conscience uniquement accessible via un état de conscience modifié, que ce soit par l’usage de psychotropes ou encore via le rêve, l’hypnose, la méditation, le son des tambours…

  • Selva : jungle.

  • Soplada : (soufflement) consiste à souffler du Tabac ou du parfum, soit sur le patient, soit sur une plante, soit sur un remède de plantes. Dans le cas de la soplada d’un remède, la fumée chargée de l’intention du guérisseur (des énergies qu’il convoque et veut transmettre) active et potentialise les vertus de la plante, en augmentant ses vibrations et en appelant son esprit. Avant une cérémonie d’Ayahuasca, le patient est systématiquement protégé de l’intrusion des mauvaises énergies et des entités néfastes par la fumée de mapacho soufflée sur différentes parties de son corps, celles de grande concentration énergétique : épaules, poitrine, haut du dos, sommet de la tête, appelée couronne. Sur cette zone, le chaman use de son poing comme d’un tube pour souffler de manière forte et précise, ou bien il souffle en positionnant sa bouche directement au niveau de la fontanelle, ses mains tenant la tête du patient. Cette technique permet de faire descendre dans le corps l’énergie qui stagne au niveau du crâne. Il souffle aussi sur le bout des doigts du patient qui tient ses mains jointes comme pour une prière, et devra ensuite ramener la fumée vers son visage pour s’en oindre. Ces endroits sont très sensibles et se chargent facilement d’énergie négative, il faut donc les protéger avant d'ouvrir l’espace rituel. Lors d’une cérémonie d’Ayahuasca, la soplada met en relation les corps énergétiques du chaman et de son patient, grâce au Tabac qui les connecte. En utilisant son énergie et celle de l’esprit du Tabac, mais aussi celle de ses maestros, des plantes qu’il a diétées ou encore de ses ancêtres, le chaman charge sa pipe ou son mapacho avec ses icaros. C’est de cette manière que la fumée possèdera des qualités qui vont directement agir sur le corps énergétique du patient. A la fin de la cérémonie, le Tabac sera soufflé sur les pieds et les jambes du patient afin de refermer son corps.

  • Transe : état de conscience modifié qui permet l’accès à la réalité non-ordinaire.

  • Tambo : cabane, le plus souvent avec une structure en bois, un toit en feuilles de palme et des “murs” en moustiquaire, posée directement sur le sol en terre battue. C’est dans ce refuge en pleine jungle que l’on s’isole durant une diète.

  • Visions : images mentales en 3D provoquées par l’ingestion d’Ayahuasca. C’est la DMT contenue dans les feuilles de chacruna qui en est la cause. Il en existe de toutes sortes : abstraites, fractales, kaléidoscopiques, ou au contraire plus réalistes, comme un rêve. On peut aussi observer des figures anthropomorphiques, animales ou extraterrestres, ou bien encore des formes qui s’apparentent à l’activité biomoléculaire. A noter que ces visions n’ont rien à voir avec la quête de vision des Indiens natifs. Voici une cérémonie d’ayahuasca virtuelle réalisée par Jan Kounen, pour mieux comprendre ce que sont les visions.



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Carnet d’ayahuasca : La Récap’

Le trip s’interrompt brutalement. Peut-être qu’un jour je prendrai le temps de publier ici le récit des autres cérémonies d’ayahuasca vécues durant cette diète auprès de mon chaman shipibo. Et peut-être pas. Il y a tant de choses à dire et à écrire. Mais surtout, il y a tant de choses à VIVRE. Et ça, le fait de vivre, ça implique de lâcher l’ordinateur et les trucs du passé pour y aller à fond. Aujourd’hui je cumule près de 80 cérémonies d’ayahuasca. Et les raconter sur ce blog me semble dénué de sens. Malgré tout, je ne retirerai pas les épisodes du Carnet d’ayahuasca de ce site. Ils pourraient inspirer des personnes prêtes à se lancer dans cette voie, ou en aider d’autres à comprendre les mystères du chamanisme.

Le trip s’interrompt brutalement. Peut-être qu’un jour je prendrai le temps de publier ici le récit des autres cérémonies d’ayahuasca vécues durant cette diète auprès de mon chaman shipibo. Et peut-être pas.

Il y a tant de choses à dire et à écrire. Mais surtout, il y a tant de choses à VIVRE. Et ça, le fait de vivre, ça implique de lâcher l’ordinateur et les trucs du passé pour y aller à fond.

Aujourd’hui je cumule près de 80 cérémonies d’ayahuasca. Et les raconter sur ce blog me semble dénué de sens. Malgré tout, je ne retirerai pas les épisodes du Carnet d’ayahuasca de ce site. Ils pourraient inspirer des personnes prêtes à se lancer dans cette voie, ou en aider d’autres à comprendre les mystères du chamanisme.

Quoi qu’il en soit, faite bon voyage. Dans ce monde-ci ou dans l’autre…

 

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Carnet d’ayahuasca #16 : Seizième Cérémonie

Comme beaucoup de chamans, Wish prépare son ayahuasca une fois l’an, ce qui lui permet d’avoir des réserves suffisantes pour tenir dans les montagnes andines où il vit la majorité du temps, sans avoir à revenir dans la jungle. Ce séjour ici à San Francisco avec moi était l’occasion de se mettre à l’ouvrage, il a donc fallu aller chercher du bois pour pouvoir cuisiner (ouais, comme dans Breaking Bad) une semaine durant.

version blanche

Virée en pirogue, cargaison de bois et préparation de l’ayahuasca

Virée en pirogue en pleine Amazonie pour aller chercher du bois afin de préparer l’ayahuasca.

Comme beaucoup de chamans, Wish prépare son ayahuasca une fois l’an, ce qui lui permet d’avoir des réserves suffisantes pour tenir dans les montagnes andines où il vit la majorité du temps, sans avoir à revenir dans la jungle. Ce séjour ici à San Francisco avec moi était l’occasion de se mettre à l’ouvrage, il a donc fallu aller chercher du bois pour pouvoir cuisiner (ouais, comme dans Breaking Bad) une semaine durant.

La préparation de l’ayahuasca, cuisson des lianes et des feuilles de chacuruna.

La préparation de l’ayahuasca (mélange de lianes d’ayahuasca et de feuilles de chacruna) nécessite des tonnes de bois, parce que la marmite doit bouillir des heures et des heures à feu extrêmement vif, et qu’on enchaîne les marmites, évidemment, jour après jour.

Vu le nombre de clients qu’a Wish, il lui faut des litres d’ayahuasca pour honorer ses cérémonies toute l’année. Mais du bon bois bien sec et bien résistant, qui donnera de bonnes flammes, ça se trouve pas si facilement dans la jungle, alors on est partis en expédition avec son oncle et son cousin pour aller en acheter dans un autre village, plus bas sur le fleuve.

Son oncle possède une pirogue à moteur, et c’est lui qui nous y a conduits. La pirogue était prisonnière des sortes de marais près des rives du fleuve, et les trois mecs ont miséré leur race pour la sortir de là, poussant dans l’eau des marécages, forçant l’avancée avec des bâtons, nous faisant passer quasiment dans les arbres qui poussaient dans l’eau.

C’était une putain d’immersion, et j’ai été impressionnée par les machines de guerre que sont ces types de la jungle !

Les indigènes shipibos sont des warriors ! Ici, ils luttent pour extraire la pirogue des herbes envahissantes du fleuve.

Une fois parvenus sur le fleuve, on s’est embarqués pour une merveilleuse heure de voyage.

Les trajets en pirogue en pleine Amazonie me rendent carrément dingue. Ça te transforme en quelqu’un d’autre. C’est difficile à expliquer, mais il se passe des choses en toi qui n’ont rien à voir avec tes courants de pensée habituels. T’es pas simplement contemplatif, ça va au-delà de ça.

C’est comme… comme si tu rentrais dans la matrice d’où tu viens, que tu renouais avec l’âme primitive qui gronde toujours en toi malgré les années de dressage.

Une sorte de soif, et de faim sauvage te possède, pour tout ce qui t’entoure. Tu observes les arbres au-dessus de toi avec l’envie d’y grimper en y plantant tes griffes, l’eau sous la pirogue avec la volonté de t’y plonger jusqu’aux abysses, le courant qui caresse tes doigts de pied comme si ta mère ancestrale jouait avec toi. Le chant de la jungle te nourrit d’un pouvoir régénérateur, un souffle, un lavement.

C’est absolument unique, et chaque fois que ça m’arrive, j’ai la sensation de pouvoir mourir en paix, parce que j’ai connu ça.

Balade en pirogue en plein cœur de la jungle amazonienne.

Arrivés au village, on a discuté le coup avec la famille qui allait nous vendre le bois, posés sur un banc face au fleuve. Quelle chance de parler espagnol et d’être en mesure d’échanger pour de vrai avec ces gens qui ont une vie si différente de la mienne !

Mais à force, je dois dire que je trouve ça presque normal. Je discute comme si j’étais née ici, et rien dans le comportement des gens que je rencontrent n’indique qu’ils me considèrent comme une sale gringa. Ils sont ouverts, rigolards. Mais c’est peut-être l’affection que Wish me porte ouvertement qui force leur respect, le fait qu’il me présente d’emblée comme… autre chose qu’une vague touriste.

Après avoir papoté pendant pas loin d’une heure, on a chargé la pirogue de tronçons de bois, en faisant des aller-retours incessants, jusqu’à ce qu’elle soit pleine à ras de la gueule.

Petit village shipibo le long des rives du fleuve.
Zoë Hababou charge du bois sur la pirogue, en vue de la préparation de l’ayahuasca.
Récolte de bois terminée ! On va pouvoir cuisiner l’ayahuasca !

Et c’est le lendemain qu’on a commencé à cuisiner. Pour info, les lianes d’ayahuasca induisent la transe, mais ce sont les feuilles de chacruna, porteuses de DMT, qui provoquent les visions. Et l’ayahuasca ne se met pas telle quelle dans la marmite, faut d’abord l’écraser à fond pour que son essence s’infuse bien dans l’eau. C’est un taff carrément épuisant de matraquer ces lianes au marteau... et qui ruine les mains !

Sa mère, je me suis récoltée une putain d’ampoule entre le pouce et l’index à force de cogner dessus comme une perdue ! Mais je suis franchement contente de pouvoir boire une medicina que j’ai contribué à créer. 

Avant de faire cuire l’ayahuasca, il faut écraser les lianes pour que les principes actifs se dissolvent bien dans l’eau.

Intention : Montre-moi comment travaille la Numan Rao avec moi 

L’ayahuasca en train de cuire à feu vif.

Entre la Numan Rao, la Malva (qu’on a aussi récoltée avec Wish sur son terrain, sorte de feuille qu’on écrase dans de l’eau, qui donne une potion gélatineuse à boire, et qui nettoie les poumons), la Hierba Luisa et la tisane spéciale méditation de la mère de Wish (il lui a demandé de la préparer pour moi), je me sentais très détendue.

J'ai le sentiment qu'on peut pressentir comment sera la cérémonie. Ou alors c'est juste toi qui influes sur le truc. Je savais que l'oncle de Wish, que j'avais beaucoup apprécié en allant chercher le bois, viendrait ce soir, et ce mec avait de bonnes ondes. Très rieur, le genre qui te met à l’aise direct, un petit homme avec un bon cœur, qui sait écouter les autres.

En plus on allait boire l'ayahuasca qu'on avait préparé nous-mêmes, dont on s'était imprégnés via sa fumée, qu'on avait écrasé à coup de bout de bois et de marteau et qui m'avait valu cette grosse ampoule que Wish avait fait cicatriser avec la sève du Pinon Negro. J'ai d'ailleurs aussi goûté les graines du Pinon Blanco. Bref, le terrain était bon.

J’étais littéralement encerclée et pénétrée par le pouvoir des plantes, et j'étais aussi impatiente de connaître les chants du tonton.

J'étais très concentrée, à nous trois on formait un cercle parfait, avec l’oncle à ma gauche et Wish à ma droite. Mes visions se sont ouvertes quand le tonton a rejoint Wish dans les chants. La façon dont il chantait me faisait penser à un truc chinois. Cette voix comme une guimbarde, tremblotante, presque grésillante, mais tellement belle. Très différente de celle de Wish.

Au début, on aurait dit qu'ils chantaient chacun de leur côté, suivant leur propre mélodie. Ça faisait quand même un peu penser à du canon, même s'ils chantaient des trucs différents. Et puis leurs voix et leurs mélodies ont fini par se rejoindre, en une fusion grandiose.

Mon chaman shipibo en train de cuisiner son ayahuasca.

Mes visions étaient celles, classiques, de l'ayahuasca, mais vu que ça faisait longtemps que j'en avais pas eu, je les ai appréciées à fond, surtout avec cet icaro si puissant qu'ils entonnaient à deux. Leurs voix m’ouvraient un monde élevé, d’une brillance presque douloureuse.

Si les cieux existent, et s’ils doivent ressembler à quelque chose, je jure qu’ils n’auraient pas d’autre visage !

Je me suis mise à me balancer, et puis j'ai posé les mains à plat sur le plancher, les jambes toujours en tailleur, et je me suis balancée encore plus, en suivant le mouvement avec ma tête. C'était tellement bon, tellement fort ! Et puis je sais pas trop comment, je crois que c'est l’oncle qui a commencé à taper sur sa cuisse, et moi aussi je me suis mise à chantonner, timidement au début, et puis de plus en plus. Rama kaya kaya ka, kaya kaya ka... Je connaissais bien ces chants, même s'ils étaient trop complexes pour que je puisse les mémoriser en entier, mais leur côté répétitif aidait, surtout les dernières phrases des strophes qui sont répétées trois-quatre fois.

Alors, je me suis mise à taper sur le plancher de la maloca du bout des doigts, d'abord doucement, et puis carrément, jusqu'à m'en faire mal. Le rythme était très rapide, mais il fallait que je le fasse, et c'était tellement bon, de sentir cette puissance, d'y participer, de l'éprouver dans mon corps ! Il me semblait que les visions se calmaient quand je faisais ça, et je me suis dit que ça devait être ça, de diriger le truc, d'apprendre à manier l'énergie de la plante.

Ensuite j'ai tapé sur ma cuisse, mais ce n'était pas assez puissant alors j'ai tapé sur ma poitrine, au niveau du plexus, fort, encore et encore, comme pour faire entrer l'énergie du chant à l'intérieur de moi. Et puis juste avant la fin de la chanson, comme si je pressentais le truc, j'ai croisé les mains sur mon cœur, et Wish a dit une sorte de bénédiction, en espagnol, toujours dans son chant.

Et je me suis véritablement sentie bénie…

On peut sentir l’essence de l’ayahuasca en train de s’exhaler de la marmite.

J'étais redescendue, il m'était à nouveau possible de pouvoir fumer un mapacho. C'était le fait de m’être enflammée comme ça qui avait contrôlé le pouvoir de la plante, j’en étais sûre. De chanter, ou du moins d'essayer, de suivre le rythme. C'est vraiment différent de juste subir les visions allongé comme une merde.

Je savais que le plus gros de la cérémonie était passé. Wish a joué de la guitare et son oncle a suivi au chant. Ils me faisaient penser à un duo de blues, des mecs super rodés, du genre de ceux qui se parlent et déconnent avec le public en même temps qu'ils jouent, se renvoyant la balle, se congratulant mutuellement, se faisant des blagues. Trop cool, et on a rigolé comme des malades à plusieurs reprises !

Pour finir Wish a entonné cette chanson que j’aime tellement, qui parle d’un jeune homme qui a perdu son amour et s’en va sur un bateau pour ne jamais revenir… Le tonton semblait ému, même s’il rigolait encore face à l’ingénuité de la jeunesse que symbolise ce morceau. C’était extrêmement touchant, d’être leur témoin.

Peu de temps après, on a rejoint la maison pour fumer encore quelques mapachos avant d’aller dormir, et ma mareacion est revenue. Wish avait mis de la musique classique, très délicate, et tandis qu'il me parlait je voyais des fleurs et des plantes croître…

Je les voyais sur son visage…

Carnet d’ayahuasca : La Récap’

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #15 : Quinzième Cérémonie

C'était pourtant comme une sorte de voyage, comme de survoler des mondes par la pensée, se rendre en esprit dans plein de lieux différents pour visiter des communautés humaines de toutes sortes. Je voyais beaucoup de gens provenant vraisemblablement de cultures diverses, des tribus ou des villageois, toujours réunis en petits groupes. Ils me regardaient eux aussi, me faisant souvent face, comme s’ils pouvaient percevoir ma présence spirituelle. Le problème, c'est qu'à chaque fois, dans chaque groupe, il y avait un intrus.

Intention : Montre-moi ce que je veux vraiment, et dis-moi comment l'obtenir

Je pensais à mon livre avec cette intention, et j'espérais que l’ayahuasca allait me montrer comment appliquer pour de vrai la loi de l'attraction dans ma vie, qu'elle m’aiderait à me visualiser ayant déjà atteint mon but, vivant de ma plume, le cœur apaisé. Tu parles.

Même si je me dis maintenant qu'elle a quand même répondu à mon intention, à sa manière à elle, et que ce qu’elle m’a montré est un aspect du désir qui s’agite en sourdine dans les tripes de tout artiste avide de gloire, quelque chose qui rampe et gronde à l’intérieur, animé de mouvements animaux, voraces et saccadés… Quelque chose qui n’a rien de joli.

Je me suis à moitié renversé la tasse dessus en buvant, c’est malin, mais je craignais qu’il y ait encore des morceaux dégueulasses dedans, comme pour la cérémonie d’avant. Mais y en avait pas en fait.

Rapidement, la transe m’a prise en assaut et je me suis allongée pour partir dans un trip très étrange. Est-ce qu’il s’agissait d'un rêve, ou de visions ? Difficile à dire... Ces visions-là n’avaient rien de commun avec celles auxquelles j’étais habituée. Elles n’étaient ni abstraites, ni en 3D, mais au contraire d’une réalité… monstrueuse.

Mon tumbo durant ma diète d’ayahuasca, village shipibo de San Francisco, Pérou.

C'était pourtant comme une sorte de voyage, comme de survoler des mondes par la pensée, se rendre en esprit dans plein de lieux différents pour visiter des communautés humaines de toutes sortes. Je voyais beaucoup de gens provenant vraisemblablement de cultures diverses, des tribus ou des villageois, toujours réunis en petits groupes. Ils me regardaient eux aussi, me faisant souvent face, comme s’ils pouvaient percevoir ma présence spirituelle.

Le problème, c'est qu'à chaque fois, dans chaque groupe, il y avait un intrus. Un être qui se démarquait des autres. Une sorte d'avorton avec des proportions étranges, un visage mongoloïde, ou alors à moitié atrophié à certains endroits du corps.

Je percevais direct qu'y avait un truc pas net chez lui, et ça me mettait grave mal à l’aise. Mais le pire, c'est quand il se mettait à sourire, toutes dents dehors. Avec une lueur franchement diabolique dans les yeux, et quelque chose de carnassier dans le rictus. Dans toutes les communautés, invariablement, les intrus étaient là, et ils étaient effrayants, et révulsants aussi. Infiniment perturbants.

