Wanted Dead or Alive : Bruno Leyval, Artiste-Guerrier de la Voie de l’Encre

Des feuilles blanches tatouées d’encre qui nous font pénétrer dans un monde où l’Homme, le Sacré, l’Animal et la Nature s’entre-dévorent et fusionnent pour révéler l’essence une qui préside à la vie.

Deux histoires qui se croisent et s’influencent par-delà le temps et l’espace : celle de l’enseignement d’un chaman à son disciple au pied d’une montagne sacrée, et celle de Phoenix et Vlasta, couple ouvrier d’une usine d’armement peinant à concevoir un enfant.

Un projet tentaculaire de Bruno Leyval, artiste total vrillant en freestyle dans toutes les directions, qu’il s’agisse de ses médiums d’expression ou des messages si vifs et si complexes exsudant de son œuvre : La Rose de Jéricho.

J’ai tendance à penser qu’aucune rencontre n’est fortuite, mais je dois reconnaître que c’est assez rare de croiser un autre spécimen dont les racines s’enfoncent si précisément dans le même terreau.

Cette interview nous a entraînés, Bruno et moi, vers un dialogue métaphysique qui interroge le rôle et la place de l’artiste dans ce monde, la nature de l’Homme, la signification du chamanisme, l’essence d’une œuvre d’art…

A la fois très intimiste et férocement universelle, cette discussion à la frontière, à la jonction entre deux mondes, ouvre le regard vers l’univers qui existe tout au fond de nous, un monde oublié ou perdu que les nombreux dessins de Bruno exposés ici sauront faire renaître à la conscience de chacun.

Quand l’Encre se fait Fille de Sorcier : La Rose de Jéricho

L’interview de Bruno Leyval, artiste-guerrier de la voie de l’encre

Salut Bruno ! C’est vraiment cool que t’aies accepté cette interview. Ça fait un moment que je te suis sur les réseaux, même si je me rappelle plus précisément comment la fascination que ton taff exerce sur moi a débuté. J’imagine que t’avais tweeté un de tes fameux dessins à l’encre de Chine, probablement une sorte d’être à mi-chemin de la racine et du sorcier, et que mon cœur a bondi, comme s’il reconnaissait ce signal d’alarme qu’il guette en permanence, lui susurrant : Ce mec-là sait de quoi il parle… J’aimerais que tu te présentes, comme tu le sens, à ta sauce, quoi.

Salut Zoë. En effet, nous nous suivons depuis un certain temps sur les réseaux et c’est certainement pour les mêmes raisons : on parle de la même chose, d’une manière différente, avec nos propres médiums, nos propres expériences, mais avec la même essence, la même sonorité…

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Pour la présentation, voici la partie background classique : je suis un artiste qui approche du demi-siècle avec un long parcours chaotique. Je dessine depuis l’enfance, tous les jours, tout le temps.

Peu à peu, le dessin est devenu une forme de méditation qui s’est imposée naturellement comme une pratique spirituelle et qui accompagne mon chemin intérieur.

Pendant plus de 20 ans, j’ai travaillé dans l’ombre pour perfectionner mon art et mon médium de prédilection : l’Encre de Chine. Sans avoir fait le moindre plan de carrière - après avoir créé et entretenu un blog sur les arts et cultures alternatives pendant plusieurs années, ma carrière artistique a décollé et j’ai bossé pour des grandes marques et exposé dans pas mal de pays. 

Bon, maintenant que j’ai bien saupoudré mon parcours avec un sac de paillettes, passons aux choses sérieuses : malgré cette réussite, j’ai toujours pensé que l’art devait servir à quelque chose, à autre chose que d’être exposé au-dessus de la cheminée d’un collectionneur obèse qui s’en servira comme moyen de spéculation. J’ai donc profité de cette réussite pour voyager et participer à des projets qui ont un sens, socialement et humainement - la lutte des minorités, l’écologie, les réfugiés… J’ai décidé de garder mon boulot “alimentaire” pour avoir une totale liberté dans le choix de mes projets, pour être à l’abri financièrement et totalement indépendant.     

Parallèlement, à la naissance de mon fils en 2009, j’ai débuté ce long voyage avec la ROSE DE JÉRICHO, un projet multimédia initiatique tentaculaire qui est sans aucun doute le projet d’une vie…


La première chose qui me vient à l’esprit te concernant, c’est un peu ce que prônait déjà Jim Morrison en son temps : la proximité qui existe entre le chaman et l’artiste. Quand on se laisse happer par tes esquisses, celles-ci semblent receler un pouvoir que je qualifierais de “chamanique”, c’est-à-dire celui de nous faire entrer en contact avec un aspect du monde qui paraît sourdre d’une partie de l’âme avec laquelle on est très peu en contact, et qui, pourtant, parle à notre subconscient comme s’il s’agissait de ses racines. Elles évoquent un langage primitif, archaïque, avec lequel on a comme qui dirait perdu le lien, mais qui continue à vivre en nous, et que tes dessins rappellent à la vie. Quel est, selon toi, le lien entre un chaman et un artiste ? Qu’est-ce qu’ils ont en commun ?