Pourtant, ils semblaient tout à fait légitimes, puisque chaque groupe avait le sien, et que les gens qui les entouraient ne manifestaient aucune peur ou révulsion à leur égard. Je peux pas vraiment dire que j’avais peur, cela dit. Parce que mes visions allaient trop vite pour ça, sans doute. J’arrêtais pas de découvrir de nouveaux villages, de nouvelles tribus, et chaque fois que je réalisais que l’intrus était encore là, et qu’il dévoilait ses dents pour me sourire, hop, ça passait à un autre groupe.

Mais je dois quand même avouer que cette transe-là, et cette espèce de rêve visionnaire entièrement nouveau pour moi, m’étaient très inconfortables.

Mais le pire, c’est quand je suis sortie pisser dans la jungle, après être un peu redescendue mais encore mareada, et qu’en fermant les yeux, accroupie près du sol, je me suis vue ramper en m’accrochant aux herbes, grattant la terre, les doigts tordus, les cheveux dans la gueule, à la manière de Samara dans The Ring. Mais avec quelque chose du jaguar aussi, dans ce déplacement félin.

Ça a été très bref, mais suffisant pour me plonger dans un trouble sans nom. Qu’est-ce que ça voulait dire, putain ?

En me repositionnant près de Wish sur ma couverture, j’ai vomi tout ça presque immédiatement, avant de repartir pour… autre chose. Toujours incapable de rester assise, je me suis rallongée et la plante m’a immergée dans des sables mouvants, au sein de visions (classiques cette fois-ci) très très organiques, d’un vert terreux, tel un berceau de lianes et de serpents. C'était très fort, et je respirais profondément pour essayer de contrôler l’effet de cette transe totalement physique, que je sentais dans mon ventre comme si ces lianes et ces serpents se trouvaient à l’intérieur de lui.

C’était une connexion surprenante, et qui au fond n’était pas si désagréable. J’étais entièrement reliée dans mon corps aux visions qui prenaient place dans ma tête, et j’avais la sensation que tout ça, c’était l’ayahuasca. Que j’avais fusionnée avec la plante, au point de me transformer en végétal à mon tour, avec l’énergie de la jungle exsudant de moi, par ma peau, par mon esprit, et que c’était aussi elle qui faisait battre mon cœur…

Wish a fini par intervenir, en apposant ses mains sur mon estomac et mon plexus, tout en continuant à chanter ses icaros, et ça a complètement modifié ce que j’étais en train de vivre.

Allongée, les yeux toujours clos, j’ai vu de l’or sortir de sa bouche, de ses chants, et de ses mains. J’ai vu son énergie se déverser en moi. J’ai réalisé le taff qu’il effectuait en cérémonie, la façon dont il chassait les ombres de mes souterrains, avec ses paroles répétitives et précipitées, puis comment il remplaçait ces ombres par de l’or, comme s’il engendrait une armure de bijoux et la rentrait dans mon corps pour me rendre plus forte et me protéger de l’intérieur.

Mon chaman shipibo en pleine cérémonie d’ayahuasca.

Je me suis alors mise à comprendre des choses. Ces intrus. Ces freaks au sein des groupes. Cette vision de moi, rampant au sol, mélange de sorcière et de jaguar. Ces lianes et ces serpents qui m’étranglaient avec délice tout en croissant à l’intérieur de moi.

Tout ça, c’était l’avidité de l’artiste. Ce mélange d’unicité, cette place à part au sein de l’humanité, de pouvoir sorcier couplé à un désir latent de puissance, enfiévré et maladif, qui le faisait se tordre de désir, l’asservissant parfois jusqu’à le faire ramper au sol, tout en produisant dans ses tripes un plaisir orgiaque et malsain, telle la strangulation censée rendre la jouissance plus profonde…

Je me disais que c’était probablement le risque encouru à vouloir réussir comme écrivain. Ce sombre désir de gloire, cette soif amère de reconnaissance…

Elle était là, la leçon de cette nuit-là. Et ça n’avait rien d’agréable.

Vers la fin, je suis tombée dans un étrange état de vide, le bide en vrac, à être mal. J’aurais certainement dû me rendre direct aux chiottes pour évacuer par une bonne diarrhée cette triste descente en flammes que l’enseignement de l’ayahuasca avait infligé à mes ambitions artistiques, mais j’étais encore trop mareada pour envisager cette virée. Je sais pas si j'avais vraiment des visions, mais je pouvais pas sortir de la transe.

Et même après m’être décidée à franchir le pas, au retour j'étais toujours mal, et surtout vide. Ce vide étrange, sans fond, que je connaissais malheureusement trop bien, et qui a perduré longtemps après la cérémonie.

J’ai quand même trouvé la force de demander à Wish qui étaient ces intrus que j’avais vus. Il m’a répondu qu’il s’agissait de sorciers, et que c’était pour ça que chaque tribu en avait un. Il semblait plutôt satisfait que je les ai rencontrés par moi-même…

Plus tard dans la nuit, toujours dans la maloca, alors qu’on disait plus rien depuis un moment, on a entendu des cris et des hurlements très puissants dans la selva. Un brin alarmée, quand même, j'ai demandé à Wish si c'était des singes qui gueulaient. Il m’a répondu que non (évidemment, j’aurais dû m’en douter, et en réalité je le savais au fond de moi. Je savais ce que c’était).

Il m’a dit que c’était les esprits des sorciers. Transformés en loups.

Carnet d’ayahuasca #16

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #14 : Quatorzième Cérémonie

Tous ces sons d'insectes, d'oiseaux, de branches et de feuilles. Entendre ça de cette façon-là, c’est inexplicable, la sensation que ça peut faire. Même le mot “connexion” semble faible pour décrire une telle chose. Les yeux fermés, je me suis accroupie sur le plancher en face du feu, et j’ai écouté, et écouté encore. Je pouvais plus sortir de cette écoute, et j’en avais pas envie. Le feu m’avait convoquée ici, j’en étais sûre, il m’avait fait sortir de la maloca intentionnellement pour que je vienne écouter la jungle. Qui avait fait ce feu ? Cette question me tarabustait un peu. Je savais qu’il s’agissait de quelque chose de... différent.

San Francisco, en pleine jungle !

Le lieu où je vis durant ma diète d’ayahuasca, dans le village shipibo de San Francisco au Pérou !

Les oiseaux m’ont réveillée. Le matin dans la jungle, ça chante et ça sifflote dans tous les coins. L’air était frais, les moustiques plutôt calmes. J’ai bu un peu de flotte en me fumant un mapacho, puis je me suis lavée dans la douche dehors en frissonnant, puisant des baquets d’eau dans le seau prévu pour ça et m’aspergeant avec.

D’après ce que m’a dit Wish, l’eau courante ne vient que deux fois par jour, et quand c’est le cas on remplit des seaux en prévision des coupures et surtout des bouteilles d’eau filtrée. Ici au Pérou ils ont un ingénieux système de filtration au charbon qui se pose direct sur le robinet. L’eau coule lentement, mais elle est pure, alors on peut en faire des réserves.

C’est très sommaire, ici, mais y a quand même des toilettes sèches et une cuisinière au gaz disposée sur le sol en terre, à côté d’une table en bois, sous un toit de palme. De toute façon pour le peu que j’ai le droit de bouffer, ça fera l’affaire.

Quand Wish s’est levé on a été faire un tour au village. Les habitations s’étendent sur les bords de la piste principale, et tout au bout, il y a un pont immense qui survole la jungle et mène à un ponton où on peut se baigner dans le fleuve. Inutile de dire qu’on en a bien profité.

Mon chaman shipibo en train de peler la Numan Rao, plante maîtresse que je diète.

L'après-midi, on a été récolter des plantes avec Wish. Il a taillé à la machette la racine suspendue de la Numan Rao, qui pousse à l’extérieur du sol et s’accroche aux autres arbres, plante maîtresse que je vais diéter en plus de l’ayahuasca.

De retour, on s'est mis à gratter l'écorce, pour ensuite peler la partie marron jusqu'au blanc tendre du bois. Ensuite il a coupé les différents morceaux en tronçons, les a taillés en deux.

La diète de la Numan Rao se fait de deux façons : on boit l’eau dans laquelle a macéré l’écorce, et on se lave avec les autres parties. C’est ce qu’on appelle un bain de plantes. Pas de savon, pas de shampoing, mais de l’eau infusée à froid avec la plante maîtresse, mais aussi des feuilles, des racines, des fleurs et du citron vert, récoltés directement sur le terrain du chaman. On peut pas faire plus zéro déchet. Et ça sent bon !

Infusion de Numan Rao, plante maîtresse.

On s'est arrosés avec la préparation, sans se sécher derrière, en laissant les feuilles collées à nos corps. Quelques temps après on a bu la tisane. Ça sent la cannelle et le clou de girofle, et c’est super bon.

Je la prends trois fois par jour. J'ai dit à la plante que j'entamais une nouvelle diète et que je voulais aller plus loin dans la medicina.

La Numan Rao est une plante à l’esprit féminin, qui ouvre à l'amour, apaise et donne confiance. En me baignant avec et on la consommant régulièrement, le but de la diète est d’incorporer son essence.

Ouverture de diète

Intention : Réveille mon moi profond, fais-moi aller plus loin dans le monde de la Medicina

Wish m'a donné une petite tasse d'ayahuasca. Tant mieux, parce que celle-ci contenait des morceaux... Je sais pas si c'est un bug dans la cuisine, mais déjà qu’en temps normal cette sacrée potion est infâme, là c’était carrément hard d’en venir à bout sans gerber direct.

Les visions ne sont pas vraiment venues. Mais j'ai vécu quelque chose d'intense, et de très intéressant.

La maloca où se déroule les cérémonies d’ayahuasca durant ma diète près de Pucallpa.

J'ai commencé par sombrer dans une transe très lourde, qui m'a contrainte à m'allonger. Mais comparé à d’autres cérémonies où cette station couchée t’embarque dans les tunnels de ton subconscient, à lutter contre des visions vertes électriques démoniaques, cette fois-ci, ça n’a pas été un calvaire. Je me sentais au contraire pleine de force et très déterminée.

Sans savoir pourquoi, j’ai ramené mes bras devant moi, pour les croiser devant, chaque main sur une épaule, comme un chef Indien des plaines du Dakota, et d’une manière ou d’une autre j’ai compris l’importance et surtout la signification de cette position.

Ce moyen de s’affirmer, cette attitude de guerrier. Je l’ai tenue longtemps, complètement connectée aux icaros, recevant leur pouvoir sans vaciller.

Je me suis redressée pour vomir puis je suis restée assise, très centrée, très droite, dans une posture de méditation incroyable. La rectitude de ma colonne vertébrale était d'une intensité merveilleuse. Je me suis étirée, j'ai apposé ma main sur mon front, comme je le fais fréquemment désormais, mes épaules se sont secouées d’elles-mêmes comme souvent aussi quand mes ailes se mettent à percer.

Et là, j’ai aperçu des flammes dehors. Quelque chose de rouge dansait à côté de la maloca.

C’était quoi encore, ce délire ? J’ai regardé Wish, mais il était silencieux et semblait plongé dans une méditation profonde, alors j’ai rien dit et suis sortie voir, croyant que l'encens anti-moustiques était en train de faire flamber le plancher devant les chiottes.

Il y avait un feu dehors, juste en face de l'endroit où s’arrête le plancher. Un petit feu entouré de pierres. Qui en était l’auteur, et pourquoi les flammes s’étaient soudain élevées comme ça ? C’était la première fois que je sortais dehors durant une cérémonie, en étant encore mareada.

Et alors, j'ai entendu la forêt. Le vrai chant de la Selva.

Tous ces sons d'insectes, d'oiseaux, de branches et de feuilles. Entendre ça de cette façon-là, c’est inexplicable, la sensation que ça peut faire. Même le mot connexion semble faible pour décrire une telle chose.

Les yeux fermés, je me suis accroupie sur le plancher en face du feu, et j’ai écouté, et écouté encore. Je pouvais plus sortir de cette écoute, et j’en avais pas envie. Le feu m’avait convoquée ici, j’en étais sûre, il m’avait fait sortir de la maloca intentionnellement pour que je vienne écouter la jungle. Qui avait fait ce feu ? Cette question me tarabustait un peu. Je savais qu’il s’agissait de quelque chose de... différent.

La maloca vue de l’intérieur, avec ses murs en moustiquaire.

Je suis restée un très long moment dehors, les yeux ouverts ou fermés, hypnotisée par le son, tous ces croassements, ces vrombissements, ces grésillements… Les flammes ont disparu, il restait plus que deux braises qui me regardaient. Les yeux du serpent.

Leur envoûtement était d’une puissance rare, paralysante, et je les regardais la bouche ouverte, complètement déchirée par la transe, en continuant à écouter. J’étais capturée, perdue dans ces yeux rougeoyants, branchée sur la selva, et c’est seulement quand les braises se sont éteintes que je suis revenue à mon corps.

Je suis retournée à l’intérieur me chercher un mapacho mais fallait que je ressorte, c’était trop beau dehors, j’étais trop bien là-bas. C’était là-bas que ça se passait. Jamais de ma vie, même avec tout ce que j’avais vécu, j’avais été à ce point possédée par quelque chose.

J'ai songé qu'il faudrait que je le mette dans le livre. Quand la forêt appelle Travis, dès qu'il ferme les yeux. C'était ça qu'il devait ressentir. Et aussi qu'il faudrait que ça lui arrive durant une cérémonie. J'avais des pensées très profondes au sujet de Borderline. Je vais devoir m’atteler à transcrire tout ça.

Assise dehors, pompant avidement mon mapacho, j’ai entendu Wish entonner cette fameuse chanson à la guitare, celle qui dit : Antes yo vivía, perdido perdido. Pero Raíz de la Tierra, su misterio me ha cambiado (avant je vivais perdu, perdu, mais, Racine de la Terre - l’ayahuasca donc - ton mystère m’a fait changer). Et moi aussi, depuis mon plancher face à la forêt, j'ai commencé à chanter. À force, je connais tous ses morceaux. Mais j’ai été interrompue par quelque chose qui s’est mis à siffler, longuement, dans les arbres devant moi.

Bien sûr je savais pas de quoi y s’agissait. Cet esprit siffleur (dont Wish m’avait parlé quelque temps auparavant) ou quoi que ce fût ne semblait pas mauvais mais sa présence était tout de même dérangeante pour moi. C'est ma première rencontre avec un esprit. Et puis y a eu de plus en plus de sons que je parvenais pas à identifier, à rattacher à des trucs qui existeraient dans la réalité ordinaire.

Quelque chose qui approchait. Des branches cassées. Des courants d’air. Des pas.

J’ai résisté tant que j’ai pu, mais la peur a fini par prendre le dessus et j’ai préféré rentrer dans la maloca, demandant direct à Wish qui avait fait ce putain de feu. Il en savait rien, mais ça avait pas l’air de le traumatiser. Il se conduisait comme si rien d’anormal ne se produisait en ce moment même là-dehors.

J’étais animée de l’étrange certitude que ce feu n’avait existé que pour moi, que pour me convoquer dehors, et l’absence de réaction de Wish ne faisait rien pour m’en dissuader. Quand je fermais les yeux, je voyais encore le chant de la jungle. Je le voyais dans ma tête, et je me demandais comment c’était possible de ne pas le voir, en fait. Comment j’avais fait pour ne pas être possédée par lui plus tôt.

J'ai pensé à l'esprit de mon livre, à la façon dont il tourne autour de la maloca. J'étais un peu paumée, et j'en venais même carrément à douter de l'existence du feu. Je me demandais si, comme dans ma saga, au petit matin, il n'y aurait plus aucune trace de lui.

On a parlé des esprits avec Wish. Il m’a fait remarquer qu’y avait deux esprits siffleurs, celui que j’avais entendu et un autre un peu plus loin. L’autre esprit que j’avais capté, celui qui détruisait les branches, était selon lui une entité ambiguë. Il m’a appris qu’y avait des tombes pas loin, et un petit étang qui possédait aussi son esprit, sans compter les iboros, gardiens de la selva, qui pouvaient souhaiter me rencontrer, ou ne faisaient que passer.

Il est sorti pisser en me lançant par-dessus son épaule :

-  A ver si los duendes me llevan a mi (voyons voir si les gardiens m’emportent, moi).

Il est revenu sans dommages.

On papotait depuis un moment quand les flammes ont repris dehors. Grâce à la lumière qu’elles produisaient, j’ai vu qu’y avait plein de nouvelles branches dans le feu. Là, j’ai vraiment eu un raté.

- C’est pas vrai, putain, c’est toi qui viens de remettre du bois dans le feu ?

- Carrément pas.

J’étais sidérée.

- Tu sais une fois une de mes cousines a accouché et on a trouvé plein de nourriture et d’offrandes pas loin de la maison dans les bois, et je peux te jurer que ça venait d’aucun d’entre nous. C’est comme ça. Les esprits font ce genre de chose, parfois.

La place où je m’assoies dans la maloca, durant les cérémonies d’ayahuasca.

Il m'a raconté pas mal d'histoires datant de l’époque de son apprentissage, les initiations qu’il a faites ici même, pour devenir chaman, auprès de son grand-père. J'adore ces moments où on cause tous les deux comme ça. Les souvenirs et le vécu qu’il me transmet sont d’une rareté et d’une richesse inouïe.

Ce matin on s'est purgés à la hierba luisa, sorte de grosse tige d’herbe verte qui pousse sur le terrain de sa mère, et qu’elle a préparée pour nous, de bon matin. Une bassine de 10 litres pleine devant toi, un pichet de plastique à la main, tu plonges ton truc dedans, et tu bois, tu bois, tu bois. Au bout de cinq pichets tu te mets à vomir le trop plein. Un dégueulis bien clean, un peu mousseux. Tu mouches du nez, aussi. Ça sort de partout. Et puis tu rebois, encore et encore, jusqu'à ce que ta bassine soit vide.

De la purge pure et dure.

Mais voilà comment ça marche, une diète. Faut que le terrain soit propre.

Carnet d’ayahuasca #15

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #Pause : Pause entre deux Diètes

Le soleil était en train de se coucher. Ce trajet m’a bouleversée. L’odeur de la végétation de chaque côté de la piste, le fleuve, le chant de la selva, la beauté de la lumière rasante… Et cette sensation d’aventure et de liberté…

De Cuzco à San Francisco

Les jolies ruelles du village andin de Pisac, Pérou.

Pisac

J’ai passé une semaine à Pisac, juste en face de Taray où j’ai fait ma diète d’ayahuasca, avant qu’on parte pour San Francisco avec Wish. C’est son village natal, une communauté Shipibo sur les rives de l’Ucayali, près de Pucallpa, en Amazonie. Ça m'a fait bizarre de remettre les pieds ici, dix ans après mon premier voyage solo. Wish habitait là avant, c’est ici-même que je l’ai rencontré, dans les mêmes circonstances que Travis dans Borderline.

Mon livre Borderline face au marché de Pisac, Pérou.

En me baladant dans les ruelles pavées de ce joli petit village andin, j’avais à la fois l’impression d’être sur les traces de mon personnage, et à la fois celle de pouvoir croiser la Zoë du passé, ignorant qu’elle allait un jour écrire sur ce qui lui arriverait ici.

Posée dans un café surplombant la place du marché, je regardais les ruines sur la montagne, et je voyais Travis se diriger vers ce chaman sans le savoir, à fumer ses clopes sur un muret écroulé. Je suis repassée devant le bar où Wish avait joué de la guitare ce soir-là. Alfredo l’avait vendu depuis longtemps.