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Ah, ce bon vieux Jim. À chacune de mes errances dans la capitale, je ne manque pas de lui rendre visite au Père Lachaise. J’aime les sépultures, qu’elles soient des pierres tombales ou des cendres disposées en pleine nature… J’aime ces lieux de connexion avec les âmes.

Tu utilises les termes “langage primitif, archaïque… ” je dirais un simple retour à la simplicité et à l’essence de la vie.

Dans mon travail, j’essaye de puiser tout au fond de mon être afin de me reconnecter à la vibration commune qui nous unit tous, le son primaire, le OM. La proximité entre le chaman et l’artiste, c’est le pouvoir de se connecter à d’autres dimensions. Ils ont en commun ce processus, cette quête de la vérité intérieure, cette envie d’unicité avec le vivant, ce désir d’être TOUT. Les Lakotas ont une expression pour cela : Mitakuye Oyasin (Nous sommes tous reliés).

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Voici ce que j’ai écrit en première page de mon site : En Occident, la pratique du chamanisme naît d'un désir de se reconnecter à soi, pour soi. Dans les traditions autochtones, il est essentiel de se reconnecter à l'autre, pour l’autre.

En partant de cela, si on fait le parallèle entre le chaman et l’artiste, dans le cas occidental (se reconnecter à soi, pour soi), l’artiste crée pour lui, pour son nombril, pour être reconnu et adulé, pour gagner un max de thunes… C’est très narcissique et gorgé de compétition, un désir d’être le plus grand, le plus beau, le plus riche… C’est très proche de notre vision occidentale capitaliste et individualiste… De la grosse merde en fait !

Dans la vision autochtone (il est essentiel de se reconnecter à l'autre, pour l’autre) l’artiste crée pour l’autre, sans désir de gloire et sans prétention, de façon complètement altruiste. C’est une voie qui me correspond mieux, un chemin que j’ai emprunté il y a bien longtemps et dont j’essaye de ne pas dévier.

J’ai connu la “gloire”, les tapis rouges… Cela ne m’a pas rendu heureux, bien au contraire.

Peindre pour une grande marque dans un hôtel particulier parisien ça te met à l’aise financièrement, ça flatte ton ego, mais en aucun cas ça te fait grandir humainement et spirituellement.

Peindre en Inde pour et avec des réfugiés tibétains au pied de l’Himalaya, ça place ton art à un niveau supérieur, tu te connectes à autre chose…

Voilà pour moi le lien entre l’art et le chamanisme, une simple question de vision des choses. L’art, tout comme le chamanisme, à un fort pouvoir de guérison, alors, que tu sois artiste ou chaman, si tu as le don, à toi de savoir comment tu veux l’utiliser.


Selon tes propres mots, le thème principal de ton œuvre est la renaissance, incarné tout entier par la Rose de Jéricho, plante mexicaine sacrée, capable de survivre à la sécheresse. Mais la renaissance, c’est quelque chose de très complexe, qui s’articule autour d’un nombre effarant de concepts intriqués les uns dans les autres. Transmigration des âmes, transmission via la naissance d’un enfant, passation de pouvoir et de savoir d’un maître spirituel à son disciple, sans même parler de la capacité propre à l’être humain, cette force personnelle, vive et sublime, qui nous permet de nous transformer… Est-ce que tu penses que l’art peut aider l’Homme à appréhender ce concept, pour tenter de l’appliquer dans sa propre vie ?

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Mais nous sommes, nous les êtres humains, une espèce complexe. Contrairement à l'ensemble du vivant, nous voulons toujours être plus que ce que nous sommes simplement.

Si pour l'éléphant, le corbeau ou le grand chêne, la vie se résume à subvenir aux besoins vitaux, se reproduire et mourir, l'humain ne s'en contente point. Il se questionne sans cesse sur le passé et le futur en omettant de la sorte de privilégier le présent et de le vivre pleinement. Il ne se satisfait jamais de l'essentiel mais désir acquérir et accumuler, créant ainsi une multitude de troubles psychologiques et autres névroses.

Par-dessus tout, l’humain essaye de comprendre pourquoi il est là et quel est le but de sa vie.

De cette ignorance naît l’occultation de la mort car s’il y a une fin, à quoi bon vivre ? Alors on se crée des mythes, des croyances pour pallier tout cela, pour donner un sens, un espoir, pour se rassurer…

Mais en fin de compte, la mort fait partie de la vie, tout simplement, et c’est ce qui la rend si précieuse, si riche et si lumineuse.

Dans un projet comme Rose de Jéricho, j’essaye de croiser toutes ces croyances, ces pratiques, ces cultes… pour en extraire une universalité, une source commune à tous les êtres vivants.

Je pense que l’art peut aider celui qui désire comprendre où est sa place mais seul celui qui ne cherche pas finit par trouver.


Un truc qu’on partage tous les deux, c’est nos références artistiques et humaines : Carlos Castaneda et sa série de livres stupéfiante à base de quête initiatique et de plantes psychotropes, Hunter S. Thompson, écrivain et journaliste (voire diable de Tasmanie) aussi timbré que brillant, Marilyn Manson, qui incite les ados à devenir leur propre et unique référence à coup de slogan nietzschéen, ou encore Bret Easton Ellis, que je vais pas me fatiguer à présenter... De véritables pointures, donc, qui ont au moins un point en commun : tout le monde les prend pour des tarés. Alors voilà ma question : Selon toi, qu’est-ce qui rapproche la folie de la création artistique ?

Cela vient certainement du statut spécial que la société offre à l’artiste, le côté marginal et bohème, le mythe de l’artiste maudit à la Rimbaud, Modigliani ou Artaud… 

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Tous les artistes que tu viens de citer sont issus d’une autre génération, d’un autre temps, un temps révolu. Un temps de libération et d’orgie, de révolution culturelle et de folie, un temps où Janis Joplin sortait avec Jim Morrison, où les hippies léchaient des arbres à Haight-Ashbury, où Jack Kerouac s’effondrait complètement bourré devant la librairie City Lights Booksellers and Publisher de Lawrence Ferlinghetti à San Francisco… Un temps où Hunter S. Thompson ruinait - comme les Stones, les hôtels de Las Vegas…

J’ai été biberonné avec cette époque, cette culture, cette musique. Je me souviens de la première fois où j’ai découvert la musique des Doors, de Pink Floyd ou des Stooges, quel choc. Et puis il y a eu la poésie d’Allen Ginsberg, la folie de Ken Kesey, Las Vegas Parano de notre cher Hunter, Le Postier de Bukowski, Jodorowski avec El Topo… Et bien sûr l’hallucination totale en lisant L'Herbe du Diable et la Petite Fumée de Carlos Castaneda.

Pour le commun des mortels, tous ces artistes, écrivains et autres cinéastes, sont des gens à part, des tordus majestueux ou de simples fous dangereux, des déviants issus d’une époque déviante. Ils sont le fruit d’une lutte, des luttes soixante-huitardes.

Il y a aussi un paramètre important dans cette équation : le star-system. Même s’il touche plus la musique et le cinéma, quand un artiste connaît la gloire, qu’il est adulé et porté au panthéon, son cerveau commence à griller lentement. Comment ne pas switcher ? Tu te retrouves avec des milliers - voire des millions - de fans, et tout ce que tu fais est analysé, scruté, décortiqué… Ta parole devient évangile et ta voie devient celle de ton troupeau… C’est très sectaire, en fait.

Les gens ont besoin de modèles, d’idoles, que ce soit un chanteur, un écrivain ou une statue kitsch d’un gros bonhomme assis en lotus. À mon petit niveau, j’ai connu les effets de la reconnaissance artistique et je peux te dire qu’il faut être solide dans sa tête pour ne pas basculer dans la folie. Tu te retrouves plongé dans un monde parallèle où tout le monde te lèche le cul et le pire, c’est que c’est agréable ! (rires)

Tu finis par te croire supérieur, exceptionnel et tu agis en fonction, en diva cocaïnée. C’est super malsain en fait. Sans parler des drogues et autres addictions qui les ont tous rendus cinglés. Tout cela fait donc partie de cette mythologie de l’artiste et de la folie créatrice. 

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Néanmoins, si tu analyses en profondeur le truc, d’un point de vue strictement personnel, je pense sincèrement qu’être artiste c’est être complètement cinglé ! C’est réellement une pathologie, un dérèglement cérébral. Ce n’est pas normal.

Qu’est-ce qui pousse un être à avoir une telle obsession pour la création, ce besoin de dessiner tous les jours, tout le temps ?

Ce qui est normal c’est de se foutre dans son canapé avec des chips et une bière à mater Netflix, non !?! L’art est une malédiction, un sacrifice, une punition ! Il te pousse à te remettre sans arrêt en question, à t’interroger sans cesse, à te combattre intérieurement… Il pousse à la lutte contre soi-même. Il est source d’insatisfaction perpétuelle, de découragement chronique, d’abandon…

L’artiste désire transmettre quelque chose, exposer ses œuvres au monde dans l’espoir d’être remarqué, que son message soit vu, entendu et apprécié…

C’est très narcissique en fait. S’il désire faire de l’art de façon altruiste, commence alors un véritable cauchemar car il ne cesse de se mentir. Forcément, même si c’est pour une cause, une lutte, il cherchera à être récompensé pour son action : des honneurs, des likes sur Instagram, etc…

L’art est une excroissance nombriliste. Aujourd’hui bien plus qu’hier avec toute cette merde de réseaux sociaux. 