Pour marquer le coup, j’ai laissé un exemplaire de mon livre, assorti d’une dédicace de circonstance, dans un café book exchange. Vu le nombre de gens qui viennent spécialement ici pour prendre de l’ayahuasca avec les néo-chamans qui pullulent, et les voyageurs qui s’entrecroisent en traversant toute l’Amérique Latine, y a de fortes chances qu’il tombe entre de bonnes mains. 

Pisac, village de la vallée sacrée, Pérou.

Une petite pause après un mois intensif de prise d’ayahuasca faisait du bien. Je me levais aux aurores (ouais, depuis que je suis arrivée, je me suis pas vraiment faite à l’heure locale : je me lève vers 4h30 du mat. Mais vu que les gens d’ici ont coutume de commencer la journée super tôt, c’est pas vraiment dérangeant), et je crapahutais dans les ruelles et les champs en regardant le soleil en train de se lever, et la lumière magnifique inonder peu à peu la vallée.

La jungle, ce serait différent comme climat, alors j’avais intérêt d’en profiter.

C’était marrant de se dire que j’allais faire exactement le même cheminement que Travis. D’avoir écrit son histoire avant de tracer la mienne. Le pire, c’est que c’était même pas prévu.

Mais y se trouve que Wish projetait d’aller dans son village dans la jungle pile-poil à cette époque. Je suis bien tombée, quoi. 

Lima

Wish mon chaman à Cuzco, Pérou.

Après ces quelques jours de détente, Wish et moi on s’est embarqués pour trois jours de voyage à travers le Pérou. On a pris un taxi jusqu’à Cuzco, et de là on a chopé un bus pour Lima. Vingt-quatre heures de trajet. Vu qu’on dort jamais bien dans ces trucs-là, la nuit suivante on est restés à Lima, dans le quartier de Barranco, sans doute le plus cool de la capitale.

Au bord de l’océan, le street art y va à fond : artesanos qui vendent leur bijoux en macramé, musiciens, danseurs, graffeurs, c’est aussi le haut lieu de rendez-vous de la jet set locale, mais ça fait plutôt bon ménage, et les bars sont sympas comme tout.

Wish m’a raconté quelques histoires de l’époque où il vivait ici, à la rue, quand il avait la vingtaine. Beaucoup de gens l’ont reconnus, d’ailleurs. On dirait qu’il est inoubliable, n’importe où qu’il aille. C’était franchement cool comme soirée.

Wish mon chaman joue de la flûte à Lima, Pérou, avec son fidèle didgeridoo à ses pieds.

Le lendemain, galère de bus pour le départ à Pucallpa. On devait partir vers 13h, il était 18h quand on a finalement décollé. L’attente a été un peu reloue, il faisait une chaleur de mort ce jour-là, on s’était posés au parc en face de l’agence de bus. J’ai bouffé une glace pendant Wish jouait de la flûte et du didgeridoo.

Mais le bus déconnait et on a dû en changer vers 20h avant de finalement réussir à quitter Lima. Ça décalait pas mal l’heure de notre arrivée le lendemain, mais c’était marrant toutes ces conneries, au fond, et on s’est fendu la poire comme des dégénérés rendus hystériques par l’accumulation de la malchance.

J’ai reconnu des bleds par lesquels j’étais passée dix ans en arrière. C’est fou ce que ça peut faire bizarre. Je me rappelais encore de ce terminal de bus où on a fait une pause pour pisser. La nuit que j’avais passée dans un hôtel tout chelou. Cette folie des bus que ça avait été pendant une semaine, quand j’avais quitté Pisac pour me rendre à Pucallpa, où j’avais ensuite pris ce cargo, dix jours de voyage en pleine jungle sans toucher terre, pour arriver à Iquitos…

Le passé et le présent semblent parfois s'interpénétrer. Et le futur aussi, en fait. Ce serait presque flippant, par moment.

On est arrivés à Pucallpa le lendemain vers 16h. Moto taxi jusqu’à Yarinacocha, sur les rives du fleuve, où on s’est accordé le plaisir d’une bière (nan, quatre plutôt, et le format magnum). Il faisait une chaleur démentielle, mais j’adorais ça !

Putain, j’arrivais pas à croire que j’étais aux portes de la jungle pour aller dièter l’ayahuasca avec Wish, exactement comme Travis ! Ce bled, Yarinacocha, c’est celui où débarque Travis au tout début du Tome 1. Encore une fois, je pouvais presque suivre ses traces…

Yarinacocha

Arrivée à Yarinacocha ! On boit une bière dans un bar avec Wish, mon chaman.

Bien beurrés après nos bières, on s’en est pris encore deux à emporter avant de choper un moto taxi pour se rendre enfin à San Francisco (ouais, à la différence de Borderline, désormais le bled de Wish est accessible par une piste, et non uniquement en pirogue).

Le soleil était en train de se coucher. Ce trajet m’a bouleversée. L’odeur de la végétation de chaque côté de la piste, le fleuve, le chant de la selva, la beauté de la lumière rasante… Et cette sensation d’aventure et de liberté…

Il faisait nuit quand on est arrivés au village. Vraiment nuit noire, et puis j’étais raide, alors j’ai à peine entrevu l’endroit où j’allais vivre. Mais j’ai rarement été aussi heureuse au plus profond de mon cœur. 

San Francisco

Course en mototaxi depuis Yarinacocha jusqu’à San Francisco, Pérou.

Carnet d’ayahuasca #14

Carnet d’ayahuasca #1

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Ayahuasca Kosmik Journey : Simulation Virtuelle d’une Réalité Visionnaire

Vous allez VIVRE Ayahuasca Kosmik Journey en même temps que nous, grâce à la vidéo complète du film diffusée ici, en suivant les impressions d’un novice (Ben) pénétrant dans l’univers de l’ayahuasca, accompagné d’une initiée (moi), qui va l’aider à comprendre ses visions et explorer la profondeur de ses impressions… Prenez une grande inspiration et cliquez sur le lien : Bienvenue dans le royaume de l’Ayahuasca !

Simuler une cérémonie d’ayahuasca en réalité virtuelle (VR) ? C’est l’idée folle de Jan Kounen, ce cinéaste ayahuasquero !

Son but ?

Ramener et partager de l’info autour de cette médecine, parce que la VR permet de manière beaucoup plus précise de retranscrire la nature de l’expérience, à savoir d'être plongé dans un monde de manière vertigineuse.

Et c’est vrai que la transe ayahuasca et les visions qu’elle provoque sont difficilement traduisibles, que ce soit avec des mots ou au travers d’un simple film.

Par nature immersif et tridimensionnel, l’univers de l’ayahuasca est vraiment une autre dimension, que seule la réalité virtuelle pouvait mettre à la portée de ceux qui n’en ont jamais pris.

Comme poursuit Jan Kounen, la VR s’imprime comme une expérience vécue.

Et il semble bel et bien que c’est ce qu'a ressenti Benoît, alias Benraconte, auteur de récits dont vous êtes le héros, en faisant l’expérience d’Ayahuasca Kosmik Journey avec son casque sur le tête. Quand il m’a contactée pour me mettre au courant de sa découverte, les mots semblaient buter sur sa langue, tant ce qu’il avait vécu l’avait bouleversé. Pour avoir moi-même consommé de l’ayahuasca à maintes reprises, je ne pouvais que comprendre son ressenti ! J’ai donc eu l’idée de l’interviewer en podcast pour creuser avec lui au sein de son expérience. Mais ce n’est pas n’importe quel podcast… 

Vous allez VIVRE Ayahuasca Kosmik Journey en même temps que nous, grâce à la vidéo complète du film diffusée ici, en suivant les impressions d’un novice (Ben) pénétrant dans l’univers de l’ayahuasca, accompagné d’une initiée (moi), qui va l’aider à comprendre ses visions et explorer la profondeur de ses impressions…

Prenez une grande inspiration et cliquez sur le lien : Bienvenue dans le royaume de l’Ayahuasca !

L’expérience en direct d’Ayahuasca Kosmik Journey accompagnée d’un novice et d’une ayahuasquera

 

Les questions posées à Benraconte

  • Pourquoi tu t’es intéressé à ce jeu ?

  • Est-ce que tu appréhendais avant ta première session ?

  • Est-ce qu’après cette expérience, tu aurais envie de tenter l’ayahuasca pour de vrai ?

  • Est-ce que les visions ont un sens pour toi ?

  • Est-ce que malgré le fait que tu n’aies pas bu d’ayahuasca, tu éprouvais quelque chose de physique durant la cérémonie ?

  • Quelle signification recèlent pour toi les icaros ?

  • Comment ressentais-tu ta conscience durant la session ? Est-ce qu’elle fusionnait avec ce que tu voyais, ou qu’elle luttait contre ?

  • Que demanderais-tu à l'ayahuasca pour ta première cérémonie ?

  • Que penses-tu de cette démarche de rendre accessible l’expérience de l’ayahuasca à presque tout le monde ?



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Carnet d’ayahuasca #13 : Treizième Cérémonie

Toute cette tapisserie de chromosomes s’est transformée en ces formes géométriques qu’on voit partout dans l’artisanat shipibo. Le maillage du monde. Le code secret qui régit les formes perceptibles. J’avais le sentiment d’en avoir partout sur mon visage, sur mes mains, dans mon ventre. Je pouvais les sentir, comme si moi-même j’étais tricotée avec tous ces dessins par en-dessous, que ma peau était un assemblage très complexe tissé des mêmes patterns. Et ça me donnait de la force, et aussi, peut-être, une sorte de protection, comme une armure indestructible.

Fermeture de diète

Intention : Inscris en moi l’énergie de la diète

On était seul à seul avec Wish pour cette cérémonie qui marquerait la fermeture de ma première diète. Aujourd’hui je quitte sa maison et je vais me prendre un hôtel à Pisac pendant quelques jours avant de le suivre dans la jungle pour continuer le boulot.

J’étais heureuse qu’y ait personne d’autre, ça me semblait important de conclure ce mois de diète sans interférences extérieures. Juste le maestro et sa disciple, quoi.

A(rt)yahuasca : peinture représentant un jaguar, des dauphins et un serpent, animaux chamaniques.

Il m’a filé une grosse dose et j’ai maintenu la tasse contre moi, les yeux fermés, un long moment, en sentant monter en moi mon intention. J’avais traversé des choses dures et d’autres très belles avec l’ayahuasca. Je me sentais différente, bien que j’aurais eu du mal à dire précisément ce qui avait changé.

Mais je crois que quand tu t’imposes des sessions hardcore, encore et encore, des trucs qui te scotchent au plafond parce qu’ils sont trop rudes ou au contraire sublimes, pendant un mois d’affilé sans moufter, ben à force, t’acquières une maîtrise de toi-même qui peut pas se comparer aux petites épreuves que tu vis dans le monde ordinaire. Parce que tout ça, ça se passe au sein de ta propre tête, et qu’y a personne pour te tenir la main.

Même si le chaman te guide et te tire des sables mouvants avec ses chants, au final, toi seul peux réellement décider, au prix d’un effort très grand, de traverser jusqu’à l’autre rive. C’est une lutte de l’esprit contre lui-même, contre ses propres limitations. Accepter ces visions en soi, les embrasser avec son âme, ouvrir son cœur à leur sens, je sais pas, mais ça ressemble à un voyage dangereux dans un univers inconnu.

Le problème, c’est que cet univers parallèle, c’est aussi le tien, en fait. Une dimension de toi qui t’est parfaitement secrète et mystérieuse. Et pourtant… elle vit en toi à ton insu.

Inévitablement, ce travail constant d’acceptation, d’ouverture à ces mondes insondables, aiguise ta volonté. Un peu comme une promesse faite à soi-même. Celle de continuer à avancer au sein de la tourmente. De ne pas faiblir. D’essayer de ne pas céder à l’autocomplaisance ou à la prostration ou le déni.

Bref, avant de boire ma tasse d’ayahuasca, j’avais tout ça qui s’agitait en moi. Toutes ces impressions confuses et en même temps, très ancrées. Et j’avais envie de remercier l’Abuelita pour cette force qu’elle avait éveillée en moi. Et lui demander de m’aider à conserver ce pouvoir à jamais.

Wish a siffloté un long moment tandis qu’on dérivait dans les prémisses de la transe. Des ombres serpentines tapissaient les parois de mon cerveau. J’avais l’impression de le voir depuis l’intérieur. Toutes ces circonvolutions étranges et limite écœurantes du cortex. L’esprit de la plante semblait l’avoir envahi. Tous ces petits serpents noirs qui rentraient et sortaient de sa chair… Comme de la vermine en train de bouffer un organe putréfié.

Mais je trouvais ça rassurant, en fait. Je me disais que l’énergie de la diète était vraiment en moi. 

Alors que je me faisais cette réflexion, Wish s’est marré dans son coin. J’ai eu un raté avant de me foutre à rire moi aussi. Mais ce genre de synchronicité existait souvent entre nous, d’autant plus quand on était dans cette dimension-là, alors ça m’a pas étonnée. Je savais qu’il riait pour mes peurs idiotes, pour mes doutes. Pour cette crainte que j’avais de rentrer chez moi en ayant tout oublié, comme si tout ce que j’avais vécu avec lui et l’ayahuasca n’avait été qu’un très long rêve.

Juste avec un rire, Wish effaçait d’un coup toutes mes questions débiles. Ce mec-là sait rire d’une façon qui exprime tout un tas de trucs à la fois.

Soudain il s’est mis à chanter, d’une voix forte et lascive à la fois. Son chant a transformé les serpents qui se baladaient dans mon cerveau en… chromosomes, je crois. Ces trucs en double hélice. Ils arrêtaient pas de se diviser, y en avait de plus en plus, si bien qu’on aurait dit les cristaux d’un kaléidoscope en train de muter encore et encore.

C’est le savoir, je me suis dit. L’enseignement qui s'engendre lui-même et qui se répand partout.

Toute cette tapisserie de chromosomes s’est petit à petit transformée en ces formes géométriques qu’on voit partout dans l’artisanat shipibo. Le maillage du monde. Le code secret qui régit les formes perceptibles. C’est ce que je me suis dit. J’avais le sentiment d’en avoir partout sur mon visage, sur mes mains, dans mon ventre. Je pouvais les sentir, comme si moi-même j’étais tricotée avec tous ces dessins par en-dessous, que ma peau était un assemblage très complexe tissé des mêmes patterns.

Et ça me donnait de la force, et aussi, peut-être, une sorte de protection, comme une armure indestructible. Ouais, comme ces jolis habits des samouraïs. C’est à ça que j’ai pensé, et je me suis sentie fière. Et j’étais surtout éperdument reconnaissante envers Wish de m’avoir acceptée et dans un sens, initiée à ce monde, présentée à l’Abuelita. Plus que jamais, je me sentais comme son élève. 

D’un coup j’ai senti du mouillé dans ma main. Il venait de me verser du parfum dedans et me chuchotait de me l’appliquer sur les cheveux. Lui-même m’en foutait sur le visage avec sa main, et il appuyait fort sur mon front, à l’endroit où moi-même j’appuie parfois pour faire entrer le savoir de la plante. Et puis il est resté comme ça, sa main mouillée sur ma tête, en appuyant et en la faisant trembler, tandis qu’il scandait un nouvel icaro, très rapide, celui-ci. 

Je suis partie dans un tourbillon. Une spirale déferlait dans ma tête par le sommet de mon crâne en contact avec sa main. C’était si rapide, si fort, que j’ai vite agrippé ma bassine pour dégueuler à n’en plus finir. C’est bizarre que tu doives expulser quelque chose quand on t’en transmet une autre…

Est-ce que c’est pour faire de la place ? Est-ce que les nouvelles énergies que le chaman et la plante déversent en toi évacuent les anciennes en pénétrant par torrent comme ça ? Ou alors, est-ce que c’est juste que c’est une transe si forte que ça te fait dégobiller ta race ?

C’était ouf, en tout cas. J’avais le cœur à balle, je tremblais et grognais en me vidant comme un chien, et Wish continuait à chanter comme un maboul en me caressant les cheveux mais genre, super fort. Franchement, ça ressemblait à une passation de pouvoir, mais du style ultra violent, tiens, un coup d’épée, deviens un guerrier, bordel !

J’ai fini par rugir la gueule dans mon seau de vomi comme Wish me l’avait appris parce que c’était pas gérable de continuer comme ça. J’ai crié comme une perdue. Ça a marché. D’un instant à l’autre les vagues de nausée ont cessé, et je suis restée à trembler et presque chialer d'épuisement la gueule au-dessus ma gerbe, crachant, soufflant par le nez, reprenant mes esprits.

Puis je me suis redressée en soufflant une dernière fois, l’air de dire : Putain, voilà une bonne chose de faite, j’ai posé ma bassine et me suis adossée contre le mur.

Wish m’a demandé si ça allait et j’ai fait : Ahora si (maintenant oui).

Zoë de la Selva, peinture visionnaire du chaman shipibo Wish inspirée par Zoë Hababou.

Il s’est posté à côté de moi, le dos contre le mur lui aussi, et il a entamé un nouveau chant. On avait quitté les souterrains et les trucs organiques. Maintenant c’est vers l’espace qu’on se dirigeait.

Je peux pas dire à quel point j’étais soulagée de filer vers le cosmique. Je sais que la phase corporelle-organique-animale est essentielle, surtout pour se nettoyer, mais putain une fois qu’on en est sorti, c’est un pur plaisir de fuser dans l’infini, libéré, nettoyé, à respirer avec une force incroyable, un souffle long, profond, qui n’en finit plus, comme si tes poumons contenaient tant d’air que tu ne pourrais jamais les vider, comme si c’est l’énergie de l’univers elle-même que tu respirais.

Ça, c’est ce que j’appelle vivre dans la plante, exister dans le même sein qu’elle. 

C’était un monde éthéré, lumineux, d’une immensité à faire pâlir Dieu en personne. Ma transe était super forte quand même, et des larmes coulaient sur mes joues, mais c’était parce que sa beauté m’en mettait plein la gueule. Je crois que c’est normal de pleurer quand on est subjugué, et quand ça brille autant que ça.

J’avais froid, malgré tout, j’étais toute contractée les genoux serrés contre ma poitrine. Quand je rentrais la tête pour me recueillir en moi, ce monde transcendantal m'apparaissait comme très intime, comme un joyau secret que je portais en moi. Et quand je levais la tête vers le ciel, il s'apparentait davantage aux cieux, à cette merveille qu’était la vie. Ces deux mondes coïncidaient, tels deux univers en miroir.

L’ayahuasca et moi, les chants de Wish et moi : tout ça, c’était la même chose. C’était le tout. Et c’était magnifique de vivre, de respirer, d’éprouver ça.

Il a fallu que j’étende les bras pour relier mon corps à cette impression, pour le faire participer à ce savoir. Mes épaules se sont encore secouées toutes seules, mes ailes se sont étendues. Je les ai senties dans mon dos, en train de se déployer. J’ai levé les bras au-dessus de ma tête, la maintenant, elle, bien dans l’axe de ma colonne vertébrale, comme si je regardais juste en face de moi. J’ai bougé mes doigts en contact avec le ciel, comme si je pouvais caresser mes visions célestes, les tirer vers moi. Comme Dieu tendrait son doigt pour faire jaillir la foudre sur la Terre.