Ton œuvre assume totalement son côté chamanique, et tu la décris toi-même comme une “quête spirituelle personnelle, un projet artistique se renouvelant sans cesse”. A une époque, t’as été à la rencontre de traditions que très peu d’entre nous connaissent. Tu m’as parlé du Tibet, et des Navajos notamment. Est-ce que tu te souviens de ce qui t’y a poussé ? De quelle manière ça a transformé ton œuvre et ton message ?

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Pour une raison qui m’échappe, j’ai toujours eu une attirance pour les peuples autochtones, pour leur culture, leurs luttes… Vers 17 ans, j’ai rencontré mon premier guide, une personne qui m’a fait découvrir la richesse des peuples amérindiens et qui m’a présenté mon second guide qui lui, m’a initié au chamanisme. Ce fut une révélation. Cela ne m’a plus quitté. Après des années de lecture - un véritable travail anthropologique (rires) - j’ai décidé qu’il était temps de partir à la rencontre de ces peuples. La vie m’a offert cette opportunité.  

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L’impact de ces voyages et des rencontres qu’ils ont engendrées est immense sur la personne que je suis devenue. J’ai eu la chance de faire des rencontres mystiques qui m’ont profondément marqué, inspiré, transformé…

Que ce soit une femme Navajo en Arizona, un vieux Chinois dans Chinatown à San Francisco ou le Dalaï Lama au pied de l’Himalaya, toutes ces rencontres ont été des étapes de transformations profondes, des passages d’un état à l’autre et elles ont eu des répercutions immenses sur ma vie, sur mon quotidien et bien sûr, sur ma spiritualité. 

Tout mon travail est basé sur une quête de découverte, de transmission et de partage. Connaître l’autre pour se connaître soi-même… C’est un désir d’ouverture vers l’extérieur et vers l’intérieur, un désir d’universalité.

Tout cela se synthétise aujourd’hui dans cette œuvre tentaculaire qu’est la Rose de Jéricho.


Il y a beaucoup de double-sens dans tes dessins, et une véritable intrication des opposés, comme la vie et la mort, la fin et le début, le désir et la haine… Mais on sent qu’il s’agit d’une boucle, d’un cycle, assez bien représenté par le fameux Ouroboros, serpent qui se mord la queue symbolisant un paradoxe : à la fois autodestruction et résurrection, autofécondation, mais aussi lien entre monde terrestre (serpent) et monde céleste (cercle), sorte d’union entre deux opposés, comme le Yin et le Yang. Il y a un côté karmique aussi, qui rappelle l’éternel retour de Nietzsche peut-être, ou encore la roue des existences du samsara… Sans compter ces deux histoires qu’on suit en parallèle, dans le monde contemporain à l’usine d’armement et dans un passé archaïque. Est-ce que cet aspect de la Rose de Jéricho reflète ta façon de considérer la vie, quelque chose que tu aurais appris au sujet de l’existence ?

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Tout est cercle, tout est cyclique, tout n’est que répétition. Nous vivons, nous mourrons, puis nous devenons autre chose, une renaissance, qu’elle soit physique ou spirituelle - un animal, un humain, de l’engrais qui aidera une floraison, de la poussière qui s’accrochera sur la roche, un esprit dans une rivière… C’est une question de philosophie, de croyance, d’expérience et de chemin…

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J’injecte dans le projet de la Rose toutes mes réponses mais surtout, toutes mes questions.

Je n’ai absolument aucune certitude. Je n’ai fait que l’expérience de certaines choses et j’en ai tiré mes conclusions. Pour moi, oui, tout est cyclique et la mort par exemple, qui fait intrinsèquement partie de la vie, n’est qu’un passage, une étape de plus. La mort est la seule issue possible de la vie…

Tout est impermanence et l'attachement aux choses impermanentes s'avère être la cause de la souffrance. Nombre de personnes que nous côtoyons sont dans une bonne situation générale. Néanmoins, elles ne sont pas heureuses, elles dépriment, elles sont perdues. Elles cherchent une alternative, veulent plus de choses et se détruisent pour les obtenir. Elles nous disent que ce n’est pas la vie qu’elles ont souhaitée. Qu’elles ne trouvent plus leur place et qu’elles s’enfoncent peu à peu…

Beaucoup de belles réussites sociales et matérielles se sont retrouvées anéanties, car ces personnes souffraient profondément du décalage entre l’image qu’elles offraient et leur nature profonde. Nombre de gens se sont également perdus dans toutes sortes de croyances, de dérives sectaires et autres cultes imaginaires. Cherchant des réponses à leurs errances, elles ont trouvé réconfort dans des chimères… Dans toutes sortes de paradis artificiels…

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Si vous voulez réellement vous libérer de cette spirale négative et de vos névroses, redevenir ce que vous êtes vraiment et ressentir la force de la vibration universelle, alors n’essayez pas de vous construire une nouvelle identité plus agréable ou d’emprunter des chemins de traverse qui ressembleront plus à des fuites en avant, mais réfléchissez plutôt aux causes qui vous emprisonnent…

Les barrières mentales sont la cause première de votre souffrance, elles vous empêchent d’être aligné, d’être en phase avec vous-même.

Nous nous habituons au mensonge. Pas au mensonge qui consiste à tromper les autres, mais celui qui nous pousse à nous mentir à nous-même. Puis on avance, étape par étape, mensonge après mensonge, pour finir par se consumer à force de n’être qu’un autre et de ne pas être simplement soi. 

L’individualisme est un mensonge. Le culte de la personnalité est un leurre. À quoi bon être le meilleur si on n’est pas soi ?


Le sacrifice est un autre thème central chez toi, qui me touche particulièrement. Depuis longtemps, je suis parvenue au constat qu’il faut sacrifier une partie de soi pour pouvoir renaître, aller au-delà de soi, des ses schémas comportementaux, psychologiques… Dépasser ses croyances limitantes et quitter sa putain de zone de confort. Je pense que d’oser abandonner une partie de soi est la décision la plus rude et la plus significative d’une vie. Est-ce que c’est un truc que t’as toi-même expérimenté ? Dire adieu, volontairement, tuer un ancien toi pour te transcender ? En tant qu’artiste, à quelle sorte de sacrifice doit-on être préparé ?

Le sacrifice est primordial, pour toutes les remarques que tu viens d’énoncer dans ta question. La vie est faite d’abandons constants, de déchirures perpétuelles. Les croyances nous enferment, les dogmes nous lobotomisent, les règles nous limitent…

Le Baiser, par Bruno Leyval

Et puis il y a le mental et toutes ses barrières, un ensemble de critères qui agissent comme des obstacles puissants entre ce que nous sommes réellement au fond de nous, et l’image mentale que nous pensons être la réalité. Depuis la naissance, des critères comme l’éducation, la famille, l’environnement ou encore la société, construisent des barrières mentales qui s’enracinent profondément en nous et nous coupent de la substance essentielle de la vie. Ces barrières nous voilent l’esprit et nous entraînent sur le mauvais chemin, nous éloignent de notre voie intérieure et finissent par nous ronger, comme le ver ronge le fruit.

Voila pourquoi le sacrifice est essentiel dans notre progression… Sacrifier une part de nous qui freine les autres… Nous sacrifier nous, pour devenir l’autre… Le Soi.

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Pour un artiste, le sacrifice peut prendre de multiples formes : financières, qualité de vie, vie de famille… Mais si nous nous concentrons sur le côté purement artistique, alors le sacrifice peut se nicher dans la répétition. L’art peut nous emprisonner. Il faut savoir s’éparpiller pour mieux se recentrer.

La construction d’une œuvre est comparable à une plante protéiforme à plusieurs ramifications. Quelques œuvres hésitantes comme des accident puis, mentalement se forme un vague cheminement. Heureux celui qui se contente d’une formule plaisante, éternellement répétée, qui le met à l’abri de toute tempête cérébrale. Il déroule simplement à l’infini un concept qui un temps, a fait de lui un artiste dans le vent. Les tableaux s’enchaînent et se ressemblent comme les sourires qui se figent sur les visages de ses fidèles clients. Pourquoi se torturer, donnons-leur simplement à manger !?!

La création d’un langage personnel, identifiable à souhait, devient la pierre angulaire d’un désir d’histoire. Rare est celui qui bifurque en plein vol. Rare est celui qui assassine son médium. Rare est celui qui ose la métamorphose. Il faut tenter l’entrée du labyrinthe et se perdre mille fois pour trouver son chemin.

J’aime l’idée d’effacer les automatismes du confort et de rayer les certitudes moelleuses pour engranger une renaissance avec comme tout bagage, le maigre patrimoine qu’est l’essence.

L’essence, cette lueur enfouie au fond de l’être qui vous pousse chaque matin vers des contrées lointaines, de nouveaux paysages mystiques peuplés de chimères argentées. La fulgurance d’un trait jeté sur le papier qui, comme une première goutte de sang, vous entraîne vers l’inconnu – parfois le chaos, mais qui est tellement plus enrichissant que la douleur confortable de la stabilité du quotidien. À fleur de peau, dans une transe à demi maîtrisée, s’ouvre alors devant les globes mous bien écarquillés, un univers intérieur ou tourbillonnent les trois règnes dans une danse synchronisée.

Bon, je ne sais pas si j’ai été très clair mais, comme dit Jodorowsky :  Désolé, je me suis enthousiasmé ! (rires)


Dans ton histoire, la cérémonie qui se déroule dans la montagne sacrée est reliée au couple qui veut avoir un enfant. C’est quelque chose que je connais, cet espace-temps symbolique, où une action qu’on mène dans l’esprit produit des conséquences dans le monde physique. Est-ce que tes expériences chamaniques t’ont fait pénétrer dans un niveau de conscience qu’on peut qualifier de quantique, et que c’est ça que tu essaies de rapporter ici ?