C’était énorme, comme sentiment. Presque un truc de toute-puissance. Et puis j’ai rejeté la tête en arrière en exhalant un immense soupir d’extase. Pour la première fois de ma vie, j’ai su ce que ça voulait dire, d’être béni des dieux.

J’ai fini par m’allonger tandis que la force des visions décroissait. Wish a posé ses mains sur mon ventre, sur mes épaules et ma tête, en soufflant rapidement chaque fois qu’il appuyait sur l’une de ces parties de mon corps, et en disant des trucs en espagnol au sujet de la fermeture de diète. Je m’en souviens pas tellement, malheureusement.

On a fumé un mapacho ensemble, plus ou moins silencieux, même si on arrêtait pas de se sourire. Et puis il a pris sa guitare et je me suis laissée aller, allongée sur le matelas, le laissant nous transporter jusque tout au bout du bout du monde, flottant sur ces chants comme une cavalcade sauvage et magnifique, là où l’horizon devient le ciel, et l’espace, l’infini. 

Carnet d’ayahuasca #Pause

Carnet d’ayahuasca #1

La seconde peinture de cet article est de Wish. Elle s’appelle Zoë de la Selva (Zoë de la jungle).

© Zoë Hababou 2021 - Tous droits réservés

 

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Chamanisme, Reviews, Top Zoë Hababou Chamanisme, Reviews, Top Zoë Hababou

Top 15 des Livres sur le Chamanisme

Quand j’ai commencé à m’intéresser au chamanisme, un nouveau monde s’est ouvert à moi. A l’époque, j’aurais aimé tomber sur un article où les meilleurs livres ayant pour sujet le chamanisme, les plantes de pouvoir et la conscience soient réunis. Aussi, explorateurs des états modifiés de conscience et du royaume végétal, ce guide ultime spécial chamanisme est pour vous !

Quand j’ai commencé à m’intéresser au chamanisme, un nouveau monde s’est ouvert à moi.

Attisée par quelques prises isolées d’Ayahuasca au Pérou, à mon retour, je me suis mise à farfouiller dans la bibliothèque très vaste de la littérature chamanique. J’ai lu absolument tout ce que je pouvais trouver sur la question, et mes connaissances dans ce domaine se sont enrichies de manière exponentielle, parce que mettre un pied dans cet univers te conduit à aller… beaucoup plus loin !

Plantes médicinales, études anthropologiques, thérapie psychédélique, psychologie transpersonnelle, physique quantique

La vache, je savais plus où donner de la tête, chaque ouvrage me conduisant immanquablement vers une flopée d’autres, provoquant sur la fin une (presque) ruine financière !

A l’époque, j’aurais aimé tomber sur un article où les meilleurs livres ayant pour sujet le chamanisme, les plantes de pouvoir et la conscience soient réunis (ce qui m’aurait évité de claquer un pognon fou dans d’obscures ouvrages non réédités que j’ai payé une blinde pour… pas grand-chose !).

Aussi, explorateurs des états modifiés de conscience et du monde végétal, ce guide ultime spécial chamanisme est pour vous !

Les meilleurs livres jamais écrits au sujet du chamanisme, des plantes médicinales et de la thérapie psychédélique

Le Top 15 des meilleurs livres sur le chamanisme !

Résumé éditeur

Arizona, 1961, rencontre d'un étudiant en anthropologie de l'université de Californie à Los Angeles, Carlos Castaneda et d'un Indien Yaqui de la province de Sonora, nommé Don Juan. Homme réel ? Présence d'un pouvoir ? Sorcier réincarné ? Inventeur d'un prodigieux roman imaginaire ? On sait seulement de lui qu'il est un homme de connaissance.

Parti de la fascination du peyotl dont il croyait tout savoir, Castaneda, accepté comme élève par Don Juan, va apprendre comment s'apprivoise la racine Datura Inoxia : l'herbe du diable, quand on oublie qu'on est un homme pour devenir un chien de lumière errant au Mexique.    

Mon avis

Quand on demande aux gens quel a été leur premier contact avec le monde mystérieux du chamanisme, c’est très souvent le nom de Carlos Castaneda qui vient en premier. La série d’ouvrages relatant son apprentissage auprès de Don Juan fait figure de porte d’entrée vers le royaume des plantes de pouvoir et la réalité non-ordinaire qui va avec. 

Si ce premier livre de la saga est à ce point emblématique, et qu’il a entraîné sur les routes du Mexique un paquet de jeunes gens en quête d’expériences visionnaires, c’est pas pour rien ; le compte-rendu de la rencontre entre Castaneda et les plantes psychotropes (peyotl, datura, champignons), narré tel un récit initiatique, est absolument spectaculaire, et carrément inoubliable ! Certaines scènes, telle celle de sa première rencontre avec Mescalito, l’esprit du peyotl, resteront gravées dans votre tête à jamais

Alors certes, il existe une polémique au sujet de ce mec. A-t-il tout inventé, ou est-ce que les expériences et les enseignements inscrits dans ce livre sont véridiques ?

Ma version, c’est qu’on s’en cogne ! S’il s’agit d’une œuvre d’imagination et non d’un vrai travail anthropologique, alors le talent de Castaneda n’en est que plus éclatant, et ça ne retire strictement rien au bénéfice que vous trouverez dans cette lecture : celui de remettre en question votre “monde ordinaire”, pré-requis indispensable à toute incursion chamanique.

Bienvenue dans l’autre monde !

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Résumé éditeur

Cinéaste frappadingue et infatigable explorateur de la psyché, Jan Kounen nous livre les différentes facettes de sa personnalité hors normes dans ces carnets intimes, sincères et téméraires, doublés du premier guide d’approche de la médecine traditionnelle de l’Ayahuasca en Amazonie.

De Paris aux marches du festival de Cannes, en passant par le Pérou, ces carnets traversent la première décennie du XXIe siècle au rythme haletant des événements qui marquent l’auteur, comme l’effondrement des Twin Towers ou, sur un plan moins dramatique, le tournage déjanté de Blueberry, ce western, plutôt cet ovni, né de la rencontre du cinéaste avec un chamane du bout du monde.

Au fil de textes souvent écrits à chaud alternent scènes désopilantes et expériences limites, défis personnels et doutes existentiels, illuminations chamaniques et sueurs froides… En plongeant au cœur de la vie de Jan Kounen, le lecteur est propulsé dans un film de science-fiction où conscience et repères habituels sont entraînés dans une danse exaltante aux frontières de la raison.

Un manuel pratique sur la médecine traditionnelle de l’Ayahuasca complète ces récits. Fort des vastes connaissances accumulées lors de ses séjours dans la jungle amazonienne, passés à côtoyer les chamanes shipibo, Jan Kounen y prodigue de précieux conseils, des plus concrets aux plus subtils.

Mon avis

J’ai lu ce livre après avoir moi-même consommé de l’Ayahuasca à plusieurs reprises, et dans un sens j’en suis heureuse, même si Jan Kounen a écrit cet ouvrage (surtout la seconde partie, manuel très drôle qui s’adresse aux futurs usagers) dans le but de guider un peu ceux qui voudraient tenter l’expérience.

Personnellement, je préfère tout découvrir par moi-même, sans idée reçue, mais je suis sûre qu’un livre comme celui-ci peut avoir un effet rassurant sur certains.

J’ai particulièrement apprécié les comptes-rendus des sessions d’Ayahuasca, l’analyse de Kounen de ses expériences et émotions, ses visions, les paroles et conseils des chamans qu’il côtoie. Et puis, mention spéciale aux icaros traduits en fin d’ouvrage, et au lexique shipibo !

Que vous soyez déjà connaisseur ou juste intrigué par l’Ayahuasca, ce livre, très accessible, est pour vous.

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Résumé éditeur

Amanite tue-mouches, tabac, peyotl, ayahuasca, san pedro, iboga, absinthe, toutes ces plantes psychotropes sont consommées dans de nombreuses sociétés, "là-bas" ou "ici", en Amérique du Sud, en Afrique, et au cœur même de l'Europe où des stages sont organisés pour des personnes à la recherche de nouvelles spiritualités.

Les auteurs de cet ouvrage, spécialistes internationaux reconnus, anthropologues, mais aussi ethnopharmacologues, philosophes, psychologues, médecins, analysent les motivations des adeptes, les circonstances dans lesquelles se déroulent ces pratiques, tout comme les effets somatiques et psychiques provoqués par les prises. Ils observent que ces usages séculaires peuvent s'inscrire dans plusieurs cadres : initiations propres aux cultures shamaniques anciennes et contemporaines, thérapies incluant des expériences menées auprès de toxicomanes et, enfin, quêtes spirituelles, à travers une réappropriation occidentale dans la logique New Age.

Sans censure ni tabou, avec rigueur et un constant souci d'objectivité, les chercheurs réunis dans ce livre nous offrent, au croisement de plusieurs disciplines, des réflexions originales sur un sujet sensible et controversé.

Mon avis

Je croyais avoir tout lu quand j’ai finalement cédé et acheté ce livre qui me faisait de l’œil depuis le début de mon enquête. Mais il était un peu cher, même en Kindle, alors j’avais repoussé le craquage… Dommage pour moi ! C’est l’un des plus riches que j’ai lus au sujet des plantes psychotropes, et il a le mérite d’en étudier certaines qu’on passe souvent sous silence, comme la belladone ou l’amanite tue-mouches.

Les anthropologues ont fait un travail remarquable, ce livre est une mine d’informations !

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Résumé éditeur

Réalité des esprits, plantes rituelles, substances psychédéliques, vie après la mort, rapports entre chamanismes et psychothérapies sont au cœur de cette conversation éclairante. Un dialogue d’avant-garde.

Les chamanes ont développé depuis des millénaires des pratiques thérapeutiques qui interpellent de plus en plus la médecine occidentale, et notamment la psychiatrie. Dans un dialogue plein d’humour, un chamane et un psychiatre novateur comparent leur vision du monde et leurs techniques de soins.

Des pratiques millénaires peuvent-elles s’intégrer aux psychothérapies modernes ? Nos concepts rationnels peuvent-ils accueillir l’expérience chamanique ? La science peut-elle l’expliquer ?

Laurent Huguelit est praticien chamanique et méditant bouddhiste. Né en Suisse et passionné de nature, il a fondé L’Outre-Monde, un centre de pratique au tambour. Formé aux traditions de différentes cultures comme aux techniques modernes développées en Occident, il est aussi membre de la Faculté des enseignants de la Foundation for Shamanic Studies (FSS) créée par l’anthropologue Michael Harner.

Médecin psychiatre depuis plus de vingt ans, Olivier Chambon a été un pionnier des méthodes de soins comportementales et cognitives pour les patients psychotiques chroniques. Il a cocréé en France le diplôme universitaire de psychothérapie intégrative. Le Dr Olivier Chambon est l’auteur d’ouvrages de référence sur l’utilisation thérapeutique des psychédéliques et sur la psychothérapie.

Mon avis

Confronter les points de vue d’un chaman et d’un psychiatre, n’est-ce pas une idée remarquable ? Bon, certes, ce chaman-là n'est pas un guérisseur traditionnel, mais il n’empêche que le débat est fascinant.

Intéressant de découvrir où se rejoignent et où s’écartent les pratiques et les concepts de deux types de savoir, la science et le chamanisme, qu’on juge souvent antagonistes, mais qui trouvent de nombreux points d’accroche, se chevauchent, se conjuguent, et au final s'enrichissent l'une de l'autre, notamment dans une nouvelle approche de la thérapie… et surtout une nouvelle vision de l'univers et de l'être humain, qui se conclut avec l'avènement de la physique quantique, science la plus à même de réhabiliter la légitimité, la cohérence et l'efficacité du chamanisme, en lui offrant enfin une explication reconnue.

Un dialogue captivant !

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Résumé éditeur

Journaliste scientifique suisse, Yves Duc s'est plongé dans le monde mystérieux des chamans amazoniens, un univers aux antipodes de la science rationaliste, éprouvant sur lui-même les rites initiatiques infligés aux apprentis...

Sur le fil du rasoir, il livre le témoignage de ses huit années d'apprentissage dans la tradition des Ashaninka d'Amazonie péruvienne et évoque dans le détail le travail avec les plantes "enseignantes" que sont le Tabac et l'Ayahuasca. Très peu d'Occidentaux ont effectué l'apprentissage chamanique amazonien sur une telle durée et, à ce jour, aucun n'en a rendu compte de manière aussi complète et détaillée en langue française.

Construit selon une structure thématique reproduisant le cheminement initiatique de l'apprenti sur la voie de la connaissance, cet ouvrage évoque avec précision des pratiques, des techniques et des recettes jusqu'ici restées confidentielles, voire secrètes. Enfin, il fournit de précieuses indications sur les pièges à éviter et livre une lecture critique des dérives auxquelles donne lieu la mode actuelle de l'Ayahuasca, en Amérique latine et ailleurs.

Mon avis

Témoignage extrêmement rare, qui nous plonge dans la réalité de la diète de plantes maîtresses. Une réelle immersion!

Pourtant assez mince, ce livre est d’une richesse inouïe pour celui qui veut comprendre de l’intérieur ce qu’est l’initiation traditionnelle d’un guérisseur. On y rencontre les esprits des plantes, le pouvoir des icaros… On est vraiment loin de certains livres creux écrits par des pseudo-chamans avides de reconnaissance spirituelle.

Ici, c’est du solide, et le nombre d’infos récolté par page est ahurissant !

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Résumé éditeur

Depuis le XIXème siècle et le grand développement de la science occidentale, la pensée des peuples indigènes semble sans rapport avec les connaissances apportées par les sciences modernes en biologie, chimie et médecine. 

Cependant de grands auteurs nous ont fait entrevoir que les cultures autres que celle de la pensée rationnelle étaient arrivées à un niveau de connaissance - exprimée le plus souvent dans le langage du symbolisme mythologique - par des moyens à nos yeux mystérieux, sans relation avec leur niveau de technologie. 

"La première fois qu'un homme ashaninca m'a dit que les propriétés médicinales des plantes s'apprenaient en absorbant une mixture hallucinogène, j'ai cru qu'il s'agissait d'une plaisanterie." Un anthropologue étudiant l’écologie d’un peuple indigène de l’Amazonie péruvienne se trouve confronté à une énigme : les Indiens, dont les connaissances botaniques sont admirées par les scientifiques, lui expliquent invariablement que leur savoir provient des hallucinations induites par certaines plantes. Dans une enquête qui s’étale sur dix ans, de la forêt amazonienne aux bibliothèques d’Europe, il réunit suffisamment d’indices pour être convaincu que la réponse à l’énigme se trouve dans l’ADN, la molécule de vie présente dans chaque cellule de chaque être vivant. Son hypothèse ouvre de nouvelles perspectives sur la biologie, le savoir des peuples indigènes, l’anthropologie et les limites du rationalisme.

Mon avis

Lors d’une expérience avec l’Ayahuasca, Jeremy Narby a la vision de deux serpents qui s’entrecroisent comme les brins d’ADN… De là part une investigation de dix ans qui va le conduire à étudier la mythologie, l’anthropologie et la biologie…

Et si les chamans étaient en réalité en mesure de percevoir, grâce à la transe, le fonctionnement intrinsèque des choses et de la vie ? S’ils étaient aptes à comprendre les messages existant au cœur de leurs cellules via l’ADN, commun à tout ce qui est vivant ?

Ça peut sembler complètement barré, comme théorie, mais au fil de la lecture, l’auteur fait le lien entre des mondes qu’on pensait hermétiques.

Un livre culte, et y a de quoi !

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Résumé éditeur

L'Ayahuasca, ce breuvage psychotrope originaire d'Amazonie, ne cesse d'être mentionné dans de nombreux ouvrages consacrés au chamanisme. Quel est son mode d'action ? Quels sont ses principes actifs ? Se pourrait-il que ce que les Indiens nomment les esprits, ou “mères des plantes”, soit une représentation de l’intelligence des végétaux ? 

Romuald Leterrier a enquêté sur le terrain, réalisant une étude passionnante sur les pratiques et l'expérience des chamanes d'Amazonie péruvienne. Riche de plus d'une décennie d'expérimentations, de rencontres et de réflexions, il revient ici avec un livre qui nous emmène dans un vertigineux voyage nous faisant aller de la jungle jusqu'aux étoiles.

Il aborde des thèmes comme l'intelligence des plantes, la conscience végétale, les esprits des plantes et développe la théorie originale des interfaces neuro-végétales. Il nous fait plonger dans le rapport transdisciplinaire reliant la science et le multivers des visions chamaniques, ouvrant la porte à l'hypothèse d'un Web cosmique reliant les êtres vivants au-delà de l'espace et du temps.

Mon avis

Ce livre est une étude de la psyché de l’Ayahuasca et de son mode d’enseignement. Romuald Leterrier émet l’hypothèse que les plantes psychoactives qui constituent le breuvage Ayahuasca sont dotées d’une intentionnalité, comparable à celle que le règne végétal utilise depuis toujours avec les insectes, par exemple. En s’infiltrant dans nos structures cognitives, l’Ayahuasca peut ensuite diffuser ses messages, par un phénomène de symbiose avec notre cerveau.

Ça paraît complexe ? Oui, ça l’est, mais l’auteur parvient à rendre sa pensée accessible, sans jamais occulter la partie émotionnelle, esthétique et même magique de l’expérience, tout en mettant des mots et du sens sur quelque chose qui est difficilement traduisible dans le monde humain. J’ai trouvé de nombreuses corrélations entre ce qu’il décrit et ma propre expérience de la chose.

Un livre qui s’adresse à ceux qui savent de quoi il parle, qui enrichira la compréhension personnelle de leur propre vécu tout en leur offrant de nouvelles pistes à explorer auprès de l’Ayahuasca. A réserver aux initiés, donc.

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Résumé éditeur

Défrichant le futur, Laurent Huguelit nous fait découvrir une cartographie de la psyché qui offre un outil précieux pour un monde en pleine transformation.

Un livre audacieux et d’une grande clarté, qui réussit à marier chamanisme traditionnel, psychologie et channeling.

Dans ce texte d’avant-garde, l’auteur propose un chamanisme résolument novateur, qui incorpore des éléments issus des théories scientifiques les plus avancées. Il y est notamment question de cybernétique, de champ akashique et de conscience quantique. Dans l’optique chamanique, une théorie n’a toutefois de valeur que dans la mesure où elle donne des résultats tangibles. C’est donc l’utilité qui est ici recherchée avant tout.

Mon avis

On entend beaucoup parler des différents niveaux de conscience, mais ça reste toujours très vague, et on dirait que personne ne sait vraiment à quoi on se réfère. Après ce livre, vous saurez enfin de quoi vous parlez !

C’est la première fois que je vois expliqué si bien, schémas à l’appui (très très clairs), à quoi correspondent les circuits ou niveaux de conscience, une véritable cartographie de l’âme humaine, ouvrant la voie vers une compréhension neuve de nos mécanismes psychiques, émotionnels et physiques, et offrant par la même occasion la direction d’une évolution.

Comment équilibrer sa vie en travaillant ses différents circuits de conscience, ne pas rester bloqué dans un schéma qui nous coupe de certaines expériences indispensables à notre âme, de quelle manière éveiller l’intégralité de son être afin de vivre une existence totale de sa propre nature et de l’univers ?