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J’essaye en effet de lier des personnages entre eux et cela malgré le fait qu’ils évoluent dans une dimension variable. Leurs chemins sont liés et les actions des uns entraînent des manifestations chez les autres. Dans la Montagne Sacrée, maître et disciple effectuent un rituel qui se répercute sur le couple citadin qui essaye vainement de procréer. Le sacrifice des uns devient le miracle des autres… La Rose de Jéricho est le lien, le moyen de connexion entre les protagonistes.  

C’est une image puissante qui nous ramène à un paramètre très terre à terre dans la mesure où au quotidien, nos actions, notre façon de consommer par exemple, à de fortes répercussions à l’autre bout du monde.

Quand tu es heureux de trouver un vêtement pas cher dans la boutique au coin de ta rue, tu n’imagines pas la misère qui se cache derrière sa fabrication… Le sacrifice des uns devient le miracle des autres…

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Pour en revenir à ta question, quand tu te retrouves au bon endroit, avec les bonnes personnes et en plein milieu d’un flux puissant d’énergies, forcément il se passe des choses. Que ce soit en terres Navajo, en Inde avec le peuple tibétain en exil ou dans une forêt de l’est de la France avec un guérisseur, tu peux être amené à pénétrer dans un “autre monde”, un espace que certains qualifieraient de parallèle.

On peut également parler de modification de la conscience, de transes ou d’expériences mystiques… Peu importe. J’ai en effet vécu ce genre d’expériences mais je ne souhaite pas forcément m’étaler sur ces instants forts et très personnels. En revanche, je peux te donner ma vision “chamanique” ou plutôt mystique qui découle de ces expériences. J’ai écrit un texte sur le sujet il y a quelque temps, en voici un extrait :  

J'aime l'idée d'un mysticisme qui échappe aux carcans dogmatiques, un mysticisme sans religion. J'aime cette façon de désigner des expériences spirituelles, des états de transcendance, de modification de la perception et de pleine conscience qui échappe à toute croyance. Un éveil à une réalité plus haute et infinie dont le concept qui fait abstraction de la théologie, de l'idée de Dieu ou du divin, peut être décrit comme un “mysticisme athéiste” et dont la vision première est tournée vers les forces universelles, ces énergies vibratoires qui amplifient notre connectivité avec les autres formes de vie, avec l’environnement et les “esprits” de la nature.

Cela fait prétentieux de se citer soi-même mais franchement, ta question me renvoie à ce texte et je ne vois pas comment te décrire les choses autrement.

Je profite de cette tribune pour dénoncer toute cette mode liée au chamanisme. Aujourd’hui si tu tapes “chamanisme” dans ta barre de recherche, tu tombes sur une multitude de charlatans, pseudo-chamans à la mords-moi-le-nœud, qui te proposent pour la moitié d’un bras de devenir chaman en cinq leçons en téléchargeant un PDf foireux. Franchement, c’est de la pitrerie ! On s’improvise pas chaman, on n'est (naît) ou on n’est pas !!!


Certains personnages de ton œuvre n’ont pas de visages fixes, pas d’apparence stable. Leurs traits mutent et pourtant ils conservent leur essence. Honnêtement, je crois que c’est un truc que peu d’artistes seraient en mesure d’accepter, tant ils sont attachés à la représentation visuelle de leurs persos. Est-ce que tu peux m’expliquer ce choix, cette position artistique, en somme ? C’est une manière pour toi de te rapprocher de la nature humaine, du fond commun qui anime l’humanité ?

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Je n’ai aucun problème avec l’individu en tant que tel. Nous sommes tous uniques et précieux et c’est une très grande richesse. C’est même tout à fait essentiel.

Dans toute l’histoire de l’humanité il n’y aura qu’une Zoë, un seul être qui soit toi, comme toi, et c’est toi, ici et maintenant. C’est merveilleux, non !?!

Mais au-delà de cela, l’individualisme est également une source de problèmes, que cela soit entre les gens, les communautés, les ethnies ou à l’échelle d’une espèce entière. Donc, ne pas donner une apparence claire c’est pour moi un moyen d’universaliser chaque personnage, de dépasser le genre, la couleur de peau, l’origine, l’enveloppe corporelle et l’individualisme qu’elle reflète pour valoriser l’unicité qui nous anime tous, qui vibre en nous.

Considérer l’ensemble de l’humanité comme une entité indivisible, liée par la même essence universelle me semble essentiel.