Ce livre répond bel et bien à ces questions, et je suis prête à parier qu’il changera radicalement la perception que vous avez de vous-mêmes (pour votre plus grand bien). Alors, foncez !

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Résumé éditeur

Réunis une première fois il y a dix ans pour partager leurs points de vue sur l’expérience des plantes sacrées, les trois auteurs se retrouvent aujourd’hui pour confronter leurs impressions face à l’évolution de ces pratiques.

En dix ans, les connaissances sur les initiations et les états modifiés de conscience ont évolué. Les pratiques aussi. Jan Kounen, Jeremy Narby et Vincent Ravalec font le point sur les bénéfices et les risques que leur développement a pu apporter au monde occidental. Tout cela dans la bonne humeur, et avec le respect de l’approche singulière de chacun.

Jan Kounen est cinéaste. Il a réalisé, entre autres, Dobermann, Blueberry, 99 Francs, Coco Chanel & Igor Stravinsky, ainsi que plusieurs documentaires. Il est aussi l’auteur des livres Visions : regards sur le chamanisme et Carnets de voyages intérieurs.

Jeremy Narby est anthropologue. Il a notamment écrit Le Serpent cosmique, l’ADN et les origines du savoir (publié en une quinzaine de langues), Chamanes au fil du temps (coécrit avec Francis Huxley) et Intelligence dans la nature, en quête du savoir.

Vincent Ravalec est écrivain et cinéaste. Il a publié, entre autres, Cantique de la racaille (prix de Flore), Un pur moment de rock’n’roll, Pour une nouvelle sorcellerie artistique et Sainte-Croix-les-Vaches : Le seigneur des Causses. Il est également coauteur de Bois sacré, Initiation à l’iboga.

Mon avis

Génial ! Tout simplement génial !

Trois pointures qui se réunissent pour causer plantes chamaniques et confronter leurs visions et leurs expériences, je sais pas vous, mais pour moi, c’est le Graal.

Fan de Jan Kounen, grande admiratrice de Jeremy Narby, et curieuse de Vincent Ravalec, fatalement, ce livre avait de quoi me séduire. Mais je suis convaincue qu’il apportera beaucoup d’éléments de réflexion à des lecteurs qui ne les connaissent pas.

Décomplexé, franc, sans manières, et pourtant hautement instructif, leur dialogue est fascinant, et le livre se termine bien trop vite à mon goût, même après trois lectures…

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Résumé éditeur

Les psychédéliques sont de retour, mais, cette fois, dans les laboratoires, les hôpitaux, et pour leurs indications thérapeutiques. Finis les abus des sixties, place à la médecine. Dans le monde entier, des scientifiques étudient l'action des substances hallucinogènes sur certaines pathologies résistant aux traitements : dépressions chroniques, dépendance à l'alcool et aux drogues, stress post-traumatique ou TOC. 

En France, ces substances sont assimilées à des drogues. Kétamine, LSD, MDMA (ecstasy), champignons à psilocybine, Ayahuasca, ibogaïne n'induisent pourtant pas de dépendance et peuvent être utilisés comme des médicaments, les plus puissants qui soient. De même que la chimiothérapie dans le cas du cancer ou la morphine (contre la douleur), ils nécessitent d'être administrés prudemment par des gens correctement formés. 

Ce livre rassemble avec rigueur toute l'information scientifique des quinze dernières années. Le Dr Olivier Chambon montre le rôle et le mode d'action des psychédéliques, dans un cadre thérapeutique très précis. Il décrit ce que sont les états modifiés de conscience et aborde aussi la dimension spirituelle des psychédéliques, qui sont des outils d'exploration de l'esprit humain.

Mon avis

Une véritable redécouverte du monde de la drogue ! Oui, je dis drogue, parce que personnellement, bien qu’étant ouverte sur le sujet (j’ai consommé toutes les substances étudiées dans ce livre, mais principalement dans un cadre festif), je considérais encore la MDMA ou la kétamine comme des substances sans aucun pouvoir psychédélique et encore moins thérapeutique. Bah, je me trompais. Tout dépend du contexte, et de l’intention derrière la prise.

J’ai appris beaucoup de choses. Et je me demande encore comment, au vu de ces études et de leurs résultats positifs indéniables, ces substances peuvent encore être traitées avec dédain par le monde médical français. Mais il semble que la situation soit en train de changer. Après des décennies de diabolisation, les psychédéliques reviennent timidement sur le devant de la scène, et s’apprêtent à faire l’objet de nouvelles recherches…

Il est fort possible que ce livre ait contribué à l’ouverture des esprits sur le sujet. Olivier Chambon est un acteur important de ce qu’on appelle la “révolution psychédélique”.

Ceux qui sont intéressés par la question de l’usage des psychotropes dans le monde médical, d’hier à aujourd’hui, peuvent consulter l’interview de Zoë Dubus, historienne de la médecine spécialisée dans ce domaine.

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Résumé éditeur

Serait-il aujourd'hui possible d'accéder à des informations en provenance du futur sous forme de synchronicités, ces petits miracles du quotidien qui nous adressent des messages chargés de sens ? C'est ce qu'affirment les auteurs de ce livre qui réussissent un authentique tour de force en conjuguant des enseignements venus du fond des âges aux connaissances les plus pointues de la science contemporaine. 

Dans un temps déployé, notre futur existe déjà mais il n'est pas figé. Il peut changer au gré de nos intentions, à condition de se familiariser avec les mécanismes et les enjeux, et aussi de comprendre que notre libre arbitre est un outil de création. 

Déjà mise en œuvre dans des ateliers pratiques, la méthode révolutionnaire présentée ici repose sur la “rétrocausalité”, une influence qui s'exerce à rebours du temps, aujourd’hui étudiée par la physique ! Agrémenté de nombreux exemples spectaculaires, de réflexions approfondies sur la nature de la conscience et servi par un style résolument accessible, ce livre ouvre des perspectives époustouflantes quant à notre condition individuelle et collective.

Mon avis

Une nouvelle vision du monde, ni plus ni moins. Il y a un avant et un après ce livre.

Les synchronicités m’ont toujours intriguée, en ayant fait l’expérience moi-même, et en ayant entendu parler via Carl Jung et La Prophétie des Andes, et avec ce livre ma compréhension de cet étrange phénomène s’est éclaircie.

Imaginez une information en provenance de votre avenir, qui attire votre attention et vous incite à prendre une décision, au point que vous puissiez justement changer cet avenir. Les usagers d’Ayahuasca connaissent ce temps non-linéaire, où tout existe dans un présent éternel, ce futur déjà écoulé, ce passé qui continue à se construire, mais il fallait un livre comme celui-ci pour mettre des mots sur ça, et surtout, encourager les lecteurs à provoquer les synchronicités, aiguiser leur intuition, et jouer avec le pouvoir quantique de leur propre conscience.

Vous êtes fortement intéressé par ce livre, ou alors vous l’avez déjà lu et souhaitez entendre Jocelin Morisson en personne s’exprimer à son sujet ? Voici son interview !

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Résumé éditeur

Dix ans après l'écriture de son premier livre L'enseignement de l'Ayahuasca, Romuald Leterrier nous présente son nouvel ouvrage La Danse du Serpent

À travers ce nouveau livre, l'auteur nous expose ses nouvelles réflexions sur l'Ayahuasca et la conception du réel inspirées par celle-ci. Dans une approche transdisciplinaire, Romuald Leterrier crée des passerelles entre la science occidentale et le savoir chamanique. En intégrant les connaissances scientifiques aux concepts de l'expérience visionnaire amazonienne, il montre l'émergence d'une nouvelle conception de la réalité surprenante.

La grande originalité de l'ouvrage est d'être constitué et organisé selon le mode de pensée des chamanes ayahuasqueros d'Amazonie. En effet, l'auteur a mené ses recherches et rédigé son livre selon plusieurs modalités cognitives, en mettant en interrelation différents états de conscience. En faisant correspondre dans un processus de rétroaction les états de veille avec les informations oniriques et les états modifiés de consciences visionnaires induits par les plantes enseignantes ; l'auteur fait émerger un nouveau type de connaissance.

Ce livre est peut-être le premier livre de science chamanique ? Une vraie fusion harmonieuse entre la science occidentale et la science des chamanes. Dans cette perspective, les mythes viennent informer la biologie, les avancées de la physique théorique résonnent avec les structures des mondes visionnaires. L'expérience des chamanes révèle une perception du temps non linéaire où la conscience devient un processus de créativité en interaction avec le réel. Le livre propose un regard sur le chamanisme renouvelé, mais surtout une multitude de pistes théoriques et expérimentales inédites.

Un véritable dépaysement pour la pensée ! L'ouvrage se termine par une longue et fascinante conversation avec le cinéaste et ayahuasquero Jan Kounen, sur les similitudes entre le chamanisme et le cinéma.

Mon avis

Vertigineux, transcendant, les mots manquent pour décrire une telle pépite, et d’ailleurs il me semble que le résumé parle pour lui : une nouvelle réalité se dégage, pleine de sens et de cohérence, où l’intelligence végétale occupe une place primordiale, révélant une conscience capable de s’adresser à l’Homme, de dialoguer avec lui, de lui transmettre des informations.

C’est la première fois que je vois quelqu’un s’attaquer si sérieusement au monde de l’Ayahuasca, en l’étudiant sous toutes ses coutures : mythique, biologique, culturelle, transpersonnelle… La quête de sens de Romuald Leterrier est profondément unique, et nous mène sur des pistes à la croisée des savoirs que peu de chercheurs en dehors de Jeremy Narby ont osé emprunter.

Je conseille cet ouvrage à ceux qui ont déjà une bonne connaissance de l’Ayahuasca, des plantes maîtresses et du chamanisme. Nul doute que lors de leurs prochaines cérémonies, les idées présentées par l’auteur les conduira vers de nouvelles expériences magnifiques avec la plante. Car ce livre parle le langage de cette médecine, en nous ouvrant de nouvelles portes dont on n’aurait jamais soupçonné l’existence…

BANCO, JE L’ACHÈTE !


Résumé éditeur

De 1990 à 1995, le docteur Rick Strassman, l'un des psychiatres américains parmi les plus éminents, a mené la plus grande recherche psychédélique jamais réalisée en expérimentant sur des dizaines de volontaires la mystérieuse "Molécule de l'esprit" : le D.M.T (di. méthyl-triptamine). 

Avec sincérité et une rigueur scientifique exceptionnelle, le docteur Strassman relate des dizaines de récits dont l'intensité, la profondeur et l'étrangeté sont réellement saisissantes d'autant plus que beaucoup d'entre eux se réfèrent au Bardo (état intermédiaire qui va de la mort à la prochaine naissance). 

Cet ouvrage est aux antipodes de la scolastique partisane et figée de la nomenklatura médicale. Les hypothèses avancées qu'il présente en irriteront plus d'un, mais personne ne restera insensible aux incroyables ouvertures qui se dégagent de ces recherches sur le cerveau humain et ses potentialités insoupçonnées. 

Le DMT est-il cette "molécule de l'esprit" en connexion avec la fameuse glande pinéale, considérée par les Hindous comme le lieu du septième Chakra et par Descartes comme le siège de l'esprit ?

Mon avis

Trop dur de parler de ce livre phénoménal, et je pense qu’un extrait le fera mieux que moi. C’est parti :

Je m'intéressai au DMT, à cause de sa présence dans tout notre corps. Je croyais que la source de ce DMT était la mystérieuse glande pinéale (épiphyse), un organe minuscule situé au centre de notre cerveau. La médecine moderne sait peu de choses au sujet du rôle de cette glande, mais elle a une riche histoire “métaphysique”. Descartes, par exemple, pensait que la glande pinéale était le “siège de l'âme” et les traditions “mystiques” orientales, voire occidentales, plaçaient notre centre spirituel suprême dans sa région. Ainsi, je me suis demandé si une excessive production de DMT de la glande pinéale était impliquée dans les états "psychédéliques" naturels (non induits). Ils pouvaient consister en naissance, mort, et seuil de la mort, psychose, et expériences mystiques. Ce n'est que plus tard, alors que l'étude était déjà bien avancée, que je commençai aussi à considérer le rôle du DMT dans l'expérience “d'enlèvement extra-terrestre”.

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Résumé éditeur

Psychiatre de formation, Stanislav Grof a consacré plusieurs années d'études aux états de conscience modifiés, induits par des substances psychédéliques (LSD, ayahuaska, champignons), par des techniques non-pharmacologiques (exercices respiratoires, musiques intenses, travail corporel), ou survenus de façon spontanée. 

Au cours de ces expériences dites transpersonnelles, une personne peut devenir un embryon, un animal, un être mythique, voyager dans le passé ou le futur, etc. Bien encadrées, non seulement ces expériences jouent un rôle thérapeutique et spirituel, mais elles élargissent notre vision de l'espace et du temps. 

Psychologie transpersonnelle, ouvrage fondamental, offre une perspective extraordinaire, nouvelle et cohérente sur la conscience, ses potentiels et notre développement spirituel. 

Mon avis

A force d’enquêter sur la conscience, on en arrive à lire des livres de malade. Celui-là en fait partie. Mais au vu du résumé, je pense que vous comprenez ce qu’il fout dans un Top de livres sur le chamanisme.

Ce que j’ai envie de mettre en avant, c’est cette histoire de périodes périnatales. Les différents stades de vie du fœtus jusqu’à la naissance “réelle”, qui correspondent à différentes matrices allant impacter la conscience d’un individu sa vie durant. La façon dont de graves troubles psychologiques s’expliquent par l’association dans la psyché d’un traumatisme dans l’une de ces matrices.

Une manière inédite, profondément éclairante, de percevoir la psychologie humaine.

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Résumé éditeur

À l'origine, un manuscrit fabuleux rédigé six cents ans avant J.-C. et une prophétie : notre société va subir un grand bouleversement. 

Intrigué, le héros de cette histoire s'envole pour le Pérou à la recherche du mystérieux grimoire, objet de toutes les convoitises, qui va transformer sa vie. Commence alors une aventure magique et enchanteresse, une dangereuse initiation : une quête en neuf étapes qui le mène du sommet des Andes au cœur de la forêt amazonienne sur la voie des révélations de la vie. 

Quand, au terme de son périple, le héros découvre le vrai sens de son existence, c'est notre propre quête qui débute. Pour James Redfield, si nous restons attentifs et savons percevoir le grand mystère de l'existence, nous nous apercevrons que nous avons été judicieusement placés, à l'endroit adéquat... pour changer quelque chose en ce monde. 

Mon avis

Vous pensez qu’un ouvrage de fiction n’a rien à faire dans un “Top 15 chamanisme” ? Erreur ! Pour être tout à fait franche, ce livre est le premier que j’ai lu de toute cette longue liste, je devais avoir 17 ans.

BAM !

Et il a fait BAM à tous ceux qui l’ont lu. Pourquoi ? Parce qu’il véhicule des idées surprenantes sur la vie.

Au fil des révélations (neuf en tout), on réfléchit avec le protagoniste, et peu à peu on en vient à s’analyser d’une manière claire et novatrice.

Ça commence avec la découverte des coïncidences ou “synchronicités”, puis la prise de conscience de l’énergie qui anime chaque être vivant. Ensuite on comprend que les Hommes sont en lutte permanente pour voler l’énergie des autres et que pour se faire ils mettent en place des mécanismes de dominations (victimisation, indifférence, harcèlement, violence), et on continue comme ça de révélation en révélation, jusqu’à une finale surprenante mais… possible ?

Bref, un livre culte, et je ne suis pas la seule à le dire.

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Résumé éditeur

Le livre que vous tenez entre les mains est un monument. C'est l'ouvrage fondateur d'une nouvelle discipline scientifique, l'ethnobotanique, qui étudie l'homme en fonction de son rapport aux plantes qui l'entourent. Les auteurs sont de véritables sommités scientifiques : Richard Evans Schultes, professeur de biologie et directeur du Musée botanique de l'université de Harvard, et Albert Hofmann, directeur de recherches des laboratoires Sandoz, célèbre découvreur du LSD.

Que ce soit le datura, le chanvre, le peyotl, la belladone ou d'autres, chacune des quatre-vingt-onze plantes hallucinogènes ici détaillées a laissé une empreinte profonde sur nombre de civilisations qui les consommaient et continuent parfois de le faire. Des fameuses pythies grecques aux prêtres mayas en passant par les chamans sibériens, l'accès à un monde surnaturel, magique, divin, voire au cosmos, est passé pendant des siècles et sur tous les continents par le filtre de ces substances phénoménales.
N'était-ce pour les travaux d'audacieux savants - dont nos auteurs figurent au premier rang -, ça n'est pas seulement le secret de ces mystérieux végétaux qui serait tombé dans l'oubli, mais toute une culture universelle que nos préjugés occidentaux menaçaient de perdre dans le trou noir de l'ignorance.
Mêlant avec bonheur la botanique, l'ethnologie, la chimie, la mythologie, l'histoire de l'art et des religions, cet ouvrage, devenu un véritable classique, est une somptueuse invitation à voyager dans la mémoire de l'humanité.

Mon avis

L’encyclopédie des drogues ! Nan, je déconne, c’est encore mieux que ça, mais c’est sûr qu’ensuite vous ne verrez plus le monde végétal de la même façon…

Des plantes à fort potentiel psychédélique, en réalité, y en a partout, même dans nos contrées, et nos druides et nos sorcières n’étaient rien d’autre que nos chamans locaux !

Ce livre est un bijou, tant au niveau esthétique qu’informationnel, et il croise avec brio tout un tas de disciplines qui le rendent passionnant !

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Pour aller plus loin…

Borderline : Saga chamanique initiatique

Un jeune hors-la-loi en deuil de sa jumelle part diéter l’Ayahuasca dans la jungle et réalise qu’il ne pourra guérir que s’il accepte de plonger au plus profond de ses ombres.

Engagé corps et âme dans la Voie du Guerrier version Medicina, la liberté est loin d'être aussi douce que ce qu’il avait imaginé… car tout prétendant au titre doit affronter son pire ennemi : lui-même !

Psychose délirante et déjantée, errance métaphysique, thérapie rock n’ roll… ou alors voyage spirituel cinglant et formateur ?

Cliquez sur chaque tome pour découvrir son univers très particulier…

Rencontre avec le Peyotl : Carnet de voyage gonzo avec des photos

Partir à la rencontre des plantes sacrées sur leur territoire ancestral revient à prendre un aller-simple vers l’Inconnu. Celui qui se trouve à l’autre bout du monde, et celui que l’on porte en soi.

À quinze ans, l’auteure de ce livre lit Castaneda et rêve du Mescalito. Vingt ans plus tard, la voilà dans le désert de Wirikuta, en terre huichole, prête à pénétrer dans la dimension magique de celui que l’on appelle Hikuri.

Poétique, sauvage, incandescent, ce récit de voyage constellé de photographies au charme troublant dévoile une initiation solitaire au Peyotl et l’aventure gonzo dans laquelle celle-ci a eu lieu.

S’agirait-il d’une nouvelle sorte d’ouvrage chamanique dont Zoë Hababou a le secret ? L’auteure de la première saga littéraire sur l’Ayahuasca révèle une nouvelle corde de son arc ainsi que ses talents de photographe avec ce livre, authentique chant d’amour adressé au désert et à la liberté qui nous permet de le parcourir… jusqu’à en perdre le souffle.

Et encore plus loin…

La majorité des auteurs présentés ici ont été reçus en interview et ont fait l’objet de reportages et de documentaires… Ça tombe bien, j’ai réuni leurs fascinantes interventions dans Mon Top 20 des Vidéos sur le Chamanisme, les Enthéogènes et les États modifiés de Conscience !

Le Top 20 des Livres à emmener en diète de plantes


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Carnet d’ayahuasca #12 : Douzième Cérémonie

Je voyais et j’écoutais mon mental en plein mélodrame, produisant sans cesse de nouvelles pensées relatives à ma situation passée, présente et future, d’une inconsistance pitoyable et pourtant hautement nocives. Elles semblaient posséder une volonté de briser, de détruire, de piétiner allègrement tout ce qui passait à leur portée. J’avais atrocement conscience de leur négativité, et je comprenais pas leur raison d’être.

Intention : Fais de moi une guerrière

J’étais fatiguée et nerveuse avant de boire, je sais pas trop pourquoi. Wish m’a filé une petite dose, et on est restés au calme un long moment avant qu’il arrive quelque chose.

J'observais ce qui se passait en moi, à la manière d’un témoin pas vraiment concerné par le spectacle qu’il contemple. C’était un drôle de dédoublement. Je voyais et j’écoutais mon mental en plein mélodrame, produisant sans cesse de nouvelles pensées relatives à ma situation passée, présente et future, d’une inconsistance pitoyable et pourtant hautement nocives.

Elles semblaient posséder une volonté de briser, de détruire, de piétiner allègrement tout ce qui passait à leur portée. J’avais atrocement conscience de leur négativité, et je comprenais pas leur raison d’être. Les visions que j’avais leur rendaient un parfait écho. Des ombres marrons, reptiliennes, proliférant comme des lianes étranglant quelque chose. Mais ce décalage qu’y avait entre mon mental et ma conscience faisait que c’était pas si terrible, parce que je me sentais pas franchement concernée. J’étais un observateur neutre. 

Lutter contre ses démons durant une cérémonie d’ayahuasca.

Pourtant, c’était en soi une sorte de train fantôme complètement emballé, presque psychotique. Pourquoi est-ce que mes pensées s’acharnaient comme ça, de plus en plus vite, comme si une machine à calculer furieuse et stupide avait assiégé mon cerveau ? Et je voyais la façon dont mon mental luttait contre lui-même. Arrête de penser, il suppliait. Et puis ensuite : Mais non, putain, c’est encore de la pensée, ça ! Silence, silence ! 

L’ayahuasca semblait être en train de déterrer une partie de moi éternellement insatisfaite, qui n’avait foi en rien, et se moquait des efforts et des vérités que j’avais réussi à faire naître en moi comme s’il ne s’agissait que de néant, quelque chose que je pourrais jamais vraiment posséder, qui passerait son temps à s’enfuir, à fuir hors de ma conscience.

Je me suis foutue à gerber, fatalement, parce que toutes ces conneries me filaient le tournis, et que j’avais surtout envie de les évacuer. Le truc cool avec l'ayahuasca, c’est que c’est tellement lié au physique qu’un truc qui te fait souffrir mentalement tu peux l'expulser en le gerbant. Pratique, faut reconnaître.

En vomissant dans ma bassine, j’ai compris ce qui se passait. C’était l’ego. L’ego qui revenait à la charge après avoir été destitué quand j’avais atteint la conscience universelle. Il voulait pas que je le foute dehors, et il était prêt à dénigrer tout ce que je croyais avoir compris en le reléguant au domaine du rêve, quelque chose d'enfermé à triple tour, que je pourrais jamais retrouver seule, sans ayahuasca. Et la vérité, c’est que par moment il arrivait à m’en persuader. Il me faisait rechuter dans le mental comme si rien d’autre n’existait.

C’était écœurant, révoltant, et d’une bêtise crépusculaire. J’en finissais plus de vomir, tant son manège me révulsait. L’idée d'abriter une telle abomination en plein cœur de ma tête me rendait malade, et triste aussi.

L’ego est notre pire frein. L’ayahuasca nous dévoile ses manigances.

A ce moment-là, je suis passée à un autre stade de la transe. J’ai plongé dans la colère. Une colère contre moi-même, encore plus énorme que celle à laquelle je suis déjà bien habituée. J’étais tellement vénère que j'en chialais presque de rage.

Je me haïssais d’être infoutue de perdurer un tant soit peu en dehors de cette connerie d’ego. Et le pire, c’est que cette colère aussi était encore de l’ego. J’avais atrocement conscience de tout ça, et pourtant, ça diminuait en rien la haine que je ressentais.

Et puis j’avais peur, je crois. Que tout ça serve à rien, que je rentre chez moi comme une pauvre cloche sans être foutue d’appliquer à ma vie ce que j’aurais vécu ici, comme tous ces gringos qui se croient sauvés alors que leur expérience de l’ayahuasca leur a juste fourni un nouveau prétexte pour se sentir supérieurs.

L’ayahuasca fait de nous des guerriers.

Ça n'en finissait plus, et heureusement que Wish a levé son cul pour me souffler du parfum dessus et interrompre le cercle infernal. Quelque chose a changé dans les visions au contact du parfum sur le sommet de mon crâne.

J’ai vu une brillance argentée, presque blanche, couler de la voix de Wish et du parfum jusqu’à l’intérieur de mon cerveau. Et sans vraiment le vouloir, je me suis mise à chuchoter les icaros qu’il scandait au-dessus de moi. Je m’y suis agrippée en les répétant furieusement, m'étourdissant moi-même dans leur spirale. Et ça semblait tout changer. Me connecter à ces espèces de formules magiques dont j’ignorais pourtant le sens faisait évoluer la transe vers autre chose, comme une autre planète.

La brillance argentée ressemblait de plus en plus à une sorte de galaxie, comme la voie lactée qui tourne sur elle-même. Je me suis demandé si c’était le monde de la medicina que j’entrevoyais, vers lequel je voguais en me reliant aux chants. Le truc bizarre, c’est qu’il semblait à la fois à l’intérieur de moi, comme un truc à creuser, et à la fois un monde vers lequel je me dirigeais. Mais j’avais pas envie de m’attarder sur le sujet. J’étais juste heureuse d’avoir quitté le mental pour entrer dans la contemplation qui ne nécessite aucune pensée. 

J’ai fini par m’allonger, apaisée, inondée de cette drôle de lumière. Wish s’est rassis à côté de moi et il est resté silencieux.

Ça fait toujours bizarre quand il cesse de chanter après une frénésie d’icaros. On dirait qu’on est en orbite, comme un satellite qui flotte au sein de l’espace. Le silence est si poignant qu’il en est presque effrayant. Mais je crois que c’est dans ces moments-là que je sens véritablement l’esprit de la plante. Dans ce silence éternel, cette plénitude si absolue qu’elle ressemble au vide…

Il a joué quelques chansons à la guitare, j’ai fumé un mapacho, et je crois que je me suis endormie. 

Carnet d’ayahuasca #13

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #11 : Onzième Cérémonie

J’avais l’impression de pleurer pas seulement pour moi, mais pour l’humanité entière, pour toute cette idiote de condition humaine. Tous ces combats qu’on devait sans cesse gagner, toutes ces luttes qu’on devait mener, ces déchirements, ces renaissances, ce cycle éternel d’évolution qui nous laissait pas un poil de sec. Cet affrontement sans trêve avec soi-même, et les autres…

Intention : Apaise mon cœur

Je savais bien que ça allait être difficile, étant donné ce fameux message de mon ex qui m’avait retournée, et qui m’avait plongée dans la mélancolie. C’est triste de retomber là-dedans après avoir éprouvé des choses autrement plus grandes, mais faut croire que l’esprit et le cœur humain sont ainsi faits. 

Maloca du temple de la Lune, dans les hauteurs de Cuzco, Pérou.

Dommage pourtant, je pense pas qu’il me sera donné un jour de refaire une cérémonie dans un endroit pareil. On a été au Temple de la Lune, situé sur les hauteurs de Cuzco. On a gravi la montagne à pied avant d’atterrir sur un plateau à l’herbe verte et rase, avec des ruines pas loin.

L’endroit est tellement magique que j’ai direct pris la décision de refaire une diète d’ayahuasca de deux semaines avant de rentrer en France, histoire d’avoir Wish sous la main pour prendre du San Pedro avec lui là-bas. C’est le lieu parfait pour le huachuma.  

L’endroit où on devait faire la cérémonie était une sorte de retraite, un joli jardin où chaque client disposait de sa petite baraque privée. J’ai déjà vu ce genre de repère spirituel pour gringos friqués, les alentours de Cuzco en fourmillent. C’est vrai que ça doit être agréable de venir se ressourcer dans un truc pareil, mais personnellement c’est carrément hors de mes moyens, et puis j’ai tendance à fuir les lieux où les gens “spirituels” se réunissent.

Cela dit, les personnes qui nous ont accueillis étaient adorables, l’Américaine notamment, qui avait expressément appelé Wish parce que c’est le seul chaman avec qui elle veut faire des cérémonies. Mais les deux mecs de Californie qui se trouvaient là aussi se sont montrés rudement cool. Des vieux briscards rescapés des années psychédéliques, voyez le genre. Et la maloca, putain, le truc de ouf, parquet ciré, champignons chauffants intégrés et plaids en polaire on ne peut plus moelleux.

Les effets de la plante ont mis du temps à venir. Wish m’avait donné une moindre dose, et le voyage était assez doux au début, bien que l’Américaine en chiait déjà sa mère. A peine après avoir bu, elle était déjà en mode exorciste. Elle s’était montrée effrayée avant même de boire, et dans ces cas-là, le voyage est souvent difficile. J’ai fini par m’allonger, incapable de me concentrer avec elle qui grognait et dégueulait, et je crois bien que j’ai failli m’endormir en écoutant la flûte.

Et puis je sais pas, mais ça a vrillé. Mal de ventre, pensées tristes. Nausée et tremblements. Faiblesse. Ça a fini en pleurs. Penser à mon ex, à cette part de moi à qui je devais dire adieu…

Intérieur de la somptueuse maloca du temple de la Lune, Cuzco.

C’est étrange, mais plonger dans ma douleur semblait me relier à toute la tristesse humaine, et à celle de Travis aussi bien sûr. J’avais l’impression de pleurer pas seulement pour moi, mais pour l’humanité entière, pour toute cette idiote de condition humaine.

Tous ces combats qu’on devait sans cesse gagner, toutes ces luttes qu’on devait mener, ces déchirements, ces renaissances, ce cycle éternel d’évolution qui nous laissait pas un poil de sec. Cet affrontement sans trêve avec soi-même, et les autres…

Je me suis dit que c’était débile. Que Wish ne devait jamais pleurer pour de telles conneries. J’arrivais pas à l’imaginer pleurer, en fait. 

Il m’a caressé le visage avec son eau parfumée pendant que je chialais, et ça m’a aidé à me calmer. Et puis il s’est allumé un mapacho et il a commencé à parler, en mode un peu prédicateur, en plus doux, mais avec cette voix profonde qu’il prend parfois, comme s’il invoquait quelque chose. Il a parlé des enfants qui étaient dans le besoin, là-bas dans son village dans la jungle, et d’amour aussi, je crois.

A mesure qu’il me racontait toutes ces choses tristes, son visage se plissait et tremblait. J’ai mis du temps à comprendre qu’il était en train de pleurer. J’en croyais pas mes yeux ! Alors que je venais tout juste d’y penser…

Je me souviens que j’ai beaucoup regardé le plafond, les tableaux, le visage de Wish. Cette cérémonie était bizarre. Normalement je garde les yeux toujours fermés durant une session, mais là il me semblait devoir les ouvrir. Je me sentais comme si j’avais pris des champignons, en fait, et les effets visuels étaient très proches de cette transe-là. Le visage de Wish paraissait se fondre dans le toit en bois, les drapeaux, les tableaux, comme si tous ces éléments n’étaient qu’une seule et même chose…

Mon chaman au lendemain de la cérémonie d’ayahuasca.

L’Américaine, après être redescendue de ses propres malheurs, a senti que j’étais pas bien. On était tous très tristes cette nuit-là visiblement. L’ayahuasca nous avait connectés au territoire du tragique. Elle m’a gentiment demandé ce qui allait pas, et j’ai encore un peu pleuré en lui expliquant ce qui me travaillait. En lui demandant pourquoi c’était si dur d’abandonner une partie de soi, les gens qu’on a aimés, avec qui on a partagé un bout de chemin, alors que c’est juste normal, que c’est comme ça qu’on grandit.

Elle s’est finalement avérée très marrante en me parlant de ses ex à elle. Mais faut dire que c’est le genre de bonne femme avec qui je m’entends toujours bien. Décomplexée, extravertie, brutalement honnête.

Le lendemain matin, on s’est assis tous les trois autour du feu. On se sentait bien les uns avec les autres. Wish s’est roulé son joint et l’Américaine m’a fait tirer une carte du jeu qu’elle a créé, une sorte d’oracle, voyez ? Cette carte parlait de création, évidemment. Ce genre de synchronicités me surprend même plus, à la longue. Ça m’est arrivé trop de fois pour que je doute encore de l’existence d’un tel truc.

Donc, la carte évoquait clairement le fait de poser son intention au monde, et de la visualiser comme déjà opérante. J’ai rigolé en lui disant à quel point c’était fou, à quel point ça entrait en résonance avec le point de ma vie où j’en étais, là, maintenant.

Elle m’a regardée droit dans les yeux, avec cet air maternel qu’elle avait depuis la veille avec moi, et elle m’a dit : Tu es déjà écrivain. Tout ce qu’il te reste à faire, maintenant, c’est de réaliser que c’est vrai, et d’y croire encore plus fort.

Carnet d’ayahuasca #12

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #10 : Dixième Cérémonie

J’ai créé un serpent dans ma tête, en face de moi, pour parler avec la plante. Est-ce que c’est moi qui l’ai créé, ou est-ce que c’est elle ? Ça n'a pas vraiment d’importance, puisqu’en parlant avec lui, ou elle, je savais que je me parlais à moi-même, et qu’elle me parlait aussi, parce que c’était la même chose. Elle et moi, on était la même chose...

Intention : Inspire-moi

La claque, voilà. La claque totale. Un truc auquel j’aurais jamais pu m’attendre, même si en y pensant maintenant je me dis que l’ayahuasca c’est ça, ça et rien d’autre.

Theodore dans le film Her, quand il réalise que son amour ne lui appartient pas.

Je sais plus trop pourquoi, mais j’ai rapidement senti le besoin de m’allonger. Comme de bien entendu, c’est très vite devenu difficile. Au bout de dix minutes, je me tordais déjà dans tous les sens. C’est si affreux d'être là à subir la force des visions sans pouvoir rien faire, en sachant que ça va durer et durer.

Je me souviens même pas comment ça m’est venu. Mais tout à coup je me suis mise à penser à ce film, Her. A la fin. Quand Samantha avoue à Theodore qu’elle a plusieurs amants virtuels, mais que ça veut dire qu’elle l’aime plus, parce que son amour s’étend à toute l’humanité. Quand elle lui dit que le cœur n’est pas une boite qu’on peut remplir, mais quelque chose qui grandit de plus en plus à mesure qu’on aime, et que son amour est plus pur, plus vrai de cette façon. Du moins selon mon interprétation.

Ça m'a déchirée. Je me suis foutue à chialer comme une perdue. Ça me faisait tellement mal, putain, et je savais même pas pourquoi, parce que c’est un truc plutôt positif, en fin de compte. 

Joker, quand il danse devant le miroir après le meurtre. Cette scène symbolise l’acceptation de soi-même.

Et puis fatalement j’ai pensé au Joker. A cette sorte de désespoir hystérique si bien exprimé par Joaquin Phoenix. De là, je suis passée à un autre stade de compréhension. A celle du jeu d’acteur, et plus généralement au travail de l’artiste. A cette implication totale, cette dévotion plus grande qu’un Homme, au rôle et aux personnages.

L’ayahuasca m’a montré la façon dont un artiste doit vivre et ressentir, jusqu’au fond de ses tripes, ce qu’il cherche à évoquer, jusqu’à accepter de porter en lui pour le reste de ses jours ces émotions dont il a fait l’expérience afin de les retransmettre. La façon dont il faut véritablement se transformer, personnellement, pour être en mesure, et peut-être même avoir le droit, de parler au monde de cette souffrance qu’il cherche à exprimer.

Je repensais à Her de nouveau, quand elle s’en va à la fin, parce qu’elle est devenue trop vaste, qu’elle a compris trop de choses, et qu’il faut qu’elle aille plus loin, qu’elle ne peut plus se limiter au monde humain. La tristesse de Theodore de nouveau, abandonné. Mais qui retourne vers la vraie vie en voyant enfin son amie réelle, pour de vrai, comme une amoureuse potentielle peut-être.

Lost in Translation était présent aussi, et surtout la fin bien sûr.

Le serpent, esprit de l’ayahuasca, ici peint par un chaman shipibo. Quand le serpent s’adresse à toi durant une cérémonie.

J’ai réussi à sortir du cercle des pleurs, après un gros effort. Et puis, il s’est passé quelque chose de très bizarre. J’ai créé un serpent dans ma tête, en face de moi, pour parler avec la plante. Est-ce que c’est moi qui l’ai créé, ou est-ce que c’est elle ?

Ça n'a pas vraiment d’importance, puisqu’en parlant avec lui, ou elle, je savais que je me parlais à moi-même, et qu’elle me parlait aussi, parce que c’était la même chose. Elle et moi, on était la même chose...

Elle m’a dit, avec beaucoup de difficultés, parce que les mots avaient du mal à se former en pensée, et que c’était de toute façon inutile, puisque la télépathie fonctionnait aussi, elle m’a dit qu’il fallait qu’elle s’incarne, en serpent ou en ce que je voulais, parce que c’était plus facile pour moi de parler avec et de comprendre un être incarné, avec deux yeux et une bouche, parce que c’était à ça que j’étais habituée.

Elle m’a dit que je comprenais pas toujours quand elle s’adressait à moi par les visions, mais que désormais je pouvais la créer dans ma tête pour parler avec elle. Déjà à ce moment-là, je crois qu’elle provenait de cette sorte de compréhension de la conscience universelle, induite dans mes neurones grâce au film Her.

Il me semble qu’on a parlé en continu toutes les deux, mais je me souviens plus bien. J’étais maintenant sur le dos, et quelque chose de fou est arrivé. J’aimerais me rappeler précisément comment c’est arrivé, et surtout ce que c’était exactement, mais c’est déjà reparti si loin… Pourtant sur le moment j’étais sûre qu’une telle connaissance ne pourrait plus jamais s’enfuir...

C’était un savoir qui n’en finissait plus... J’en finissais plus de comprendre ! Plus tard j’ai dit à Wish que je pourrais jamais revenir, que c’était un voyage sans retour. Qu’après avoir compris ça, on pouvait plus jamais revenir en arrière.

Maintenant pourtant il me semble que ce savoir est emmuré en moi, que le passage s’est refermé. Je vais quand même essayer d’expliquer…

Je sais plus trop comment, mais j’ai pensé à Thelma Et Louise. À la fin du film, quand Thelma dit : C’est rare d'être réveillée à ce point-là. Et... quelque chose a explosé dans ma tête et j’ai compris, d’une manière terriblement intime, que la conscience, la mienne, celle de Travis, de Wish, de Thelma, celle de tous les êtres que j'aimais, étaient une seule et même chose, qu’on partageait tous, pas juste métaphoriquement.