J’aime à penser que si nous avions tous cette vision de l’humanité, nous la respecterions plus profondément et l’autre, l’étranger, deviendrait automatiquement l’ami, le frère…

Après, il y a quand même beaucoup de personnages qui gardent relativement la même apparence, les mêmes codes vestimentaires et/ou apparats, pour une question de lisibilité. En ce qui concerne la Muse de la Résurrection – qui est censée représenter sous forme humaine la Rose de Jéricho, c’est en effet très particulier : elle est l’incarnation de la féminité, de la résistance physique aux éléments et à la douleur, et elle est l’entité mystique de l’histoire. Elle se doit d’être multiple car elle est à la fois microcosme et macrocosme. Puisqu’elle est immortelle, qu’elle détient ce pouvoir de renaissance / régénérescence, c’est à travers elle que je questionne les concepts liés à la vie et à la mort, la vieillesse et la beauté, la normalité, la différence… Elle est la mère, la femme, l’amante, la lune, la terre, le lien à la nature et au sacré... C’est en la représentant multiple que j’essaye de détecter son essence universelle. Sur le plan artistique, en tant que Muse – concept forcement lié à l’art et à l’artiste - c’est à travers elle que soufflent tous les désirs de magnifier la nature et de mettre en valeur le corps et les plaisirs charnels.


Le personnage du pèlerin me parle beaucoup, peut-être parce que je considère Travis, le protagoniste de Borderline, comme une sorte de joueur de flûte de Hamelin. Un martyr venu apporter la bonne parole, mais que personne n’a envie d’écouter. Est-ce que pour toi, l’artiste est celui qui ouvre le passage ?

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L’artiste ouvre des portes. Les portes de William Blake, de Jim Morrison… Les portes de la perception d’Aldous Huxley.

L’artiste est un chercheur, un découvreur, un explorateur. Il consacre sa vie à la détruire au nom de l’art.

L’artiste est un hypersensible, une éponge prête à tout absorber et par conséquent, il devient le martyr de ses émotions. Il vit tout et de manière amplifiée et puis il amplifie tout car sa perception l’est. Comme je te l’ai dit, l’art est une malédiction.


T'hésites pas à aller loin dans tes dessins, au risque de choquer (ces œuvres-là ne sont pas encore dispo sur ton site). Je peux me tromper, mais par moment tu sembles te diriger vers un art transgressif, où des thèmes et des images qui, à l’évidence, ne seront ni compris ni acceptés s’entrecroisent… S’agit-il de subversion, ou bien t’as juste pas envie de restreindre ton message à quelque chose de socialement safe ? La bravade des interdits, l’audace artistique, qu’est-ce que ça veut dire, pour toi ?

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J’essaye de créer des œuvres qui servent réellement le projet, sans me soucier du regard des autres. Si cela implique des images explicites - voire hard -, si elles me paraissent nécessaires, alors je n’hésite pas une seule seconde.

Nous sommes plongés dans une époque aseptisée, moralisatrice et modératrice - la cancel culture fait bien son taf - et il est difficile de montrer certaines œuvres sur certains supports, difficile de les montrer à l’unité, sans contexte. Imagine que je poste sur Twitter une œuvre très explicite sexuellement, elle va apparaitre individuellement dans le flux des tweets entre un chat qui se casse la tronche d’un plan de travail et une info conspirationniste sur le covid… 

Non, ce n’est pas possible, il y aura forcément un problème de lecture, un problème de profondeur.

Je réserve donc ces œuvres à mon site le temps venu et à une publication papier traditionnelle qui sera plus apte à les mettre en valeur esthétiquement et intellectuellement. D'ailleurs pour info, je travaille à l’élaboration d’un gros bouquin qui rassemblera les dix premières années du projet.

Après, l’art est fait de transgressions, c’est son carburant. Il se doit de casser les codes, remettre en question la société et ses valeurs, qu’elles soient saines ou putrides.

Je ne conçois pas la création sans liberté. Se mettre des freins, se brider au nom de la morale, de la bien-pensance, ce n’est juste pas possible. Je vomis cette époque puritaine et délétère. C’est tellement fake. Le peuple en meute qui déverse sa haine sur quelqu’un en le jugeant déviant pour une parole, une œuvre… Et qui le soir, dans l’intimité feutrée de leurs appartements, ne sont pas forcement des saints… Laissez-moi rire !

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La nature tient un rôle majeur dans ton œuvre, qui met en évidence le lien existant entre elle et l’Homme. A vrai dire, tous tes dessins sont empreints d’animisme, comme cette femme chrysalide. Et même chez ce couple coupé d’elle, on la sent encore, par son absence, et dans le côté anthropophage de Vlasta... Il semble s’agir d’une force qu’on sent autour de soi, mais aussi en soi. Quel est le rôle de la Nature dans ton œuvre ? Un dieu, une essence, une finalité ?

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Cette femme chrysalide est tout un symbole.

Chez les insectes, la chrysalide est un symbole puissant de transition. Elle est le stade de développement intermédiaire d'un individu, l’état entre la larve et le stade imaginal. C’est une réelle métamorphose qui se déroule en plusieurs phases jusqu’à la transformation et l’envol.