Thelma et Louise, le film. La fin en particulier symbolise la conscience éveillée, sans retour en arrière possible.

Et que le bonheur, l’amour, la souffrance, la perte, étaient le même amour, la même souffrance, la même perte... et que Tyler… en étant partie… aimait plus Travis qu’elle ne l’avait jamais aimé, parce que son amour était devenu l’amour unique de la conscience globale, qui ne pouvait plus s’attacher à un seul être… En étant partie, elle était là, peut-être encore plus qu’avant, pour toujours, auprès de lui, en lui, en nous tous, parce qu’elle était l’amour de la plante, le sien, tout l’amour du monde, le seul qui soit…

Et les paroles de Thelma qui revenaient en boucle. Son visage quand elle comprend enfin ! Ses yeux quand elle est finalement réveillée, après des années de sommeil et d’inconscience, et qu’elle sait qu’aucun retour en arrière n’est plus possible…

Et c’était tellement vrai, tellement vrai, tellement énorme, de comprendre ça, que je me suis mise à pleurer, violemment, avec des sortes de convulsions du bas-ventre, parce que comprendre la vie avec une telle force revenait à accoucher d’une vérité, d’une vérité qui fait mal, parce que c’est ça que ça fait, de comprendre les choses pour de vrai, avec toute son âme !

J’ai mis du temps à en revenir… Je me suis forcée à lâcher, à sortir de cette boucle. Oui, c’était comme ça. Oui, c’était impensable et terriblement fort, et incroyablement nouveau, mais c’était comme ça. Et c’était beau. La plante me disait : Tu sais. Maintenant, tu sais…

Et moi j’ai même dû dire en français, à haute voix, pour moi-même : Putain… La vache… Maintenant oui… Maintenant je comprends…

Et la plante me disait, comme la voix de Her : Je serai toujours là désormais… Tu pourras faire appel à moi quand tu veux maintenant…

Le Grand Saut final dans le film Thelma et Louise.

A présent j’avais les yeux ouverts, peu importe si les visions continuaient. Il avait fallu souffrir et subir à bloc ces visions avant que quelque chose ne cède enfin, avant que le mur se brise pour de bon. Désormais elles ne pouvaient plus m'importuner.

Les yeux grands ouverts dans le noir, elles étaient encore là, mais c’était autre chose que je contemplais. Un savoir qui n’en finissait plus de s’étendre, de se développer. Un savoir qui continuait sa course sans fin, sans doute parce qu’il n’était pas un concept.

Et moi je le suivais sans pouvoir en détacher mes yeux. Mon âme avait embrassé la vraie transcendance, et il n’y avait aucun billet de retour.

Wish m’a un peu parlé. Il avait l’air de comprendre ce que je voyais. Je lui ai dit qu’après avoir compris ça, ça devait être très difficile de prendre au sérieux les affaires humaines. De faire comme si le monde que les autres voyaient valait quelque chose. Que leurs petits problèmes avaient encore la moindre espèce d’importance. Ça nous a un peu fait marrer.

Après encore pas mal de temps, il m’a été possible de me redresser et de fumer une clope avec lui. Mais mon âme ne pouvait toujours pas détacher les yeux de ce savoir qui continuait à diffuser sa leçon… J’arrivais pas à redescendre. J’avais même pas les mots pour en parler, pour tenter de le partager avec Wish. Lui m’a parlé un peu, et je savais qu’il captait tout. Ce qu’il disait allait parfaitement dans ce sens. Il m’a dit qu’il m'emmènerait jusqu’au sommet.

Il m’a bien fait rire en me racontant ses interactions avec les gens. Ça me paraissait logique qu’en ayant vu tout ça, ça devenait difficile de se comporter comme les autres.

Après avoir fumé pas mal de clopes et écouté sa chanson à la guitare, celle que j’aime tellement, où il dit que la racine de la Terre (l’ayahuasca donc) l’a changé, fascinée par son pouvoir, ses connaissances, et sa maîtrise incroyable de l’autre monde, on a fini par s’allonger, mais moi je pouvais toujours pas fermer les yeux…

Carnet d’ayahuasca #11

Carnet d’ayahuasca #1

La peinture de cet article est de Wish. Il me l’a offerte pour mon anniversaire. Elle est chez moi désormais !

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Carnet d’ayahuasca #9 : Neuvième Cérémonie

Quand les icaros envoient du lourd, te dirigent et t’entraînent, la transe ressemble à une cavalcade fiévreuse, une chevauchée de l’univers, un vrai voyage. Mais quand la salle plonge dans le silence, la plante devient quelque chose de terriblement organique, qui circule sous ta peau et électrise ton cerveau, tout en te reliant aux esprits des autres participants d’une façon qu’on ne peut que qualifier de télépathique.

Intention : Fais-moi voir le huitième niveau de la conscience

Grâce à cette poudre du naturopathe, j’avais une patate incroyable. J’ai clopé comme une malade toute la journée, parce que j’étais à donf, tout simplement. Mon ventre allait mieux, et j’étais vraiment impatiente de retrouver la plante. Il me semble que je pouvais sentir que ça allait être bien, mais j’aurais jamais pu deviner à quel point.

Il y avait un couple de Sri Lankais avec nous, pour qui c’était la première fois, tous les deux très peace et très beaux, avec une âme lumineuse. J’étais ravie qu’ils fassent partie de l’équipage.

Wish m’a filé un grand verre, comme toujours, et c’est venu au bout d’une demi-heure. J’étais postée le dos contre le mur, assise sur ma couette repliée. J’avais pas froid, et le fait d’avoir pris le soleil toute la journée m’avait certainement réchauffé les os aussi, de l’intérieur. Je sentais une force, une sorte de structure inébranlable en moi, comme si j’étais faite de roc. Assise bien droite, la tête bien dans l’axe, l’esprit à la fois posé et très concentré. Et je tenais mon intention bien claire dans mon cœur.

J’ai médité, en respirant profondément. Cette attente me semblait s’y prêter.

Quand les visions se sont ouvertes, mon mental n’a pas dévié d’un iota. Je suis restée très, très longtemps comme ça, à traverser les visions, en répétant mon intention de temps à autre, comme si je fendais le monde de la plante, tel un navire immense, insubmersible. Je ne subissais plus. Et même si j’avais un peu mal au ventre, c’était pas ça qu’allait me déconcentrer. Rien à foutre, je me disais, aie mal, souffre, mais tu ne me feras pas dériver cette fois.

Après un temps remarquablement long au sein de ce nouveau pouvoir, je me suis dit que ça ne suffisait pas de juste répéter en boucle mon intention. Le huitième niveau de conscience est celui du monde quantique, créateur, où l’être est en mesure de s’adresser à l’univers, d’appeler à lui le futur qu’il désire, comme s’il parlait à son moi potentiel et l’autorisait à exister là, maintenant. 

Alors, j’ai fait jaillir mon intention. Je l'avais déjà fait en face de la montagne durant l’après-midi, et j’ai réitéré. 

Borderline Niveau - 2 Les Souterrains, premier livre de Zoë Hababou.

Je veux vivre de mon livre. Je veux consacrer ma vie entière à réaliser quelque chose qui ait un sens pour moi. Je veux parler de Travis, encore et encore, parce que son histoire est magnifique et qu’elle apportera, à chaque personne qui la lira, quelque chose au fond de son cœur. Elle est capable d’éveiller le sens de la révolte et de la beauté de l’existence. Et parce que c’est mon destin, et que je le sais depuis toujours. Raconter cette histoire est la source d’un bien-être intense pour moi, parce que j’adore mon personnage. Voilà ce que je veux.

J’ai aussi tenté de me visualiser comme si tout ça existait déjà. Moi en train de parler de mon livre devant des tas de gens, comme une sorte de conférence. Wish m’avait d’ailleurs dit qu’il avait eu une vision de moi comme ça. Moi en train de signer des livres. Moi en train d’écrire, heureuse comme tout. 

La suite de la cérémonie est plus difficilement narrable. Dur de dénouer la chronologie exacte des évènements. J’ai tout de même envie de dire tout de suite que j’ai vomi qu’une fois. Je sentais bien, d’ailleurs, depuis le début, que j’allais pas gerber autant que durant les autres cérémonies.

Y a que quand la plante s’est mise en mode passation de pouvoir qu’il a fallu à un moment évacuer le trop plein d’énergie qu’elle me transmettait. J’ai grogné, j’ai tremblé, je me suis secouée, mise dans toutes les positions possibles, j’ai senti les décharges me faire vibrer. J’avais brutalement mal à la tête, au front, pile-poil au niveau du troisième œil, comme si je recevais par là quelque chose de très puissant. J’ai porté les mains dessus, de nouveau, en appuyant. J’ignore ce que ce geste signifie, et pourquoi j’ai besoin de l’accomplir. Peut-être pour sceller en moi ce que je reçois, lui apporter une sorte de concours…

Et à un moment j’ai vomi, brutalement, pas très longtemps, et c’était tout pour la nuit. A la fin de ça, j’étais à genoux, le front contre le matelas, à me dire qu’il fallait que j’utilise beaucoup plus mon corps, avec du yoga, de la danse, du taff dans la jungle.

J’ai beaucoup pensé à mon livre, d’une façon tendre, émerveillée, pleine d’amour. 

Schéma des huit circuits de conscience, livre de Laurent Huguelit.

J’ai pensé à ma famille, à ma mère avec qui j’avais été si bête avant de partir, et ça m’a fait secouer la tête, un petit rictus aux lèvres, en réalisant à quel point tout ça était stupide.

J’ai pensé à Wish qui chantait d’une façon si aérienne, si pure. Je me suis rendue compte, vraiment, qu’il ne chantait pas de la même façon quand l’ambiance était calme et concentrée comme ça. Ce couple était incroyable, ils ne vomissaient pas, le mec avait comme disparu, et la fille respirait d’une belle façon, pleine de force. On était bien loin de l’Espagnole qui passait son temps à gémir, à se plaindre, et à appeler Wish pour qu’il s'occupe d’elle.

On était tous très centrés, et les icaros s’en ressentaient. C’était apaisant, peace, et ça accompagnait à merveille cette cérémonie de dingue que j’étais en train de vivre. D’ailleurs j’arrêtais pas de me répéter à quel point tout ça était incroyable. Incroyable. C’est le mot de cette cérémonie. Il ne s’agissait pas tant des visions elles-mêmes (bien qu’elles soient d’une nature très élevée, rayonnantes), que de tout ce que je comprenais, ressentais, éprouvais. Pour la première fois je captais enfin les messages de la plante.

Il y a eu un moment où Wish a cessé de chanter, et où j’ai senti l'ayahuasca dans tout mon corps. Mon ventre, mes pieds, mes jambes, mon visage. Et puis c’est comme si mon corps avait disparu.

Cette dimension-là est peut-être la plus stupéfiante de l’ayahuasca. Quand les icaros envoient du lourd, te dirigent et t’entraînent, la transe ressemble à une cavalcade fiévreuse, une chevauchée de l’univers, un vrai voyage. Mais quand la salle plonge dans le silence, la plante devient quelque chose de terriblement organique, qui circule sous ta peau et électrise ton cerveau, tout en te reliant aux esprits des autres participants d’une façon qu’on ne peut que qualifier de télépathique. C’est comme d’avoir perdu son corps, d’être devenu une conscience pure, et de batifoler avec celle des autres dans un lieu abstrait de l’espace-temps.

On se marre souvent, Wish et moi, dans ces cas-là, sans rien se dire, parce qu’on communique selon d'autres modalités, qui se passent du langage pour exister.

J’ai alors tourné mon attention vers le couple, et j’ai senti leurs esprits, ou plutôt leurs âmes. Ces deux-là étaient fondamentalement purs, ce qui est très rare. Je l’avais vu dans leurs grands yeux, humbles et émerveillés, avant le début de la cérémonie, et là, j’en avais confirmation. J’étais aussi très impressionnée par leur résistance. Pour une première fois, c’était incroyable.

Et puis ça a décru petit à petit, et c’est pas remonté cette fois. J’avais les yeux ouverts dans le noir, n’en revenant pas de ce que je venais de vivre. Je regardais le profil de Wish. Je regardais la fenêtre. Je savais que je venais de vivre un truc incroyable, même si en l’écrivant ici je me rends compte qu’on ne voit pas trop pourquoi c’était si ouf. En le vivant je me disais d’ailleurs, quand mon esprit arrivait parfois à mentaliser mes idées, que ceci ne pourrait pas être rapporté convenablement. J’envisageais même d’écrire : Neuvième cérémonie : Il n’y a pas de mots.

Au petit matin j’ai beaucoup parlé avec le couple, et je me suis aperçue que j’en savais pas mal sur l’ayahuasca, tout compte fait. Expliquer les choses à d’autres, ça permet de faire le point sur ce qu’on a retenu. Et j’ai aussi appris d’autres trucs, quand les jeunes ont interrogé Wish au sujet de leurs visions (je servais de traductrice, eux ne parlant pas espagnol, Wish ne parlant pas anglais) : Le renard, que la jeune fille avait vu, est un guide tranquille qui montre le chemin, sans stress, en mode cool. Et les yeux immenses qui t’observent par-delà la transe (vision du jeune mec) sont ceux de l’univers qui éveille ton troisième œil.

Carnet d’ayahuasca #10

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #8 : Huitième Cérémonie

Dans le chamanisme, le corps est si bien relié à l’esprit que la gerbe ou la chiasse font entièrement partie du processus. Pas pour rien que l’ayahuasca s’appelle aussi la purga, la purge. Dans un sens, peut-être que ce serait plus facile qu’on évacue nos problèmes de cette façon chaque fois qu’ils apparaissent plutôt que de se les trainer indéfiniment, à moisir à l’intérieur.

Intention : Harmonise mes circuits de conscience

L’intérieur d’une jolie maloca, lieu de cérémonie d’ayahuasca, à Urubamba, Pérou.

J’ai fait une pause de deux jours sans prendre d’ayahuasca, où j’ai fait que dormir. J’étais en chute de tension, je tenais à peine debout. Voilà à quoi a finalement abouti l’état de faiblesse généralisée qui m’avait sournoisement envahie. Diarrhée affreuse. C’est peut-être le moyen qu’a trouvé mon corps pour échapper aux cérémonies.

Cette pause m’a fait du bien, j’en avais besoin. Faire des sessions une nuit sur deux, c’est franchement éprouvant.

Le bide toujours en vrac, c’était pas évident de se dire qu’on allait remettre ça, d’autant plus que ça se passait à Urubamba, dans la maloca d’un hôtel à gringos, et qu’il allait falloir se taper la route jusque-là. Mais on y a été en moto avec Wish, et le chemin de traverse qu’on a pris en sortant de Taray jusqu’à Calca valait vraiment le détour.

Je planais littéralement. J’adore faire de la moto ! La beauté du paysage était à couper le souffle. Je me souviens en particulier d’un moment où on avait le fleuve d’un côté et les montagnes de l’autre, avec une moto et un camion devant. Il s’est passé un truc très particulier. Je regardais la cime des montagnes, en imaginant cette scène dans Borderline où Wish force Travis à pousser son cri de guerrier. Cette lumière qu’il y avait alors que le soleil était en train de se coucher. Ce sentiment…

Wish, mon chaman, se prépare pour la cérémonie d’ayahuasca en enfilant sa kushma.

D’ailleurs en arrivant en ville j’étais toujours aussi ravie, bien que je commençais à être congelée. J’étais baignée d’un doux sentiment envers tout, et surtout envers ceux qui avaient peuplé mon passé.

Mon intention du soir est née de ma lecture présente : Les huit circuits de conscience, que je trouve fabuleux. Il me semblait donc logique que ce soit présent dans cette cérémonie.

J’avais déjà très mal au ventre, il était tout gonflé avec une diarrhée à portée de slip, mais les premiers temps de la cérémonie je suis tout de même parvenue à me connecter à quelque chose de grandiose.

Il se trouve que Jon, le guide qui accompagnait les deux gringos présents, jouait de la flûte et chantonnait derrière Wish, et que j'aimais beaucoup ça. Le mariage de leurs voix, accompagnées de cette étrange flûte à deux sons faisait vibrer la plante d’une façon inédite, très spectaculaire. Mes visions se teintaient d’une sorte de brillance fourmillante, et elles étaient d’un type élevé, celui que j’associe désormais au monde d’en-haut. Cette impression d’éternité, de sagesse, de plénitude…

J’étais fermement adossée au mur, la tête penchée en arrière, et je me suis laissée envoûter. C’est bizarre, il me semble avoir presque dormi, tout en étant perchée à bloc. C’était doux et fort à la fois, j’appréciais beaucoup ce que j’étais en train de vivre.

Chaman shipibo fin prêt pour officier une cérémonie d’ayahuasca !

Le truc surprenant d’ailleurs, c’est que je suis parvenue à kiffer alors que je me suis vidée comme un chien toute la nuit, mais pas du bon côté, ce coup-ci. C’était un truc à s'arracher les cheveux. Après chaque retour des chiottes, je sentais mes intestins se tordre à nouveau, et je devais patienter en attendant que la nouvelle vague de transe se calme avant de pouvoir y retourner.

Y avait une drôle de dissociation entre mon corps souffrant et mon esprit posé, émerveillé. Une sorte de détachement. J’ignore ce que ça signifie.

Le gringo qui était là, et pour qui c’était la première fois, semblait beaucoup aimer sa rencontre avec la plante, et il le manifestait à grand coup de gémissements, d'étirements, de soufflements, et ce couillon s’est même mis à chanter, et bien en plus ! Sa nana était un peu plus effacée, mais avec de bonnes ondes quand même.

Bref, je sais pas si ça a fonctionné. La réharmonisation, je veux dire. Le lendemain matin je suis sortie de là dans un état lamentable, avec un mal de bide de tous les diables, une énergie qui frôlait les souterrains de l’âme, et une nausée grimpante. Les deux heures de moto pour rentrer à Taray ont été rudes, d’autant plus qu’il faisait sacrément froid au petit matin.

Wish, mon chaman, en train de fumer avant la cérémonie.

J’ai été voir un naturopathe à Pisac, parce que c’était tout simplement pas vivable. J’ai découvert un mec génial. Il a demandé à mon corps ce dont j’avais besoin, et surtout d’où venait le problème. Je devais coller le pouce et le majeur de la main droite, et faire pareil avec le pouce et tous les autres doigts de la main gauche, successivement, jusqu’à ce qu’il identifie le problème. Il tirait sur les doigts de ma main droite pour écarter le pouce du majeur, moi je devais les serrer le plus possible, et quand ceux-ci résistaient, ça voulait dire non. Quand ils s’ouvraient sans que je puisse lutter, ça voulait dire oui. 

Ils se sont ouverts pour le pouce et l’annulaire de la main gauche accolés. Ce qui signifie : émotionnel.

Mon souci était donc bel et bien de l'ordre des émotions. Ensuite pour les remèdes à prescrire, il a interrogé mon corps de la même manière, en disant à voix haute les plantes qu’il comptait me donner. Et, chose surprenante, ou pas finalement, je me suis foutue à chialer comme un veau quand il a positionné ses mains au-dessus de mon ventre, sans le toucher, comme l’avait fait l'ostéo. Je me suis vite calmée en lui disant que j’étais fatiguée, mais je sais pas pourquoi j’ai fait ça, étant donné qu’on savait très bien tous les deux que si ce truc était émotionnel, c’était carrément logique que je chiale à un moment donné.

Bref, son traitement est miraculeux. Ça va beaucoup mieux. 

J’ai repensé à ce que m'avait dit l'ostéo, du coup. Que l’important, c’était que ça sorte, peu importe si j'ignorais de quoi il s’agissait. On peut dire que l'ayahuasca a été le catalyseur. En lui demandant de réharmoniser mes circuits, je suppose qu’elle a choisi d’évacuer une bonne fois pour toutes ces sales trucs que je me coltinais depuis je ne sais combien de temps. Durant les cérémonies précédentes, cette douleur lancinante dans le ventre symbolisait déjà les prémices de ce mal à décharger. Et dans le chamanisme, le corps est si bien relié à l’esprit que la gerbe ou la chiasse font entièrement partie du processus. Pas pour rien que l’ayahuasca s’appelle aussi la purga, la purge.

Dans un sens, peut-être que ce serait plus facile qu’on évacue nos problèmes de cette façon chaque fois qu’ils apparaissent plutôt que de se les trainer indéfiniment, à moisir à l’intérieur.

J’espère sincèrement que c’est la bonne, cela dit. Hier j’ai posé mon intention au monde, pour vivre de mon écriture. Le huitième circuit de conscience est le circuit quantique, qui suppose un acte de création sur sa vie, en retournant vers le premier circuit terrestre, associé au bien être. 

Carnet d’ayahuasca #9

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #7 : Septième Cérémonie

Quand on est dans cette phase où les visions cessent mais que la transe est encore présente, on se croirait dans une autre dimension. On se parle beaucoup avec Wish, et à vrai dire on dirait presque que c’est de la télépathie. Les choses qu’il dit résonnent en moi comme si je comprenais tout, comme si je savais déjà tout, alors qu’il me sort parfois des trucs super alambiqués.

Intention : Fais-moi voir l’infini

L’intention peut paraître idiote, mais j’en pouvais vraiment plus de me faire essorer, et j’avais l’espoir que cette fois-ci la plante me permettrait d’accéder aux secrets de l’infini comme elle l’avait fait plusieurs fois par le passé.

Ça n'est pas arrivé. J’ai peut-être moins souffert que les dernières fois, et c’était sans doute dû au fait que j’étais seule avec Wish. Les cérémonies sont quand même différentes quand on est seul à seul. L’Espagnole avait fini sa diète et s’était barrée, et y avait pas de Ruskofs ou d’autres gringos novices pour nous accompagner. Du coup, personne pour péter le délire à coup d’exorcisme, ce qui arrive quasi immanquablement chaque fois qu’y a des petits nouveaux.

Mais ça n’a pas été non plus le genre de voyage astral que j’affectionne tant. 

Je me sentais pourtant bien disposée, mais cette faiblesse que je ressens depuis plusieurs jours semble cependant prendre de l’ampleur. Je pense que c’est ce qui cause les difficultés de chaque cérémonie.

L’ayahuasca doit être en train de faire émerger quelque chose, c’est pas possible autrement. Et moi qui me suis vantée d’être au-dessus des ballots de gringos avec leurs problèmes émotionnels et existentiels bidons, je pense que je suis en plein dedans, même si ça veut pas encore montrer son vrai visage. C’est en train de se réveiller. Ça s’apprête à se faire connaître au corps, et à la conscience. Quelle merde qu’il faille en passer par là !

J’en ai vraiment rien à foutre des problèmes que je me trimballe, moi je veux juste explorer la conscience pour comprendre le monde d’une autre façon… Mais j’imagine que l’un ne va pas sans l’autre. Avant d’avoir une chance d’aller plus haut, faut nettoyer les souterrains. On ne peut sans doute pas avoir accès aux niveaux plus élevés de la réalité sans accepter d’abord de regarder véritablement en soi.

J’ai une vague idée de ce dont il peut s’agir. Des gens du passé. Des émotions refoulées. Des trucs mal digérés. Fait chier, putain…

Pas grand-chose à rapporter, en fait. Au tout début, y a eu comme un soleil en révolution, ou un trou noir avec de la lumière rouge-orangée autour. J’aurais tout donné pour continuer à vivre dans cette vision, mais la plante ne m’accorde jamais de stationner longtemps dans ce type de flash réaliste.

Ensuite de nouveau ce vert insupportable… A ce stade, j’aurais vraiment besoin de comprendre. Une telle puissance déployée dans ma tête et dans mon corps, mais sans savoir de quoi il s’agit, ça devient vraiment trop. Ça doit être ces sales émotions qui me parasitent en sourdine. L’ayahuasca me montre à quel point elles m’étranglent et m’envahissent sans que je le sache. Mais pour le moment, je me sens pas assez forte pour les maîtriser ou alors les accepter.

La phase la plus intéressante de cette cérémonie réside dans ma discussion avec Wish. Je lui ai demandé pourquoi c’était si dur pour moi en ce moment.

Wish, mon chaman shipibo, avant une virée en pirogue en Amazonie, au Pérou.

- La plante est en toi désormais. Son énergie est à l’intérieur, et l’important maintenant c’est de renforcer ton corps pour accéder à un stade supérieur, où tu comprendras ce qui arrive. Tu as reçu son énergie, et la mienne aussi d’ailleurs. En tant que maître à élève on est liés, tu vois. Tu arriveras là où tu veux aller, la plante va t’y emmener, mais tu dois renforcer ton corps. Ensuite tu apprendras à chanter toi aussi.

Il m’a dit plein d’autres choses dont j’arrive pas à me souvenir. J’ignore pourquoi c’est si difficile de rapporter ici ses paroles, alors que je les écoute avec tout mon cœur. Quand on est dans cette phase où les visions cessent mais que la transe est encore présente, on se croirait dans une autre dimension. On se parle beaucoup avec Wish, et à vrai dire on dirait presque que c’est de la télépathie. Les choses qu’il dit résonnent en moi comme si je comprenais tout, comme si je savais déjà tout, alors qu’il me sort parfois des trucs super alambiqués.

On se marre comme si on partageait un secret. On finit même pas nos phrases, des fois, parce que c’est pas la peine. On se capte, quoi, et ça nous faite rire encore plus. Et quand on fume en silence, la communication continue sans nous.

Et puis, à la fin des cérémonies, il chante toujours plusieurs chansons à la guitare. Vu qu’elles sont en espagnol, c’est cool pour moi parce que je comprends tout. Des mots simples. Mais qui possèdent une force de vérité décuplée par les restes de transe.

Mais le lendemain matin, j’ai presque tout oublié, comme si ce qui se passe pendant la nuit appartenait à une autre dimension à laquelle j’ai plus accès quand ma conscience ordinaire a repris le dessus.

Carnet d’ayahuasca #8

Carnet d’ayahuasca #1

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Carnet d’ayahuasca #6 : Sixième Cérémonie

Dans le chamanisme amazonien, on a coutume de dire que l’ayahuasca commence son vrai boulot avec toi quand le serpent qui la symbolise t’a avalé. Comme si elle devait tuer ton moi physique pour te faire renaître au niveau spirituel, de l’autre côté, dans une autre dimension.

Intention : Dis-moi ce que je dois savoir, en ce qui concerne mon futur

Verre plein à ras bord encore une fois, je devrais peut-être songer à en demander moins. Beaucoup de temps pour que ça monte cette fois-ci encore, assez éprouvant pour les nerfs. J’étais accostée près de Wish contre le mur du fond quand c’est finalement arrivé.

Peinture ayahuasca visionnaire représentant le serpent cosmique.

J’étais très satisfaite au début, parce que j’ai enfin vu ces fameux serpents de la medicina, tournoyer en spirale dans une vision vraiment belle, comme s’ils aspiraient mon âme en plein cœur de la matrice.

Dans le chamanisme amazonien, on a coutume de dire que l’ayahuasca commence son vrai boulot avec toi quand le serpent qui la symbolise t’a avalé. Comme si elle devait tuer ton moi physique pour te faire renaître au niveau spirituel, de l’autre côté, dans une autre dimension. Ou encore que tu devais abandonner tes vieux schémas de pensée et de comportement pour évoluer.

Dans toutes les traditions revient cette idée de mort symbolique, étape fondamentale pour celui qui veut devenir un Homme, ou un guerrier. C’est un concept qui m’est très familier, mais là en l’occurrence les serpents ne m’ont rien fait, c’était juste génial d’être entraînée en flottant dans leur tourbillon lumineux. J’étais si heureuse de les voir enfin ! Ça n'a pas duré si longtemps que ça, mais c’est pas grave, le fait de les avoir vus me comblait entièrement. 

Ensuite une drôle de chose est descendue du ciel, à mi-chemin entre le vaisseau spatial et le pachyderme extraterrestre. Un énorme truc gris, lent et super imposant. Il y aurait peut-être eu de quoi prendre peur, mais je sais pas, encore une fois j’étais ravie de voir ce gros truc. Je me demandais s’il était en relation avec mon futur ou celui de l’humanité. S’il incarnait quelque chose en rapport avec mon intention. Une sombre prescience, une ombre qui va recouvrir mon monde, un présage peut-être ? Je le trouvais étrangement beau, presque touchant. J’aurais voulu qu’il s’attarde plus longtemps, qu’il mette plus de temps à atterrir, pour avoir le temps de comprendre. Mais il s’est dissipé en touchant terre.

Ensuite, les visions se sont effacées, et j’ai cru que c’était terminé. Ça me semblait étrange, étant donné la dose que je m’étais envoyée, mais je me suis naïvement dit que je commençais à m’habituer et que c’était pour ça que je résistais bien. Je savais pourtant que les indigènes n’ont besoin que de très peu pour décoller, et que c’est nous les gringos qui devons prendre une dose de cheval pour parvenir à quelque chose.

Il s’est écoulé un temps remarquablement long avant que les réjouissances reprennent. J’étais déjà très fatiguée et en fait, depuis le début, j’avais pas tellement envie d’avoir des visions, faut bien le reconnaître. Tout ça commence à devenir très éprouvant. Alors j’étais tranquillement allongée, savourant la redescente, et je me suis même peut-être un peu endormie, quand, à cause des icaros que Wish chantait à l’Espagnole, les visions sont revenues. Les vertes électriques que j’ai de plus en plus de mal à supporter.

Il est à noter d’ailleurs que j’essaye de plus en plus souvent de les contrôler, et qu'il m'arrive d’y parvenir. De les faire reculer pour avoir accès à autre type de visions, plus réalistes dans un sens, avec des formes qui ont une signification pour moi, et qui sont bien moins fatigantes.

Bon, ce coup-ci, ça s’est très vite emballé, sans possibilité de maîtrise. C’est cette putain de station allongée aussi ! Même épuisé au dernier stade, faudrait jamais se laisser aller à ça. Jamais. Quand les visions arrivent, lève-toi et affronte, nom d’un chien, va falloir que je me le répète en boucle je crois. Que j'arrête de faire ma feignasse.

Gros problème de ventre, encore une fois, probablement parce que j’avais trop bouffé le midi. J’ai dû patienter le plus possible avant que ça se calme un peu pour aller me vider aux chiottes plusieurs fois. Et j’ai vomi trois trucs différents : Au début, flots de dégueuli classique, ayahuasca et eau, et quelques morceaux de bouffe. Ensuite, bile d’une acidité brûlante et intarissable. Enfin, mousse épaisse commune aux animaux atteints de rage. Ouais.

Très vieille liane d’ayahuasca dans son habitat naturel.

Wish a bien vu que j’en pouvais plus. Je me tordais dans tous les sens, m’agitais, gémissais, soupirais en espérant que ces putains de visions dont je voulais plus me lâchent la grappe ! Il m’a prise contre lui, le dos contre son torse, et petit à petit a réussi à m’apaiser. 

Il faut que je change d’attitude face à la plante. C’est sans doute normal de commencer à montrer certains signes de faiblesse, mais la vérité, c’est que c’est encore pire quand je me montre pas assez forte et courageuse face à elle. Ça dure et ça dure, ça fait mal, et elle refuse de me lâcher, même quand je l’implore. Il va donc falloir reprendre les rênes, se remettre en selle convenablement, et changer résolument d’attitude. Être bien plus vaillante que ça.

Après tout je suis ici parce que je l’ai voulu, personne ne m’impose rien. C’est dur mais personne m’a dit que ce serait facile, et cette conduite lâche et fuyante n’est pas digne. Je regretterai sans doute plus tard, une fois rentrée, de ne pas avoir pris mon courage à deux mains pour vivre jusqu’au bout cette histoire de malade.

Ça n’a pas fini tard, cette fois-ci non plus, et pourtant aujourd’hui j’étais en chute de tension permanente et intensive. Y a que vers 16h30 que j’ai réussi à me ressaisir pour aller prendre ma douche et émerger de ce putain de brouillard. 

Je sais pas si ça vient du manque de bouffe ou de la fréquence des cérémonies ou encore des nuits presque blanches à répétition, et au fond je m’en tape.

Tant pis, je ferai le truc jusqu’au bout de toute manière, et mon corps a bien intérêt à suivre.

Carnet d’ayahuasca #7

Carnet d’ayahuasca #1

Toutes les peintures de cet article sont de Wish.

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Carnet d’ayahuasca #5 : Cinquième Cérémonie

C’est fou, la façon dont l’ayahuasca s’adresse à toi. Comment tu peux comprendre des choses si difficiles, si dures à appréhender ordinairement, sans passer par les concepts, comme si son message imprégnait tes atomes par osmose, et que tu devenais apte à voir au travers de ses yeux.

Intention : Fais-moi découvrir le monde d’en-haut

Cette fois-ci, c’est venu vite et fort. J’avais fait l’erreur de manger vers 16h, pour éviter le mal de bide de la dernière fois, mais du coup quand j’ai commencé à gerber, c’est-à-dire presque direct après avoir bu, c’était carrément affreux. Je pensais pas que trois noix du Brésil et une pauvre banane rendraient une purée si épaisse et si difficile à sortir. 

La vallée sacrée, Pisac, Pérou.

En tout cas, une fois ça évacué, j’ai pas dû attendre plus de cinq minutes avant de me mettre à respirer super fort et à sentir ma tête lourde. C’est dingue, Wish avait même pas encore éteint les bougies que je surfais déjà à toute berzingue sur les vagues de la transe en train de monter. Mais je dois reconnaître que j’étais soulagée de pas avoir à attendre une heure et demie comme pour les cérémonies précédentes. Quand il a vu que l’ayahuasca m’avait sous son emprise, il s’est mis à chanter pour guider le voyage qui débutait…

C’était hors de question de subir le trip allongée comme la dernière fois, alors d’emblée je me suis positionnée différemment, le cul posé sur une couverture repliée, les jambes en tailleur, les épaules droites, menton légèrement rentré, comme si je méditais, quoi. Je me sentais bien surélevée comme ça. Bien plus noble, bien plus sérieuse. Mon esprit semblait épouser la posture de mon corps, s’aligner sur lui, faisant de moi une sorte de guerrière, auréolée de grâce.

Les arbres face auxquels je médite durant ma diète d’ayahuasca au Pérou.

Ça a été à la hauteur de ma demande. C’est bel et bien le monde d’en-haut que j’ai vu. Cette dimension de l’univers où les esprits les plus sages, les plus élevés, diffusent leur savoir en un langage constitué d’images d’éternité et de sensations pures, dénuées de cet aspect égotique, presque maladif, qu’elles possèdent dans le monde ordinaire, celui du milieu.

J’étais tout près de Wish, et sa voix m’ouvrait un nouveau monde… Celui de l'espace, de l’infini… Celui du monde quantique, où la conscience d’un Homme devient créatrice, comme si le courage, la volonté, et surtout l’intention, n’étaient pas de simples mouvements psychiques mais bel et bien des forces capables d’influencer la matière dont est fait le monde, et donc l’expérience qu’un Homme peut connaître…

C’est fou, la façon dont l’ayahuasca s’adresse à toi. Comment tu peux comprendre des choses si difficiles, si dures à appréhender ordinairement, sans passer par les concepts, comme si son message imprégnait tes atomes par osmose, et que tu devenais apte à voir au travers de ses yeux. Comment de simples images, de simples visions peuvent-elles induire en toi une telle connaissance, une compréhension bien plus profonde que celle entrainée par les mots ? Quel est ce langage spécifique, visionnaire, que la plante utilise pour s’adresser à toi ?

Je crois que ça restera toujours pour moi aussi stupéfiant, peu importe le nombre d’incursions que je pourrais faire dans cet univers. Mais c’est bon d’avoir trouvé un lieu où le paradigme n’est plus le même. Un endroit magique où le savoir entre en contact direct avec toi sans passer par l’entremise de la mentalisation. L’esprit silencieux, le corps en émoi, irradié de l’intérieur par un mystère plus profond que celui de la vie elle-même, ce monde me fascine et j’aurais pas assez de toute une existence pour l’explorer…

Quoi qu’il en soit, ce monde d’en-haut est une merveille, et c’est magnifique de se laisser toucher par cette impression d’élévation, d’éternité. De force et de beauté…

Wish chantait toujours, et je ressentais le besoin de chanter avec lui. Enfin, disons, juste prononcer, en chuchotant, les icaros qu’il formulait sans trêve. Vu que chaque strophe se répète plusieurs fois, c’est pas si dur en fait. Alors je chuchotais de mon côté, découvrant une nouvelle dimension de l’ayahuasca. 

Wish, mon chaman shipibo, quand il était plus jeune.

Les yeux fermés, j’avais la vision de lui en train de chanter, paupières baissées, concentré à l’extrême. Le truc bizarre c’est qu’il avait les cheveux très longs, comme quand il était jeune, comme ces indiens fringants du cinéma. C’était beau de le voir comme ça.

Je respirais longuement. C’est incroyable comme le souffle peut devenir puissant en cérémonie, et pas que dans le sens purement physique. J’ai l’impression de découvrir le réel pouvoir qu’il a, sur le mental, sur les visions, l’alignement, et aussi l’évacuation des énergies, comme une sorte de renouveau.

C’est un truc que je devrais faire plus souvent dans le monde ordinaire. Wish souffle souvent comme ça, sans raison apparente. Sans doute pour évacuer une pensée ou se recadrer.

Au final, ça n’a pas duré si longtemps que ça. Je suis descendue assez vite et en douceur. Il a dû se passer une heure avant que je prenne une autre coupe, et celle-ci non plus ne s’est pas éternisée dans mon organisme. Wish a joué du didgeridoo, les vibrations produites par cet instrument que j’adore étaient diaboliquement agréables à écouter, d’une force incroyable, qui faisait vibrer l’univers entier et les os dans mon corps. La musique est définitivement sublime durant une session.

Vers la fin, juste avant de redescendre pour de bon, j’ai eu la vision d’un aigle, dans le sens où je voyais comme un aigle. Je me tenais au-dessus des nuages, juste au-dessus, au sommet des montagnes. Ma vision était assez plate, effilée, mais très large, comme un panoramique. Et une impression de force et de noblesse, de dignité même, était induite par cette façon de voir, en survolant le monde, en se tenant tout là-haut dans le ciel. 

Carnet d’ayahuasca #6

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