Nous pouvons nous inspirer de ce processus pour notre propre transformation. Nous sommes pareils à une chrysalide - physiquement bien sûr, mais également intérieurement. Le processus physique de la vie est ainsi. Nous naissons, grandissons, évoluons puis mourrons. En procédant par étapes successives, irrémédiablement, nous avançons ainsi d’un état à l’autre jusqu’à la mort.

Tout comme la chrysalide, nous avons la possibilité de transformer notre corps, nous avons le pouvoir d’effectuer cette métamorphose à l’intérieur.

La recherche d’intériorité et la connaissance de soi peuvent suivre ce même chemin, jusqu’à la transcendance et la sagesse, jusqu’à l’éveil. 

Cette œuvre est certainement, inconsciemment, une tentative de nous remettre à notre place, en tant qu’espèce. Quand nous regardons un singe ou une limace, nous ne voyons qu’un singe et une limace. Peut-être que pour eux également, en nous regardant, ils ne voient qu’un humain parmi d’autres humains. En fin de compte, nous ne sommes qu’une infime parcelle de la création, une espèce parmi tant d’autres mais, avec une différence majeure, nous l’avons oublié et agissons comme si nous étions seuls et que tout nous appartenait.

Là est notre plus grosse erreur, celle de s’être coupés de notre environnement et de la dimension mystique de la nature.

Il nous faut réapprendre à écouter le chant du vent et à vivre en harmonie avec les autres espèces qui peuplent notre jardin d’éden. Cela peut paraître puéril de dire cela, voire utopiste, mais c’est une évidence, une loi naturelle !

La nature vibre en nous et nous ne sommes que ses enfants. Je vois la nature comme une mère, une divinité primordiale qui enfante de nombreuses créatures. C’est l’essence par excellence.


On a parlé ensemble du labyrinthe qui te ramène toujours au même endroit, de l’alchimiste qui va à l’autre bout du monde pour découvrir qu’il avait son trésor avec lui depuis toujours, mais qui a eu besoin d’accomplir tout un voyage initiatique pour être prêt à le voir, à le comprendre, et à l’accepter. Quand je contemple tes dessins naît en moi le sentiment qu’une vie entière est nécessaire, et peut-être plusieurs, avant d’être un jour en mesure d’appréhender le mystère et la beauté de la connaissance, et aussi, de l’existence, de cette démence spectaculaire et sublime qu’est la conscience. J’ai une dernière question pour toi, très personnelle, parce que je cherche encore mes réponses. Comment faire renaître au quotidien ce que les plus belles cérémonies chamaniques nous ont enseigné ? Comment retrouver en soi le lien perdu qui nous unit aux autres, et au monde ?

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J’ai rencontré plusieurs personnes dans ma vie que je pourrais qualifier de guides. Des érudits qui connaissaient beaucoup de choses sur des sujets comme la spiritualité ou le chamanisme. Ces personnes m’ont beaucoup inspiré. Mais laisse-moi te raconter une histoire qui m’est arrivée. 

Lors de mon séjour en Inde, j’ai rencontré un jeune cireur de chaussures qui voulait s’occuper de mes vieilles baskets. Je lui ai fait part de mon intention de m’en séparer prochainement et que je ne voyais pas l’utilité de les cirer. Il m’a demandé de le prévenir quand je les jetterais. Étonné, mon regard s’est alors porté sur ses pieds nus. Ce fut pour moi une première leçon. Nous avons entamé la discussion. Il me demanda d’où je venais et si j’avais une voiture, une maison, une famille, des enfants… Je lui ai dit que j’avais un jeune fils. 

- Va-t-il à l’école ? me demanda-t-il. 

- Bien sûr ! lui répondis-je, c’était tellement évident pour moi.

- Je ne suis jamais allé à l’école, m’avoua-t-il en me regardant dans les yeux, sans aucun signe de tristesse.

Il me regarda longuement et finit par me dire :

- Vous, dans vos pays, vous avez tout à l’extérieur. Nous, ici, on a tout à l’intérieur. Votre intérieur est tellement vide.

Dans la vie, sur notre chemin, on croise des personnes qui nous accompagnent d’un point à un autre. C’est une bonne chose. Mais ce jour-là, ce jeune garçon sans chaussures venait de m’accompagner vers ma transformation. Après des décennies de travail intérieur, il était mon guide ultime, celui qui a ouvert la dernière porte. Nous pouvons emprunter divers chemins dans l’existence. Certains seront plus ou moins agréables, d’autres rudes et parsemés d’obstacles. Tout ces chemin mènent quelque part bien sûr, mais seul celui qui conduit à la rencontre de soi nous mène à la lumière.

Chercher c’est se perdre… Alors ne cherche plus, car tu es déjà sur le chemin…

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Bruno Leyval et moi avons collaboré le temps d’une séance de pose. Ce qui en est ressorti, c’est le personnage de la Gardienne de la Plante, qui prend place au sein de son œuvre.

L’article consacré à cette sauvage expérience se trouve ici.


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